WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

"Keske j'fé, kan j'fé rien?"Adolescents en quête d'une identité personnelle:l'ennui fécond

( Télécharger le fichier original )
par Laura PERRIN
Haute Ecole Léon Eli Troclet - Educatrice Spécialisée 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II 5. L'ennui propre à l'adolescent : voyage à l'intérieur de soi

« Celui qui connaît l'art de vivre avec soi-même ignore l'ennui. »

Didier Erasme

Certains adolescents, comme je l'ai expliqué dans la partie théorique, s'ennuient car ils ne savent pas vraiment ce qu'ils ont envie de faire. Ceci étant parfois en lien avec le fait qu'ils ne savent pas ce qu'ils sont. Ce qui revient à dire qu'ils ne savent pas toujours ce qu'ils aiment, ce qui leur plait. Au lieu de chercher à l'intérieur d'eux même des solutions, ils se réfugient auprès des adultes. Il est parfois plus simple pour un adolescent de faire appel à l'adulte que de se retrouver face à lui même.

II 5.1 "On ne sais pas quoi faire, rêvons un peu"

Je suis assise dans un fauteuil à côté de plusieurs adolescentes. J'entends l'une d'elle dire qu'elle s'ennuie. Les autres soutiennent la même chose. Je leur demande si nous sommes obligées de faire quelque chose. Elles me répondent que si nous ne faisons rien, le temps ne passe pas vite. Elles me racontent qu'elles en ont marre d'être ici, qu'il n'y a rien à faire. Je leur demande ce qu'elles font de plus quand elles sont chez elles. Elles me regardent un peu hébétées. Elles me répondent un peu perplexe qu'elles ne font rien de plus, mais qu'elles rêvent de faire pleins de choses. Une adolescente me dit qu'elle voudrait un jour devenir chanteuse, une autre qu'elle aimerait devenir pilote d'avion. Chacune leur tour, elles réfléchissent au rêve le plus fou. Il y a beaucoup de silence car elles pensent dans leur tête. Je les laisse à leur imagination, elles réussissent à "occuper", comme elles disent, leur temps. Au bout d'un certain moment, je leur signale que nous allons manger. Elles me répondent qu'elles n'ont pas envie et qu'elles se sentent bien ici. D'autres adolescents reviennent de leur promenade. L'un d'eux raconte aux jeunes filles qu'il s'est beaucoup ennuyé. Il leur demande ce qu'elles ont fait, l'une d'elle répond en rigolant, "rien, nous avons rêvé!".

Il est intéressant de voir à quel point l'inactivité des jeunes peut traduire un malaise. L'envie de faire quelque chose précède souvent le besoin. Il est important de leur demander de réfléchir à ce qu'ils ont vraiment envie de faire et s'il y a lieu de le faire.

II 5.2 "Ce que j'aime, ce que je n'aime pas? Je ne sais pas."

Je reparle, pour illustrer cette idée de Laurence. Lorsque son état physique ne lui permet pas d'aller à l'école, elle est souvent toute seule. Avec l'équipe de professionnels, nous nous sommes mis d'accord pour mettre en place un projet de recentrage sur elle-même. Nous lui accordons un espace temps, pour la mise en oeuvre d'une activité qui lui plait. Je trouve le projet pertinent, mais quelque chose me déplaît. Les différents professionnels participant au projet ont des domaines de spécialité. Une éducatrice lui propose de faire de la relaxation, une autre de la réflexologie. Ce qui m'interpelle est le fait que lorsque nous proposons, nous orientons la décision, voire nous l'imposons. Pour moi, il est s'agirait de ne rien lui proposer, mais plutôt que Laurence trouve et choisisse par elle même son activité.

Laurence m'attend un matin. Le moment est prévu pour effectuer l'activité. Elle interroge sur ce qu'elle va faire avec moi. Je lui réponds que je ne sais pas. Elle me regarde, interloquée, et me demande si elle ne s'est pas trompée d'horaire... Je lui réponds qu'elle ne s'est pas trompée, mais que c'est elle qui va choisir ce que l'on fera toutes les deux. Je ressens chez Laurence un sentiment de gène et de malaise. Je pense qu'elle ne s'attendait pas à cette réponse de ma part.

Elle me dit qu'elle n'a aucune idée de ce que l'on peut faire et qu'elle ne trouvera sans doute pas d'idées. Je lui rappelle que tous les jours, elle fait une multitude de choses et qu'elle doit sans doute aimer l'une d'elle. Elle me répond qu'en effet, elle aime les choses qu'elle fait mais que ce n'est pas forcément ce qu'elle préfère. Je saisis à ce moment qu'elle fait beaucoup de choses, chaque jour, mais qu'elles ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Elle ne se sent pas très à l'aise. Laurence est de nature assez fière, le fait de lui rappeler le sens de ses actes ne lui plait pas tellement.

Je n'insiste pas, et lui propose de faire avec elle une check-list de ses goûts et de ses centres d'intérêt. L'idée la séduit, mais lorsque je lui pose les questions, elle n'est pas très bavarde. Je lui dis alors que nous reviendrons plus tard dessus. On parle de choses et d'autres. Elle parvient à me dire que son grand-père lui manque, qu'elle l'aime beaucoup et qu'ils font beaucoup de choses ensemble quand elle n'est pas à l'hôpital. Elle me raconte qu'il a une passion pour la peinture et qu'il reproduit les paysages au fil des saisons. Elle, qui n'a pas de talent de peintre, photographie à côté de lui. Je la laisse continuer son histoire qui la remplie de gaieté.

Je sens que Laurence aime vraiment penser à sa famille et qu'elle éprouve beaucoup de plaisir à m'en parler. C'est quelque chose que, plus tard, je lui rapporte.

Je me demande à cet instant si j'en profite pour lui dire qu'au lieu de faire une activité nous pouvons tout simplement parler. Mais je reviens avec elle sur ce qu'elle vient de me raconter, sur le fait qu'elle aime beaucoup la photographie. Je lui demande pourquoi elle ne photographie pas à l'hôpital. Elle me dit qu'elle y a déjà songé mais qu'elle n'avait pas envie que ça se sache. Laurence ajoute qu'elle a peur de ce que les autres vont penser d'elle si on la surprend à photographier. Elle me dit qu'elle se sentirait nulle.

Après une heure passée à discuter, il est temps pour nous deux d'aller dîner. Elle me demande si notre projet peut être la photographie. J'acquiesce avec enthousiasme et lui dis que nous commencerons la semaine prochaine.

Cette activité a eu lieu seulement une fois. La seconde fois, Laurence n'était pas très en forme, elle n'avait pas envie de faire l'activité. Je sens qu'elle n'est pas très à l'aise quand elle me parle, elle me demande si je ne suis pas déçue. Je la rassure en lui disant qu'elle n'est pas obligée de le faire, c'est elle qui choisi. Je la remercie de sa sincérité et lui précise que je suis contente qu'elle me dise vraiment les choses. Une après midi, Laurence est toute seule, les autres adolescents sont à l'école. Elle me raconte qu'elle avait envie de faire de la photographie mais qu'elle n'en a pas fait. Elle explique qu'au lieu de le faire, elle a pensé très fort à son grand-père, à leurs moments passés ensemble, et que ça a suffit à occuper son esprit.

Je pense que cette situation vécue avec Laurence illustre bien le sentiment que les adolescents, et les individus en général, peuvent avoir lorsqu'ils se sentent différent des autres. Certains adolescents préfèrent ne pas développer leurs centres d'intérêt et leurs goûts, au risque d'être raillé par les autres. Choisir ce que l'on veut faire ou ce que l'on veut être, ramène à la notion d'individualité et de liberté.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry