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Réfugiés Hmong à  Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora

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par Pilippe MICHEL-COURTY
Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007
  

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2. Une mobilité sous contrôle pendant l'exil

a. Le camp, le premier asile

Ceux qui ont survécu au voyage et ont pu franchir la frontière sont parfois blessés ou malades ; ils sont conduits vers les postes de police pour vérification d'identité et transportés en camion dans les camps fermés où ils trouvent enfin le premier asile, après l'enregistrement obligatoire des familles, ce qui constitue la phase politico-policière du dispositif et donne droit aux rations alimentaires, phase économico-policière (BROCHEUX, 1983 : 201). Les camps de Ban Vinai, Nong Khai, Ban Nam Yao, et Chiang Kham, situés de l'autre côté de la frontière (carte n°4) accueillent essentiellement les familles Hmong. Entourés de barbelés, ils sont aménagés en villages et les sorties ne sont pas autorisées.

Carte n°4 : Les camps de réfugiés sous contrôle de l'UNHCR en Thaïlande

v Changement social

Le camp de réfugiés modifie radicalement la condition et le statut des Hmong. Du point de vue des organisations internationales, ils sont reconnus comme réfugiés « de droit international ». Leur dépendance est extrêmement forte tant pour la nourriture - les rations sont fournies par l'UNHCR et les organisations humanitaires -, que pour les déplacements, puisqu'ils sont cantonnés dans l'enceinte du camp30(*). Pour celui qui a toujours vécu dans un village au sein d'une communauté en quasi-autarcie, où se pérennisaient les traditions, et où « la logique du lignage l'emporte généralement sur celle du voisinage » (TAILLARD, 1977 : 56), le camp représente une étape dans le changement social où se mêlent la découverte d'une certaine modernité - les enfants qui jusque là n'avaient pas été scolarisés reçoivent les premières bases - mais surtout celle de l'état de dépendance. Comme le fait remarquer G. CONDOMINAS à propos du camp de Ban Vinaï, et cela demeure applicable aux autres camps, « ces minuscules communautés éparpillées dans la jungle [...] se sont rassemblées en Thaïlande, comme jamais cela n'avait eu lieu au cours de leur longue histoire, en une agglomération de plusieurs dizaines de milliers d'individus » (HASSOUN, 1997 : 10).

Les familles que nous avons rencontrées sont presque toutes passées par le camp de Ban Nam Yao - « village de la rivière sauvage » en thaïlandais - dans lequel elles sont restées plusieurs années avant de quitter la Thaïlande. En arrivant dans le camp, la première tâche qui attend les réfugiés est la construction de la maison en utilisant les matériaux locaux - bambous et chaume - fournis par l'UNHCR. Cet abri de fortune est pour eux un premier ancrage en terre étrangère sous contrôle des autorités thaïlandaises.

J'avais 17 ans quand nous sommes arrivés dans le camp.

Nous sommes restés 5 ans à Ban Nam Yao... Il y avait 14 000 réfugiés. La vie était compliquée. Au début, il n'y avait pas de toilettes, les gens n'avaient pas d'eau pour se laver... Pas d'électricité non plus... On n'avait pas de travail, il n'y avait pas de terre à cultiver, et on n'avait aucun moyen de gagner de l'argent pour acheter de la nourriture... On était enfermé et c'est l'ONU qui nous donnait la nourriture, l'eau... Toute la famille vivait ensemble... J'ai eu deux fils...

(témoignage de K. T.)

Le « food basket » se compose de riz, de poisson séché, de légumes secs et d'huile, complété parfois par des légumes frais. L'aide internationale cessera en 1999 et pourtant, deux ans après, des réfugiés sont toujours là, abandonnés cette fois. Un témoin, venu apporter des courriers et divers objets, confiés par des Hmong vivant en Guyane française et destinés à des membres de leur famille ou à des amis, décrit le lieu en ces termes :

Imaginez des collines de terre ocre complètement déboisées et couvertes de petites maisons construites de bric et de broc et entourées de rigoles pour empêcher la pluie de les envahir. Il était difficile de connaître la population du camp mais elle était évaluée à plus de 20 000 personnes. Le camp ressemblait à une fourmilière avec des enfants partout. Il ne paraissait pas y avoir de plan précis et les maisons semblaient avoir été construites au hasard sur les pentes et étaient reliées par des chemins de terre qui serpentaient. L'hygiène était catastrophique. Sans doute y avait-il un ou plusieurs dispensaires mais je ne les ai pas vus. J'ai le souvenir d'un point d'eau avec un robinet au bout d'un tuyau posé à même le sol dans la poussière. Les femmes et les petites filles venaient faire la queue avec toutes sortes de récipients et repartaient vers leurs maisons.

Certaines familles avaient des jardinets avec quelques légumes et des papayers. Il y avait très peu d'arbres. L'ensemble donnait une impression de désolation et je n'ose imaginer quel bourbier ce devait être à la saison des pluies.

Certains réfugiés se débrouillaient pour sortir et travailler aux environs du camp. Les policiers thaïlandais étaient complices et laissaient faire, sans doute contre rémunération... (témoignage de madame O. G.)

Il faut imaginer cette population de montagnards habitués à vaquer à leurs occupations dans beaucoup d'espace, à vivre de leurs mains en pratiquant agriculture et élevage, à subvenir à leurs propres besoins, se retrouvant désormais dans le plus complet dénuement, vivant dans des conditions sanitaires déplorables aggravées par la promiscuité et dépendant désormais totalement de l'aide internationale. Ajouté à cela un avenir incertain : le retour « là-bas » au Laos impossible et un « ailleurs » inconnu : « Quand on a pu partir en France, je ne savais pas où c'était ni comment c'était... » (K. T.). Et pourtant, on continue à vivre, on se marie, on fonde une famille, on organise des fêtes pour perpétuer les traditions et entretenir par la pensée un lien avec le village abandonné.

* 30 HASSOUN, J.P., MIGNOT, M. 1983. Le terme «réfugié» dans les langues hmong et vietnamienne, ASEMI, XIV, 1-2

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway