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Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel

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par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU
Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005
  

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SECTION II : LE TEMPERAMENT AU REFUS D'INTERPRÉTATION DE LA LOI ÉTRANGÈRE : LE CONTRÔLE DE  DÉNATURATION

59. La notion de dénaturation, utilisée par la Cour de cassation afin d'exercer un contrôle minimum sur l'interprétation du droit étranger, a été initialement forgée pour tempérer le pouvoir souverain traditionnellement reconnu aux juges du fond dans l'interprétation des contrats.134(*) On sait en effet que s'il appartient aux juges du fond d'interpréter souverainement les contrats, la Cour suprême se réserve le pouvoir de censurer les décisions qui dénaturent une clause claire et précise. Comment cette notion de dénaturation a-t-elle été transposée en matière d'application du droit étranger ? (Paragraphe I) et quelle est la portée d'une telle transposition ? (Paragraphe II) Ces deux interrogations feront l'objet des développements suivants.

Paragraphe I : LA CONSÉCRATION DU CONTRÔLE DE DÉNATURATION DE LA LOI ÉTRANGÈRE

60. On peut estimer que c'est dans l'arrêt Montefiore135(*) que la Cour de cassation exerce nettement un pouvoir de contrôle sur l'interprétation et l'application d'une loi étrangère. En effet, c'est à travers cet arrêt que le contrôle de dénaturation acquiert droit de cité, puisque la Haute juridiction y casse la décision frappée de pourvoi au seul motif qu'elle a  « méconnu et dénaturé le sens clair et précis d'un document législatif » (étranger).

En l'espèce, l'Etat indépendant du Congo, ayant émis en 1901 un emprunt, des porteurs français se fondant sur l'article 14 du Code civil assignèrent en 1952 la colonie du Congo belge devant les tribunaux français afin d'en obtenir le remboursement. La colonie, soutenue par l'Etat belge (partie intervenante), ayant excipé de l'immunité de juridiction des Etats étrangers, le problème se posait de savoir qui de l'Etat belge ou de la colonie du Congo était débiteur de l'emprunt. Il existait dans le droit belge, seul compétent pour apporter une réponse à cette question, deux textes apparemment contradictoires. Le Traité de cession du 20 novembre 1907 tout d'abord, et une loi belge du 18 Octobre 1908 dite Charte coloniale, ensuite.

Par un arrêt infirmatif du 31 octobre 1956,136(*) la Cour d'appel de Paris fit prévaloir le Traité sur la loi et se déclara incompétente. Un pourvoi fut formé. Il soutenait d'une part que le Traité devait être mis hors de cause parce qu'il réglait exclusivement, sur le plan du droit international public, un problème de succession d'Etats, et d'autre part, que la loi du 18 octobre 1908 qui déterminait quel était le patrimoine public tenu de supporter la charge de l'emprunt avait été dénaturée par les juges du fond français.

La Cour de cassation ayant accueilli implicitement l'argumentation développée sur le premier point, elle statua en toute clarté sur le problème de la recevabilité du grief de dénaturation de la loi étrangère. C'est ainsi qu'elle a décidé qu'  « en statuant comme il a fait, l'arrêt attaqué a méconnu et dénaturé le sens clair et précis d'un document législatif consacrant la distinction de l'Etat belge et de sa Colonie (...) ».137(*)

61. Après l'arrêt Montefiore, la Cour de cassation a eu à utiliser la notion de dénaturation, soit pour affirmer la dénaturation d'un droit étranger,138(*) soit pour affirmer l'absence de dénaturation.139(*)

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt Brianti,140(*) le point de départ se situe dans un jugement du 23 octobre 2000, par lequel le tribunal de première instance de Monaco a placé sous administration judiciaire Mme Ponzetti, veuve Brianti, sur le fondement de l'article 410-19 du Code civil monégasque. Ultérieurement, la fille de cette personne assigne ses frères et soeur ainsi que l'administratrice judiciaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre, pour voir fixer le montant de la contribution alimentaire de chacun des enfants à l'entretien de leur mère. Cette dernière intervient volontairement à la procédure, mais son fils M. Brianti soulève l'irrecevabilité de l'intervention en arguant que le placement sous administration judiciaire avait eu pour effet de faire perdre à l'intéressée sa capacité civile. Au soutien de cette thèse il a versé aux débats le jugement prononcé par le tribunal de première instance de Monaco le 8 novembre 2001, qui, dans une procédure parallèle a déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mme Ponzetti, précisément au motif que la mesure de protection l'a rendue incapable.

Par un arrêt du 24 octobre 2002, la Cour d'appel de Versailles a cependant jugé recevable l'intervention volontaire.

Toutefois, par un arrêt du 14 février 2006, la Cour de cassation a censuré la décision versaillaise. Visant l'article 3 du Code civil monégasque, la Haute juridiction a considéré que la loi étrangère a été dénaturée, dès lors qu'il résultait du jugement produit par M. Brianti que la nomination d'un administrateur judiciaire entraînait la perte de la capacité civile.

Une analyse détaillée de cette jurisprudence bien que peu fournie, nous permettra d'en déduire le fondement et le domaine du contrôle de la dénaturation du droit étranger.

* 134 Civ., 15 avril 1872, Foucauld et Coulombe, DP. 1972. 1.76, Grands arrêts de la Jurisp. Civ., 11e éd., n° 160 ; Cass. 1er civ., 24 mai 1989, Bull. Civ. I, n° 207.

* 135 Cass. civ 1er, 21 nov. 1961, Montefiore et Association nationale des porteurs de valeurs mobilières c/ Colonie du Congo belge et Etat belge, JDI.1962. 686, note GOLDMAN (B.).

* 136 JCP. 1956. II. 9605, Concl. LINDON.

* 137 v. G. A. D. I. P., Dalloz, 4e éd., 2001, p. 315.

* 138 v. Cass. soc., 10 mai 1972, Cts. Bastia, Rev. Crit. DIP 1974, p. 321, note MARRAUD; Cass. civ 1er ., 2 févr. 1982, Olivier, Rev. Crit. DIP 1982, p. 706, note MAYER  (P.); Cass. civ 1er., 19 mars 1991, Rev. Crit. DIP 1992, p.88, note MUIR-WATT. v. pour des arrêts plus récent : Cass. civ 1er., 6 déc. 2005, Soc. Nestlé France, Rev. Crit. DIP 2006. 428, note PATAUT (E.) : cassation pour dénaturation de la loi étrangère ; Cass. civ 1er., 6 juill. 2005, Soc. Ishihara Sangryo Kaishal, Rev. Crit. DIP 2006. 381, note POISSON-DROCOURT (E.) : le vocable «  dénaturation » n'apparaît pas, mais le juge a bel et bien entendu sanctionner une méconnaissance de la signification du droit étranger ; Cass. civ 1er., 14 fév. 2006, M.G. Brianti c/ Consorts Brianti, Rev. Crit. DIP 2006. 832, note BOLLEE (S.).

* 139v. Cass. civ 1er., 15 mars 1966, Rev. Crit. DIP, 1967.147 ; Cass. civ 1er., 2 févr. 1966, Rev. Crit. DIP 1968.289, note P. L. ; Cass. civ 1er., 3 juin 1998, Benali c/ Makhlouf, Rev. Crit. DIP 1998.652, note ANCEL (B.) ; Cass. civ 1er., 18 juillet 2000, Bull. n°215, n°98-15-265.

* 140 Cass. civ 1er., 14 fév. 2006, M.G. Brianti c/ Consorts Brianti, Rev. Crit. DIP 2006. 832, note BOLLEE (S.).

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