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La conférence de rédaction comme outil d'auto-régulation et espace de communication organisationnelle

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par Anicet Laurent QUENUM
Université Cheickh Anta Diop de Dakar - UCAD - DESS 2004
  

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CHAPITRE II

II. LES ACTEURS ET LEURS SPECIFICITES

2.1 La Rédaction en chef

La Rédaction est dirigée par un rédacteur en chef, désigné parmi ses pairs selon des critères objectifs ou non, mais qui varient généralement entre la confiance, l'ancienneté et l'expérience. Ce dernier est aidé dans ses oeuvres par un rédacteur en chef adjoint qui peut aussi assurer concomitamment les charges de secrétaire de rédaction comme c'est le cas depuis 1996 au niveau de la Rédaction du Journal Parlé de Radio-Bénin.

A priori, le rédacteur en chef est un homme censé inspirer respect. A défaut d'avoir de l'autorité, il doit, ou du moins, il est souhaitable qu'il ait quelque chose de plus que ses confrères: l'âge par exemple qui, dans la culture africaine, est source de sagesse et de respectabilité. Et si ce n'est l'âge, au moins l'expérience, le savoir-faire et un professionnalisme qui en imposent. Car les jeunes confrères sous ordre ont grandement besoin de modèles. Plus de modèles que de chantres et de théoriciens. Il n'y a rien de plus insupportable qu'un chef qui n'est fort qu'en instructions et qui s'illustre peu en pratique.

Le Journal Parlé de Radio-Bénin a profité, autour des années 1997-1999, de l'expérience d'un rédacteur en chef dont le trait dominant était sa grande sérénité14. Pendant deux années et demie, on ne l'a presque jamais vu paniquer. A défaut d'être craint, il était respecté. A défaut d'être forcément aimé, il était admiré pour sa maturité, ses propos rassurants, son élocution mûrement calculée et son self-control désarmant.

14 Ce confrère a poursuivi sa carrière de 1999 à 2004 à la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (HAAC) en qualité de conseiller.

Poste combien stratégique : le rédacteur en chef a plus de notoriété qu'un directeur. Carrefour où il reçoit toutes les personnalités du pays, du responsable d'ONG au chef de l'Etat, en passant par les syndicalistes en colère. Mais, en est-il toujours conscient ?

Il n'y aurait qu'à faire le compte du nombre de personnes qui frappent à sa porte en l'espace d'une journée. C'est à la fois passionnant et ennuyeux. Ce qui est vrai, c'est qu'en réalité, le rédacteur en chef détient la clé de nombreuses situations d'ordre professionnel dans un organe de presse. Il est d'ailleurs très courant que le directeur lui-même s'en remette au rédacteur en chef en détournant vers son bureau une partie de ses visiteurs ou interlocuteurs. Pour toutes ces raisons, il est un personnage très courtisé. Les politiciens et autres leaders d'opinions savent ce qu'ils gagnent en l'ayant avec eux. Raison de plus pour que la rédaction en chef soit confiée à une personne mûre.

2.1.1 Rédacteur en chef: une aspiration légitime

C'est une aspiration tout à fait légitime que de « convoiter » le poste de rédacteur en chef lorsqu'on approche les quinze années d'ancienneté. Cette estimation est purement arbitraire, car en fait, il n'existe pas de loi écrite en la matière. Chacun fait son chemin, court pour les uns, long pour d'autres. Les rédacteurs en chef de Radio - Bénin qui se sont succédé à ce poste depuis 1990 ont tous entamé la dernière décennie de leur carrière.

Un avertissement : l'euphorie peut être malheureusement de courte durée, si l'on se retrouve à la tête d'une troupe démotivée et si l'on doit se sentir obligé d'entrer en conflit avec ses pairs pour faire triompher les règles du métier. De même, si l'on doit consacrer le plus clair de son précieux temps de rédacteur en chef à régler les

problèmes matériels (acquisition d'outils informatiques, de bandes, amorces, scotchs, bobines, papier) et à gérer les humeurs humaines au détriment du travail de réflexion et de conception, il y a fort à parier que l'entrain des premiers instants fera long feu. Pis, l'on s'expose à une usure précoce.

Plutôt qu'une qualité, la rédaction en chef est une fonction. Généralement, elle intervient comme une promotion, rarement comme une rétrogradation. Seulement, les prérogatives afférentes à cette fonction ne sont pas toujours à la dimension de sa grande notoriété et de son caractère stratégique. C'est en effet le lieu de signaler que les perspectives de promotion ne sont pas très étendues dans ce métier à moins d'emprunter le raccourci de la politique.

Retenons en tout cas que c'est un poste de commandement qui n'est pas aisé, ni au plan professionnel, ni au plan humain. Il faut avoir de l'étoffe pour ne pas se laisser ébranler par la première secousse pouvant venir aussi bien de la confrérie que du pouvoir. En cela, c'est un excellent poste d'apprentissage de la responsabilité. Ce que confirme les propos de Mme Magatte Diop, chef de station de la Radio-télévision sénégalaise (RTS) à Kaolack15 : « le rédacteur en chef coordonne, harmonise et réglemente la rédaction, mais chacun est responsable là où il est ».

2.1.2 La Rédaction en chef: objet de convoitises

Comme tous les postes de responsabilité, celui de rédacteur en chef ne laisse pas indifférents les journalistes. Même s'il ne procure pas beaucoup d'autorité, c'est tout de même un poste enviable et envié. Pour les besoins d'une carrière bien remplie, il sied de passer par-là. Le jeu en vaut la chandelle si l'on ne veut pas terminer trente années

15 Ville du Sénégal, située à 192 kms de Dakar

d'une carrière de journaliste en pointillés. A moins d'emprunter d'autres trajectoires moins professionnelles mais dont toutes ne sont pas « orthodoxes ». Contre toute obsession du poste de rédacteur en chef, il est bon de rappeler que quelques-uns, sans manquer totalement de mérite, sont demeurés simples journalistes - dans les rangs - jusqu'au moment de faire valoir leurs droits à la retraite.

Dans la corporation, nombreux sont par ailleurs les journalistes qui ne gardent du poste de rédacteur en chef que le souvenir d'une responsabilité trop lourde de privations, ingrate et peu rentable, du moins pour ceux qui s'en sont acquittés avec droiture et probité. Rien qu'à voir le rédacteur en chef se démener dans ses multiples responsabilités, ces collègues le prennent plutôt en pitié et n'hésitent pas, sur un ton narquois, à lui faire savoir qu'eux autres, préfèrent de loin, disposer du répit dont le prive cette charge pour monnayer leurs talents ailleurs. Sont-ils sincères ? Peut-être que oui et peut-être que non! Et pourtant, pour un seul poste de rédacteur en chef vacant, le nombre des candidats à la succession est presque toujours multiplié par cinq ou dix.

Fait inévitable: la rédaction en chef est un poste éjectable au gré des mouvements de personnel, des redéploiements techniques et même des remaniements ministériels qui induisent des bouleversements en chaîne du sommet à la base. C'est à ce dernier niveau que peuvent jouer les colorations partisanes. Et cela n'a rien d'inédit dans un contexte où chacun attend que son soleil brille pour assouvir ses convoitises. Seulement, ce risque est désormais amoindri dans les organes de presse du service public du Bénin où, ni le ministre, ni le directeur Général de l'Office, ni aucun conseiller n'est assez souverain pour dicter et imposer leur choix au directeur de la radio16.

En cas de profonds désaccords entre ces différents acteurs, le scandale est vite arrivé. Mais mieux vaut ne pas être le journaliste par qui ce genre de scandale survient. Car, un rédacteur en chef mal nommé en portera durablement les stigmates.

Alors, il ne reste plus qu'à expérimenter la formule de la désignation du rédacteur en chef par mode électif. Fait plutôt rarissime ! Auquel cas, le corps électoral ne serait rien d'autre que le collectif des rédacteurs constituant l'équipe de la rédaction. Pour parfaire le système, on y ajouterait le principe de la rotation à échéance fixe (deux ans par exemple).

A première vue, l'idée peut paraître démocratique puisque les journalistes pourront déléguer en toute liberté leur pouvoir à un confrère de leur choix. Mais elle a la faiblesse de ne pas offrir des garanties suffisantes de compétence lorsqu'on sait que la loi du plus grand nombre qui caractérise la démocratie peut, dans ce cas précis, agir dans le sens du rejet d'un confrère réputé pour sa rigueur extrême et à qui l'on préférerait un autre plus conciliant.

Naturellement, les rédacteurs en chef les plus craints ne sont pas les plus populaires ; mais qu'à cela ne tienne : la popularité n'est pas la finalité de ce genre de responsabilité. Mieux, la rançon payée à la rigueur professionnelle, quelle qu'en soit le prix, a plutôt valeur de trophée. Néanmoins, rien de tout cela n'empêche de reconnaître qu'il y a un réel avantage pour un rédacteur en chef à être désigné par les siens ; le cas échéant, il tiendrait sa légitimité de ses pairs et ce n'est pas rien ! Certes, le moment venu, ces mêmes confrères ne manqueront pas d'arguments pour lui retirer leur confiance. Là au moins, ce serait de bonne guerre!

2.1.3 Le Rédacteur en chef: le confrère et l'homme du patronat

Fondamentalement, le rédacteur en chef est un confrère, un camarade surtout dans cette corporation où l'on s'accommode très mal du culte de la tutelle et où l'on est allergique au carcan hiérarchique ou administratif et aux procédures alambiquées. Personne ne s'imagine qu'un rédacteur en chef puisse être un homme distant ou outrecuidant vis-à-vis de ses confrères. Les plus expansifs ne se gênent pas pour faire quotidiennement les « quatre cents coups» avec leurs collègues. Mais encore faut-il savoir jusqu'où ne pas aller trop loin...Trop de familiarité peut nuire à l'autorité du chef. Cela est d'autant plus vrai que très peu de personnes sont disposées à faire la démarcation pourtant indispensable entre les relations de travail et les affinités privées.

Les seuls jours où on le méconnaît, c'est en période de crise. Cas par exemple d'un mouvement de grève touchant le personnel de sa Rédaction. Assis entre deux chaises, tiraillé entre deux pôles d'intérêts, il est avant tout le prolongement de l'autorité de la direction et doit s'employer à sauvegarder les intérêts du patronat. Ce faisant, c'est dans cette posture délicate qu'il devient le suspect numéro 1, « l'empêcheur de tourner en rond ». Selon qu'il est futé, zélé ou non, il s'en sort avec tact, sinon qu'il y laisse luimême des « plumes » et grille sa crédibilité.

Il tient son honneur de ses collègues, mais tient sa légitimité de ses supérieurs hiérarchiques qui l'ont nommé. C'est le cas de le dire: généralement, le rédacteur en chef est bel et bien nommé et à ce titre, l'on comprend humainement, qu'il se sente redevable de ceux qui l'on fait « roi ». Mû par le réflexe de la reconnaissance, il peut être amené malgré lui à piétiner de façon passagère quelques intérêts professionnels voire corporatistes. Preuve justement qu'il ne peut servir, avec une égale dévotion,

deux maîtres : il aimera l'un et haïra l'autre. Mais une lecture intelligente de tels enjeux et conflits d'intérêts démontrerait aisément que si le patronat fait office de maître par rapport au rédacteur en chef, ses collègues eux peuvent se réserver le droit d'être son censeur le moment venu. Et ce n'est pas moins redoutable !

Si devant un débrayage qui dure et qui perdure, il joue la carte de l'apaisement, ses pairs lui feront un procès de lâcheté et de trahison. Si à l'inverse, il joue les frondeurs, il se fera taper sur les doigts par la hiérarchie qui lui rappellera qu'il est en mission.

En la matière, il n'y a pas un code de conduite invariable à prescrire. C'est davantage une question de discernement entre la pertinence du mouvement de ses collègues et le souci de ne pas jeter en pâture le patronat qui voit en lui un des siens. Le lâchage en pareille circonstance est une attitude lourde de conséquences. Mais tout dépend en fait de l'attachement de chacun à ses convictions et jusqu'où l'on entend les défendre. Retenons qu'il n'y a vraiment aucun confort à s'asseoir entre deux chaises étant entendu que l'équilibrisme est un jeu plutôt périlleux et haïssable.

2.1.4 Rapports entre le red'chef17 et le directeur : l'arbre et l'écorce

Au-delà des rapports de travail, ils entretiennent bien souvent des rapports de complicité. Le rédacteur en chef est en principe l'oreille du directeur qu'il rencontre souvent en fin de journée. Il est le canal de transmission des directives ou messages émis au sommet, agissant justement comme une courroie de transmission entre le directeur et les journalistes qui harcèleront par exemple leur rédacteur en chef pour faire aboutir une revendication ou pour s'enquérir des échos d'un conseil de direction.

17 Dimunitif de « Rédacteur en chef », très usité dans les Rédactions

Au plan professionnel, ils abordent des questions de ligne éditoriale. Un débat assez complexe, du reste, notamment lorsque des considérations politiques s'en mêlent. Mais quelles concessions ne se ferait-on pas entre vieux complices ? La partie est plus facilement jouable lorsque l'un et l'autre sont des journalistes. Il y a davantage de chances qu'ils fondent leur raisonnement sur des repères communs pour rechercher des terrains d'entente.

Mais attention, quand bien même le rédacteur en chef et le directeur auraient réussi à pousser très loin leurs rapports de « copinage », cela ne devrait pas pour autant tuer chez le premier tout esprit critique et aliéner sa faculté d'objection. Aussi, devrait-il pouvoir, quand cela s'impose, refuser ou émettre tout au moins des réserves face à une matière rédactionnelle suspecte ou tendancieuse fournie par la Direction centrale ou les services éditoriaux. Mais, à la vérité, cela est bien plus difficile à dire qu'à faire...

Si au pire, le directeur venait à perdre la confiance de son collaborateur immédiat qu'est le rédacteur en chef, ce sera forcément le début d'une crise. Dans le cas inverse, ce sont les jours du rédacteur en chef, qui sont peut-être comptés à ce poste. Mais cela est vite dit. En réalité, tout dépend de l'ouverture d'esprit et de la clairvoyance du patron qui peut aussi négocier jusqu'au dernier argument ou faire l'option de ménager le chou et la chèvre. Mais l'idéal voudrait que ces deux acteurs travaillent en bonne intelligence à travers des rapports tout à fait respectables. C'est l'image de l'arbre et l'écorce qui leur conviendrait le mieux pour une gestion harmonieuse des rédactions et pour le crédit de leur mandat respectif.

2.1.5 Rapports journalistes / techniciens : la dent et la langue

Ces rapports ne sont pas toujours des meilleurs ! Il y a comme une sourde rivalité entre ces deux corps qui se haïssent tendrement. D'un côté comme de l'autre, chaque camp semble développer un complexe de supériorité ou d'infériorité. A quelles fins? A des fins de leadership? Peut-être ! Même si ces deux corps suivent des plans de carrière assez démarqués ou spécifiques.

Apparemment, à l'origine de ces clivages, il y a beaucoup de non-dit et c'est à force d'insister que l'on vous révélera l'existence de conflits d'intérêts souterrains mais combien sévères entre journalistes et techniciens. Les seconds accusant souvent les premiers de se prendre pour le nombril de la presse, et surtout d'être déloyaux et de manquer d'équité dans le partage de certains « butins de guerre ».

Un fait demeure patent: les relations entre journalistes et techniciens souffrent trop souvent d'un manque d'esprit de solidarité et de complémentarité. Difficile de ne pas être choqué par certains refus catégoriques de coopérer et certaines obstructions flagrantes au travail du journaliste qui parfois essuie des rebuffades humiliantes de la part des services techniques. Si l'on veut jouer les philosophes, l'on se bornerait à imputer ce phénomène à la complexité de la nature humaine.

Un point de vue largement partagé en revanche, c'est que les meilleures missions à l'intérieur comme à l'extérieur sont celles où le journaliste a eu le bonheur d'avoir à ses côtés, un technicien coopératif, studieux et sérieux et non pas un technicien capable d'abandonner le journaliste à son sort à la première épreuve. Cette même préoccupation vaut pour le journaliste contre qui les techniciens ont aussi souvent la dent dure.

Ces différents conflits mettent ainsi à nu les difficultés de gestion collégiale des éditions du journal parlé entre journalistes et techniciens. C'est le cas notamment lorsque les uns et les autres tiennent à trouver un bouc émissaire dans les situations du genre: conducteur décousu ou parvenu en retard à la régie, mauvais réglage du son, mauvaise coordination des musiques de transition, excès de « blancs » à l'antenne, intrusion d'éléments parasites en plein journal, inversion de l'ordre de passage des éléments sonores, etc. En pareilles circonstances, l'excitation et la colère sont presque toujours mauvaises conseillères. Mieux vaut leur préférer l'humilité, la patience, la sérénité et le sang-froid. Ces qualités ont parfois un pouvoir désarmant insoupçonné.

Il reste fondamentalement que les clivages entre ces deux acteurs peuvent être exacerbés dans les circonstances où l'un et l'autre ne relèvent pas d'une même autorité hiérarchique comme ce fut le cas à Radio-Bénin jusqu'en 1999 : le directeur de la radio pour le journaliste et éventuellement, le directeur technique pour le technicien.

Une situation qui crée non seulement des cloisonnements administratifs, mais ne favorise pas non plus une bonne coordination des responsabilités ; chacun agissant un peu comme s'il n'avait qu'à cultiver son propre jardin. Vivement qu'advienne ce jour où journalistes et techniciens comprendront qu'ils représentent en fait l'avers et l'envers d'une même étoffe et qu'ils sont condamnés donc à cohabiter comme la dent et la langue dans la bouche. Ceci, au nom de l'esprit d'équipe !

La télévision est justement de loin, la plus grande illustration de cet esprit d'équipe. Mais, à l'épreuve du terrain, l'on se rend bien compte que cet esprit d'équipe n'est qu'une réalité de façade puisque l'harmonie n'est pas toujours au rendez-vous dans la coordination des tâches entres les acteurs en présence. Ainsi, pour un cordon égaré ou pour une cassette introuvable, l'un des intervenants de la chaîne impose son régime à

toute l'équipe. Si à cela, l'on ajoute l'indisponibilité des moyens roulants et les caprices de quelques chauffeurs, la cause est entendue...

Si le travail en équipe est une stratégie à encourager, il a cependant, comme toutes les médailles, son revers, notamment lorsque la discipline de groupe, la conscience professionnelle et le sens des responsabilités ne sont pas les qualités premières des co-équipiers. Là-dessus, les confrères de la Presse Ecrite sont, semble-t-il, les mieux lotis avec leurs équipes légères et leur arsenal de travail plus léger et plus discret.

2.1.6 Le red'chef : une poubelle ?

Tout ce qui va mal dans une Rédaction lui est imputé, sinon qu'il en est tenu responsable. On pourrait dire que cela est normal puisqu'il répond du fonctionnement de la rédaction. Mais sa responsabilité va bien au-delà et il doit pour cela avoir le dos large. Il subit tous les procès imaginables pour des motifs tout aussi imprévisibles pouvant aller de la mauvaise couverture en direct des manifestations commémoratives de la fête de l'indépendance aux dérapages d'un stagiaire programmé trop tôt à l'antenne pour la présentation du journal, en passant par un retard dans le démarrage des éditions du JP ou encore une pénurie de fongibles à la Rédaction.

C'est en effet là le lot quotidien du rédacteur en chef et son adjoint contraints à gérer, à temps et à contre-temps, le dénuement matériel qui se caractérise par des ruptures chroniques de stocks de fongibles (bandes magnétiques, bobinots, amorces, skothes) qui affectent la qualité des prestations et sapent le moral des éléments les plus consciencieux de la troupe. Quant aux autres, partisans du moindre effort, l'échappatoire est tout trouvée : «point de mission et de résultats sans moyens ». Et c'est derrière cet argument que se réfugient la plupart des rédacteurs chaque fois que

la Rédaction, pour des raisons qui tiennent tantôt aux finances, tantôt à la technique, n'est plus desservie en dépêches. Plus d'une fois, le Journal Parlé même de la Radiodiffusion Nationale s'est retrouvé dans ce type de conjoncture. Le cas échéant, les plus volontaristes alimentent la page <<inter» de leurs éditions en << scriptant » des nouvelles glanées sur des chaînes de radios étrangères. D'autres par contre, sans état d'âme face à ce genre de situation, n'éprouvent aucune gêne à produire un journal réduit à sa plus simple expression et amputé de l'actualité internationale. En réponse à d'éventuels reproches, ils réussissent sans grand mal à se dédouaner grâce à la formule toute faite : << à l'impossible, nul n'est tenu ».

Certes, tous ces griefs ne manquent pas de fondement sauf qu'il se ferait lui-même encore plus de tort s'il est frileux pour un rien ou s'il se comporte comme le chauffeur trop préoccupé à regarder dans le rétroviseur de son véhicule.

Rédacteur en chef et rédacteur en chef adjoint, eux aussi, peuvent et doivent être aussi complices que des larrons en foire et aussi soudés que l'arbre et l'écorce. Auquel cas, la cohésion au sommet de la rédaction fonctionne comme un rempart contre toute velléité subversive ou destructrice. N'oublions pas que la moindre fissure dans le mur de la Rédaction en chef sert plutôt les intérêts des détracteurs à l'affût d'une éventuelle crise pour pêcher en eau trouble. Ainsi, pour rien au monde, la Rédaction en chef n'a intérêt à étaler au grand jour ses dissensions internes.

Pourtant, cette poubelle remplit une fonction de régulation : les journalistes administrés en ont besoin pour se << soulager », se décharger ou encore pour se défouler. D'aucuns iront jusqu'à mettre à prix le << strapontin » du rédacteur en chef pour de banales questions tel le sous-équipement informatique de la Rédaction, une suspicion de

corruption fondée ou non ou tout simplement pour des émoluments que tarde à verser l'administration.

2.2 Le secrétaire de rédaction

Pratiquement, tous les journaux du monde utilisent les services d'un secrétaire de rédaction. Dans la presse audiovisuelle, le terme consacré est celui de chef d'édition qui joue presque le même rôle que le secrétaire de rédaction. Il assure la collecte et le planning, l'examen critique et le traitement des informations, le classement et la hiérarchisation desdites informations. La principale différence, selon Louis Guéry18, réside dans le fait qu' « au lieu de faire tenir l'ensemble des informations dans un espace comme son confrère de la presse écrite, il aura à les contenir et à les organiser dans un temps donné. Alors que le premier mesure en centimètres/colonnes, le second va compter en minutes et en secondes... Le chef d'édition doit avoir, lui aussi, comme son confrère secrétaire de rédaction de la presse écrite, une très bonne connaissance des techniques et moyens matériels propres aux médias audiovisuels ».

Redouté des uns, flatté par les autres, carrément boudé ailleurs, le secrétaire de rédaction est inconnu du public et pourtant son rôle est capital dans la confection du journal. Il s'agit donc d'une activité hautement créatrice qui exige à la fois des qualités professionnelles et une certaine fibre artistique. On le saura à travers l'originalité de ses maquettes et le "look" du journal dans son ensemble. Car, de bons journaux, ce ne sont pas seulement de bons articles. Certes, ce sont d'abord des articles à la portée du lecteur, mais ce sont aussi - et c'est important - des supports bien présentés et

agréablement illustrés. Un minimum de sens de l'esthétique est donc nécessaire au journaliste pour être un bon secrétaire de rédaction.

Si l'on compare la publication a un orchestre, le rôle du secrétaire de rédaction s'apparente a celui du chef d'orchestre ou a celui d'un metteur en scène si on la compare a une pièce de théâtre ou a un film. Professionnellement, il est donc supposé être un journaliste complet dont le profil n'a rien a voir avec celui d'un(e) secrétaire de direction. Pas d'amalgame possible. Sans les opposer, il n'est pas superflu d'insister ici sur l'énorme fossé qui sépare ces deux fonctions que certains esprits, de bonne ou mauvaise foi, ont tenté de loger a la même enseigne. Erreur, sous-information ou méprise ? Quoi qu'il puisse en être, il apparaît en tout cas plus simple de donner a César ce qui est a César et a Dieu...

2.2.1 Le métronome

Si l'on est d'accord sur ce qu'il n'est pas, il convient a présent d'aller plus franchement a la découverte de cet acteur de l'ombre. En somme, le secrétaire de rédaction a pour fonction d'animer et de coordonner les services de rédaction suivant les directives du rédacteur en chef. Il assure la production et la réalisation du journal. Il est responsable du montage (la mise en page) et du respect du deadline (délai butoir de remise des copies).

Mieux, le secrétaire de rédaction est présent sur l'ensemble du processus conduisant de la conférence de rédaction a la parution du journal ; ce qui fait de lui un interlocuteur privilégié de l'imprimerie qu'il arpente a longueur de journée et où il lui arrive de s'attarder parfois a des heures très avancées de la nuit. Aussi longtemps que le journal n'a pas paru, il est condamné a rester au front ou a défaut sur le qui-vive : un coup de fil

peut à tout moment l'arracher des bras de Morphée pour une multitude de raisons : un communiqué officiel de dernière minute, une information sensationnelle à vérifier, un « blanc » à combler, une illustration indécente à remplacer, une panne technique devant entraîner des retards de diffusion ou tout autre imprévu, etc.

Toutes ces responsabilités font de lui un acteur central de la Rédaction et lui confèrent en principe un pouvoir de choix et de décision. Et c'est justement fort de ce pouvoir qu'il peut balancer à la poubelle un article décousu qui ne répondrait pas à un minimum de normes professionnelles. En réalité, rares sont les secrétaires de rédaction qui adoptent ce genre de méthodes cavalières si ce n'est, à la limite, vis-à-vis des stagiaires. Autrement, le secrétaire de rédaction est généralement un confrère écouté de ses pairs et qui en retour a lui-même de réelles capacités d'écoute.

Ainsi, devant le "chef-d'oeuvre le plus minable", face encore à un article ou à un extrait sonore exagérément long (audiovisuel), il alliera délicatesse et fermeté pour convaincre son collègue à remettre la main sur l'ouvrage. La pilule passera dix fois mieux que s'il se mettait sur de grands chevaux tel un redresseur de torts. Les secrétaires de rédaction qui ne sont généralement pas les derniers venus dans les Rédactions, sont bien placés pour savoir qu'ils ont à charge le commandement d'une troupe foncièrement réfractaire au dirigisme et au discours impératif. Ils sont alors fort bien avisés de ce qu'il faut savoir alterner le chaud et le froid. Pour la paix confraternelle, on leur suggère généralement de préférer le scalpel aux ciseaux. Ce qui n'empêche pas qu'ils soient souvent à couteaux tirés avec leurs collègues lors du calibrage d'un dossier ou du réaménagement d'un article. C'est ainsi qu'il est arrivé en 1996 qu'un journaliste de Radio-Bénin désappointé et frustré par la sévérité avec laquelle son reportage avait été « charcuté », n'a pas trouvé mieux à faire que d'exiger l'effacement pur et simple de

sa signature par laquelle on pouvait identifier l'auteur de l'oeuvre enregistrée. C'était pour ce journaliste, une manière de signifier qu'il ne se reconnaissait plus dans ce qui restait de son reportage.

L'admiration que l'on peut avoir pour ce journaliste dit complet, manager incontournable des Rédactions, n'est pas sans rapport avec le caractère ingrat de ce poste. Que d'abnégation ! Alors qu'il se décarcasse pour donner au journal écrit ou parlé une allure professionnelle, alors qu'il se déploie corps et âme et se dépense comme un beau diable pour minorer voire réparer les lacunes de ses collègues, il n'en récolte qu'adversités, ennuis et inimitiés. Or, l'expérience a prouvé que les partisans du moindre effort s'acquitteraient de leurs devoirs à la légère dans l'intention que le secrétaire de rédaction est là pour endosser et pour assumer. Ainsi, sans le vouloir, une trop grande serviabilité du secrétaire de rédaction pourrait encourager des fuites de responsabilité chez les partisans du moindre effort.

Par ailleurs, il lui faut souvent se battre pour changer son statut de sédentaire qui le prive des joies mais surtout des expériences des missions « fructueuses » sur le terrain. Mais, il est clair que ce sont les contraintes de sa responsabilité qui hélas peuvent faire oublier à certains moments qu'il est aussi et avant tout journaliste. Et même un journaliste complet ! C'est d'ailleurs de sa compétence qu'il tire son autorité.

La fonction a sûrement son côté exaltant. Mais attention : il faut s'attendre à être mal remercié plutôt que d'espérer se voir tresser une couronne de félicitations ou de gratitude.

2.2.2 Les « dinosaures » : l'usure

Si ce n'est une simple question de terminologie, la nuance n'est pas fondamentale entre ceux que l'on a coutume de désigner sous les diverses appellations de «doyens », «anciens », «vétérans » ou «dinosaures ». Ce sont des mines d'expériences, des recours sûrs pour reconstituer certains pans de l'histoire des services de l'information. On gagne beaucoup à les écouter et les jeunes ont bien tort de penser qu'ils n'ont plus rien à apprendre d'eux. Mais au-delà de toute complaisance, c'est selon qu'ils inspirent respect ou mépris qu'on les traitera, en bien ou en mal, en modèles ou en contre-modèles.

Une grosse tare les guette tout de même : la tendance au dilettantisme, conséquence d'une certaine usure pour les uns et d'un manque de perspectives pour d'autres. Vraisemblablement, l'administration semble avoir trop longtemps abusé de leur zèle et de leur serviabilité des premières années de travail qu'ils donnent souvent l'impression d'avoir tout vu et de ne plus rien avoir à prouver. Blasés et démotivés, ils sont aussi difficiles à bousculer qu'un cocotier. Il faut autant de délicatesse que de bravoure pour les manager. Certains cachent à peine leur aigreur devant l'autorité incarnée par la jeune génération.

Et pourtant, l'exception faisant la règle, quelques-uns sont restés fidèles au poste jusqu'à leur retraite. Leur engagement et leur sens du devoir sont demeurés intacts jusqu'en fin de carrière. Evidemment, ils constituent une espèce rarissime et même en voie de disparition.

Toujours est-il que, moins il y en a dans une Rédaction, mieux cela vaut étant donné

certaines urgences. Mais, sans être forcément des empêcheurs de tourner en rond, c'est le rédacteur en chef lui-même qui se gêne et qui éprouve des scrupules à les soumettre au régime général.

Curieusement, cette politique du « deux poids, deux mesures » est souvent mal comprise et mal vue par les plus jeunes qui en font tout un grief au rédacteur en chef, soi-disant que le bon exemple doit venir des aînés. Mais à quelque chose près, ce genre de dualité fait plutôt penser à l'histoire de la truie et du porcin19 ou plus pudiquement encore, celle de la cendre et du charbon.

Qu'on le veuille ou non, le dynamisme des Rédactions est assuré par les jeunes. Ce sont eux, par leur fraîcheur et leur entrain débordant mais aussi leur anticonformisme qui donnent de la vitalité aux Rédactions. Ils ont tout à prouver et ne reculent devant rien. Cette réserve d'énergies aurait juste besoin de la bénédiction et de l'accompagnement des anciens pour produire les meilleurs résultats.

2.3 Les « fossoyeurs » de la Rédaction 2.3.1 Les absentéistes

L'éventail des motifs d'absence est très large. Les unes sont justifiées, d'autres non ou carrément fantaisistes. Il arrive que ce soient les mêmes qui s'abonnent aux absences. Ce qui devient intrigant ! Leur comportement produit l'effet désagréable de perturber la programmation des reportages et des présentations des journaux parlés. Ils laissent le plus gros du boulot à leurs collègues qui s'épuisent et s'échinent à faire le travail à leur place, déplore Maurice Mahounon de Radio-Bénin. Et puisqu'il faut leur trouver des remplaçants coûte que coûte, il arrive qu'en désespoir de cause, le rédacteur en chef

ou/et son adjoint aillent eux-mêmes au charbon au milieu de mille et une sollicitations. Incontestablement, ils donnent du fil à retordre à la rédaction en chef et n'oeuvrent donc pas pour la paix des Rédactions.

2.3.2 Les abonnés aux retards

Dans une Rédaction, à l'instar de toute communauté, il n'est pas possible de réunir chez un même confrère toutes les qualités du bon journaliste. Il faut plusieurs mondes pour faire un monde. Ce ne sont pas forcément les plus compétents qui sont des exemples de ponctualité. De même, ce ne sont pas les plus ponctuels qui offrent les meilleures prestations. Il faut faire avec ce que l'on a, sauf à stigmatiser la mauvaise foi et cette tendance au sophisme qui consistent à justifier le retard par l'inadaptation des conditions de travail. Quoiqu'il puisse en être, il n'y a aucune gloire à porter l'étiquette d'un éternel retardataire. Autant l'on peut être tolérant dans certains cas passagers, autant le retard poussé à l'extrême, même chez le journaliste le plus compétent est finalement perçu comme une infirmité professionnelle. D'ailleurs, aux yeux de certains confrères, les abonnés au retard sont logés à la même enseigne que les absentéistes : ils constituent tous des sources de stress pour les secrétaires de rédaction et les rédacteurs en chef.

2.3.3 Les partisans du moindre effort

Ils sont légion et regimbent devant la charge de travail. Leur attitude a été stigmatisée
d'une façon virulente par le professeur Roger Gbégnonvi à l'occasion des états
généraux de la presse béninoise tenus à Cotonou du 18 au 23 novembre 2002 : « la

paresse qui mène à l'appât du gain, du gain facile et illicite, est à la base de toute dépravation, y compris dans la presse »20.

Allergiques à la notion d'heure supplémentaire (sans rémunération), les partisans du moindre effort disparaissent sitôt fini leur travail. Il est ainsi difficile de négocier avec eux un compromis sur leur calendrier de travail. C'est oublier que la vie d'une rédaction est aussi faite d'impondérables et que le rédacteur en chef et son adjoint ne peuvent tout faire. Leur attitude plaide en faveur de la nécessité de congratuler les plus dévoués et les plus serviables à qui l'on oublie souvent de témoigner sa gratitude. D'où le bienfondé de cette notion de <<sanction positive» qui devrait permettre de rétablir une certaine équité. Et quant aux partisans du moindre effort, il ne serait peut-être pas si injuste de les rémunérer à la mesure de leurs maigres rendements...

2.3.4 Les taupes et les courtisans : oreilles des officines politiques

L'expression <<taupe » est entrée dans le vocabulaire de la Rédaction de Radio-Bénin à un moment où les journalistes ont eu le sentiment que les délibérations de la conférence de rédaction transpiraient au travers des quatre murs du service de l'Information. Certaines immixtions de l'autorité paraissaient trop directes pour ne pas éveiller des soupçons sur ce qu'elles sont en réalité : des répliques à des prises de positions internes de la Rédaction.

Les taupes, puisqu'il faut les appeler ainsi, ont cette redoutable manie de vendre le contenu du journal avant sa diffusion. En le faisant, ils travaillent en réalité pour leur propre compte : celui d'entrer et de demeurer dans les bonnes grâces du patron. La délation demeure leur sport favori et il faut une bonne hauteur de vue pour ne pas se laisser prendre à un leur piège. Plus grave, les taupes, de part leur accointances avec

les officines politiques, permettent à ces dernières de régenter à distance la vie rédactionnelle et de mettre certains journalistes dans leur ligne de mire.

Quant aux courtisans, ils ne prospèrent que par la volonté de ceux qui prêtent flanc à leurs manèges. Dans les rédactions, on les tient généralement à rebrousse poil.

2.3.5 Les alcooliques

Il semble que le phénomène soit assez marginal du point de vue du nombre mais redoutable dans ses effets sur la vie des Rédactions. Les chers confrères atteints par ce vice ne sont pas forcément les plus nuls sauf que l'étiquette d'alcoolique est très nuisible à leur image de professionnel de l'information. De quoi battre en brèche toute prescription de l'alcool comme palliatif à l'émotion et au trac.

S'il fallait les baptiser, on les ferait appeler, par euphémisme, les « incontrôlables » tellement il est risqué de miser sur eux pour la couverture d'un reportage. A son corps défendant, le rédacteur en chef a plutôt intérêt à les ignorer, surtout lorsqu'il s'agit d'un reportage politiquement sensible pour lequel il aurait à rendre des comptes.

Curieusement, c'est dans le métier-même que certains ont appris à « pinter ». En effet, les occasions de beuveries ne manquent pas dans la pratique professionnelle. Ainsi, les spécialistes de dîners de presse et autres publi-reportages ne chôment pas longtemps. Entre deux clôtures de séminaires, deux célébrations d'anniversaires ou encore deux opérations-marketing, un cocktail est généralement au rendez-vous. Cela fait évidemment partie du métier. Seulement, rien n'oblige le journaliste à faire comme tout le monde. Plus que d'autres, il a un devoir de retenue afin de ne pas se laisser aller à un verre de trop. Il se réservera encore plus si, dans les heures qui suivent un cocktail,

il doit assurer la présentation du journal parlé. Un présentateur saoul court, dans deux cas sur trois, le risque de « dérailler » et de toutes les façons, l'auditeur saura et jugera.

Certes, les « alcoolo » ne sont pas nombreux, mais dans leur individualité, ils causent un tort souvent irréparable à leur Rédaction et à leurs confrères, ne serait-ce que par les excès de langage et les écarts de comportement, les accès de violence qui les caractérisent. Sous l'effet de l'alcool, ils n'ont pas froid aux yeux et sont capables de confondre un supérieur hiérarchique à un essuie-pieds et de mêler vie privée et vie professionnelle. L'un d'eux a eu un jour assez de toupet en allant, au moyen d'un insoutenable rôt, vider les effluves de ses beuveries au visage de son rédacteur en chef. Ecoeurant ! Mais, à l'égard de cette espèce de confrères, plutôt que de les prendre en aversion, ils doivent plus exactement inspirer pitié et commisération. On se gardera donc de désespérer trop vite des confrères alcooliques et mieux vaut croire et espérer en leur perfectibilité, d'autant que, heureusement, ils sont un certain nombre à se distinguer par une double qualité : le remords facile et le courage du pardon.

Manifestement, cette catégorie d'acteurs font figure de « parias » et leurs propres collègues sont ces mieux placés pour mesurer à quel point ils sont la cause de nombreux ratages dans la couverture des événements ». Le réquisitoire est sans complaisance chez Serge Mathias Tomondji21 qui accuse: «les absentéistes et les retardataires font perdre un temps fou à la production journalistique. Fossoyeurs du dead-line22, ils tuent plus sûrement qu'une hache la dynamique de groupe et la célérité obligatoire qui rythme le quotidien des Rédactions de presse ».

22 journaliste au quotidien béninois « Adjinakou » paraissant à Porto-Novo

22 dernier délai de remise des articles ou des productions audiovisuelles. Il peut vouloir dire aussi dernier de bouclage.

2.4 Les acteurs externes

Ils sont légion et se bousculent dans l'espace public sous les étiquettes très à la mode de «chefs de partis politiques » et d' « acteurs de la société civile ». A la faveur de la liberté retrouvée en 1990, ils ont appris à connaître et à user des modes de sollicitation et de revendication de leur droit d'accès aux médias.

Sans être membres de la Rédaction, ils exercent de l'extérieur une forte influence sur le fonctionnement de la Rédaction en ce qui concerne notamment certains choix rédactionnels. Ils déterminent, de par leurs activités et leurs sollicitations quotidiennes, la programmation, l'objet et le contenu des débats internes à la Rédaction. Ils interfèrent bien souvent dans la vie de la Rédaction par le biais de leurs accointances avec le pouvoir ou autres réseaux relationnels pour faire passer des messages, des opinions, pour réclamer des droits de réponse, ou encore, pour revendiquer plus de visibilité ou d'écho pour leurs formations politiques ou structures associatives.

Tel un mal nécessaire, certains acteurs externes aux profils de techniciens se sont rendus indispensables de part leur disponibilité de tous les instants. En s'acquittant à merveille de leur fonction de « personnes-ressources », ils parviennent à gagner la confiance de la Rédaction qui, à l'épreuve, se passe difficilement de leurs services de techniciens tout en sachant qu'au-delà des apparences, tous ne sont pas si neutres, politiquement. La seule consigne qui vaille, le cas échéant, est finalement celle d'une impartialité sans complaisance afin que ces derniers n'aient pas à revendiquer un jour un statut de « privilégiés » de la Rédaction.

Quant au journaliste, qu'il ne s'y trompe pas; à vouloir pousser trop loin ses

financières, il en fera fatalement les frais au risque même de devenir l'otage voire l'objet d'un système...

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius