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Analyse comparée des stratégies de désendettement public pour la Zone UEMOA

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par Drissa SANGARE
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Recherche Finances Publiques et Fiscalité 2007
  

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II. Traitements de la crise de la dette

La dette devenue le premier problème des pays en développement, grevant les budgets publics des rares ressources disponibles. Par ailleurs, le remboursement qui exige un effort considérable d'exportation au regard du statut externe de la dette, dans un contexte de retournement des conjonctures ayant soutenu l'endettement, précipite les pays endettés dans les difficultés économiques.

A partir de 1983, la suspension des prêts bancaires est presque totale. Les transferts de capitaux vers les pays en développement deviennent négatifs c'est-à-dire que le flux de ressources des pays en développement vers les pays développés est devenu supérieur à celui provenant des pays industrialisés (notion de transfert net). Avec le tarissement des prêts, les arriérés de payement s'accumulent. Les pays de la zone UEMOA en totalité sont confrontés à des déséquilibres commerciaux et financiers croissants (la Côte d'Ivoire, principale économie de la région, a connu de déficit de la balance des paiements courants spectaculaire). Le remboursement de la dette devient le premier problème à régler, nécessitant un effort d'exportation puisque la dette est en quasi-totalité libellé en devise étrangère et notamment en dollar. Pour la plupart des pays en difficulté, le retrait des banques privées rend de plus en plus nécessaire un recours à l'aide du FMI dont l'adoption de ses programmes constitue une étape nécessaire pour obtenir des réaménagements de dettes.

Ces réaménagements prennent le plus souvent la forme d'un accord multilatéral et s'appuient sur l'adoption de la part des pays débiteurs d'une sorte de « code de bonne conduite », dans la définition duquel le FMI joue un rôle directeur.

Ce code de bonne conduite appelé « conditionnalités », conduit à la mise en place de politique de stabilisation pour finir en général par l'adoption de politique d'ajustement structurel sous l'égide du FMI et de la Banque Mondiale et qui, constitue une étape préalable et indispensable, sauf quelques exceptions près à l'accès, au rééchelonnement des deux Clubs informels de retraitement de la dette.

1- Les contraintes financières ont conduit à la crise économique :

Dans les pays en développement, le début des années 1980 correspond à un retournement de la conjoncture. Ainsi, avec une dizaine d'années de retard sur le déclenchement de la crise économique dans les pays industrialisés, les chocs externes (échanges internationaux et les mouvements de capitaux) vont faire basculer les pays de la région dans la récession. L'activité économique interne doit donc désormais s'adapter à une capacité d'importation plus réduite et à la raréfaction des capitaux étrangers. Pour l'ensemble des pays de la zone, ce marasme économique rend nécessaire le recours à l'aide du FMI. Ce dernier conditionne son intervention à l'adoption de programme d'ajustement structurel qui repose sur le dosage des éléments suivants : réduction des dépenses publiques, dévaluation de la monnaie nationale, réduction du poids du secteur public, blocage des salaires, reforme fiscale, des mesures qui ont été pleinement appliqué par l'ensemble des pays de l'UEMOA. Il réussit à s'ériger pour les pays en difficulté en une institution incontournable pour obtenir des réaménagements de dette aux deux clubs de réaménagement de dette (Club de Paris et celui de Londres) en jouant un rôle clé de coordination grâce à son appareil statistique et à son implantation sur le terrain.

- Rôles du FMI dans les négociations de réaménagement de dette :

Le Fonds joue un rôle d'information et de coordination devenu incontournable dans le cadre du réaménagement de la dette des pays en développement.

- Le rôle d'informateur :

Les clubs de Paris et de Londres sont de petites structures, seul le FMI est capable de collecter l'ensemble de l'information économique et financière relative à un pays donné. Il existe trois principaux degrés dans la recherche de cette information sur un pays membre.

Le premier degré est commun à l'ensemble des pays. L'article IV des statuts du Fonds prévoit en effet qu'il doit mener, une fois par an, une consultation auprès de chaque membre.

Au début des années 1980, la Pologne n'a signé aucun accord préalable pour obtenir le réaménagement de sa dette, ce qui tenait beaucoup plus à de considérations géostratégique propre à la guerre froide.

La mission séjourne quelques semaines sur place et rédige une étude qui est soumise au conseil d'administration du Fonds. Ces consultations servent à la rédaction du World Economic Outlook.

Le second degré est la surveillance renforcée, créée en 1985. Ce mécanisme prévoit que le pays doit établir un programme financier détaillé comprenant les objectifs macroéconomiques tels la maîtrise de l'évolution du stock de la dette, le retour à une croissance soutenue, l'équilibre de la balance des paiements, qui s'apparente au programme triennal de l'évolution des finances publiques que chaque pays membre est tenu d'adresser à la commission européenne. Il prévoit aussi que le Fonds procède à des missions régulières de surveillance en général deux fois par an.

Le troisième degré concerne l'envoi d'une mission ad hoc dans le pays débiteur pour préparer la signature d'un accord d'ajustement avec le Fonds.

- Le rôle de coordination du Fonds :

Le Fonds coordonne les négociations entre débiteurs et créanciers notamment dans le cadre des demandes de rééchelonnement de dette au sein des deux clubs. Le Fonds élabore en concertation avec le pays concerné le programme d'ajustement et négocie avec les créanciers la couverture des besoins financiers. Par ailleurs, la conclusion d'un accord avec le Fonds est préalable à l'ouverture des négociations sur le rééchelonnement de dette des deux Clubs.

2- Réaménagements de la dette :

Malgré l'ampleur de la crise de la dette, il n'y pas eu, à proprement dire, de répudiation de dette unilatérale parce qu'il s'agit de la pire solution qui aurait conduit à l'isolement des pays débiteurs. Il existe, à cet égard, quatre moyens de modifier le profil d'une dette :

- Le rééchelonnement, il consiste à étaler la période de remboursement d'un prêt sur une période plus longue que prévue initialement. Seule la durée du prêt est modifiée, ses autres caractéristiques, comme le taux d'intérêt par exemple, restent inchangées.

- Le refinancement, il s'agit de la révision, plus ou moins étendue, des conditions du contrat d'origine. Les autres paramètres du contrat ne sont pas modifiés.

Le World Economic Outlook du FMI, retrace les évolutions les plus marquantes de l'économie mondiale dans les six derniers mois.

- La conversion, la créance d'origine dans les cas précédents n'est en rien modifiée. Ici, la dette change de nature. La créance peut être convertie en actifs réels et n'être plus constitutive d'un titre financier. Ces actifs réels ne donnent plus lieu normalement à transfert de capitaux.

- Le quatrième est l'annulation des créances, une technique qui vise à diminuer le stock de la dette pour diminuer son poids (service de la dette).

Dans la pratique et dans un premier temps, les apparences sont maintenues au travers du report des échéances (rééchelonnement), puis progressivement des mesures de réduction, voire d'annulation de la dette vont s'imposer.

2.1- Le rééchelonnement de la dette :

Le rééchelonnement de la dette qui n'est autre que la modification des termes contractuels d'une dette, en modifiant, par exemple, les échéances ou en reportant le paiement du principal et/ou des intérêts à une date donnée. Il est traditionnellement la première phase par laquelle passe un débiteur se trouvant dans l'incapacité de faire face à ses engagements avant la mise en place d'un programme d'ajustement économique. Le principe fondamental du rééchelonnement est l'analyse du problème rencontré par le débiteur comme un problème de liquidité ce qu'on a appelé stratégie du créancier qui consiste à assurer la continuité du service de la dette. A ce titre, il apparaît opportun aux créanciers de procéder à un aménagement de l'échéancier de la dette permettant en principe au débiteur de continuer à faire face à ses engagements en raison de la baisse du service de la dette.

Ce n'est qu'à partir du sommet de Londres (juin 1984), que des négociations portant sur des accords de rééchelonnement pluriannuels débutent au sein des deux clubs de retraitement de la dette (Club de Paris et Club de Londres) qui loueront un rôle clé. Ces négociations conduisent à des restructurations de la dette sur des périodes plus longues assorties de baisse des taux d'intérêt.

2.1.1- Le Club de Paris :

Réuni sous la présidence du Directeur du Trésor du Ministère français des finances, le Club de Paris regroupe les créanciers publics des pays développés et, à titre d'observateurs, des organisations financières internationales (Banque Mondiale et FMI essentiellement). Ses membres s'y réunissent pour s'accorder sur le rééchelonnement des obligations financières de gouvernements débiteurs vis-à-vis de créanciers publics. Un certain nombre de principes président à son fonctionnement.

Pour un débiteur, les conditions d'accès au rééchelonnement en Club de Paris sont strictes. En effet, tout pays endetté ne peut accéder directement à une restructuration sans répondre à deux conditions :

- être en situation de « défaut imminent ». En effet, la restructuration ne peut être accordée qu'à un pays confronté à des difficultés de balance des paiements. L'existence d'un arriéré de paiements est en par ailleurs perçue en quelque sorte comme un critère déterminant.

- avoir conclu avec le FMI un accord sur le programme d'ajustement économique qui vise, en général, à obtenir une croissance non inflationniste et à accroître la capacité de remboursement du pays demandeur.

Une fois que le débiteur est déclaré éligible à l'aide du Club, une autre étape s'engage. Il s'agit du traitement du problème de sa dette, lequel obéit à des règles techniques précises et immuables pour tous les créanciers et débiteurs du Club de Paris.

Premièrement, le club ne rééchelonne que deux types de créances : celles qui correspondent à des dettes contractées auprès de créanciers publics (les organismes de financement étatiques : Agence Française de Développement (AFD), Fonds Abu Dhabi, Fonds Saoudien de Développement (FSD), Fonds Koweitien de Développement (KFAED), Italie-Mediocredito etc.) et celles qui correspondent à des dettes commerciales à garantie publique. Ainsi, les dettes dues aux organisations financières internationales et intergouvernementales (FMI, Banque Mondiale etc.), celles à court terme (moins d'un an) et la dette publique contractée auprès de pays non membres du club en sont exclues. En outre, le rééchelonnement porte sur le principal et non les intérêts, et comporte toujours une date butoir (depuis mai 1984 en général) : seule la dette contractée avant cette date peut être rééchelonnée.

2.1.2- Le Club de Londres :

Contrairement au Club de Paris, le Club de Londres n'a pas véritablement d'existence formelle et officielle. On regroupe parfois sous cette expression les comités ad hoc réunissant les principales banques créditrices dans les cas où la situation financière d'un pays débiteur pousse la communauté bancaire internationale à chercher à négocier avec celui-ci un accord d'aménagement de ses obligations financières. Le Club de Londres -- ou Comité consultatif des banques commerciales, selon son appellation officielle -- est une instance chargée de la restructuration de la dette consentie par des banques privées (sans garantie publique). Comme le Club de Paris, il n'a pas de statuts et ses membres varient selon les dossiers dont il est saisi. À la différence de ce dernier, il n'a ni secrétariat ni lieu de réunion fixe.

Bien qu'étant de nature complètement privées, les renégociations de dettes au Club de Londres, ne sont pas indépendantes de l'action des institutions financières officielles. Ceci est dû en particulier au fait que les banques exigent le plus souvent de leur débiteur que celui-ci ait obtenu l'aide du FMI, ce qui implique la mise en place d'une politique de stabilisation économique. Les principes de négociation du club de Londres, sont inspirés notamment, de ceux du club de Paris. Ils en ont trois en commun :

- pour accéder à une restructuration de sa dette bancaire, il faut qu'il se trouve en situation de défaut imminent de paiement. Il faut, en outre, qu'il ait signé au préalable un accord avec le FMI. Cette condition n'est pas devenue obligatoire qu'à partir de 1976 avec le réaménagement péruvien.

- Ensuite, le Club de Londres a imposé comme principe le suivi par le FMI de l'ajustement du débiteur.

La particularité du club de Londres par rapport à celui de Paris, c'est que les banques participantes touchent des commissions de l'ordre d'environ 1 % pour le rééchelonnement. Par conséquent, le coût d'intervention du club de Londres est sensiblement plus élevé que celui de Paris.

2.2- Le bilan de l'action des deux clubs :

Le Club de Paris, de 1956 date de sa première réunion à 1984, a mis en oeuvre la stratégie du créancier qui consiste à mettre les débiteurs en situation de rembourser leurs dettes. Le diagnostic des créanciers publics concluait à une crise d'illiquidité situation dans laquelle la valeur actualisée des remboursements est inférieure à l'encours de la dette. La crise de la dette était considéré comme conjoncturelle. Par conséquent, les moyens utilisés par le Club consistaient en des rééchelonnements classiques qui avaient pour but de repousser les échéances des prêts contractés par les pays débiteurs. En plus, progressivement, un marché gris des dettes publiques de mauvaise qualité » s'est constitué, animé par des Fonds qui rachètent les créances de mauvaise qualité avec décote.

L'année 1984 marque la prise en compte d'une véritable situation d'insolvabilité des pays endettés. De 1984 à 1988, le Club amorce une reforme de ses modes d'intervention. Plusieurs principes techniques, en vigueur dès 1956, ont été révisés. Ainsi, la période de rééchelonnement a été allongée, faisant de la consolidation pluriannuelle une pratique désormais courante.

Le Club de Londres a, certes vu son fonctionnement profondément évoluer. Le plan Baker (1985) a permis, en donnant une liberté aux acteurs notamment bancaires, d'initier un mouvement d'innovations de techniques financières de traitement de la dette (reconversion de dette etc.) en inaugurant une approche par menu . Cette approche donnant le choix aux banques d'intervenir auprès des débiteurs de la manière quelles désirent essentiellement sur la participation, le mode de négociation et le choix des options (nouveaux prêts directs, les conversions des financements nouveaux en fonds propres, l'achat d'obligation du débiteur).

Ce plan connu un échec en ne permettant pas une reprise de la croissance en Amérique latine pour rendre la dette soutenable. Dès le printemps 1986, le Mexique demandait le secours des créanciers et obtient un nouveau rééchelonnement de sa dette. La position des débiteurs se durcit : en janvier 1987, le Brésil obtient du Club de Paris un rééchelonnement qui pour la première n'est pas soumis à l'accord du FMI sur l'orientation de sa politique économique. Le mois suivant le Brésil suspend le paiement des intérêts dus aux banques commerciales.

2.3- Les nouvelles innovations de retraitement de la dette des pays pauvres

Les réaménagements de dette, tant du Club de Londres que du Club de Paris, ont été insuffisants face à l'ampleur de l'endettement structurel des pays pauvres. Les causes de l'échec du Club de Paris ne lui sont pas spécifiques. Elles appartiennent aussi au Club de Londres.

Les réorganisations des dettes opérées par le Club de Paris n'ont pas réussi à résoudre le problème l'endettement officiel. Ces mesures excluaient, le menu et les options différentes selon des parties, au profit d'un accord général de principe qui cadre les négociations bilatérales. Elles étaient, surtout, faites de rééchelonnements, c'est-à-dire de reports de la date de remboursement d'un montant limité du principal de la dette, le reste des sommes dues demeurant soumis aux conditions de remboursement initiales.

programme pour une croissance soutenue, proposée par le Secrétaire d'Etat Américain au Trésor James Baker en 1985, principalement destiné aux pays débiteurs des prêts bancaires notamment d'Amérique latine.

Ces rééchelonnements n'ont pas permis aux pays concernés de sortir des difficultés liées au poids de la dette pour plusieurs raisons :

- les mesures exigées par l'accord d'ajustement du FMI, ont privilégié les aspects financiers de la dette aux impératifs de production du pays débiteur, portant parfois préjudice aux perspectives de croissance à long terme ;

- les rééchelonnements accordés par le Club de Paris n'ont souvent servi qu'à repousser dans le temps le service de la dette. Et la mise en oeuvre des rééchelonnements de dettes ayant été rééchelonnées (procédé accepté à partir de 1985 par les créanciers privés) a rendu encore plus complexe la situation de certains débiteurs.

Ces échecs ont rendu nécessaires de nouvelles concessions des créanciers face aux difficultés que rencontrent les pays endettés. A l'évidence, la situation des pays à faible revenu en particulier les pays de l'UEMOA, diffère de celle des pays fortement endettés à revenus intermédiaires essentiellement d'Amérique latine, ce qui appelle à des traitements différents. Alors que le réaménagement de la dette des pays à faible revenu passe nécessairement par l`action de gouvernements créanciers des pays industrialisés, le réaménagement des dettes bancaires des pays fortement endettés repose pour partie sur l'initiative privée et le fonctionnement des marchés.

2.3.1- L'accord de Toronto :

Les premières propositions de réaménagement visant à réduire, voire à annuler, la dette publique des pays à faible revenu ont vu le jour en juin 1988, à l'occasion du sommet du G7 de Toronto. Ces propositions, adoptées lors de la réunion annuelle de la Banque Mondiale et du FMI à Berlin en 1988, portent sur l'ensemble des créances éligibles au Club de Paris. Elles reposent sur un menu de trois options qui sont ouvertes aux pays créanciers :

- la première option soutenue par la France, consiste à une annulation pure et simple d'un tiers des créances publiques, le restant devant être rééchelonné au Club de Paris aux conditions habituelles, sur une période de quatorze ans, avec une période de grâce de huit ans.

- la seconde option, qui a la préférence des Etats-Unis, consiste en un allongement de la période de remboursement de vingt cinq ans au lieu de quatorze, avec une période de grâce de quatorze ans. Cette solution consiste donc en un étalement des paiements, avec capitalisation des intérêts.

- la troisième option, soutenue par la Grande Bretagne et par l'Allemagne fédérale, consiste en une réduction du taux d'intérêt en vigueur sur les créances publiques, pour l'abaisser à 3,5 % ou à la moitié du taux initial si celui-ci était inférieur à 7 %.

Dans le cadre de l'accord de Toronto, en février 1991, un prêt spécial de la Banque mondiale a permis au Niger de racheter sa dette commerciale (108 M de dollars US, soit 10 % de la dette extérieure, mais 20 % du service de celle-ci). Cette dette a été rachetée à 18 % de sa valeur nominale, avec l'accord de la grande majorité des créanciers. Le Togo a pu bénéficier des mêmes possibilités.

Le caractère limité de l'impact de l'accord de Toronto car concernant essentiellement les pays pauvres dont le montant, en absolu, de leurs dettes est très inférieur à celui des pays à revenu intermédiaire, a conduit les pays du G7 notamment lors du sommet de Houston aux Etats-Unis en 1990, à étendre aux pays à revenu intermédiaire et lourdement endettés la possibilité de bénéficier les termes de l'accord de Toronto.

Cette proposition, connue sous le nom du Programme de Houston, pour en bénéficier, les débiteurs doivent remplir plusieurs conditions dont essentiellement :

- leur PNB par habitant doit être inférieur à 1 235 dollars en 1991 ;

- un ratio « dette bilatérale/dette commerciale » supérieur à 150 % ou un service de la dette trop élevé (les ratios dette /PIB et dette /exportation, respectivement supérieurs à 50 % et

275 %. Quatorze pays ont bénéficié de ce programme, jusqu'en 1993.

En 1991, le Club de Paris prend conscience de l'insuffisance de ses efforts envers les pays à faible revenu, en proposant un menu de Toronto renforcé c'est-à-dire amélioré en élargissant les options :

- le rééchelonnement est porté à vingt trois ans avec une réduction de 50 % en valeur actualisée des remboursements venus à échéance, au titre de la dette publique non concessionnelle.

- le rééchelonnement au taux concessionnel d'origine, des créances dues sur une période de trente ans, dont douze de grâce. Ce rééchelonnement de la dette concessionnelle comporte une remise de l'ordre de 50 %.

- la possibilité pour les créanciers qui le souhaite, de mettre en oeuvre des conversions de dette en monnaie locale en vue d'investissement sur place.

- une clause de bonne volonté qui ouvre la facilité d'un traitement du stock de la dette, après une période probatoire de quelques années pendant laquelle le débiteur devra avoir maintenu des relations satisfaisantes avec ses créanciers. Dans la zone UEMOA, le premier à en bénéficier fut le Bénin (1991) suivi par le Mali, le Togo et le Burkina Faso.

Mais cet aménagement de dette ne semble pas être à la mesure des problèmes liés à la crise de la dette d'où l'adoption d'un nouveau dispositif nommé menu de Naples qui voit passer l'annulation des sommes aménagées de 50 % à 67 %. La plus récente innovation est l'idée d'une réduction du stock de la dette. Elle se manifeste le projet d'une annulation pure et simple qui concerne pour l'instant le stock la dette multilatérale des pays pauvres estimés très endettés.

2.3.2- Les innovations de réaménagement des créances privées

Concernant essentiellement les pays à revenu intermédiaire fortement endettés d'Amérique latine, les réaménagements des créances privées initiés par les gouvernements des pays industrialisés et les institutions financières internationales se sont traduits par un certain nombre d'innovations destinées à résoudre la crise financière.

- Le plan Baker :

Présenté par le secrétaire américain au Trésor à la réunion de la Banque Mondiale et du FMI tenue à Séoul en octobre 1985, en effet le plan Baker mettait en avant la nécessité d'un ajustement par la croissance plus que par la contraction de l'activité économique, en opposition avec la pratique des politiques de stabilisation mises en oeuvre jusqu'alors. L'argumentation soutenue, reposait sur la nécessité du retour une croissance durable pour sortir de la crise d'endettement. Le plan avait pour but de fournir les moyens notamment financiers d'un retour à la croissance, par un accroissement de flux nouveaux de capitaux essentiellement en prêts bancaires. Ce plan s'est heurté à la réticence des banques d'augmenter leurs financements.

Dans la foulée de l'échec de ce plan, qu'est née l'initiative Brady en 1989 du nom du successeur de James Baker au Secrétariat américain du Trésor, Nicolas Brady.

- L'initiative Brady :

Cette initiative qui constitue une innovation nouvelle du réaménagement de la dette, consistait en un dispositif permettant aux banques de répondre aux besoins de financement des pays en développement. Le fondement de l'initiative Brady est de diminuer les risques « subis » par les banques, pour se faire, l'initiative propose des opérations d'échange de dette avec une décote, les nouveaux titres de dette pouvant être assortis d'une garantie par le FMI et la Banque Mondiale.

Tout comme l'accord de Toronto, l'initiative Brady repose aussi sur la proposition de menu d'options entre lesquelles les différents créanciers pourraient choisir. Ces options sont essentiellement en ordre de trois :

- la première consiste à convertir les créances en obligation avec une décote (décote de 35 %) et rémunérées au taux du marché.

- la seconde propose une conversion sans décote, mais contre des obligations portant un taux d'intérêt réduit (6,25 %).

- la troisième option est la constitution par un apport de nouveaux prêts étalé sur quatre années, pour un montant égal à 25 % des concours initiaux.

Appliquée au traitement de la dette mexicaine, les banques ont largement opté pour les deux premières options, ce qui atteste la confiance limitée des banques pour de nouveaux prêts.

Ce manque d'engouement des banques a limité fortement le succès de l'initiative Brady.

En marge, d'autres innovations ont fait leur chemin sur la résolution de la crise de la dette notamment le marché secondaire des titres de créances qui pratique des conversions de dette avec décote. En 1991, les dettes du Pérou s'échangeaient à 10 % de leur valeur nominale.

La persistante du surendettement montre que les mécanismes traditionnels de réduction de la dette des pays pauvres, c'est-à-dire que les différents passages devant le Club de Paris et le Club de Londres, n'ont pas été suffisants. Cette persistance, fait le problème de la dette un phénomène récurrent dans la problématique du développement des pays pauvres notamment de par le poids que représente son remboursement dans les budgets publics. Il y a environ vingt ans, dans les pays pauvres, l'endettement était soutenu dans l'espoir de générer le développement économique, aujourd'hui il leur faut se développer pour se désendetter. Ainsi, les vertus de l'endettement sont mises en causes, la traditionnelle controverse sur les conséquences de l'endettement dans le fonctionnement de l'économie ressurgit.

Chapitre IV : Problèmes de la dette publique

En théorie, l'endettement peut être bénéfique, lorsqu'il permet à un pays d'accroître ses capacités de production et de s'industrialiser. L'augmentation de production permet à terme de rembourser les capitaux empruntés. C'est ce discours qui prévalait durant la période d'endettement du tiers monde. Les crises répétées de la dette ont contribué à la résurgence de la vieille controverse sur l'utilité de la dette publique.

I. Effets économiques de la dette 

1- Les objectifs économiques de la politique d'endettement

La dette publique qu'elle soit appréhendée en terme d'endettement nouveau (flux) ou d'encours (stock), est par sa nature même un instrument d'action de politiques économiques publiques dont le mode opératoire s'inscrit dans la trilogie fonctionnelle d'analyse de l'intervention de l'Etat présentée en 1959 par Musgrave à savoir (allocation-redistribution-stabilisation).

Les objectifs économiques poursuivis par la politique d'endettement peuvent être synthétisés autour de quatre axes essentiels :

- un des moyens de financement des déficits et par la même des dépenses publiques. La finance publique dans la théorie classique vouait par tradition la dette au financement des dépenses d'investissement public, les impôts devant nécessairement financer les dépenses de consommation et de transferts publics. L'analyse keynésienne de la finance publique, insistait sur la fonction de stabilisation de la dette, promue au rang d'instrument de régulation de la demande globale, qui peut contribuer efficacement, via le ressort multiplicateur/accélérateur, au financement de divers types de dépenses publiques, en agissant directement sur la consommation et l'investissement publics, et (ou) en influençant le partage consommation/épargne des ménages et par la même l'investissement privé.

- un second objectif de la dette publique est aujourd'hui mis en oeuvre par les tenants de la nouvelle économie classique. Pour ces derniers en effet, même si la dette publique n'influence pas le partage épargne/consommation, il peut être intéressant pour l'Etat de recourir à la dette publique afin de lisser dans le temps les variations du poids de l'impôt.

- un troisième objectif de la dette publique fait de cette dernière dans l'optique de la fonction de répartition et de la redistribution des ressources et des patrimoines, un instrument de transfert de charges intra ou intergénérationnel.

- le dernier objectif apparaît dans l'examen de la dimension strictement financière de la dette. Le « debt management » classique insiste sur l'articulation nécessaire entre dette publique et politique monétaire.

Malgré l'importance de la question de la dette, il est difficile de déterminer au-delà de quel seuil la dette compromet la performance économique tout comme le chiffrage de son incidence sur la croissance.

Au demeurant, certaines tentatives de détermination du seuil d'endettement continuent à alimenter largement la controverse. Ainsi le Pacte de Stabilité et de Croissance dans l'Union Européenne impose un certain plafond en matière d'endettement. Il en est ainsi le plafonnement du déficit budgétaire et de la dette publique, respectivement à 3 % et à 60 % du PIB. Ce plafond s'impose en effet à tous les pays membres, quelles que soient la position dans le cycle de croissance et les conditions économiques du pays. La limite des 3 % de déficit ne correspondait d'ailleurs qu'à un calcul purement théorique : c'est le niveau qui assure la stabilité d'une dette publique de 60 % avec une inflation de 2 % et une croissance en volume de 3 %. Ces seuils sont au moins aujourd'hui contestés par certains économistes. Selon Jean Paul Fitoussi de l'OFCE « le niveau optimal d'endettement au-delà duquel un pays serait en faillite, serait un niveau d'endettement si élevé qu'il impliquerait le renoncement aux dépenses publiques nécessaires à assurer la cohésion sociale » ².

Par ailleurs, certains pays dont le niveau de la dette est jugé inquiétant (le Japon 130 % du PIB, l'Italie 120 %, la Belgique 100 %) continuent d'avoir de très bonne note dans les agences de notation et la souscription de leurs emprunts considérée comme de placements sans risque.

Cette considération ne s'applique pas aux pays en développement et encore moins aux pays pauvres notamment africains, ce qui permet d'appréhender la notion de risque de défaut de payement en termes de capacité de mobilisation de ressources.

Par ailleurs, l'analyse économique de la dette publique s'intéresse habituellement à un double perspectif :

- la fiscal policy : qui traite les problèmes afférents au niveau et à l'extension de la dette,

- le debt management, traite de la structure, de la composition de la dette.

OFCE : Observatoire Français de Conjoncture Economique

² Débat avec Jean Paul Fitoussi paru sur le site du monde en date du 11 Janvier 2006.

Cette double analyse peut être schématisée en macrodynamique de la dette (approche en niveau qui met en évidence la place de la dette au sein des grands agrégats, du fonctionnement global de l'activité économique) et microdynamique de la dette (approche en structure centrée sur la spécificité de l'unité économique Etat ou administration publique face à la gestion de la dette, avec impact différencié sur les autres unités économiques).

L'ambivalence des effets issus de cette double analyse a conduit à une schématisation autour des thèmes d'effets d'entraînement et d'effets d'éviction.

2- Les effets économiques de la dette dans la théorie économique

Au cours des trente dernières années, les pays en développement ont bénéficié de prêts considérables, assortis souvent de conditions très concessionnelles qui devaient permettre leur décollage rapide en favorisant l'investissement et en accélérant la croissance.

Mais, devant les sommets atteints par les ratios d'endettement dans les années 80, un constat s'est imposé : pour de nombreuses économies, et en particulier pour quelques pays d'Amérique latine à revenu intermédiaire, le remboursement de la dette serait non seulement un frein aux performances, mais une tâche quasiment impossible.

La théorie économique est habituellement mobilisée à la fois par ceux qui justifient et par ceux qui condamnent les déficits publics.

Les premiers s'appuient surtout sur les travaux du célèbre économiste anglais John Maynard Keynes. En effet, face à la crise de 1929, celui-ci estimait que l'Etat avait vocation à injecter de la dépense dans le circuit économique, quitte à creuser temporairement les déficits publics lorsque l'économie tourne en sous régime. Ses thèses sont devenues dominantes après la seconde guerre mondiale, contribuant notablement aux succès de ce qu'on a appelé les Trente Glorieuses années en Occident.

En montrant ses limites de promotion de la croissance au début des années 70, en raison d'un certain nombre de facteurs exogènes dont entre autre le premier choc pétrolier de 1973, la thèse keynésienne de déficit conjoncturel a largement été mis en cause notamment sur le plan théorique par les tenants du monétarisme dont Milton Friedman et les influences que cette école a exercé sur les politiques économiques à partir des années 1980 plus précisément aux Etats-Unis sous Reagan et au Royaume Uni sous Thatcher. La politique de relance économique n'est pourtant pas abandonnée. L'endettement des Etats de l'UEMOA, nouvellement indépendants, au début des années 60, s'inscrivait dans le but de fonder les bases d'une économie de croissance et ceci dans la logique de la définition du concept du sous- développement de l'époque.

Du côté des seconds, de nombreux économistes considèrent que donner « artificiellement » un supplément provisoire de revenu aux ménages, ne les incite pas réellement à consommer davantage car ils ajusteraient leur consommation sur une vision de long terme de leurs ressources (théorie du revenu permanent). En outre, constatant aujourd'hui l'augmentation des déficits publics, les ménages anticiperaient les augmentations d'impôt nécessaires demain et renonceraient à consommer d'avantage pour épargner (effets dits « ricardiens ») qui ne sont pas observés actuellement dans les pays jugés fortement endettés. Par ailleurs, les emprunts contractés par l'Etat pour financer ses déficits capteraient tous les capitaux disponibles et feraient, de ce fait, monter les taux d'intérêt selon le processus de l'élémentaire loi de l'offre et de la demande.

Cette augmentation affecterait négativement les capacités d'emprunt et d'investissement des entreprises privées. Ces effets appelés effets d'éviction ne caractérisent pas non plus les grands pays fortement endettés (les Etats-Unis, le Japon, la France etc.) dans lesquels les taux d'intérêt demeurent relativement bas. Certains économistes reconnaissent cependant que la dépense publique peut jouer un rôle déterminant dans la croissance de long terme, si elle est investie dans le capital humain (éducation, recherche etc.) ou dans les infrastructures, élevant ainsi la productivité, donc le rythme d'activité (théorie de la croissance endogène).

La théorie suggère que l'emprunt, contenu dans des limites raisonnables (difficilement quantifiables), peut aider les pays en développement à affermir leur croissance. L'idée est que les économies qui sont au stade initial de leur développement disposent d'un stock de capital limité et offrent souvent des possibilités d'investissement plus rentables que les économies matures. Aussi longtemps qu'elles emploient les capitaux empruntés pour financer des investissements productifs et échappent à certains maux (instabilité macroéconomique, adoption de mesures faussant les incitations, chocs de grande ampleur), leur croissance devrait s'accélérer et leur permettre de rembourser à l'échéance les dettes contractées. Malgré cette argumentation vraisemblable, l'endettement des pays pauvres en particulier pose d'énormes difficultés quant au remboursement et son effet sur la croissance n'a pas été totalement avéré, là se pose la problématique de l'usage des fonds prêtés.

L'explication la plus connue est avancée dans les théories du «surendettement» : si l'on peut penser que la dette future dépassera les capacités de remboursement des pays débiteurs, le coût de son service découragera les investissements intérieurs et extérieurs, pénalisant ainsi la croissance. En revanche, la réalité de l'usage des fonds prêtés, n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie pour mettre en évidence la mauvaise gestion imputable aux gouvernements emprunteurs ou à l'organisme prêteur, le plus souvent au motif de considération politique et géopolitique. Bien que les modèles n'analysent pas explicitement l'impact du surendettement sur la croissance, on peut en déduire que l'accumulation de lourdes dettes ralentissant l'expansion en freinant notamment l'investissement paraît plus nuancé, notamment si l'on se penche sur le cas de certains pays industrialisés comme le Japon.

Il semble donc, d'une part, qu'une évolution raisonnable de la dette devrait être bénéfique à la croissance et, de l'autre, que l'accumulation d'une lourde dette risque d'entraver l'expansion, ce qui résume en quelque sorte le débat controversé de la relation entre dette et croissance. Les théories du surendettement ne retracent pas à vrai dire cet impact. Globalement, la théorie conduit à penser que l'emprunt extérieur a un effet positif sur l'endettement et la croissance s'il ne dépasse pas un certain seuil et au-delà duquel, son effet devient négatif.

L'endettement des pays en développement, en particulier les pays sous étude, étant par essence un endettement extérieur public, pose la problématique relation entre dette et commerce extérieur, le second devant dégager un excédent (rentrée de devise) permettant d'honorer le payement du service de la dette extérieure.

La dette extérieure a le potentiel de stimuler la croissance économique à condition qu'elle serve à financer des investissements.

En revanche, le service de la dette extérieure (par opposition à l'encours total de la dette) peut en outre influer sur la croissance en évinçant les investissements privés s'il est l'objet de nouvelles émissions de titre notamment auprès du système financier national (effets d'évictions) ou en modifiant la composition des dépenses publiques. Toutes choses étant égales par ailleurs, un service plus lourd peut accroître le déficit budgétaire de l'Etat et réduire ainsi l'épargne publique. Un tel service peut en outre réduire le montant des ressources disponibles pour l'infrastructure et la formation du capital humain, avec les effets négatifs à en attendre sur la croissance ce qui est typique au cas des pays de l'UEMOA.

Au-delà de ces controverses théoriques sur le déficit, donc de la dette publique, un consensus semble se dégager sur les conséquences du niveau élevé et croissant de la dette publique notamment en termes de rigidité budgétaire et de soutenabilité.

2.1- Endettement et rigidité budgétaire

Le niveau de la dette est jugé préoccupant tant dans les pays développés du point de vu de son effet sur la redistribution, sur la génération future et notamment de la rigidité pour promouvoir ou accompagner la croissance dans l'optique keynésienne, que dans les pays pauvres du point de vue poids du service de la dette sur les finances publiques au regard des besoins de financement dans la lutte contre l'extrême pauvreté.

Les effets économiques de la dette doivent être distingués de ceux dus aux déficits budgétaires (lesquels sont à l'origine des engagements financiers croissants du secteur public). Les implications de déficits durables sur les taux d'intérêt notamment durant les périodes d'expansion de la demande (du moins en théorie), ont largement contribué à la mise en oeuvre des tentatives de politiques d'assainissement des finances publiques dans la plupart des pays de l'OCDE depuis 1979 par le biais de programme d'ajustement structurel qualifié par certains milieux notamment syndicaux, de néolibéral du fait des vastes programmes de privatisation et de l'ouverture des frontières économiques.

Ces réformes avaient pour but de rompre avec la croissance molle. Il en a été autrement pour les huit pays de l'UEMOA, vu la dégradation des indicateurs macroéconomiques qui sont les leurs, en raison notamment de la chute des recettes d'exportations de matières premières, rendant « insoutenable » la dette. Ces pays n'ont pas tardé à connaître des difficultés de paiement lié au service de la dette. A la lumière de ces difficultés, de nombreux rééchelonnements ont été opérés accompagnés de programme d'ajustement structurel en vu de rendre soutenable la dette.

La dette des pays pauvres et celle des pays de l'UEMOA en particulier étant totalement publique et dont les créanciers sont essentiellement de l'extérieur, les emprunts sont souscrits en devise étrangère, le remboursement pose vraisemblablement des problèmes de balance de payement, de change et de problème budgétaire.

2.2- Effet sur le taux de change :

Dans ce contexte de dette essentiellement publique et contractée en devise étrangère comme c'est le cas des pays de l'UEMOA, la capacité de remboursement peut s'apprécier du point de vue de la viabilité de la balance des paiements.

Pour rembourser leur dette, les gouvernements doivent disposer de ressources importantes en devises. Pour cela, il faut que l'économie des pays en questions puisse disposer d'une capacité de production échangeable sur le marché international, qu'il s'agisse de biens d'exportation ou de substitut aux importations génératrice de devise, ce qui pose sans doute problème aux pays concernés du fait de leur spécialisation dans l'exportation de matières premières dont les cours fluctuent en permanence .

Dans cette situation, traditionnellement, le seul moyen utilisé pour équilibrer les ressources et les emplois en devises, en l'absence d'une dévaluation réelle suffisante, est de réaliser une contraction du niveau de l'activité économique. Cette contraction le plus souvent provoqué par le programme de stabilisation préalable à l'application du programme d'ajustement structurel, vise à assurer avec les moyens disponibles, l'équilibre de la balance des paiements. Cette réduction massive de l'activité économique a des conséquences économiques notamment une déstructuration de l'économie et provoquant le plus souvent des tensions sociales.

2.3- La crise de la dette et la surévaluation du taux de change :

Le diagnostic qui est fait par le FMI dans les économies endettées est que la solution de la crise financière passe inévitablement par une dévaluation de la monnaie nationale, condition indispensable à la création de ressources supplémentaires en devises, qui manquent pour assurer le service de la dette. Cette vision a conduit à la dévaluation du Franc CFA de 50 % en 1994, ce qui n'a véritablement pas permis de résoudre le problème de la dette à la suite de la crise des cours des matières premières exportées.

2.4- Le problème budgétaire associé au renversement des transferts nets :

De 1973 à 1982, les pays en développement ont bénéficié, par le biais de l'endettement international, de transfert net de ressources considérables. Reprenant la définition utilisée par la Banque Mondiale, le transfert net de ressources est le solde entre les apports financiers constitués par le flux brut d'emprunt à long terme et les charges de cette dette sous forme de remboursement du principal ou de rémunération des créanciers. Pendant les années 1970, jusqu'en 1982, la croissance de la dette était telle que les nouveaux crédits obtenus dépassaient largement les charges de la dette antérieure, de telle sorte que, les pays en développement ont bénéficié de transferts nets de ressources considérables. La hausse des taux d'intérêts internationaux à partir de 1979 a radicalement modifié les conditions de cette évolution. Le transfert net de ressources est devenu négatif pour la plupart des pays en développement.

Cet aspect du problème de la dette renvoi au rôle de la production de biens échangeables dans la détermination de la capacité de remboursement de la dette internationale, donc de soutenabilité de la dette.

Face à ces difficultés, les réaménagements de dette sont devenus, le plus souvent, différents car les modes de financement sont opposés, possibilité de recourir aux marchés internationaux des capitaux pour ceux qui concernent respectivement les pays à revenu intermédiaire et l'exclusion des pays pauvres de ces marchés de capitaux. Ce qui rend ces derniers largement tributaires des prêts publics (bilatéraux ou multilatéraux).

L'endettement croissant des pays ex-communistes répond à une logique de transition vers une économie de marché. Les causes de cet endettement diffèrent radicalement des deux autres.

Pour les pays industrialisés, la fin des trente glorieuses, marquait aussi le début de l'endettement, dont les contours sont fort différents de ceux des autres catégories de pays. Cet endettement a surtout servi à contenir les tensions sociales liées au chômage de masse et une politique keynésienne de soutien à l'activité économique.

Si le recourt à l'emprunt parait se justifier pour toutes les catégories de pays, la nature des emprunts et les objets financés, prêtent à discutions.

La conception du problème de développement, résumée à un problème de finance et de technologie qui a prévalu lors de la présidence de Robert S McNamara à la tête de la Banque Mondiale, sans véritablement se préoccuper des projets à financer, fait naturellement partie des explications de la crise de la dette de nombreux pays, dont les solutions adoptées reposent essentiellement sur l'analyse de la soutenabilité.

II Le concept de soutenabilité de la dette

Le niveau d'endettement ne peut s'apprécier qu'au regard de la capacité du débiteur à mobiliser des ressources pour faire face au service de la dette . C'est toute la différence entre les pays industrialisé et les pays pauvres. Le problème de l'endettement se pose en termes de flux et non de stock. Ainsi les grands pays industrialisés trouvent toujours facilement des emprunts sur le marché obligataire et demeurent bien noté par les Agences de notation.

Cette analyse revient à poser le problème de l'endettement des PVD en termes d'un problème de balance de paiement. L'endettement en affecte le solde en raison des sorties de capitaux au titre du service de la dette.

La capacité de mobilisation des ressources déjà très faible, le démantèlement des barrières douanières, faisant partir des conditionnalités du programme d'ajustement structurel, a contribué à la perte de recette publique sans avoir permis de réelle compensation en termes de mobilisation d'autres ressources.

Par ailleurs, sans excédent de la balance des transactions courantes, il est impossible à long terme pour des pays comme ceux de l'UEMOA de remplir leurs engagements largement exprimés en devise étrangère.

Devant la situation de crise, les organisations de Breton Woods ont fini par réagir, après avoir longtemps fait accepter l'idée que leurs créances devaient rester indiscutables. Fin 1996, une initiative ouvrant la voie à la réduction de la dette multilatérale a été mis en oeuvre (Initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés, PPTE). La procédure, fort complexe, repose sur l'idée suivante : les pays qui présentent les caractéristiques d'un endettement excessif par rapport à leurs ressources se verront octroyer de la part du FMI et de la Banque mondiale une réduction de dette de telle qu'ils ramènent leur endettement à un niveau jugé « soutenable ». Cette réduction n'entre définitivement en jeu qu'après une période probatoire d'une durée initialement fixée à six ans, pendant laquelle les bénéficiaires potentiels devront mettre en oeuvre des « efforts d'ajustement redoublés ».

Fin 1998, l'initiative PPTE avait démontré sa lenteur et ses limites : sept pays seulement avaient été sélectionnés et les réductions de dette prévues restaient souvent symboliques. Ceci a conduit le G7 à adopter, en juin 1999 sous la pression des organisations humanitaires et religieuses regroupées dans la coalition Jubilé 2000, une résolution qui ouvre la voie à un traitement rapide et plus généreux de la dette des PPTE. Les seuils à partir desquels la dette est jugée insoutenable ont été réduits (150% au lieu de 200 à 250% par exemple pour le ratio valeur actuelle de la dette extérieure/exportations des biens et services).

Ainsi, au coeur de l'initiative PPTE se trouve donc la notion de soutenabilité de la dette : il s'agit de mesurer dans quelles conditions les pays concernés peuvent être mis à condition de rembourser leurs dettes.

1- Soutenabilité de la dette

De manière très générale, l'analyse de la soutenabilité consiste à confronter les flux de remboursement avec des flux de ressources.

Une dette publique est réputée soutenable, si son encours est inferieur à la valeur actualisée des futures excédents primaires (solde budgétaire positif hors intérêt de la dette).

La soutenabilité repose à la fois sur la valeur des excédents budgétaires futurs et du taux d'actualisation.

Le but de l'Initiative PPTE est de résoudre définitivement le problème du surendettement en proposant des réductions de dette bilatérale et multilatérale, afin que les pays éligibles atteignent des niveaux soutenables de dette.

L'étude de cette soutenabilité de la dette extérieure publique revient de manière classique à :

- préciser la notion de soutenabilité retenue ;

- spécifier les caractéristiques et les déterminants de la croissance de l'économie ou, de manière générale, des facteurs qui améliorent les capacités de remboursement ;

- spécifier la façon dont ces déterminants sont liés avec le financement extérieur créateur d'endettement ;

- spécifier les causes de l'endettement extérieur ;

- spécifier les caractéristiques du financement extérieur.

La plupart des évaluations pratiquées dans l'analyse de la soutenabilité de la dette extérieure sont fondées sur un modèle « standard » qui est lui-même la synthèse d'un courant d'analyse de l'endettement extérieur apparu il y a une cinquantaine d'année dans l'analyse économique à travers les écrits d'Harrod Domar vers les années 1944. Le modèle standard effectue des choix aux cinq niveaux indiqués ci-dessus.

Au plan théorique, le critère de solvabilité est que la dette finisse par s'annuler.

En pratique, ce qui importe, c'est que le pays puisse continuer à recevoir des financements extérieurs (ou que les nouvelles émissions de titres publics soient souscrites). La condition pour cela est qu'il paye régulièrement les intérêts sur l'encours de ses dettes. Cette condition diffère de la première, puisqu'elle est compatible avec le fait que l'encours de la dette progresse régulièrement. Pour traduire cette condition sur le plan quantitatif, on utilise la notion de soutenabilité. Le critère de soutenabilité repose sur l'hypothèse générale d'un ratio déterminé (généralement le rapport D/Q, encours de la dette divisé par le PIB) qui tend vers une limite finie. Cette limite est par exemple fixée à 60 % au sein de l'UE et de l'UEMOA. Dans les modèles théoriques, ce critère est en général considéré suffisant : le fait que les ratios d'endettement ne connaissent pas de tendance explosive suffirait à assurer la possibilité de continuer à s'endetter.

Dans la littérature économique, il existe plusieurs méthodes pour évaluer la soutenabilité selon l'angle de référence choisie. La dette publique est souvent dite soutenable si les intérêts qu'elle engendre ne font pas accroître indéfiniment le niveau de son stock rapporté au PIB. Ainsi, en prenant la dette extérieure comme une donnée exogène, le solde budgétaire avant paiement des intérêts (dit primaire) rapporté au PIB est soutenable s'il est supérieur au seuil défini par la formule :

DB Ix - Fx ÄA

SPseuil = ---- (r - n) + ------ - ----

Y Y Y

SPseuil : seuil de soutenabilité pour le Solde rapporté au PIB

Fx : financement extérieur net

Ix : intérêts de la dette extérieure

Y : Produit Intérieur Brut

DB : dette publique intérieure

r : taux d'intérêt nominal apparent de la dette intérieure

n : taux de croissance économique nominal

A : variation des arriérés

2- Difficultés liées à l'évaluation de la soutenabilité

Pour établir une projection permettant d'évaluer la soutenabilité, il est habituel du moins dans les modèles utilisés par le FMI et la Banque Mondiale, de préciser les ressources avec lesquelles l'économie endettée assurera les remboursements (taux de pression fiscale ou flux des nouveaux prêts), et les déterminants de leur croissance (capital physique et humain, investissement public et privé, taille du marché etc.).

L'analyse d'un niveau minimum est difficile à mener sur le seul plan économique, car il dépend de la capacité des gouvernements à mobiliser d'avantage de ressources ou d'accepter une diminution des dépenses publiques.

Quelques que soient les modèles de croissance sous-jacents, la plupart des analyses de la soutenabilité de l'endettement extérieur utilisent des paramètres (coefficient de capital, taux de pression fiscale, etc.) fixes ou, dans une approche plus raffinée, des variations régulières de ces coefficients. Ceci implique de nombreuses limites, qu'on regroupe en général en deux grandes catégories :

- absence de prise en compte du changement structurel ;

- absence de prise en compte de l'instabilité.

Etude sur « Soutenabilité, finançabilité et relance budgétaire », Direction des Etudes et des Prévisions financières du Maroc, Document de travail n° 19, Mai 1997.

De manière générale, l'analyse de la soutenabilité consiste à confronter des flux de remboursement avec les flux de ressources, après avoir spécifié le déficit qui est à l'origine de la dynamique de la dette. Quand on passe de la théorie aux pratiques d'évaluation de la soutenabilité, les instruments de formalisation mathématique, qui ne sont généralement valides que sous leurs hypothèses, prêtent sujet à discussion comme dans toute modélisation.

Cette limite de la pertinence de l'analyse de la soutenabilité est aussi confortée le plus souvent de la confrontation aux avancées de la théorie économique. Par exemple, la réflexion sur la croissance, a depuis une dizaine d'année, avec la théorie de la croissance endogène, mis en évidence le rôle décisif des externalités (accumulation de capital humain, économie d'échelle, infrastructures publiques etc.), à côté de la simple accumulation du capital physique sur la croissance économique.

Certaines approches classiques de la soutenabilité de la dette extérieure, prennent essentiellement en considération le déficit de la balance des payements, ce qui est aussi la référence principale des organisations internationales dans le cadre de l'initiative pays pauvres très endettés (PPTE).

L'endettement des pays pauvres étant public, le problème se pose principalement en terme budgétaire notamment la problématique de la mobilisation des ressources.

L'analyse de la soutenabilité au-delà de la définition des paramètres théoriques retenus à son évaluation, est le plus éclairée par des projections combinant de disciplines telles que la mathématique et la statistique, dont le calcul ou test s'effectue sous des hypothèses discutables et discutées.

Classiquement, le test de soutenabilité de la dette se fait généralement à l'aide d'une formalisation assez simple et qui se traduit par la formule classique suivante (en notant b : rapport dette/PIB ; b' : son accroissement par unité de temps ; G : le montant des dépenses publiques hors intérêts ; T : le montant des recettes publiques ; r : le taux d'intérêt ; Y : le PIB et g : son taux de croissance) :

b' = [( G -T ) /Y ] + b(r - g)

Si b' est positif, le ratio b augmente sans cesse : la dette est dite explosive,

Si b' est négatif, le pays est solvable c'est-à-dire que la dette s'annule à un moment donné,

Si b' est égal à zéro, le ratio b se stabilise : la dette est soutenable.

L'usage de cette méthode d'évaluation en 1996 par certains économistes dont Daniel COHEN, a montré la situation insoutenable de l'encours de la dette de nombreux pays africains. Cette étude a en outre contribué à la prise en conscience générale sur la problématique de la dette des pays pauvres, aboutissant à l'initiative PPTE.

Cette méthode d'évaluation diffère des autres modèles (en particulier celle qu'utilisent la Banque Mondiale et le FMI dans le cadre des évaluations de la soutenabilité de la dette, qui constituent la première étape pour bénéficier de l'initiative PPTE) sur un point crucial : la dynamique de l'endettement y est générée par le déficit des opérations financières de l'Etat et non par le déficit extérieur.

L'évolution de l'analyse de la soutenabilité a conduit tout au long des cinquante années de problème de la dette, à des propositions visant à la rendre viable ou soutenable à travers des rééchelonnements d'échéanciers. L'endettement des pays pauvres est demeuré malgré tout élevé. Au milieu des années 90, il était devenu manifeste que les mécanismes d'allégement de la dette, les nouveaux concours officiels et l'ensemble de mesures visant à ramener la dette à un niveau soutenable, n'étaient pas suffisants.

La persistance du problème a clairement montré, du moins pour ce qui concerne les pays pauvres dont les huit pays de l'UEMOA, que les solutions adoptées ont non seulement pas permis de rendre la dette soutenable, mais ont été la plupart du temps la cause des difficultés économiques que rencontrent ces pays d'où les critiques aux programmes d'ajustement structurel et aux procédés de rééchelonnement au sein des deux clubs de renégociation de la dette.

En 1996 à Lyon, le sommet du G7, le FMI et la Banque mondiale ont lancé conjointement l'initiative en faveur des PPTE afin de proposer une solution exhaustive aux problèmes d'endettement des pays pauvres. Cette initiative s'appuyant aussi sur l'analyse de la soutenabilité, marque une rupture par rapport aux pratiques anciennes qui excluaient de la renégociation de dette, les créances multilatérales.

Daniel COHEN, est Professeur de sciences économiques à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne).

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