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Les accords de médiation, construction et devenir

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par Marie Caroline Despax
DRASS Toulouse - DE médiateur familial 2009
  

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2- approche du concept d'accords de médiation

a cors = avec le coeur (« Accords » étymologie latine Encycl.Larousse)

a) Que sont-ils?

En médiation familiale, les accords écrits sont le document qui peut être établi en fin de médiation, qui reprend les points d'accord trouvés par les parties tout au long des séances. Certains médiateurs élaborent des accords intermédiaires pour jalonner le chemin vers l'accord final et redonner confiance aux personnes quant à leur capacité à sortir de cette impasse, dans une période de transition où chacun a perdu ses repères.

Il est difficile de définir précisément ce que sont les accords de médiation, il s'agira davantage de cerner ce concept. Une première observation permet de souligner la diversité des noms que les acteurs de la société donnent à ces accords écrits: accords de médiation, protocole d'accord, projet d'entente, écrit final en médiation, sommaire des ententes, nouveau règlement familial, rapport de médiation, et même procès-verbal de médiation...

Ce foisonnement sémantique vient comme en écho d'une incertitude autour de l'identité de la médiation familiale, qui, toujours pionnière et encore assez mal connue, n'a pas ses caractéristiques gravées dans le marbre. Au delà, ce pourrait être un des signes positifs d'une pratique adaptable, non institutionnelle, où une large place est laissée à la créativité.22

Cependant, il semble qu'aujourd'hui un consensus se dégage autour de l'utilisation de la terminologie « accords de médiation », formule qui sera employée ici.

Les accords de médiation présentent des spécificités importantes qui les différencient clairement des autres formes d'écrits dits « professionnels ».

i Les accords de médiation peuvent être écrits ou verbaux

L'absence d'exigence quant à la forme des accords met en évidence la grande

22 La médiation souffre d'une identité floue due à la trop large utilisation de ce terme de « médiation » par ceux qui ont voulu bénéficier de son image flatteuse mais c'est un concept rigoureux qui répond à des règles précises. Cette thèse est développée par M. GUILLAUME-HOFNUNG dans son article : Le concept de médiation et l'urgence théorique- Les cahiers du Cremoc 2001

souplesse de la médiation. Un accord verbal est parfaitement concevable. Néanmoins, si les accords écrits ne sont que facultatifs, ils restent malgré tout opportuns et parfois nécessaires, plus pour des raisons pratiques que des raisons de validité. «Afin que les accords élaborés grâce au travail de médiation familiale puissent se maintenir dans le temps, il convient à un moment donné de les formaliser, de les écrire » (M.Cevaer-Jourdain)23 .

Pour P. Bonnoure-Aufière, avocate et médiatrice familiale, l'écrit en médiation familiale est « une forme valorisant le processus »24 Dans la médiation judiciaire, l'écrit apparaît indispensable, le magistrat contrôlant l'accord afin d'en vérifier la légalité et s'assurant que les intérêts des parties ont bien été préservés.

i La liberté de forme et de contenu

Une extrême liberté préside à la rédaction des accords, ce qui ne diminue en rien leur valeur.

Les formes de ces accords sont multiples : rédigés par le médiateur ou directement par les parents, dans un style qui peut être administratif voire juridique ou bien au contraire avec des mots simples, dans une langue concrète et personnelle.

Les contenus sont également variés : ce sont les personnes qui viennent en médiation qui décideront ensemble du contenu de leurs accords. Ceux-ci pourront donc être partiels ou très complets, laconiques ou extrêmement détaillés. Pourront y être évoqués les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, la répartition des biens, les pensions alimentaires, la résidence des enfants, ou tout autre sujet traité pendant la médiation et jugé nécessaire par les parties, ce qui sera développé plus loin.

i Les accords appartiennent aux personnes

Les personnes disposent à leur gré des accords qu'elles et elles seules ont signés (dans le paragraphe consacré à la valeur juridique des écrits de médiation, nous reviendrons sur l'importance de la signature). Selon l'article 131-12 du NCPC : « le juge homologue, à la demande des parties, l'accord qu'elles lui soumettent. » L'homologation est facultative puisqu'elle est soumise à la volonté des parties.

23 Marguerite CEVAER-JOURDAIN, La médiation familiale - thèse doctorat en droit 2000

24 Pierrette BONNOURE AUFIERE, Médiation Familiale, regards croisés et perspectives, Eres, 1997

L'accord est homologué par le juge selon les principes de la matière gracieuse. Parallèlement, le médiateur familial préserve la confidentialité du contenu des accords de médiation: à aucun moment, il n'en divulgue des éléments au magistrat. Il lui appartient d'indiquer simplement si sa mission a été possible et si des accords ont pu être conclus. Par exemple, si une médiation est interrompue par une des parties, le juge ne saura pas qui est à l'initiative de l'arrêt de la médiation.

b) Les écrits : décor historique et sociologique Seules les traces font rêver (René Char)

En concentrant la recherche sur les accords de médiation sous leur forme écrite, le champ de prospection touche à cette fonction symbolique majeure évoquée en avant-propos : l'écriture.

Avant de venir à la place des accords écrits de médiation dans le processus, il convient de s'arrêter un peu sur certains aspects historiques et sociologiques de l'émergence de l'écrit dans notre société : ils éclairent sur les enjeux liés à l'écrit au moment de la rédaction des accords de médiation et sur l'importance que leur accordent les parents, ce qui sera vérifié lors de l'enquête.

D'où vient ce mot d' « écrit »?

Au commencement est l'étymologie. L'étymologie du mot « écrit » nous apprend que ce mot vient d'une racine indo-européenne sker ou ker exprimant l'idée de couper et que l'on retrouve en sanscrit sous la forme de krnati, blesser et krit : couteau. Il existe une forme élargie : « squeribh »: inciser, regroupant à la fois l'idée de scarifier et celle d'écrire 25.

Cette origine étymologique renvoie à la matérialité originelle de la plupart des écritures, gravées sur la pierre ou incisées. Elle peut ramener symboliquement à une problématique de la coupure, de la séparation. L'écrit est codifié, construit de telle manière que les hommes aient un patrimoine commun qui leur permette de communiquer, de se comprendre. Alors qu'il est souvent produit par rapport à la différence, à l'écart, au manque.

Dans l'histoire humaine, l'écrit servit très tôt à garder mémoire des dettes et des
obligations que les hommes contractaient entre eux. Pour ne pas oublier, l'homme

25 Cf. Joël HAMM, blog le Monde.fr - Internet 2008

primitif avait recours à d'ingénieux agencements d'objets symboliques ou à des signes matériels, noeuds, entailles, dessins. Les écrits furent ensuite de plus en plus utilisés dans les types de commerce pratiqués dans la Grèce classique, les négociants grecs devenant des maîtres en fait de contrat écrit.

A partir du IVème siècle, l'écrit commence à s'imposer réellement dans la vie juridique, se généralise au delà des secteurs du commerce et du droit maritime et caractérise notre civilisation occidentale toute entière.

Au fil de l'histoire humaine, il apparaît rapidement comme un instrument de pouvoir aux mains de certaines catégories spécialisées, « du scribe égyptien au secrétaire de chancellerie humaniste du XVème siècle et du conseiller au parlement d'Ancien Régime à l'énarque de notre temps 26». Il devient dès lors une puissance crainte et désirée que les autorités de tous temps cherchent à contrôler. S'il est parfois une limite posée aux pouvoirs, il en est toujours l'instrument27.

Au delà de reproduire le langage, l'écrit permet aussi et surtout d'appréhender la pensée et de lui faire traverser l'espace et le temps ; selon Charles Higounet, loin d'être seulement un instrument, elle ne garde pas seulement la parole, elle réalise en outre la pensée ; c'est le fait social qui est la base même de notre civilisation28. Pour

L. Febvre, c'est un nouveau langage « centuplé ».

Jacques Goody a développé cette thèse. L'écriture n'est pas le simple enregistrement de la parole : elle modifie en profondeur la pensée humaine, et jusqu'à la parole parlée en y introduisant des cadres nouveaux : « La représentation graphique de la parole est un outil, un amplificateur, un auxiliaire d'une extrême importance qui transforme la représentation du monde. L'écriture arrache la parole à son contexte immédiat, enferme les mots dans de nouveaux cadres abstraits, où ils seront manipulables, analysables et recomposables à l'infini ; comme instrument critique et accumulatif, elle est le fondement de tous les développements majeurs dans les domaines ... d'accomplissement humain »29.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon