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Place des vicimes devant la justice pénale internationale

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par MABIALA J. Alain
Université d'Evry Val d'Essonne - 3ème cycle en droits de l'homme et droit humanitaire 2007
  

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J. Alain MABIALA

Mémoire de fin d'études

Université d'Evry Val d'Essonne-Paris

Master 2 droits de l'homme et droit humanitaire

2007-2008

Place des victimes devant la justice pénale internationale

« Ayant à l'esprit qu'au cours de ce siècle, des millions d'enfants, de femmes et d'hommes ont été victimes d'atrocités qui défient l'imagination et heurtent profondément la conscience humaine. Reconnaissant que des crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien être du monde. Déterminés à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes. (...) Déterminés, à ces fins et dans l'intérêt des générations présentes et futures, à créer une Cour pénale internationale permanente et indépendante (...). »1(*)

« Les victimes doivent être traitées avec compassion et dans le respect de leur dignité. Elles ont droit à l'accès aux instances judiciaires et à une réparation rapide du préjudice qu'elles ont subi, comme prévu par la législation nationale. »2(*)

« Il ne peut pas y avoir de paix sans justice, pas de justice sans lois et pas de lois véritables sans une Cour qui décide ce qui est juste et ce qui est illégal en toute circonstance.»3(*)

« Devant la Cour pénale internationale les victimes ne sont plus, effectivement, ignorées mais sont encore loin d'être sauvées. L'homme entendu comme victime restera, sans nul doute, un éternel « Spartacus »4(*) à la conquête de sa liberté »5(*).

Sous la direction de : Céline RENAUT

Chargée d'enseignement à 'Université d'Evry-Val d'Essonne

Chargée de cours à l'Institut d'études politiques de Paris

 

D'emblée, l'idée d'écrire sur la place des victimes devant la justice pénale internationale est en corrélation parfaite avec mes convictions à la fois scientifiques et personnelles.

Scientifiques parce que, traditionnellement, le droit international est un droit qui règle la relation entre les États. Il en est ainsi également pour le droit des conflits armés. Aussi, les tribunaux ad hoc - considérés par la doctrine dominante comme des « laboratoires » de la Cour pénale internationale - n'ont attribué à la victime qu'une place mineure devant la justice pénale internationale. De ce fait, la victime entendue au sens de l'individu occupe une place désormais substantielle dans le dispositif de la justice pénale internationale.

Personnelles parce que, j'ai cru que, (pendant tout mon parcours académique que le 20ème siècle après avoir prouvé ses limites avec les deux guerres mondiales), le 21ème siècle devrait laisser la place à une justice pénale non sélective, impartiale, effective et équitable.

Cependant, le dit siècle continue, dans cette même lancée, de cautionner la folie humaine en privilégiant les intérêts égoïstes, n'hésitant pas à détruire des populations, hommes, enfants et femmes, pour la quête des matières premières; en laissant des familles entières dans le deuil, la mélancolie et dans l'impossibilité de revendiquer leurs droits devant la justice pénale internationale.

Alors que le monde actuel a besoin de vivre dans une société « universelle » exempt de toute impunité. Car la victime des crimes internationaux subit un traumatisme réel et ne peut trouver gain de cause que si les Etats appliquent et respectent ce qu'ils ont librement signé et ratifié: le statut de Rome créant la Cour pénale internationale (CPI) adopté le 17 juillet 1998 et entré en vigueur le 1er juillet 2002.

En étudiant les droits humains et droit humanitaire, plus précisément le droit pénal international à l'université d'Evry Val d'Essonne-Paris, je sais, d'ores et déjà, que mon oeuvre est appelée à vieillir puisque d'autres scientifiques viendront apporter des contributions substantielles. Surtout si je considère, comme le De cujus MAKOUNDZI-WOLO disait constamment, les droits humains comme une « gageure, un pari qu'on n'est jamais sûr de gagner mais sûr de perdre. »6(*).

En effet, ces dernières années, il y a eu en Afrique et dans le monde d'autres drames que le Rwanda, l'ex-Yougoslavie ou la Sierra-Leone en laissant un nombre incalculable des victimes. Comme ils sont restés dans l'ombre, aucun tribunal pénal international n'a poursuivi les responsables7(*).

C'est pourquoi, malgré les innovations évidentes de la Cour pénale internationale (CPI) que j'aurais l'occasion de détailler tout au long de mon travail, nous sommes encore loin d'un « État effectif de droit pénal international ». Certains Etats tels les Etats-Unis8(*), la France...violent délibérément, pour des intérêts politiquement égoïstes, le statut de Rome créant la Cour pénale internationale9(*).

Ce n'est pas la puissance qui doit donner le droit de décider de ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. De plus, les crimes des vainqueurs des différentes guerres, surtout s'ils sont encore au pouvoir, semblent échapper à ces juridictions10(*).

Mais tous souhaitent-ils vraiment la justice ? Et quelle justice ?

La nécessité d'une justice pénale sans frontière est d'autant plus évidente et nécessaire que le crime est une réalité touchée par la « mondialisation ». Le trafic de la drogue, des armes, des matières premières, des minerais précieux a pris des dimensions incroyables. Des sociétés multinationales et même des gouvernements ont des comportements «mafieux»; certains conflits particulièrement meurtriers ont une odeur de pétrole ou un goût de diamant11(*).

Des questions délicates devront être résolues pour que la justice pénale internationale soit efficace et équilibrée, qu'elle ne soit pas une justice des pays riches imposée aux pays pauvres. Il faudra notamment trancher la question de l'immunité des dirigeants pendant et après leur mandat. L'expérience montre que pour éviter la paralysie du pouvoir, il faut des règles précises pour lever l'immunité des dirigeants.

L'expérience semble démontrer aussi que l'amnistie facilite le renouvellement des dirigeants. Pourtant, certains crimes crient vengeance et ne peuvent rester impunis. Cette tâche devrait être l'oeuvre des juristes et de la société civile, en particulier des organisations qui luttent pour le respect des droits humains.

L'histoire de l'humanité n'est-elle pas, notamment, un long effort pour remplacer la violence par l'instauration d'un État de droit ? 

Je pense qu'il n'y aura pas de sécurité et de paix pour les victimes des crimes les plus abominables et de la folie humaine en particulier pour les pauvres, aussi longtemps que certains pourront impunément étouffer, exploiter et terroriser des populations, provoquer des massacres, entretenir la violence.

Ainsi, une justice pénale internationale unique, non sélective, impartiale, sereine, objective et universelle constitue et resterait la panacée aux différents crimes contre l'humanité, aux violations massives de droits humains perpétrées par certains Etats.

Ce faisant, la justice pénale internationale ne pourra atteindre son objectif que si les victimes sont parties prenantes à cette volonté de restaurer un ordre brisé par des crimes d'une extrême gravité. Car depuis toujours, « ces victimes ne paraissent être que des ombres - sans visages, sans voix, sans lumière - condamnées à gémir en silence ou à combler leur frustration par l'exercice d'une vengeance sauvage qui peut doucement faire glisser l'humanité dans l'enchaînement cruel des haines éternelles »12(*).

      Que ce mémoire m'offre l'occasion de remercier tous ceux, famille et amis, qui ont pu m'aider, par leur soutien, leur disponibilité et par l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail, à oublier un instant que dans l'étude des droits humains, l'oeuvre a déjà vieilli alors qu'elle vient d'être écrite. Je fais allusion à ma femme, mes enfants Yaslain & Jalaine, mes neveux & nièces. Mais aussi, à Brigitte MAKOUNDZI-WOLO, à Gisèle NGONDO, à Hélène ELENGA et à Joséphine MOULOMBO sans elles je ne pouvais bénéficier ni de l'amour maternel ni de l'assistance pécuniaire d'autant que mes parents ont été portés disparus pendant les différentes guerres civiles qui ont dévasté mon pays à partir du 05 juin 1997. Aussi, je tiens tout profondément à souligner la patience et l'attention dont a fait preuve la directrice de ce mémoire Madame Céline RENAUT. Qu'elle en soit remerciée, tout comme Monsieur Yann KERBRAT, responsable de la formation et Monsieur Jean K. PAULHAN, responsable d'EDUDROIT en acceptant mon inscription en master2 droits de l'homme et droit humanitaire à l'université d'Evry Val d'Essonne-Paris. Je ne pourrai terminer mon allocution sans pour autant citer l'association Ensemble contre la peine de mort (ECPM) qui a permis à ce que mon année académique soit validée en m'accordant, au sein du secrétariat exécutif de la Coalition mondiale contre la peine de mort, un stage de six mois.

Merci à toutes et à tous.

Avant-propos ......................................................................................................................2-4

Remerciements.......................................................................................................................4

Table des matières..................................................................................................................5

Introduction........................................................................................................................6-10

Ière partie

De la consécration progressive de la place de la victime devant la juridiction pénale internationale..........................................................................................................................11

Chapitre I

Du projet Moynier à la Haye en passant par les Tribunaux ad hoc................................................11-13

Chapitre II

Du régime spécifique accordé à la victime par le statut de Rome..................................................13-14

IIème partie

De la participation de la victime dans la procédure

Chapitre I

Avant le procès...................................................................................................................14-17

Section 1

De l'incitation de la victime d'ouvrir une enquête par le Procureur......................................................15

Section 2

De l'impossibilité de saisir directement la Cour par la victime......................................................15-16

Section 3

De l'obligation d'informer la victime.......................................................................................16-17

Chapitre II

Pendant le procès....................................................................................................... .......17-19

Section 1

De l'intervention de la victime dans la procédure au fond...........................................................17-18

Section 2

De la victime et les droits de la défense.................................................................................18-19

Chapitre III

Après le procès.................................................................................................................19-23

Section 1

De l'indemnisation du préjudice encouru.................................................................................19-22

Section 2

De la protection et la sécurité de la victime............................................................................. 22-23

IIIème partie

De la nécessité d'intégration « effective » du statut de Rome dans la législation interne des Etats parties..............................................................................................................................24-27

Chapitre I

De l'obligation de coopération des Etats avec la CPI......................................................................24

Chapitre II

De l'impunité des auteurs des crimes les plus graves et l'inapplicabilité de certaines dispositions du Statut de Rome relatives à la victime..................................................................................................25-27

Conclusion..........................................................................................................................28

Bibliographie.......................................................................................................................29

Annexe..........................................................................................................................30-41

· introduction

La création de la Cour pénale internationale (CPI13(*)) représente, selon Kofi Annan, secrétaire général sortant de l'ONU, « un gage d'espoir pour les générations à venir et un pas de géant sur la voie du respect universel des droits de l'homme et de l'Etat de droit ».

Rappelons, d'entrée de jeu, que les Tribunaux ad hoc bien que considérés comme des « laboratoires » de la CPI n'ont apporté que des avancées mineures dans le domaine de prise en charge effective de la victime des crimes internationaux. Notre étude portera, donc, sur les tenants et aboutissants de la place de la victime non pas devant les dits tribunaux mais plutôt devant la Cour pénale internationale. Simplement pour éviter une étude comparative fastidieuse entre les différentes juridictions pénales internationales.

Ce faisant et qualifiée pendant des décennies "d'utopique", ce « gage d'espoir pour des générations » futures - pour reprendre les termes de Kofi Annan - avait été initié en 1874 par Gustave Moynier, l'un des fondateurs de la Croix-Rouge pour punir les crimes les plus attentatoires à l'essence humaine. Presque deux siècles ont fallu pour que ce gage d'espoir puisse effectivement se matérialiser en un Statut à Rome. Ce Statut de Rome créant la CPI est entré en vigueur le 1er juillet 200214(*), déclenchant la mise en place d'une justice pénale aux ambitions universelles, chargée de réprimer les crimes les plus abominables: les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide15(*).

Confrontée à de multiples difficultés, la Cour - afin de sauvegarder sa dignité et sa légitimité - doit affronter l'opposition résolue des Etats-Unis, de la Chine et de quelques autres pays qui s'abstiennent à ratifier le Statut de Rome16(*), prouver qu'elle n'exerce pas seulement sa juridiction à l'égard des Etats les plus faibles de la communauté internationale et faire en sorte que l'opinion internationale, dans ses multiples composantes culturelles, puisse se reconnaître dans cette justice internationale. Cela constitue et constituerait, indéniablement, un exemple pour des générations futures; et ce, au nom de la règle du précédent17(*).

Puisque, avouons-le, le Statut de la CPI accorde une place importante aux victimes, réalisant que la justice pénale internationale ne pourra réussir sa mission que si les victimes sont parties prenantes à cette volonté de restaurer un ordre brisé par des crimes internationaux les plus graves. C'est une révolution notable dans l'univers complexe sinon séduisant du droit pénal international, notamment pour les victimes. C'est de cette révolution sans commune mesure que nous parlerons tout au long de notre travail. Sachant que de Nuremberg aux tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda18(*), la place de la victime devant les juridictions pénales internationales a été « quasiment oubliée »19(*) avant sa consécration « effective » par le Statut de Rome créant la CPI.

Aussi, le droit international ne régissait, traditionnellement, que les relations étatiques. La victime entendue comme personne physique n'avait donc droit ni à la parole, ni à des réparations. Alors que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, en particulier le génocide et la torture, peuvent engendrer un nombre très élevé de victimes. En outre, quand le conflit armé est toujours en cours, et que les auteurs des crimes de guerre continuent à occuper des positions de pouvoir, les risques d'intimidation ou de vengeance sont réels, à l'égard non seulement de ceux qui sont directement concernés, mais aussi des membres éventuels de leur famille.

En effet, la conviction que les droits humains doivent être absolument respectés et défendus partout est un acquis de notre époque. Pratiquement tous les États ont adhéré à la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH).20(*) Il paraît normal que des crimes contre l'humanité soient poursuivis au-delà des frontières. C'est le principe de la compétence universelle. Nous reviendrons sur cette notion dans le corps de notre étude.

Néanmoins, l'évolution de la société « universelle » inhérente à la justice pénale internationale écoeure les « esprits éclairés » - une société où l'impunité des auteurs des crimes21(*) les plus odieux n'est pas l'affaire de tous et où certains Etats, pourtant, parties au statut de Rome continuent à méconnaitre les droits et/ou la place des victimes des violations massives des droits humains et du droit humanitaire -, comme elle peut, évidemment, écoeurer toute personne qui abandonnerait un cynisme parfois irrésistible, une attitude égocentriste pour espérer l'émergence d'une conscience collective vouée aux humains. Si le droit international concerne les Etats, alors l'on peut penser, par analogie, que c'est aux Etats de régler le problème des victimes des crimes de guerre d'autant que le principe de complémentarité22(*) veut que la CPI ne puisse se substituer aux juridictions nationales à moins que l'Etat n'ait guère la volonté ou la possibilité de mener l'enquête ou les poursuites.

Pour mieux apprécier le droit reconnu aux victimes d'accéder à la justice, il est nécessaire de définir la notion de victime en droit international et conformément aux dispositions du Statut de Rome créant la CPI.

La Déclaration de l'Assemblée générale de 1985, aux articles 1 et 2, définit les victimes :

«1. On entend par « victimes », des personnes qui, individuellement ou collectivement ont subi un préjudice, notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d'actes ou d'omissions qui enfreignent les lois pénales [...].

«2. Une personne peut être considérée comme une « victime »

[...] que l'auteur soit ou non identifié, arrêté, poursuivi ou déclaré coupable, et quels que soient ses liens de parenté avec la victime. Le terme «victime » inclut aussi, le cas échéant, la famille proche ou les personnes qui ont subi un préjudice en intervenant pour venir en aide aux victimes en détresse ou pour empêcher la victimisation. »

Cette définition semble être pertinente d'autant qu'elle couvre, à la fois, les victimes directes, les ayants droit, les membres de la famille et même les personnes qui ont subi un préjudice en portant assistance aux victimes. Le comble c'est que cette définition ne fait pas allusion aux personnes morales. C'est pourquoi, le conseil de sécurité de l'ONU a pris la résolution 687/91 sur l'Irak et prévoit ce qui suit :

«L'Iraq [...] est responsable, en vertu du droit international, de toute perte, de tout dommage - y compris les atteintes à l'environnement et la destruction des ressources naturelles - et de tous autres préjudices directs subis par des États étrangers et des personnes physiques et sociétés étrangères du fait de son invasion et de son occupation illicites du Koweït. »23(*).

Cette résolution donne une définition très large du terme « victime ». Ainsi, entrent en ligne de compte, pour l'obtention d'une indemnisation, les pertes commerciales indirectes subies par des sociétés étrangères et les sommes consacrées à l'assistance aux réfugiés.

Cependant, une définition trop large ouvre la voie aux abus. Des sommes considérables auraient été versées à des sociétés israéliennes, y compris des vendeurs de fleurs et des exploitants de cinéma, pour les pertes commerciales subies à cause de la situation de guerre. A première vue, rien ne justifierait d'accepter des critères moins larges pour indemniser le préjudice résultant d'une violation du droit des conflits armées (jus in bello) que pour indemniser celui résultant d'une violation de la Charte des Nations Unies (jus ad bellum).

Cependant, les statuts et règlements de procédure des deux Tribunaux ad hoc utilisent toujours une définition très étroite, limitée à « toute personne physique à l'égard de laquelle aurait été commise une infraction relevant de la compétence du tribunal »24(*).

Une définition plus large a été élaborée par le professeur van Boven dans un rapport soumis aux Nations Unies intitulé Principes fondamentaux et directives concernant le droit à la réparation des victimes de violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales25(*), qui inclut notamment la famille. Un séminaire international sur les droits des victimes, tenu à Paris en avril 1999, a proposé, en vue de l'élaboration du règlement de procédure, une définition proche de celle fournie par van Boven:

«1. (...) toute personne ou groupe de personnes qui, directement ou indirectement, individuellement ou collectivement, a subi un préjudice à raison de crimes relevant de la compétence de la Cour. Le terme « préjudice » comprend toute atteinte physique ou mentale, toute souffrance morale, tout dommage matériel ou atteinte substantielle aux droits fondamentaux. Le cas échéant, des organisations ou des institutions qui ont pâti directement du crime peuvent aussi être des victimes. »26(*)

Un compromis a été trouvé dans le Règlement de procédure et de preuve de la CPI (règle 85) :

« a) Le terme «victime » s'entend de toute personne physique qui a subi un préjudice du fait de la commission d'un crime relevant de la compétence de la Cour ; b) Le terme « victime » peut aussi s'entendre de toute organisation ou institution dont un bien consacré à la religion,

à l'enseignement, aux arts, aux sciences ou à la charité, un monument historique, un hôpital ou quelque autre lieu ou objet utilisé à des fins humanitaires a subi un dommage direct. »27(*)

Contrairement à ce qui est actuellement prévu dans les statuts des Tribunaux ad hoc, les membres de la famille et les ayants droit peuvent être reconnus comme victimes, sans qu'il y ait une extension illimitée vers un préjudice indirect. L'énumération des organisations et des institutions dont le préjudice peut donner lieu à une indemnisation rappelle les dispositions des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève qui concernent la protection de biens culturels et de biens destinés au culte28(*).

Retenons que la victime directe ou indirecte de graves crimes internationaux souffre de séquelles importantes. Elles ne veulent qu'une chose : une « justice soit faite ».

Dès lors, quelle est la place de la victime dans la procédure de saisine du tribunal et dans son intervention au fond? Quelle aide légale prévue et indemnisation du préjudice encouru par elle ? Cependant, certains Etats parties au statut de Rome créant la CPI, tels la France..., refusent ou tout simplement hésitent encore, pour de raisons diverses, d'intégrer « pleinement » certaines dispositions du dit statut dans leur législation interne; en contribuant à méconnaitre les droits des victimes des crimes les plus graves.

De ce fait, l'impunité dont jouissent certains auteurs de ces crimes constitue un frein, « une épée Damoclès » au droit de revendication29(*) de la victime. Nombreux sont les témoignages de victimes des crimes les plus graves que la « communauté internationale » ait connu au cours du XXe siècle qui insistent sur la frustration ressentie face à l'impossibilité de témoigner et l'indifférence de leur propre société. Il est vrai que le génocide, le crime contre l'humanité ou le crime de guerre relèvent d'une singularité criminelle certaine30(*). Les persécutions contre un homme en raison de sa race, sa religion ou « autres » nient l'appartenance même de la victime à l'espèce humaine. Donner la mort à un ennemi, un concurrent, un adversaire peut être criminel (en situation de respect du pacte social à en croire Jean Jacques Rousseau) à condition de tuer un homme, mais lui refuser l'accès à l'humanité en refusant de le penser dans sa spécificité naturelle et culturelle, conduit à détruire l'humanité qui est en l'autre et, in fine, la sienne propre.31(*).

Les victimes de ces violations ont subi - et sont parfois encore sous la menace - d'extrêmes violences orchestrées ou tolérées par leurs propres gouvernants. En pareille situation, le contrat social - la confiance dans les autorités - est alors profondément altéré. Les dirigeants encore au pouvoir ne souhaitant pas revenir sur leurs crimes d'autrefois et les nouveaux gouvernants estimant bien souvent que la réconciliation nationale passe par le silence sur les failles du passé.

Ainsi, les victimes de ces crimes ressentent, malgré elles, un certain exceptionnalisme, le sentiment d'être devenues étrangères auprès de leurs concitoyens ou de tous ceux qui n'ont pas connu de souffrances similaires. Au vu de leurs difficultés, les victimes sont alors en attente de ce que pourrait leur apporter la justice. Elles soulignent souvent que cet apaisement ne viendra pas d'un pardon individuel, mais d'une mission de la justice.

Une telle espérance est-elle fondée ? Pour autant, la victime peut clairement tirer profit du procès de son bourreau, a fortiori si elle intervient directement au cours du procès. En toute hypothèse, en assistant directement aux audiences ou en suivant le jugement par l'intermédiaire des médias, la victime peut retirer du procès du grand criminel - outre la satisfaction et la sécurité de le voir hors d'état de nuire - la précieuse reconnaissance de son vécu. La justice dispose de moyens exorbitants de droit commun qui peuvent aider à l'établissement d'une vérité sur des horreurs. La justice bénéficie également d'une présomption de légitimité qui doit aider à la prise de conscience collective de souffrances individuelles. L'exemple du procès d'Adolf Eichmann sur la société israélienne est ici révélateur. Lorsqu'elle participe pleinement au procès, en tant que partie civile ou témoin, la victime peut aussi bénéficier à travers l'écoute et la considération du juge d'une reconnaissance personnelle de son traumatisme, de la délivrance d'un non-dit.

En conséquence, le procès peut parfaitement avoir des vertus considérables pour la victime pourvu qu'une place importante lui soit reconnue. Afin, justement, de donner une vue assez cohérente de la présente étude, il parait impérieux de faire un retour rétrospectif inhérent à la consécration progressive de la place de la victime devant la juridiction pénale internationale (Ière partie). De cette consécration découle, en outre, l'intervention ou la participation de la victime dans la procédure, de forme comme de fond, devant la justice pénale internationale (IIème partie). En effet, les droits substantiels de la victime ne seront effectifs que si le Statut de Rome créant la CPI est intégré « concrètement et pleinement » dans la législation interne des Etats parties (IIIème partie).

* 1 Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir adoptée par les Nations unies. Principe 4

* 2 Préambule du Statut de la Cour pénale internationale, Rome, 1998 (extraits).

* 3 Disait Benjamin B. Ferencz, ancien procureur à Nuremberg.

* 4 Ce fut un gladiateur thrace qui a conduit une révolte en Italie (73-71). Il a défait les armées romaines dans le sud de l'Italie, mais ses forces ont été écrasées à Lucania (71) où il a été tué et plusieurs de ses troupes ont été crucifiés. Son nom symbolise, donc, la révolte et la revendication.

* 5 J. Alain MABIALA, Juriste droits de l'homme et droit humanitaire, Cf. Conclusion du présent mémoire.

* 6 Nestor MAKOUNDZI-WOLO, manuscrit non publié avant sa mort, 2001. J. Alain MABIALA, «Les droits de l'homme: une gageure?» sous la direction du professeur Nestor MAKOUNDZI-WOLO, doyen de la faculté de droit (Mémoire en master 1, droit international des droits de l'homme), 2001-2002.

* 7 L'exemple de l'affaire du Beach au Congo Brazzaville a conduit au massacre de plus de 350 personnes en avril et mai 1999. Plus d'informations www.amnesty.fr Ou voir Amnesty international, République du Congo, Une ancienne génération de dirigeants responsable de nouveaux carnages, index AI : AFR 22/001/1999, PP 42. Sachant que la Cour pénale internationale n'est compétente qu'à l'égard des crimes commis après 2002, date de son entrée en vigueur. Le procès national n'a, malheureusement, pas pu combler les attentes des victimes et de la communauté juridique.

 

* 8 Les Etats-Unis n'ont jamais ratifié le Statut de Rome. Cf P. HAZAN, guide pratique à l'usage des victimes, « Le travail de sape des Etats-Unis », RSF & réseau Damoclès, 2003, P.29-31

* 9 L'entrée en vigueur du Statut de la Cour pénale internationale (CPI) est le 1er juillet 2002. La CPI ne pourra pas poursuivre les auteurs présumés de crimes commis avant le 1er juillet 2002. De la même façon, la CPI n'exercera sa compétence à l'égard d'un Etat que pour les crimes commis après la date de son adhésion au Statut, à moins que celui-ci ne fasse une déclaration pour reconnaître la compétence de la CPI à l'égard d'un crime commis avant son adhésion (articles 11-2 et 12-3 du Statut).

* 10 Le cas des « dictateurs africains » dont certains ont plus de 30 ans au pouvoir, ne voulant pas quitter celui-ci aux fins de ne pas être poursuivi pour des crimes qu'ils auront eu à perpétrer pendant leur mandat. Et pourtant la jurisprudence démontre, en corrélation avec le statut de Rome créant la Cour pénale internationale, que l'auteur d'un crime « grave » peut être poursuivi quel qu'en soit sa qualité de chef d'Etat.

* 11 Voir la guerre Irak / USA en mars 2003 où plusieurs centaines de milliers de civils irakiens ont été tués en laissant des victimes, des traumatismes difficilement surmontables. De même, la guerre au Congo Brazzaville du 05 juin 1997 et plus précisément l'affaire du Beach avril / mai 1999 dont les bourreaux n'ont jamais été, jusqu'à présent, ni poursuivis ni condamnés par aucune juridiction pénale internationale.

* 12 Julian Fernandez, Revue de Civilisation Contemporaine de l'Université de Bretagne Occidentale, « Variations sur la victime et la justice pénale internationale », Page 3-4 http://www.univ-brest.fr/amnis/

* 13 La Cour pénale internationale est une cour permanente et indépendante qui mène des enquêtes et engage des poursuites à l'encontre de personnes accusées des crimes les plus graves ayant une portée internationale - génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre - pour autant que les autorités nationales compétentes n'aient ni la capacité ni la volonté de le faire véritablement. Le Bureau du Procureur mène en ce moment des enquêtes à propos de quatre situations : République démocratique du Congo, Nord de l'Ouganda, Darfour (Soudan) et République centrafricaine. Tous ces pays restent, à des degrés divers, engagés dans des conflits dont les victimes ont un besoin urgent de protection.

* 14 Cf. Avant propos de la présente étude, P. 1 à 3

* 15 Pour une définition juridique des différents crimes internationaux, voir le Statut de Rome (articles 5 à 8)

* 16 Le Procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, sera en visite officielle à Bogotá du 25 au 27 août de cette année. Comme le prévoit le Statut de Rome, M. Moreno-Ocampo et son équipe poursuivront l'examen des enquêtes et des procédures en cours en Colombie, en s'attachant plus particulièrement aux personnes dont il pourrait être considéré qu'elles portent la responsabilité la plus lourde pour les crimes les plus graves relevant de la compétence de la Cour. Comme l'a déclaré le Procureur à l'occasion de sa visite précédente : 'La Cour pénale internationale marque l'avènement d'un droit nouveau et l'impunité cesse d'être une option. Soit les tribunaux nationaux s'en assureront, soit nous le ferons nous-mêmes. Cet engouement de poursuivre les criminels internationaux devrait être le même quand il s'agit aussi des pays riches et forts.

* 17 Pour une étude de la règle du précédent, voir J. Alain, MABIALA, « Justice pénale internationale et règle du précédent », sous la direction de Céline Rénaut, 2008, Université d'Evry Val d'Essonne, PP 11 publié par Oboulo.com http://www.oboulo.com/query.php?q=regle+du+precedent&start=0&topConsult=0

* 18 Pour une étude plus approfondit, voir P. HAZAN, «La justice face à la guerre, de Nuremberg à La Haye », Stock, 2000.

* 19 C'est ce que disait si bien Julian Fernandez, op. Cité, Page 22

* 20 La DUDH est une déclaration qui n'a pas une valeur contraignante mais qui peut être considérée comme une norme coutumière. Pour une étude plus avancée, voir J. Alain MABIALA, «La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948: un impératif pour tous.» publiée à l'occasion de son anniversaire et rendu accessible aux différentes ONG, OING et Associations de défense des droits humains (Soutien de la Fédération Africaine des Parents d'Elèves et Etudiants-FAPEE- et de l'Association Panafricaine Thomas SANKARA-APTS-) 

* 21 Voir pour la définition des différents crimes, P. HAZAN, guide pratique à l'usage des victimes, RSF & Réseau Damoclès, 2003, P. 34 à 46.

* 22 Conformément à l'article 17 du Statut, la Cour doit déclarer une affaire irrecevable si un Etat, ayant compétence en l'espèce, a ouvert une enquête, entamé des poursuites ou décidé de ne pas poursuivre, ou si la personne visée par la plainte a déjà été jugée pour le même fait ou bien encore, si l'affaire n'est pas suffisamment grave. Toutefois des dérogations sont prévues, s'il s'avère que l'Etat n'a pas la réelle volonté ou possibilité de mener l'enquête ou les poursuites, ou si l'Etat renonce à celles-ci. Le paragraphe 2 de l'article 17 précise plusieurs indices permettant d'évaluer le manque de volonté d'un Etat et le paragraphe 3 précise comment déterminer l'incapacité d'un Etat à poursuivre. Ces dispositions visent à faire en sorte que la CPI ne soit pas l'otage de la mauvaise foi d'un Etat et/ou d'un simulacre de poursuite pénale

* 23 S/Résolution 687 (1991), paragraphe 16

* 24 Règlement de procédure du TPIY, règle 2 (A), et Règlement de procédure du TPIR, règle 2 (A).

* 25 Doc. ONU E/CN.4/1997/104 du 16 janvier 1997. T. van Boven avait été désigné comme expert indépendant par le Conseil économique et social. Ce rapport inclut la troisième version des « Principes », la première datant de 1993 (E/CN.4/Sub 2/1993/8). Les travaux ont été poursuivis par Cherif Bassiouni. Voir son rapport final E/CN.4/2000/62.

* 26 Séminaire international sur l'accès des victimes à la Cour pénale internationale, Rapport des ateliers, Paris, 1999.

* 27 Projet de Règlement de la CPI, règle 85.

* 28 Article 53 -- Protection des biens culturels et des lieux de culte : Sans préjudice des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et d'autres instruments internationaux pertinents, il est interdit : a) de commettre tout acte d'hostilité dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples; b) d'utiliser ces biens à l'appui de l'effort militaire; c) de faire de ces biens l'objet de représailles.

* 29 Désormais, la victime peut « quasiment » se constituer partie civile : elle peut inciter le procureur à ouvrir une enquête. Il lui suffit d'écrire à l'attention du procureur, exposer son cas et y joindre les éléments de preuves en sa possession. Contrairement aux tribunaux de l'ONU pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, les victimes ne sont donc plus réduites à être de simples instruments de l'accusation. L'article 68-3 du Statut reconnaît à la Cour la possibilité de déterminer la contribution que les victimes peuvent apporter à la procédure pénale : « Lorsque les intérêts personnels de la victime sont concernés, la Cour permet que leurs vues et préoccupations soient exposées et examinées, à des stades de la procédure qu'elle estime appropriés ».

* 30 Pour une définition précise de ces trois incriminations fondamentales du droit international pénal, voir les articles 6, 7 et 8 du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale, disponible sur www.icc-cpi.int

* 31 Cf. Antelme, Robert, L'espèce humaine, Paris, Gallimard, 1957, p. 302. Voir également le récit de Bernard Sigg, psychanalyste, Le silence et la honte : névroses de la guerre d'Algérie, Paris, Messidor, 1989, qui a longuement travaillé sur le traumatisme des soldats français envoyés en Algérie.

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