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Réfugiés Hmong à  Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire) - rapports aux lieux et diaspora

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par Pilippe MICHEL-COURTY
Université de POITIERS - Migrinter - Master 2 2007
  

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v Le clan, facteur de regroupement et d'ancrage territorial

L'accroissement rapide de la communauté ne s'explique pas exclusivement par le contexte économique. Il faut chercher un autre facteur explicatif. Pour cela, observons l'ordre d'arrivée dans la commune des 22 familles recensées en 1987 (tableau n°4).

 

TCHA/CHA/CHIENG

XIONG

YANG

VANG

VU

1978

X

 

X

X

 

1979

X

 

X

X

 

1980

X

 
 
 
 

1981

X

X

 

X

X

1986

X

 

X

 
 

1987

X

 
 
 
 

Tableau n°4 : Répartition des clans familiaux par dates d'arrivée

On peut constater la dominante très marquée des familles TCHA/CHA/CHIENG appartenant au même clan dont, chaque année, une ou plusieurs nouvelles familles arrivent. Les YANG et les VANG se placent en deuxième position. Les XIONG et VU constituent apparemment des groupes isolés. L'arrivée de la première famille du clan CHIENG/TCHA semble avoir eu un effet « boule de neige ». Selon quel mode de communication ? A la question de savoir pourquoi d'autres familles sont arrivées, Teng CHIENG déclare :

...parce que quand j'étais au Laos, je suis un monsieur que tout le monde connaît bien, parce que au Laos j'ai fait la guerre, partout tout le monde me connaît bien, et même on arrive à la Thaïlande je suis le président du camp de réfugiés aussi, et tout le monde il me connaît bien aussi. Et quand je suis arrivé en France celui qui vient derrière, il connaît je suis en France, et quand il arrive tous les foyers d'accueil de réfugiés en France, même n'importe où, même à Marseille, même à Perpignan, à Lyon ou à Toulouse, à Lille il me connaît, c'est ça... et eux ils déménageaient pour me suivre... ils sont venus tous, ils sont venus d'ailleurs...

La venue de nouvelles familles est à attribuer, selon Teng CHIENG, à la notoriété qu'il avait acquise déjà au Laos, liée à son statut de militaire, puis renforcée dans le camp de Ban Nam Yao où il devient « président du camp des réfugiés ». Ceux qui arrivent en France après lui (« celui qui vient derrière ») lui reconnaissent une autorité suffisante pour le rejoindre à Montreuil-Bellay. Il faut ajouter qu'il est déjà dans la place et sert d'intermédiaire dans l'obtention d'un emploi dans l'usine UCP : « Il m'a téléphoné que je travaille pour eux ». La commune exerce une attractivité en raison des emplois qu'elle offre mais surtout du fait de la présence d'un individu, capable à lui seul de polariser un vaste espace. Il n'a toutefois pas été possible de vérifier, en dehors de Perpignan non loin du camp de Port-Leucate, si toutes les origines qu'il énumère dans son propos sont exactes. Il veut avant tout montrer qu'il est reconnu comme « chef » au même titre qu'il aurait été chef de village au Laos. Cette autorité est encore effective car, en cas de problèmes qui normalement auraient dû être traités par le centre social de la ville, il semble qu'il y ait eu des difficultés à pénétrer dans les familles, le représentant du clan préférant régler les problèmes à l'interne. Il faut cependant signaler que cette « autorité » est aujourd'hui quelque peu remise en question par certains membres de la communauté hmong qui estiment qu'en France il n'est plus besoin d'un « chef », le maire de la ville pouvant exercer cette fonction.

D'autres liens inter familiaux, générés par le biais des unions matrimoniales, permettent de mieux appréhender ce facteur de cohésion clanique. Chez les Hmong, le mariage ne peut se conclure que dans le cadre rigoureux de l'exogamie clanique : les gens portant le même nom se considèrent comme parents proches et ne peuvent pas se marier entre eux. Ce principe est vérifiable dans chaque foyer. En revanche, si l'on étudie le foyer de Ka-Gé TCHA, on constate une liaison directe avec le clan YANG dont sont issues les deux épouses. Les YANG eux-mêmes sont liés par le mariage aux XIONG et aux VANG, eux mêmes liés aux TCHA... On peut dès lors parler d'une vaste famille « élargie » dont les liens parentaux sont parfois éloignés mais toujours affichés, et qui trouvent un raccourci dans le nom « cousin ». Tel un arbre dans une forêt, le clan a une racine principale et, à sa cime, des rameaux en contact avec ceux de l'arbre voisin (BRUNET, 1993).

Le regroupement de ces familles dans une petite commune a été facilité par l'activation de 2 types de réseaux, celui de la parenté dont la structure est en partie héritée du passé, considéré comme allant de soi, évident, quasi « naturel », par les migrants, et celui entre co-ethniques plus construit, consciemment entretenu et négocié dans la transplantation. Il est interprété et valorisé comme un réseau de parenté fictive, de parenté élargie au sens fréquemment usité de « cousins ». Ainsi, au terme de plusieurs années d'errance de camp en camp, un premier « ancrage » semble désormais envisageable, rendu possible par l'obtention d'un emploi et d'un logement dans une commune qui jusque là n'avait pas connu de vague d'immigration quantitativement aussi massive.

Conclusion : d'une mobilité forcée, puis contrôlée, à une mobilité choisie

Si, à l'origine, les Hmong ont eu une pratique de la mobilité dans des lieux géographiques fluctuants où prévalait la « logique du lignage » et que, n'étant pas propriétaires d'un lieu géographique, ils en disposaient tant qu'il répondait aux besoins du groupe, ils se sont progressivement stabilisés avant que leur organisation soit, elle même, bouleversée par les guerres d'Indochine. Perdant brutalement leurs racines, ils vont connaître, au cours de l'exil, une mobilité sous contrôle, avec le temps de l'attente dans les camps du pays de premier asile, où s'effectuent des regroupement claniques temporaires suivis d'une dispersion au niveau mondial. Arrivés en France, ils sont ballottés de camp en camp qui constituent autant de sas d'entrée dans le pays d'accueil et leur permettent, à chaque fois, de franchir une nouvelle étape dans le processus d'intégration. Ils acquièrent, en premier lieu, la reconnaissance juridique en bénéficiant du statut de réfugiés, puis des compétences linguistiques et professionnelle permettant l'accès à un emploi, qui marque une nouvelle phase d'intégration. Autant l'ancrage leur a été temporairement impossible, autant il est désormais autorisé. En se regroupant dans une même commune et, qui plus est, dans un même quartier, ces familles vont gagner bien sûr en visibilité - avec en contre partie, les réactions parfois xénophobes de la municipalité et du voisinage - mais vont surtout construire, dans le quartier de la Herse, un territoire. Ce quartier est avant tout le lieu résidentiel, celui de la scolarité pour les plus jeunes fréquentant l'école et le collège voisins, le lieu des loisirs avec les parties de football et de toupie dans les espaces verts, le lieu des achats quotidiens dans le super marché tout proche... C'est avant tout le territoire où s'exerce la solidarité familiale et clanique, forme de solidarité « mécanique » dans laquelle la conscience collective est forte et homogène et où c'est l'identité entre les individus qui est source de solidarité (DURKHEIM, 1933). Celle-ci se manifeste de manière forte dès l'arrivée d'un nouvel élément : les repérages géographiques indispensables dans le quartier et dans la ville, les repas pris en commun, l'hébergement temporaire en attendant l'attribution d'un logement sont autant de liens qui renforcent le groupe et confortent l'existence de la « communauté ethnique locale ».

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein