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L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l'etat au cameroun (1884-1914)

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par Sandrine Carole TAGNE KOMMEGNE
YAOUNDE 2 - SOA / CAMEROUN - Diplome d'Etude Approfondie en Science Politique 2006
  

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II- LA REINTERPRETATION APPROPRIANTE DE LA POLITIQUE D'ENSEIGNEMENT PAR LES ACTEURS ALLEMANDS

Poser le problème qualitatif de la main-d'oeuvre, « c'est poser celui connexe de la formation technique et professionnelle » et par conséquent l'amélioration des capacités techniques et professionnelles de l'autochtone (Kaptue 1986 : 12). C'est donc dire le caractère égoïste de l'activité scolaire qui a été reconnu publiquement au congrès colonial de 1910.

«Il y fut en effet officiellement déclaré que les écoles publiques n'étaient point faites pour servir les intérêts des colonisés, mais pour former des employés subalternes qui seraient le joint entre l'administration coloniale et les populations indigènes», (Essiben 1980 : 32).

Afin de déterminer l'impact qu'a eu l'école dans le processus de mise en discipline des populations locales, nous verrons ici les raisons qui ont poussé les allemands à scolariser les autochtones ; ensuite, nous verrons le processus de scolarisation.

A. L'ADMINISTRATION, LES MISSIONS ET L'ENSEIGNEMENT DANS LES COLONIES

Jusque là, tout était concentré sur les profits à tirer des colonies. Le rôle des populations locales comme moteur de l'économie avait été négligé. On ne le découvrit qu'à partir des années 1907. En effet, lors d'une discussion sur la conception d'une politique coloniale B. Dernburg disait :

«Colonisation, peu importe qu'elle soit de peuplement ou d'exploitation, veut dire utilisation du sol... et surtout de ses ressources humaines au profit de la nation colonisatrice. Celle-ci est tenue, en retour, au don de la culture supérieure, de ses concepts moraux et de ses meilleures méthodes de travail. Or l'indigène est l'objet primordial de la colonisation, plus particulièrement dans nos colonies d'exploitation. Puisque l'esclavage a été aboli, les ouvriers aptes au travail ne peuvent plus être obtenus que par contrat soit de notre propre colonie, soit des colonies voisines. Il y a donc là un problème éminemment important, puisque le travail des indigènes constitue l'actif le plus sérieux» (Essiben 1980).

Par la création des instituts agricoles, la nécessité de rendre aisé l'exploitation économique de leur colonie poussera les Allemands à élaborer un dispositif éducatif pour se fournir en main-d'oeuvre de qualité. Cela se fit après plusieurs débats.

1. Les programmes scolaires et la socialisation des colonisés

Le développement de l'économie engendrait une demande toujours plus forte d'auxiliaires de l'administration et le problème de leur formation se posait avec acuité. Pour la résoudre, l'administration ne disposait que de deux écoles publiques en 1897. L'école publique de Douala et une école d'agriculture à Victoria. L'enseignement était laissé entre les mains des missionnaires qui enseignaient pour la plupart en langue locale. Leurs enseignements étaient tournés pour la plupart vers la religion. C'est d'ailleurs pour cela que face aux pressions des missionnaires pour la fermeture des écoles publiques, le gouverneur Puttkamer faisait remarquer qu'il n'était pas opportun de fermer l'école publique de Douala car « les établissements confessionnels n'étant pas encore en mesure de former le personnel subalterne nécessaire » (Essiben 1980 : 36).

Par ailleurs, le rôle aussi bien politique qu'économique des écoles directement contrôlées par le gouvernement avait fait son chemin. Les écoles représentaient un moyen essentiel d'éduquer les indigènes dans l'intérêt colonial. Seulement, les écoles étant dans les mains des missionnaires, il fallait trouver un moyen d'orienter le programme de celles-ci dans l'intérêt de l'administration. Alors, par l'octroi des subventions aux écoles confessionnelles, l'administration allemande allait réussir à faire accepter aux missionnaires un programme se concentrant sur l'enseignement de l'allemand. Ceci aboutira à l'établissement de la loi scolaire de 1910 dont l'article premier conférait au gouvernement la surveillance générale de toutes les institutions scolaires du territoire. Pour s'assurer de l'application intégrale des programmes, une commission des examens présidée par un fonctionnaire de l'administration coloniale serait formée chaque année dans chaque district. Les examens de fin d'année se feraient en sa présence et la commission déterminerait, d'après les résultats obtenus, le montant des subventions à allouer à chaque société missionnaire. Lorsqu'on regarde la répartition des horaires des enseignements dispensés, on voit la direction dans laquelle l'administration orientait l'enseignement. Comme le montre le tableau suivant, l'enseignement était essentiellement orienté vers l'apprentissage de la langue allemande :

Tableau 2 : Horaires des cours dispensés par les Allemands

 

Première année

Deuxième année

Troisième année

Quatrième année

Cinquième année

allemand

2 h

3 h

4 h

4 h

4 h

observation

2 h

2 h

2 h

 
 

calcul

2 h

3 h

3 h

3 h

3 h

géographie

 
 

1 h

1 h

1 h

histoire

 
 
 

1 h

 

Sciences naturelles

 
 
 

1 h

1 h

Total

6 h

8 h

10 h

10 h

10 h

Source : Essiben Madiba, Colonisation et évangélisation en Afrique, l'héritage scolaire du Cameroun (1885-1956), p. 39.

L'enseignement de la langue allemande à des personnes issues de contrées différentes et ayant chacunes sa propre langue constitue une étape importante dans le processus de construction de l'Etat du Cameroun. Désormais, des personnes appartenant à des espaces géographiques différents pouvaient communiquer sans difficulté. Naitra alors des valeurs reconnues et partagés par tous.

Avec ce système d'enseignement, le gouvernement avait réussi à mettre un frein à l'expansion des langues indigènes qu'utilisaient au départ les missionnaires pour l'enseignement. En mettant l'accent sur l'allemand, le gouvernement atteignait son but qui était l'expansion de la culture allemande.

« La mémorisation de chants et poèmes patriotiques donnait aux élèves l'occasion de s'identifier avec la puissance coloniale. Avec l'étude des membres de la famille impériale, de la guerre franco-prussienne de 1870/1871, avec la connaissance des empereurs allemands depuis le 18 Janvier 1871, l'histoire apportait sa contribution à l'expansion de l'amour de la patrie. La géographie enfin permettait aux enfants de connaître non seulement l'Allemagne, mais aussi ses possessions outre-mer » (Essiben 1980 : 39-40).

Par le biais de l'école, les autorités politiques allemandes vont inculquer des principes et des valeurs partagées par des populations jusque là disparates. Par l'acquisition de ces connaissances partagées par des populations jusque là disparates, mais aussi par la normalisation de cette nouvelle institution qui s'impose à tous, les Camerounais vont acquérir des habitudes telles que celle d'avoir une autorité administrative commune décidant pour l'ensemble. Ceci va favoriser en quelque sorte la construction de l'Etat.

2. La création des instituts agricoles

Le principal artisan de l'essor des plantations situées sur les pentes du Mont-Cameroun fut l'institut d'expérimentation agricole installé à Victoria. Il contribua de manière concluante au perfectionnement de l'agriculture tropicale et à l'introduction de nouvelles cultures dans le territoire du Cameroun.

Dès 1889, un jardin botanique avait été fondé sur l'initiative du gouverneur von Soden pour soutenir l'aménagement des plantations et étendre ainsi peu à peu le champ des expériences agricoles. Dans la même lancée, il devait former des indigènes pour les seconder. Seulement, la politique agricole prévalant à cette époque ne permit pas l'aboutissement du projet et ce malgré la proposition du Professeur Hass relative à la création à Victoria d'une école d'agriculture destinée aux indigènes19(*). En 1914, ce jardin se divisa en deux sections, l'une botanique et l'autre biochimique. Il était orienté vers l'amélioration des cultures existantes, la fourniture des semences et des plants et enfin, la recherche des moyens de lutter contre les parasites (Etoga Eily 1971 : 191).

D'autres jardins d'essais de moindre envergure furent aménagés à Buéa et à la Maison Musaké. Ces petits jardins s'occupaient à peu près exclusivement de la culture des plantes tropicales de montagne et de leur adaptation aux diverses altitudes.

Tout ceci eut un impact sur les populations concernées. Les missionnaires recoururent à plusieurs artifices pour pousser les indigènes à travailler pour les allemands. Comment réussirent-ils à faire en sorte que les Camerounais travaillent non seulement des terres qui leurs étaient prises mais surtout au profit de ceux qui les avaient spoliés ? Comment l'institution de l'école participera t-elle au contrôle des populations ?

* 19. ANY, FA 1 /790, proposition du Professeur HASS de Victoria relative à la création dans cette ville d'une école d'agriculture destinée aux indigènes, 1906.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle