WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La représentation des actionnaires dans les sociétés commerciales OHADA

( Télécharger le fichier original )
par Patrice Hubert KAGOU KENNA
Université de DSCHANG-CAMEROUN - DEA 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§3 : la représentation collective des actionnaires

Face aux limites de la représentation individuelle et aux difficultés rencontrées pour la mise en oeuvre de la représentation forcée, la représentation collective apparaît comme une voie de salut pour les actionnaires. La pratique a pris naissance aux USA et s'est étendue en France où elle constitue un mode de protection de la minorité. C'est donc tout naturellement que cette exigence découle des principes de la gouvernance d'entreprise qui suggère que les actionnaires soient mis à même de se défendre contre les abus des dirigeants sociaux en se regroupant en associations d'actionnaire. En effet, les associations agissent plus facilement que les actionnaires pris individuellement et constituent un contrepoids sérieux contre les abus des dirigeants. La représentation collective regroupe deux modalités qui, bien que différentes, visent ensemble le même but. Il s'agit d'abord de la représentation des actionnaires aux assemblées générales par les associations d'actionnaires (A), mais aussi la représentation des catégories d'actionnaires dans les instances dirigeantes et notamment le conseil d'administration (B).

A : LES ASSOCIATIONS D'ACTIONNAIRES

Les tribunaux ont pendant longtemps été hostile aux actions intentées par des groupements de défense d'actionnaires. Le droit OHADA est assez imprécis sur le régime des associations d'actionnaires au point où l'incertitude plane autour de sa consécration (1), mais la jurisprudence reçoit les recours intentés par des associations (2) ce qui montre l'intérêt qui est attachée à cette modalité de représentation des actionnaires (3).

1 : L'incertitude de la consécration des associations d'actionnaires en OHADA

La lecture de l'AUSCGIE ne permet pas d'avoir une idée nette de l'association d'actionnaires. L'art. 159 dispose que « un ou plusieurs associés peuvent (...) soit en se regroupant sous quelque forme que ce soit » demander au juge la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Pareillement, l'art. 548 AUSCGIE prévoit la possibilité de regroupement de plusieurs actionnaires pour atteindre un minimum prévu par les statuts, notamment lorsque ceux-ci exigent un nombre minimal d'actions pour ouvrir le droit de participer aux assemblées générales ordinaires.

Il existe aussi des actions ouvertes à un ou plusieurs actionnaires sans qu'aucune mention ne soit faite sur une forme juridique quelconque de cette collaboration. Ainsi, les associations d'actionnaires de l'OHADA sont des regroupements de circonstance lorsqu'il s'agit de demander la désignation d'un expert de gestion ou de participer à une assemblée générale ordinaire.

Ainsi, l'idée de se réunir existe dans l'Acte Uniforme, mais il n'est mentionné nulle part la possibilité de constituer des associations d'actionnaires. D'ailleurs, la doctrine pense que si la loi accorde des droits à des actionnaires détenant ensemble un certain pourcentage d'actions, elle ne favorise pas, « sauf exception, l'action des associations »106(*). D'ailleurs, une autre doctrine pense qu'il faudrait voir dans cette autorisation donnée au groupement des minoritaires, un simple moyen pour le législateur, de « faciliter l'exercice de l'action et non un mécanisme visant à opérer un regroupement quelconque des associés minoritaires »107(*).

Le recours au droit commun est donc inévitable et il est revenu à la jurisprudence de suppléer le législateur.

2 : Le recours au droit commun des associations par la jurisprudence

Dans une espèce108(*), des actionnaires réunis au sein d'une association, le « club des actionnaires de la Sonatel109(*) » ont saisi le juge des référés pour ordonner à la Sonatel la communication de l'état certifié par les commissaires aux comptes des rémunérations des dix dirigeants sociaux et salariés les mieux rémunérés, la mise en harmonie des statuts et enfin l'ouverture des négociations en vue de désigner le représentant du groupe de petits porteurs au conseil d'administration. Au-delà des questions de fond, une question de forme se posait. En effet, la Sonatel a conclu à l'irrecevabilité de la demande du « club des actionnaires de la Sonatel » en exposant que l'association n'avait pas achevé les formalités de constitution. Le juge, après avoir précisé les conditions que doit remplir une association pour être justiciable a déclaré leur action recevable.

La question de la recevabilité de l'action d'une association d'actionnaires ayant satisfait aux exigences légales semble acquise de nos jours, puisque le juge s'est borné à rechercher si le club des actionnaires était légalement constitué et s'il avait par conséquent la personnalité morale.

Le fondement de la recevabilité de cette action peut être légale. En effet, la loi sénégalaise n° 68/8 du 28 mars 1968 sur la liberté d'association reconnaît la possibilité aux associations d'ester en justice pour la défense des intérêts de leurs membres.

Quant à la constitution des associations d'actionnaires, la loi dispose que toute association régulièrement déclarée peut sans autorisation spéciale ester en justice. C'est donc à partir de l'acquisition de la personnalité juridique que l'association peut exercer des droits au nom de ses membres. L'association en voie de constitution ne peut pas agir en justice, et c'est au jour de l'introduction de la demande que s'apprécie la recevabilité de l'action. Ainsi, une association déclarée peut se prévaloir des dommages causés antérieurement à son existence légale110(*). Elle n'a pas à être déclarée au jour de survenance d'un dommage, mais elle doit l'être au jour du dépôt de la demande en justice.

Les conditions de constitution des associations d'actionnaires selon le droit commun sont assez contraignantes et ne favorisent pas véritablement l'éclosion d'un véritable recours aux associations, pourtant elles présentent des atouts certains pour la représentation des actionnaires.

3 : L'importance des associations d'actionnaires

Partant du fait que l'actionnaire individuel n'a souvent ni la volonté, ni la compétence suffisante pour participer aux assemblées générales, et compte tenu des difficultés qu'il a à se faire représenter, les associations d'actionnaires sont comme un remède à ces maux. En adhérant à une association, l'actionnaire délègue de ce fait la défense de ses droits à l'association qui sera représentée par ses responsables.

C'est au vu de ces avantages que le législateur français a consacré dans deux réformes importantes le renforcement des pouvoirs des associations d'actionnaires. En effet, la loi du 05 janvier 1988 relative aux actions en justice des associations agréées de consommateurs est étendue aux associations d'investisseurs. C'est dire que ceux-ci pourront défendre les droits de leurs membres en justice. D'autre part, un nouvel article 172-1 a été inséré dans la loi du 24 juillet 1966. Selon ce texte, dans les sociétés cotées, les associés peuvent se réunir en associations afin de représenter leurs intérêts. La constitution de ces associations est très souple, car elles doivent communiquer leurs statuts à la société émettrice et à la COB111(*). Cette faculté n'est ouverte qu'aux actionnaires justifiant d'une inscription nominative depuis au moins deux ans et d'une détention commune d'au moins 5 % des droits de vote.

L'Acte Uniforme a également opté d'une manière prudente vers la modernisation de la gestion des titres sociaux en consacrant notamment la dématérialisation des titres. A l'avenir, les bourses de valeurs mobilières qui fleurissent dans la zone OHADA devront ouvrir les capitaux des grandes entreprises, entraînant une multitude d'actionnaires. La question de la représentation des actionnaires se posera davantage et les associations d'actionnaires pourront se voir ainsi accorder une place de choix. A ce moment par conséquent, il serait illogique de garder un droit aussi rigide quant à la constitution des associations. Ainsi, le législateur gagnerait dès maintenant à assouplir les conditions de formation des associations d'actionnaires des sociétés cotées. Elles constitueront un sérieux contrepoids aux pouvoirs étendus des dirigeants sociaux. Ces derniers comptent toujours sur l'absentéisme et/ou du manque d'expérience des actionnaires pour imposer leurs idées parfois néfastes a l'intérêt collectif. L'option pour les associations d'actionnaires serait le pas franchi vers la modernisation de la représentation de l'actionnaire, comme il a été le cas du conseil d'administration.

B : LA REPRÉSENTATION DES ACTIONNAIRES DANS LE CONSEIL D'ADMINISTRATION

Le conseil d'administration est un organe collégial composé de trois membres au moins, douze au plus112(*), investi des pouvoirs les plus larges pour gérer les sociétés anonymes, sous réserve des pouvoirs attribués aux autres organes de la société113(*). Traditionnellement, cet organe représente les actionnaires, mais pour des raisons de bonne gouvernance et de recherche d'efficacité dans la gestion, des non actionnaires ou des actionnaires particuliers se sont vu ouvrir les portes du conseil. L'une des innovations de l'AUSCGIE a été la possibilité accordée aux non actionnaires de siéger au conseil d'administration114(*) dans la limite du tiers des membres dudit conseil. Certains ont vu en cela des ouvertures pour renforcer la crédibilité du conseil, d'autres des moyens pour intégrer les salariés à la société. En effet, nombreux sont les salariés qui ont acquis de l'expérience et de la technicité, et il est donc logique de les associer à la gestion de la société.

Toutefois les salariés qui ont acquis des actions de leur employeur à la privatisation sont considérés comme tous les autres actionnaires.

D'autre part, la modernisation des sociétés commerciales a généré une multitude de catégories d'actions. Le juge définit la notion de catégories d'actions en se referant à la doctrine comme étant « l'ensemble des titres jouissant des mêmes droits et comportant pour leurs titulaires des obligations semblables»115(*). L'AUSCGIE ne fait allusion aux catégories d'actions qu'à l'art. 555 au terme duquel il ressort que des actions forment une catégorie si elles présentent des éléments distinctifs par rapport aux autres, de sorte que les décisions affectant lesdites actions soient d'abord approuvées en assemblée générale spéciale.

Les éléments distinctifs peuvent être un avantage quelconque. L'avantage est librement déterminable, et pour qu'il y ait catégorie d'action, « il faut mais il suffit qu'il y ait un avantage »116(*). Ainsi, constitue des catégories distinctes les unes par rapport aux autres les actions de priorité et les actions simples, les actions de capital et les actions de jouissance, les actions à droit de vote double et les actions à droit de vote simple.

Les actions de priorité sont ceux qui confèrent à leurs titulaires des droits que n'ont pas d'autres actions, notamment sur la distribution des dividendes, car ils peuvent attribuer une quote-part de bénéfice supérieure à celle des actions simples.

Les actions de jouissance sont des titres délivrés aux actionnaires qui sont remboursés du montant nominal de l'action à la suite de l'amortissement117(*), alors que les actions de capital sont des fractions du capital social118(*).

Les actions à vote double sont des « actions de charme »119(*) émises par les conseils d'administration pour récompenser les actionnaires qui auront maintenu leurs actions sous la forme nominative pendant au moins deux ans.

Les statuts peuvent donc prévoir que chaque catégorie d'action sera représentée au conseil d'administration. Les statuts ne sauraient toutefois priver les actionnaires de leur éligibilité au conseil, c'est-à-dire qu'on ne saurait écarter un actionnaire en invoquant une raison liée à la répartition des sièges entre les catégories d'actions. Pareillement, les statuts ne sauraient priver une catégorie d'actions de sa représentation au conseil.

Les catégories d'actions sont bien différentes des catégories d'actionnaires comme l'a souligné le juge du Tribunal Hors Classe de Dakar précité ; et l'existence de plusieurs catégories d'actionnaires n'ouvre pas droit à une représentation au conseil d'administration. En l'espèce, la SONATEL, entreprise d'Etat est privatisée et on voit apparaître quatre catégories d'actionnaires : un « actionnaire stratégique », France Télécoms, l'Etat sénégalais, le personnel actionnaire et les petits porteurs. Les trois premières catégories ont été représentées au conseil, la dernière a été négligée. Réunis au sein d'une association, le « club des actionnaires », les petits porteurs demandent au juge d'enjoindre les dirigeants sociaux d'ouvrir les consultations en vue de désigner leur représentant au conseil d'administration en invoquant l'art. 424 AUSCGIE Le juge, tout en soulevant l'empiètement de la compétence de l'assemblée générale des actionnaires qui devait normalement être compétente, décide que malgré la diversité des actionnaires de la SONATEL, on ne peut retenir l'existence de plusieurs catégories d'actions dans la composition de son capital. D'ailleurs, il n'est pas prouvé que les statuts aient même prévu une répartition des sièges du conseil d'administration en fonction des catégories d'action. Le juge a de ce fait débouté les parties de leur demande.

Au-delà de ce refus fondé sur l'incompétence de l'organe saisi du problème, le petit porteur, et même les actionnaires salariés ont-ils un droit à être représentés au conseil d'administration ?

En l'état actuel du droit OHADA, aucune disposition n'impose la désignation du représentant d'une catégorie d'actionnaires au conseil d'administration. C'est dire que dans l'espèce ci-dessus citée, les petits porteurs auront du mal à se faire désigner un représentant au conseil d'administration, bien qu'ils aient un droit légitime à ce que leur voix soit entendue. C'est un impératif de bonne gouvernance120(*). En effet, ils constituent la minorité en face de l'Etat et du partenaire stratégique. Toutefois, ils ne sont pas dépourvus de tout pouvoir. Ils peuvent notamment constituer un syndicat de blocage qui leur permettra de participer aux délibérations de l'assemblée générale et de s'opposer aux projets qui iraient contre leurs intérêts tout en évitant d'abuser de cette position qui pourrait constituer un abus de minorité.

L'OHADA a opté pour les modes classiques de représentation des actionnaires. Elle a certainement innové en permettant à l'actionnaire de se faire représenter par tout mandataire de son choix, permettant ainsi d'éviter les abus générés par les mandats en blanc. Cependant, par une approche indécise, elle laisse planer le doute. En effet, dans les éléments exigés sur la formule de procuration, il n'est mentionné nulle part le nom du mandataire. On se demande bien si elle n'a pas entendu valider implicitement les mandats en blanc. Toutefois, les difficultés de la représentation d'un actionnaire par un autre, la méfiance à l'égard du conjoint, ainsi que la qualification incertaine des autres mandataires viennent compliquer davantage la situation. L'AUSCGIE n'a pas envisagé la représentation de l'actionnaire incapable, tout comme il omet de consacrer certains aspects de la représentation judiciaire.

Face à ces performances mitigées, il est donc proposé d'adopter les palliatifs qui sont le vote par correspondance, la représentation collective des actionnaires et l'utilisation des moyens de télétransmission dans les assemblées générales. Le droit OHADA est lacunaire puisqu'il aurait dû tenir compte de l'évolution du temps et des procédés de communication et opter résolument pour la modernité, en facilitant ainsi la tâche aux actionnaires empêchés.

Il est vrai que le contexte africain est peu favorable à ces nouvelles techniques, mais il faut reconnaître qu'elles présentent des atouts sérieux face à une représentation qui est peu protectrice des droits des parties.

* 106 RIPERT (G.), ROBLOT (R.) : Op. Cit. N°1146, P.828 .

* 107 MEUKE (B. Y.) : article précité, P. 8.

* 108 Tribunal Régional Hors Classe de DAKAR, ordonnance de référé n° 235 du 1er mars 1998, club des actionnaires c/sonatel. Ohadata J.05.270, www.ohada.com.

* 109 La Société Nationale des Télécommunications (SONATEL) est une entreprise sénégalaise.

* 110 Paris, 7 novembre 1990, bull. joly, 1991.62, note LE CANNU (P.).

* 111 Commission des opérations de bourse.

* 112 Ce nombre peut être provisoirement dépassé en cas de fusion entre sociétés anonymes. Voir art. 418 AUSCGIE.

* 113 GUILLIEN (R.), VINCENT (J.) : Lexique des termes juridiques précité, P.157.

* 114 Voir art. 417 AUSCGIE.

* 115 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement précité.

* 116 MERCADAL (B.), JANIN (P.): Op. Cit. n°1992, P.608.

* 117 L'action est une créance de l'actionnaire vis-à-vis de la société, et elle peut être remboursée à tout moment de la vie sociale.

* 118 Voir art. 543 AUSCGIE.

* 119 KEUFFI (D.E.) : La gestion des titres sociaux dans l'espace OHADA. Mémoire DEA, Université de DSCHANG, 2003, P.20.

* 120 Il revient ainsi au conseil d'administration de se saisir du problème, puisque les principes de la gouvernance d'entreprise lui imposent de prendre en considération les intérêts des différentes parties prenantes.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire