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L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l'etat au cameroun (1884-1914)

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par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE
YAOUNDE 2 - SOA / CAMEROUN - Diplome d'Etude Approfondie en Science Politique 2006
  

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DEUXIEME CHAPITRE :

AUTORITES ALLEMANDES, DIVERSITE DES POLITIQUES AGRICOLES ET PROCESSUS DE CONSTRUCTION DE L'ETAT CAMEROUNAIS

En l'espace d'une trentaine d'années, le Cameroun, région d'Afrique divisée territorialement et politiquement, verra son organisation spatiale changer. Ceci du fait de l'effort conjugué de plusieurs administrateurs allemands. L'insistance de notre analyse sur les personnes qui ont contribué à la mise en discipline des populations camerounaises a pour but de mieux comprendre certains aspects de la colonisation allemande. D'autant plus que le mot formation indique un processus actif mis en oeuvre par des agents tout autant que par l'existence de conditions particulières.

Par ailleurs, « l'impérialisme peut être interprété de façon différente selon qu'on mette l'accent sur les mécanismes qui l'ont sous tendu en Europe ou que l'on se concentre plutôt sur ceux ayant contribué à son maintien dans le pays colonisé », (Gomsu 1986 : 120). Aussi, lorsqu'on observe attentivement les différentes politiques agricoles mises en oeuvre au Cameroun durant cette période, nous sommes tout de suite frappés par la discontinuité qui caractérise celles-ci. On se rend compte que la colonisation allemande a été marquée par des politiques agricoles variées de 1884 à 1914 et cette absence de continuité « tenait essentiellement à l'attitude des chefs de gouvernement successifs vis-à-vis de ce qui n'était pour certains, qu'une folle aventure et pour d'autres, une raison d'espérer devant les rudes problèmes auxquels le peuple allemand et son gouvernement devaient faire face », (Etoga Eily 1971 : 179).

Dans l'optique de comprendre cette rupture, l'accent sera mis ici sur le choix de chaque chancelier allemand11(*). L'Allemagne, pays colonisateur, a durant sa période coloniale au Cameroun connu l'avènement de cinq chanceliers. Ces derniers, par leurs décisions additionnées aux ambitions des gouverneurs et hommes politiques ayant un quelconque intérêt dans l'exploitation agricole de la colonie du Cameroun, ont modelé les populations du Cameroun afin d'obtenir d'eux une soumission nécessaire pour la croissance économique de leur empire. Chacun d'eux va imposer sa marque sur les politiques agricoles. Ils ont usé de politiques différentes, qui n'étaient que le reflet de la vision politique de chacun. L'analyse de ces différentes politiques nous permettra de retracer le processus de formation de l'Etat camerounais. Aussi, la compréhension des rapports qu'ont eu ces politiques sur cette formation doit passer par la compréhension de la situation des acteurs ayant eu une influence particulière sur ces diverses politiques. Le changement des politiques agraires coloniales en fonction des hommes à la tête de la chancellerie allemande nous montre que ces politiques ont été des constructions qui ont été influencées autant par leur contexte d'émergence que par les hommes qui l'ont mises en oeuvre. Or comme le disent si bien Peter Berger et Thomas Luckmann (1996 : 79):

« Il est impossible de comprendre correctement une institution sans comprendre le processus historique à l'intérieur duquel elle a été formée. Les institutions par le simple fait de leur existence, contrôlent la conduite humaine en établissant des modèles prédéfinis de conduite, et ainsi la canalisent dans une direction bien précise au détriment de beaucoup d'autres directions qui seraient théoriquement possibles. Il est important de souligner que cette fonction de contrôle est inhérente à l'institution en tant que telle, avant ou en dehors de tout mécanisme de sanction établi spécifiquement dans le but de soutenir une institution (...) le contrôle social fondamental repose sur l'institution en tant que telle. Dire qu'un segment de l'activité humaine a été institutionnalisé revient déjà à déclarer que ce segment a été ordonné par le contrôle social ».

Il en résulte qu'une institution n'a de raison d'être que par rapport à un objectif à atteindre. «Il est donc normal que les institutions naissent, changent, évoluent en fonction des buts que s'assignent une société tout au long de son histoire. Ce dynamisme est la condition sine qua non de la survie d'une institution. Aussi bien est-il rare qu'une institution n'échappe pas au contrôle de ses fondateurs », (Ngongo 1987 : 4). A ceci, Jacques Chevalier ajoute que « chaque institution est amenée sans cesse à définir sa zone de compétence, à restructurer son organisation, à réactualiser son discours »

Puisque l'institution est un processus d'auto-création continue et un moyen de régulation des rapports sociaux, nécessité se fait sentir pour nous de déterminer comment les différentes politiques agraires mises en oeuvre au Cameroun réussiront par poser certains fondements de l'Etat camerounais actuel. L'atteinte de cet objectif devra suivre le schéma suivant : premièrement, nous verrons que de 1884 à 1900, la régulation des populations du Cameroun est encore à sa phase balbutiante du fait d'une quasi inexistence de politiques agricoles. Mais par la suite, c'est-à-dire de 1900 à 1914, cette régulation sera plus marquée du fait d'une présence politique allemande plus effective mais aussi du fait de l'arrivée au pouvoir d'hommes favorables à une expansion coloniale. Ces différentes politiques agricoles doivent être appréhendées dans le sens de l'incrémentalisme. Ceci dans la mesure où elles évolueront le plus souvent de façon graduelle. Les politiques agricoles seront fortement orientées par le contexte politique prévalant en Allemagne. Aussi, les décisions prises par ces différents chanceliers provoqueront plutôt des petits ajustements visant à améliorer la politique agricole existante sans réellement la remettre en question.

SECTION I : LA LENTE CONSTRUCTION DU MONOPOLE DES POLITIQUES AGRAIRES DANS LE TERRITOIRE DU CAMEROUN PAR LES AURORITES ALLEMANDES

De 1884 à 1900, l'engagement des Allemands dans leur protectorat du Cameroun est à ses débuts. Cette période a connu le règne de trois chanceliers à savoir : Otto von BISMARCK de 1871 à 1890 ; Léo CAPRIVI de 1890 à 1894 ; Chlodwig zu HOHENLOHE-SCHILLINGSFÜRST de 1894 à 1900.

C'est sous le règne de ces trois leaders que commencera le façonnage des populations du Cameroun. Seulement les méthodes employées divergeront d'un acteur à un autre, d'où l'importance de la connaissance de la situation sociale des acteurs. Cette connaissance est importante du fait qu'elle permet de comprendre comment chacun d'eux a pu appréhender et utiliser les ressources dont il disposait pour atteindre ses objectifs (Crozier et Friedberg 1977 : 64).

Quels sont les éléments propres à chacun de ces trois personnages ayant eu des répercussions sur leur politique coloniale? De Bismarck à Caprivi, on aura un engagement minimum dans le protectorat du Cameroun ; mais avec le chancelier Hohenlohe-Schillingsfürst, l'exploitation de la colonie du Cameroun prendra une marche plus agressive.

I- ENGAGEMENT PARTIEL DE L'EMPIRE ALLEMAND DANS LA PRODUCTION DES CULTURES DE RENTE : DE L'ENGAGEMENT MINIMUM A L'INTERVENTIONNISME RELATIF DES AUTORITES POLITIQUES ALLEMANDES

Que ce fut sous le règne du chancelier Bismarck ou celui de Caprivi, la soumission des populations du Cameroun n'était pas régie par des règles strictes. Ce qui n'a pas facilité l'intégration de celles-ci. Ceci du fait que les chanceliers n'avaient pas adopté une politique offensive qui aurait permis une mise au pas effective des Camerounais. Néanmoins, quoique ce contrôle ne fût pas poussé, il existait quand même une certaine différence avec l'époque où les allemands n'étaient pas encore présents sur le sol camerounais. Ici, nous verrons l'impact de la vision de l'exploitation agricole de ces chanceliers, c'est-à-dire Bismarck et Caprivi, sur la formation de l'Etat camerounais

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* 11. Il est à noter que la politique agricole de chaque chancelier sera influencée par le poids politiques des hommes d'affaires allemands mais aussi par la situation économique interne de l'Allemagne. On peut par exemple remarquer que le chancelier Hohenlohe (1896-1900) sous lequel les lois les plus importantes pour l'acquisition des terres au Cameroun ont été promulguées, avait pour oncle le président de la ligue coloniale. Par ailleurs, il devient chancelier à une époque où les allemands ont commencé à découvrir les possibilités agricoles que leur offre le Cameroun. Aussi, pouvons-nous dire que dans une certaine mesure, ce contexte à faciliter en quelques sortes les décisions de Hohenlohe à la différence du chancelier Bismarck (1870-1890) qui règne dans un contexte où les socialistes montants militent pour un investissement des capitaux à l'intérieur du pays.

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