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Analyse comparée des stratégies de désendettement public pour la Zone UEMOA

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par Drissa SANGARE
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Recherche Finances Publiques et Fiscalité 2007
  

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Chapitre III : Origines et Crises de l'endettement

L'endettement n'est pas un phénomène nouveau. Au cours du XIXème siècle, des capitaux quittent l'Europe occidentale vers des pays comme les Etats-Unis, le Canada ou des empires coloniaux. Les divergences entre les obligations de remboursement des pays débiteurs et leurs possibilités d'y faire face ont aussi marqué l'histoire du monde moderne. Une première vague de crise de l'endettement international des pays en développement apparaît dans les années 1820, une période durant laquelle, la plupart des nations nouvellement indépendantes d'Amérique latine, se sont largement endettées. Cet endettement avait pris surtout la forme d'émission d'emprunts publics obligataires. Pendant la période de retournement de la conjoncture, de nombreux défauts de paiement sont apparus, aussi bien dans plusieurs Etats du Sud des Etats-Unis. Ces défauts de paiement n'ont pourtant pas empêché l'apparition de nouvelles périodes d'endettement extérieur des pays en développement et de nouvelles crises financières comme celles des années 1850, du début des années 1870, celle de la fin des années 1880, marqué par la crise financière de l'Argentine. En effet, à la suite de l'expansion économique des années 1880, l'Argentine avait connu un afflux de capitaux extérieurs et un accroissement de la charge de sa dette. Dès 1890 une crise de confiance apparaît et se traduit par la disparition progressive des apports de capitaux extérieurs et engendre en conséquence des répercussions sur l'ensemble du système financier mondial, par l'intermédiaire de la faillite de certaines grandes banques créancières. En cette même année la charge de sa dette représentait 40% de ses recettes d'exportation et dès 1891, le gouvernement argentin est en cessation de paiement et répudie le service de sa dette. Mais comme le dit David Hume : après les crises de dette, les crédits apparaissent encore florissants. Les années 1910, ont été aussi marquées par d'importants défauts de paiement dont les principaux seront dus à l'effondrement de l'empire ottoman et à la révolution mexicaine.

David Hume (économiste et moraliste écossais du XVIIIe siècle) disait à ce propos que « la plupart des êtres humains sont de telles dupes que même si une banqueroute volontaire (...) assenait un coup violent au crédit, il ne faudrait probablement pas longtemps pour voir le crédit renaître aussi florissant qu'auparavant ».

En 1917, à l'arrivée des bolchevicks au pouvoir, le nouveau gouvernement répudie une grande partie de la dette extérieure de la Russie, une répudiation s'inspirant plus à une orientation idéologique que de difficultés économiques. Cette crise de la dette russe semble ne pas correspondre à une crise financière typique des pays en développement.

La crise des années 1930 :

La crise des années 30 est considérée par les historiens comme la plus importante crise d'endettement de la période contemporaine. Sa caractéristique principale, est que la plupart des pays débiteur - tous les pays d'Amérique latine, la plupart des pays d'Europe orientale, la Turquie et la Chine- ont été simultanément en défaut de paiement.

Son origine réside dans la crise économique qui a débuté aux Etats-Unis en 1929. La crise de 1929 a en effet provoqué en premier lieu une chute des recettes d'exportation des pays endettés, en raison de la récession dans les pays industrialisés, de la montée du protectionnisme et de l'effondrement des prix des matières premières. La crise a aussi provoqué une hausse des taux d'intérêts réels. La grande différence de la crise des années 30 et les suivantes, c'est que les porteurs d'obligations disposaient de peu de moyens de pression sur leurs débiteurs. En général les détenteurs d'obligation étaient nombreux et dispersés et avaient à négocier avec le débiteur défaillant par l'intermédiaire de comité indépendant (la British Corporation of Foreign Bondholders en Grande Bretagne, le Foreign Bondholders Protective Concil aux Etats-Unis).

La crise économique de 1929 durera plusieurs années, le chômage et la chute de la production atteindront des niveaux catastrophiques et dans de nombreux pays, la situation politique devient instable, aboutissant en fin de compte à la seconde guerre mondiale. A la sortie de cette guerre, les mouvements internationaux de capitaux sont devenus extrêmement rares et la plus grande opération d'endettement d'envergure fut le plan Marshall pour la reconstruction d'après guerre en Europe occidentale.

Avec la fin de la guerre et les mouvements d'indépendance des colonies qui ont suivis, l'endettement va concerner des pays autrefois absents en tant que pays souverain dans les mouvements de capitaux, il s'agit des pays en développement, qui empruntèrent massivement pour combler leur retard de développement.

I. Aux sources de la dette actuelle des pays en développement

La genèse de la dette actuelle est beaucoup plus liée à la définition donnée au phénomène du sous-développement à la fin des années 1950.

Ces explications considéraient de manière presque unanime que la pauvreté des pays du

Tiers Monde avait deux causes essentielles : le manque de moyens financiers et de technologies. On retrouve là aussi l'explication donnée notamment par R. Nurske avec sa théorie des « cercles vicieux » du sous-développement. En effet, selon cette conception les pays du Tiers Monde ne manquent ni de main-d'oeuvre, ni de matières premières et pour pouvoir accroître la productivité de la première et mieux valoriser les secondes, on considérait alors qu'il fallait de l'argent et des machines.

En 1961, l'ONU vota une résolution intitulée Première décennie du développement, fixant un certain nombre d'objectifs en termes de croissance : 5 % pour les pays du Tiers Monde.

Les pays développés devaient sous forme d'aides et de prêts, transférer 1 % de leur PIB vers les pays du Tiers Monde (dans la même période, les Etats-Unis transférèrent 4,5 % de leur PIB pendant le Plan Marshall). La dette des pays du Tiers Monde qui représentait alors 7,6 milliards de dollars US en 1960 monte en 1970 à 66 milliards de dollars US. Cette somme représentait alors 14 % de leur PNB en moyenne et un peu plus de 100 % de leurs exportations annuelles. Cet endettement était jugé raisonnable car le service de la dette représentait environ 15 % des leurs exportations.

Pour ce qui concerne les objectifs de croissance, les résultats ont été inégaux. Les 5 % sont atteints, mais la croissance est déséquilibrée. C'est avant tout l'industrie et les mines qui en ont profité, alors que l'agriculture principalement vivrière diminue.

Les exportations des pays industriels d'alors vers ceux en développement doublent.

Jugés satisfaisants, ces résultats entraînent dans la foulée de la première décennie du développement, une deuxième décennie couvrant la période allant de 1970 à 1980. Ayant pour principal cible l'indicateur PNB, la plupart des gouvernements des pays industrialisés comme ceux des pays en développement, maintiennent une stratégie identique en misant à nouveau sur des objectifs de croissance : 8 % pour l'industrie et 4 % pour l'agriculture.

A la fin de la deuxième décennie, la dette atteint 650 milliards de dollars US, mais de bons taux de croissance dans plusieurs pays maintiennent l'impression que la voie adoptée était la bonne. De plus, la dette, inflation aidant, ne représentait encore que 20 % du PNB. Mais, pour les plus endettés, la dette représentait alors environ 160 % de leurs exportations annuelles.

La deuxième décennie a été marquée par une rupture importante avec le choc pétrolier de 1973. Alors que les pays industrialisés connaissent une récession à partir de 1974, seuls les pays en développement semblent susceptibles de faire un bon usage des

"Pétrodollars", placés dans le système financier international. Malgré le choc pétrolier, l'endettement dans pays en développement continuait à croître. De plus, ces pays semblent d'autant plus solvables que le monde entier est sous le choc des prévisions alarmistes données par le Club de Rome en 1972 concernant les pénuries prévisibles pour la plupart des matières premières minérales. Or, le Tiers Monde est avant tout fournisseur de matières premières.

Vient alors la troisième décennie du développement, devant couvrir la période 1980-90. Les rapports entre les pays riches et les plus pauvres se sont tendus. Ces derniers, réunis pour partie dans « le groupe de 77 », plaident pour une plus grande ouverture des marchés mondiaux à leurs produits. Une convention est signée début 1981 (Convention de Lomé I).

La crise économique rencontrée à partir de 1974 dans les pays industrialisés, n'a pas tardé à se faire sentir dans les pays en développement, essentiellement exportateurs des matières premières.

Origines de la crise de l'endettement

Après plusieurs années consécutives de hausse, le cours des matières premières (hors énergie) s'inscrit à la baisse dès la fin des années 1970. Les pays en développement ont été brutalement confrontés à une dégradation de leurs recettes d'exportation mais aussi à un tarissement des sources extérieures de financement à la fin des années 1970.

1- Le retournement à la baisse des prix des matières premières :

La baisse des prix des matières premières intervenue la première, puis du cours des produits pétroliers, vont se traduire par une détérioration des recettes d'exportation de la plupart des pays en développement. Mais c'est surtout la récession consécutive au deuxième choc pétrolier dans les pays industrialisés qui va être capital en tant que précurseur des difficultés financières des pays en développement. Dans ces pays fortement demandeurs de matière première, la croissance ralenti, ce qui a eu pour conséquence une baisse de la demande de matière première, qui par le simple du mécanisme du marché, les prix de cette dernière chute.

Ainsi dans la seule année 1980, le cours du cuivre (essentiel pour la Bolivie et le Chili) chute de 27 %, celui de l'étain de 24 %. L'indice des prix à l'exportation des produits primaires (combustibles exclus) établi par la CNUCED baisse de près de 30 % entre 1980 et 82.

Les prix de nombreux produits primaires vont tomber, au cours des années 1980, au niveau le plus bas depuis la seconde guerre mondiale. En revanche, les prix des produits des pays industriels ayant augmenté de 17 % tandis que ceux des produits de base après avoir augmenté de 12 % par an entre 1970 et 1980, chutaient de 26 % en moyenne, il en a résulté une détérioration des termes de l'échange et ainsi qu'une diminution de la capacité d'importation des pays en développement.

Les pays ont en partie compensé la dégradation de leurs termes de l'échange par un recours accru à l'emprunt.

2- Un contexte financier plus défavorable aux pays en développement :

Le coût de l'endettement a aussi brusquement monté à la suite d'un retournement de la politique monétaire des Etats-Unis.

En effet, sous l'influence de Paul VOLCKER, président du Federal Reserve, influencé lui-même par les principes de la théorie monétariste, la politique monétaire américaine devient plus restrictive à partir de 1979. Le taux du marché monétaire passe de 7,93 % en 1978 à 18,38 % en 1981. Les taux d'intérêt réels pendant les années 1980 sont près de six fois supérieures à ceux de la période 1974-79.

Tableau n° 7 : Evolution du taux d'intérêt nord américain durant la période de l'endettement massif.

Année

Taux nominal

Taux réel (inflation déduite)

1970

7,9 %

2,0 %

1975

7 ,9 %

- 1,3 %

1979

12,7 %

1,4 %

1980

15,3 %

1,8 %

1981

18,9 %

8,6 %

Source : données publiées par le CADTM (Comité d'Annulation de la Dette du Tiers Monde) en 2005.

De plus, les capitaux affluent aux Etats-Unis, provoquant ainsi une hausse du dollar qui augmente le coût des emprunts libellés en dollars. Comme dans les années 1975-80, de nombreux pays ont cherché à mener une politique de relance économique, l'endettement était le moyen de compenser l'évolution défavorable du cours des matières premières, pour financer les dépenses publiques. Mais les effets de la relance se heurtent à la récession mondiale et à la montée du protectionnisme des pays industriels freinant les exportations des pays en développement. La dette ayant été alourdie par la hausse des taux d'intérêts et de l'appréciation du dollar, les pays en développement vont chercher à emprunter pour faire face à une charge de remboursement croissante. La crise des payements se profile à l'horizon et les banques deviennent de plus en plus réticentes à prêter. Ce revirement des banques s'est accentué par la disparition de leur surliquidité.

La conjonction de cet ensemble de facteurs va provoquer une contraction des crédits accordés aux pays en développement. Les crises de paiements se précipitent, elle éclate en premier pendant l'été 1982 au Mexique : la crise mexicaine.

En effet, en 1982, le Mexique dont la dette représentait 85 milliards de dollars US annonce qu'il est dans l'incapacité de faire face à ses échéances. Le service de sa dette représente, en effet, plus de 100 % de ses recettes d'exportation, les intérêts à eux seuls représentent plus de la moitié de ses exportations. Le Mexique décrète un moratoire sur le service de sa dette. Cette crise mexicaine révèle la fragilité des pays en développement.

Le Mexique sera suivi par d'autres pays. Certains brandiront l'arrêt des remboursements comme une menace, d'autres fixeront des limites à leurs remboursements, calculées par rapport à leurs recettes d'exportation .

Un certain nombre de solutions de réaménagement ont été mises en place pour éviter la faillite du système bancaire, mais la dette ne baisse pas. En 1985, elle dépasse les

1000 milliards de dollars, pour approcher les 2100 milliards à la fin de l'année 2000.

La seconde crise mexicaine de janvier 1995 et ainsi que les crises plus récentes des pays asiatiques (1997), du Brésil (1999) et de l'Argentine (2001) sont beaucoup liées à la volatilité des capitaux. Elles résultent pour l'essentiel de la libre circulation des capitaux dont le FMI en fut le grand défenseur en adoptant des mesures en vue de l'instauration de la convertibilité du compte de capital².

En 1985, le Pérou annonce qu'il ne consacrerait que 10 % de ses recettes à l'exportation au service de la dette.

² « Le mythe du laisser-faire financier », Jagdish BHAGWATI, article paru dans la revue Foreign Affairs de mai-juin 1998.

Ces crises ont rappelé la problématique de la dette aussi pour cette catégorie de pays à revenus intermédiaires, même si ses caractéristiques diffèrent de celles que rencontrent les pays pauvres, notamment pour ce qui concerne la maturité des crédits dont les emprunts de court terme étaient fortement prédominants.

En effet durant la décennie 1990, le contexte change. Les autorités monétaires américaines reviennent à une politique monétaire plus stricte, les dollars deviennent plus rares et, fort logiquement, les taux d'intérêt s'élèvent. Autre changement, l'inflation, très élevée à la fin des

années 1970, ralentit fortement et les crédits deviennent de fait de plus en plus coûteux en termes réels pour les débiteurs  (Tableau n°4). Pire, la désinflation étant en partie obtenue par la baisse des cours des matières premières, les recettes à l'exportation des pays du Tiers Monde s'en ressentent. Elles baissent alors que leur dette, elle, s'alourdit. Ils deviennent de moins en moins solvables. A l'évidence, ces retournements de conjoncture n'expliquent pas à eux seuls le problème de la dette, l'usage fait de celle-ci explique en partie.

3- Une utilisation inefficace des ressources de la dette :

L'endettement pour financer l'investissement et la croissance n'est pas économiquement condamnable par principe : en théorie la croissance qui en résulte peut permettre d'obtenir les devises nécessaires au remboursement des sommes empruntées. L'exemple le plus pertinent en la matière est le plan Marshall et la reconstruction japonaise de l'après guerre.

En règle générale, tout dépend de la productivité du financement extérieur. Il est nécessaire que la dette serve à l'investissement productif. Parfois, même lorsque l'endettement externe a été utilisé dans un but productif, les erreurs d'appréciation sur la finalité et la rentabilité de grands projets structurants ont été nombreuses dans les pays en développement. Certaines installations énergétiques, sidérurgiques, aéroportuaires etc. se sont traduites par une surcapacité par rapport à la demande réelle ou potentielle, et finalement par un gaspillage des ressources, comme ce fut le cas de la politique d'industrie lourde en Algérie après l'indépendance.

Les coûts financiers et les délais de mise en fonctionnement ont été la plupart du temps sous-estimés. Ainsi, une fraction considérable des emprunts extérieurs a été gaspillée dans des projets inadaptés et n'a pu servir à renforcer à long terme les capacités de production, ou de mobilisation des devises nécessaires au remboursement des dettes contractées. Les aléas atmosphériques, les guerres civiles interminables, les politiques économiques faibles et la mauvaise gestion des affaires publiques sont autant de facteurs qui ont également joué un rôle dans l'explosion de l'endettement.

En somme, les événements mondiaux des années 1970 et 1980, en particulier les chocs pétroliers, les taux d'intérêt élevés et les récessions dans les pays industrialisés, et la faiblesse des prix des produits de base ont fortement contribué à l'endettement des pays pauvres avant de les précipiter dans une profonde crise de la dette et dont le traitement continu d'animer les relations économiques internationales dans leur ensemble.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius