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Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel

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par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU
Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

65. En définitive, nous pouvons faire le constat suivant : dans un premier temps, la Cour de cassation française a refusé de façon systématique d'exercer un contrôle de l'interprétation du droit étranger par les juges du fond, et la principale raison avancée était que le rôle de la Haute juridiction est d'assurer l'unité d'interprétation du droit du for et non celle du droit étranger.

Cette position est plus tard tempérée, à cause des multiples critiques qui lui ont été adressées. En effet, à travers la jurisprudence Montefiore,155(*) la juridiction suprême accepte de recevoir les pourvois fondés sur une dénaturation du sens clair et précis d'un document législatif étranger.

66. Précisons que l'Avant Projet de Code camerounais des personnes et de la famille n'apporte aucune précision sur l'existence ou non d'un contrôle de l'application du droit étranger par les juges du fond. Mais il est souhaitable que les rédacteurs de ce texte envisagent de proposer l'exercice d'un contrôle minimum de l'application faite du droit étranger, ainsi que les modalités d'exercice de ce contrôle.

CONCLUSION DU TITRE I

67. Pendant plusieurs années, la nature juridique de la loi étrangère a fait l'objet d'une importante controverse doctrinale et jurisprudentielle dans le système de droit international privé français. En effet, une partie de la doctrine a estimé que lorsque le juge est saisi d'un litige international et qu'il constate que sa règle de conflit de lois désigne la compétence d'une loi étrangère, il n'a aucune obligation de la mettre en oeuvre lorsque son application n'a pas été invoquée par au moins par l'une des parties au litige. En outre, le juge n'aurait pas non plus l'obligation de rechercher le contenu de cette loi en raison de son assimilation à un simple fait dont la preuve incombe aux plaideurs.

68. Relativement au régime facultatif de la règle de conflit de lois, l'arrêt fondateur en la matière est l'arrêt Bisbal qui a établi la logique suivante : le juge ne doit appliquer d'office la règle de conflit que lorsqu'elle désigne la loi française. Il n'a pas à l'appliquer d'office lorsqu'elle désigne une loi étrangère. Cette jurisprudence qui faisait varier l'autorité de la règle de conflit selon que la loi désignée par cette règle est française ou étrangère, a été très critiquée en doctrine. Elle s'est pourtant maintenue pendant de très nombreuses années, la Cour de cassation ayant seulement admis que le juge pouvait, s'il le voulait, soulever la compétence de la loi étrangère désignée par la règle de conflit.156(*) mais qu'il n'y était pas obligé.

Cette jurisprudence se justifiait par une «  considération pratique ».157(*) Des difficultés très importantes peuvent apparaître lorsqu'il s'agit d'appliquer une loi étrangère. Et pour éviter au juge ces difficultés, la Haute juridiction a retiré tout caractère impératif aux règles de conflits, lorsqu'elles donnent compétence à un droit étranger. Cette vocation universelle de la lex fori, à résoudre les litiges privés à caractère international, a également pu se justifier par la facilité pour le juge saisi d'appliquer sa propre loi.

En dépit de ces justificatifs d'ordre pratique, le système issu de l'arrêt Bisbal a été critiqué  sur le « plan juridique ».158(*) Tout d'abord, il conduisait à retenir que les règles de conflits sont d'ordre public lorsqu'elles désignent la loi du for, et ne le sont plus lorsqu'elles désignent une loi étrangère. Pourtant, aucun fondement n'était donné à une telle distinction. Ensuite il s'agissait d'un système qui dénie pratiquement tout intérêt à la méthode conflictuelle puisque la règle de rattachement ne s'impose plus au juge lorsqu'elle désigne une loi étrangère. Enfin, ce système était une porte entrouverte pour le forum shopping.159(*)

69. Le caractère facultatif de la règle de conflit a pendant longtemps été suivi d'un autre principe : celui du rôle prépondérant des parties dans l'établissement de la preuve du droit étranger compétent. En effet, la question de la preuve de la loi étrangère est directement liée à celle de l'autorité des règles de conflit de lois.160(*) A travers les arrêts Lautour et Thinet, la Cour de cassation a élaboré le principe selon lequel il appartient aux parties161(*) d'apporter la preuve de la loi étrangère. Dans ce système, la charge de la preuve repose sur l'auteur de la prétention, qu'il soit défendeur ou demandeur. Cette approche a pendant longtemps participé à l'assimilation de la loi étrangère à un fait sur le fondement de l'article 9 du NCPC français qui précise que les parties doivent prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

70. En ce qui concerne les moyens de preuve du droit étranger, les parties peuvent recourir au certificat de coutume. Le juge, quant à lui peut avoir recours à un expert, à un consultant ou encore, dans le cadre du Conseil de l'Europe, au procédé de preuve des droits étrangers mis en place par la convention européenne dans le domaine de l'information sur les droits étrangers du 7 juin 1968.

Une fois la loi étrangère mise en oeuvre par le juge du fond, la Cour de cassation à refusé d'en contrôler l'interprétation. Cette position a été approuvée par la doctrine, pour la simple raison que la Cour de cassation assure l'unité d'interprétation du droit du for et non celle du droit étranger.162(*) Toutefois, si la Haute juridiction ne contrôle pas l'interprétation faite du droit étranger, elle accepte depuis l'arrêt Montefiore, de contrôler la dénaturation des documents étrangers présentés au juge par les plaideurs.

71. Dans le contexte juridique camerounais, et malgré la rareté du contentieux international de la famille, les décisions des arrêts Bisbal et Lautour sont encore en vigueur en droit camerounais. Ce qui signifie que le juge camerounais n'a pas l'obligation d'appliquer d'office le droit étranger désigné par sa règle de conflit. Il n'a également pas l'obligation de rechercher d'office le contenu de ce droit, puisque cette obligation pèse sur le plaideur dont la prétention est soumise audit droit. Il s'agit là d'une position qui semble être confirmée par la jurisprudence camerounaise Malong.163(*) Une telle situation pourrait bien se justifier par l'ignorance de la plupart des magistrats et par un manque de réflexe internationaliste de la part de ceux d'entre eux qui ont suivi une formation en droit international privé. Toute chose que nous déplorons.

Par contre sur le plan législatif, nous encourageons déjà les dispositions de l'Avant Projet de Code des personnes et de la famille qui traitent des problèmes liés à l'application des lois étrangères par le juge camerounais. A notre avis, ces dispositions devraient être plus explicite en ce qui concerne l'application d'office ou non des règles de conflit de lois par le juge, le responsable de la preuve du contenu de la loi étrangère, et même l'existence ou non d'un contrôle par la Cour suprême camerounaise, de l'interprétation faite du droit étranger.

72. Plusieurs années après l'arrêt Bisbal, qui est considéré comme l'arrêt de principe ayant ouvert la voie à la conception factuelle de la loi étrangère devant les juridictions du for, on a pu entrevoir les prémices d'une reconnaissance de la juridicité de cette loi.

* 155 Préc.

* 156 Arrêt Chemouny, 2 mars 1960, Préc.

* 157 MELIN (F.), Droit international privé, Préc.

* 158 Ibid.

* 159 Astuce pour échapper à l'application d'une loi et consistant, pour les plaideurs, à porter leur litige devant une juridiction étrangère, qui ne sera pas obligée d'appliquer cette loi.

* 160 v. en particulier PONSARD (A.),  L'office du juge et l'application du droit étranger, RCDIP 1990, p. 607.

* 161 Plus précisément la partie dont la prétention est soumise au droit étranger.

* 162 v. Cass. 1er civ., 17 mai 1993 et 13 juin 1993, RCDIP 1994, p. 508, note LEGIER (G.).

* 163 Préc.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius