WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Notion et régulation de l'abus de puissance économique

( Télécharger le fichier original )
par Azeddine LAMNINI
Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès - DESA 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Deuxième partie 

REGULATION DE L'ABUS DE PUISSANCE ECONOMIQUE

144. Inadaptation du droit au fait. De la préhistoire à nos jours, l'usage de la violence n'a pas vraiment faibli. Le rôle du droit est de lutter contre cette violence - au sens large du terme - pour établir et assurer la garantie sociale336(*). Mais, malheureusement, de la théorie à la pratique, la distance se révèle, comme bien souvent, considérable. Si l'inspiration générale de toute législation apparaît parfaitement légitime, sa traduction concrète se révèle singulièrement déficiente, soit par manque de texte soit par une multiplication de ces derniers d'une manière opportuniste. Cette perturbation menace la cohérence du système juridique de sorte qu'une incompatibilité apparaît entre ses principes fondateurs et les dispositions de leur mise en oeuvre. A cet effet, les faiseurs de textes ne se préoccupent point de la qualité des textes et le juge n'en fait point une application sage et raisonnée337(*).

145. Inadaptation accentuée par le phénomène du pouvoir économique. Cette situation a été accentuée, notamment, par la réalité du pouvoir économique que nous avons mis en lumière. L'exercice abusif de ce dernier a révélé l'insuffisance des mécanismes traditionnels, même en présence d'une jurisprudence vivante et audacieuse, ce qui est le cas de la jurisprudence française. Cependant, la puissance économique ne doit pas rester en marge du droit comme les zones de non droit. Elle est omniprésente dans toutes les activités de la vie courante. Sa régulation est un impératif social et économique. A cet effet, beaucoup sont les législations qui ont entamé une mise à niveau de leur arsenal juridique dans le but, de la préservation d'une concurrence effective, ainsi que de la protection du contractant économiquement faible338(*).

146. Nécessité d'un interventionnisme libéral. La préservation de la concurrence effective suppose un minimum de contrainte par un interventionnisme libéral339(*). Ce dernier se distingue du dirigisme en ce que le but recherché est un libre fonctionnement du marché : il ne s'agit que de « soumettre les relations contractuelles à une règle du jeu plus rigoureuse » alors que dans une économie dirigiste, « les jeux sont faits »340(*). Ainsi, la préservation du bon fonctionnement de la concurrence repose sur des règles d'ordre public économique. Tel est le contenu de la loi 06-99341(*) en matière de la protection de la concurrence. Néanmoins, il apparaît qu'à l'intérieur du droit de la concurrence, certaines dispositions qui sont plus typiques que d'autres : la concurrence est tantôt protégée en elle-même, tantôt à travers la protection d'une catégorie d'agents économiques, ce qui confère à ces règles un léger « parfum » d'ordre public de protection342(*). Nous estimons que cette distinction est aujourd'hui dépassée et ce, dans la mesure où le bon fonctionnement de la concurrence est un concept général qui prend en charge toutes les atteintes au marché y compris aux concurrents qu'aux consommateurs343(*). En effet, même si le droit de la concurrence et le droit de la consommation restent deux branches distinctes344(*), l'amélioration du service rendu au consommateur est toujours la cause finale de l'ensemble, À cet effet, on regrette l'absence d'une législation protectrice du consommateur dans notre arsenal juridique. Cependant, et dans cette approche globale, l'adoption d'une économie du marché ne passe pas d'abords, sans une mise à niveau institutionnelle et fonctionnelle.

147. Une mise à niveau institutionnelle. Toujours dans le cadre de la lutte contre les abus de puissance économique on assisté ce dernier temps à la mise en place d'un ensemble d'organes chargés de l'harmonisation du fonctionnement du nouveau régime juridique et économique à la lumière des normes acceptées et respectées par les pouvoirs publics et les opérateurs économiques345(*). Ces organes sont dans la majorité des cas, des autorités du marché, représentant une nouvelle forme d'administration indépendante du gouvernement et placée de ce fait en dehors des services d'administration centrale. Indépendance imposée par la nécessité de rompre avec les structures administratives traditionnelles qui n'ont pas su faire la preuve de leur indépendance à l'égard des opérateurs économiques. Ces autorités présentent la garantie de l'impartialité de l'action de l'Etat surtout lorsque dans des marchés nouvellement ouverts à la concurrence, les entreprises entrant sur le marché sont en concurrence avec l'ancien monopole sous la forme d'une entreprise publique en position dominante. Imposé par le principe selon lequel, l'Etat ne peut pas être à la fois juge et partie ce qui conduit à créer un mur entre l'Etat opérateur et l'Etat régulateur.

148. Une adaptation fonctionnelle du rôle de l'Etat. Sur le plan fonctionnel c'est cette expression `Etat régulateur' qui traduit la nouvelle fonction de l'Etat. Etat régulateur, signifie une fonction de régulation346(*). Procédé par lequel l'Etat essai de parvenir à rendre plus acceptable le maintien de ses interventions. Cette fonction de régulation est certainement le facteur clef du succès des autorités du marché. Il repose sans doute sur leur ambivalence et leur capacité de transgresser les frontières des deux limites du pouvoir exécutif. La limite supérieure face au pouvoir législatif, vu la lenteur et la complexité du procédé classique de proposition et d'adoption des lois. Et la limite inférieure par un empiètement du régulateur sur le terrain du juge pour sanctionner ou régler les différents entre opérateur économique. C'est le principe classique de la séparation des pouvoirs qui est mis en cause. Principe du droit public théorisé par Montesquieu dans son ouvrage l'esprit des lois. En effet, l'environnement politique, économique et social de l'époque dans laquelle fut posé le principe, a connu des mutations profondes. Aujourd'hui, la vie sociale est caractérisée par la complexité, et la technicité, le développement de la technologie de l'information, et de l'économie du savoir, la supranationalité... cet environnement exige une célérité dans la mise à jour des normes d'organisation de la vie économique et sociale ainsi que dans le règlement des litiges.

149. « Dire juridique », « faire juridique » et l'abus de puissance économique. Toutes ces adaptations de l'exécutif laissent planer sur le retard accusé dans la fonction judiciaire. Peut-on dire que le pouvoir exécutif a pu adapter son action aux mutations profondes de la société moderne, alors que, le pouvoir judiciaire est resté emprisonné dans des principes archaïques, loin d'être les piliers d'une justice dont, le coup d'épée est plus rapide que celui de l'épée du temps. Cependant, toutes ces adaptations ont pour objectif l'encadrement du marché pour conduire l'économie vers ce qui serait son but ultime, le bien être des individus347(*). Certes, la lutte contre les abus de puissance économique fait intervenir deux organes, disposant chacun d'un pouvoir propre: le juge ayant un rôle central qui doit adapter son « dire juridique » avec les réalités socio-économiques ; et le législateur qui doit mettre à jour son « faire juridique » dans le but d'accompagner les mutations profondes qu'ont connues les sociétés contemporaines. Ainsi, dans le but d'une appréciation globale de la régulation de l'abus de puissance économique, nous entamons un examen de la réaction du dire juridique face aux abus de puissance économique (Chapitre I), avant de mettre en lumière les instrument et les techniques mises en oeuvre par notre droit positif dans à cet instar, ainsi que celle en perspective et ce, à la lumière de l'expérience française en la matière (Chapitre II).

Chapitre I 

* 336 « « Pourquoi alors cette métamorphose de l'homme, préhistorique en homme social, en citoyen, en sujet « de droit » ? Quel intérêt assez puissant pour y déterminer le genre humain tout entier ? Pas d'autre que celui d'établir et de s'assurer la garantie sociale, c'est-à-dire la protection de tous contre les violences... ». Cette garantie sociale, l'histoire de l'humanité révèle qu'elle est assurée par l'ordre social en règles ». J.-Louis Sourioux, Droit, Rép. Civ. Dalloz, juillet 2004, n° 1.

* 337 « Prenant comme à plaisir le contre-pied des recommandations de Portalis qui opposait « la science du législateur (qui) consiste à trouver les principes les plus favorables au bien commun » et celle du « magistrat qui est de mette ces principes en action, de les ramifier, de les étendre par une application sage et raisonnée », nos faiseurs de textes se sont depuis plus de vingt ans employés à multiplier sans aucune vision d'ensemble des dispositions pointillistes et tatillonnes ». F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit, civil, Les obligations, op. cit., n° 256, p. 259

* 338 « Le droit commun n'ignore pas les abus qui peuvent être commis par un contractant à l'égard de l'autre, mais il leur apporte seulement des remèdes individuels et curatifs : c'est une fois le mal réalisé et constaté que le contractant a la possibilité théorique d'agir en nullité ou en responsabilité. Cette voie est généralement inutilisable par les consommateurs, car le coût et la lenteur de l'action en justice sont hors de proportion avec l'intérêt individuel en jeu ». J.Calais-Auloy, « 'influence du droit de la consommation sur le droit civil des contrats », R.T.D. civ. 1994, p. 239.

* 339 C'est un interventionnisme de type libéral ou néolibéral, un objectif de politique économique et non de protection sociale : « le critère est celui du bien-être global de la collectivité des consommateurs, du bien public économique ». F. Jenny, « L'ordonnance n° 86-123 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence : raisonnement économique et équilibre des pouvoirs », Cah. dr. entr. 1987-1, p. 2.

* 340 J. Ghestin, Traité de droit civil, Le contrat, LGDJ, 1980, n° 119.

* 341 « Ainsi, le droit de la concurrence se définit en premier lieu par sa finalité économique et en second lieu par sa fonction qui est de promouvoir un ordre public de direction ». F. Jenny, loc. cit.

* 342 Pour certains auteurs : « L'ambiguïté des prohibitions telles que refus de vente ou discriminations rend difficile mais nécessaire de distinguer le droit de la concurrence proprement dit (ces dispositions y appartiennent sans conteste) des mécanismes de droit commun que les tribunaux utilisent depuis toujours pour sanctionner des atteintes individuelles à la concurrence ; il s'agit par exemple de la théorie de la concurrence déloyale. Cette théorie ne ressortit pas, malgré les apparences, du « droit de la concurrence » car elle concerne des comportements purement individuels ; le souci de direction de l'économie par la protection de la concurrence lui est étranger ». J.-M. Mousseron et V. Selinsky, Le droit français nouveau de la concurrence, Litec, 1987, n° 57 et s. 

* 343 Cf. Lucas de Leyssac et G. Parleani , Droit du marché,op. cit

* 344 F. Dreifuss-Netter, « Droit de la concurrence et droit commun des obligations », R.T.D.civ. 1990, p. 369.

* 345 M. D. A. Machichi, Concurrence, droits et obligations des entreprises au Maroc, op. cit., p. 212.

* 346 « ...un terme américain régulation, que l'on traduirait spontanément en français par "réglementation". La régulation, selon les dictionnaires français, est l'action consistant à régler, à assurer le bon fonctionnement de systèmes, notamment de systèmes biologiques. La notion de régulation est apparue, s'est affirmée en tous cas, aux États-Unis à l'occasion du New Deal (la Nouvelle Donne) des années 1933 et suivantes. À la suite de la crise de 1929 et des dérèglements majeurs qu'a connus alors l'économie américaine, le président Roosevelt a éprouvé le besoin de mettre en place un ensemble d'organismes pour surveiller les marchés, notamment le marché financier ; pour surveiller le bon fonctionnement de la concurrence et éviter ainsi les abus de position dominante, etc. ». E. Cohen, « De la réglementation étatique et administrative à la régulation », Paysans, mi-juin, repris dans Problèmes économiques n° 2680, P : 1.

* 347 Le préambule de la loi 06-99 déclare clairement les objectifs poursuivis par la loi « La présente loi a pour objet de définir les dispositions régissant la liberté des prix et d'organiser la libre concurrence. Elle définit les règles de protection de la concurrence afin de stimuler l'efficience économique et d'améliorer le bien-être des consommateurs. Elle vise également à assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciales. ». Ces objectifs doivent guider les autorités judiciaires et administratives dans l'interprétation et l'application du droit de la concurrence.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry