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La puissance quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la suprématie de la constitution de 1987

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par Destin JEAN
Université d'Etat d'Haà¯ti (Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince).  - Licence 2009
  

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B. L'INSTABILITÉ POLITIQUE ET LA FAIBLESSE DES INSTITUTIONS

La ratification du texte constitutionnel par le Peuple haïtien le 29 Mars 1987 se veut avant tout, un acte de rejet. C'est le rejet d'un système politique qui a fait son temps et que l'on croyait à jamais révolu. Le Peuple voulait faire l'expérience de la démocratie après plusieurs décennies de dictature, particulièrement le régime des DUVALIER. Cela pourrait s'expliquer par une soif de liberté, liberté que le Peuple croyait garantie par l'institution de la Constitution de 1987.

Cependant, seulement la ratification de la Constitution de 1987 ne suffit pas à permettre au Peuple d'instaurer la démocratie, car nulle part ailleurs, la démocratie ne se « décrète » pas ; c'est un processus. On pourrait même l'envisager comme une construction permanente. L'adoption de la Constitution de 1987 était la première étape, très significative d'ailleurs sur le plan de pur droit, mais ce n'était qu'une première étape.

165 Une Constitution dure en moyenne neuf (9) ans en Haïti. Or, on a déjà commémoré les 21 ans de la Constitution de 1987.

Si l'on veut arriver à l'instauration du nouveau système politique, encore faudrait-il imposer l'application continue de la Constitution, pour permettre au régime de fonctionner dans la continuité institutionnelle. La continuité institutionnelle voudrait dire mettre effectivement en place les institutions créées par la Constitution, leur donner les moyens de leur fonctionnement, les renouveler, le cas échéant, à temps pour permettre au nouveau régime de fonctionner sans être saccadé.

Pourtant, on l'aura vitement compris, la première tentative de mise en oeuvre du nouveau régime en Février 1988 n'a pas duré six (6) mois. Depuis lors, le pays s'enlise dans une instabilité politique dont il a du mal à s'en sortir. Les tentatives de mise en oeuvre du nouveau régime sont entrecoupées de coups d'Etat. Il va sans dire que cette situation ne favorise guère le renforcement des institutions de l'Etat. D'ailleurs, jusqu'à présent, le Conseil Electoral Permanent (CEP) n'a pas pu être mis en place. Or, il devrait jouer un rôle moteur dans la continuité institutionnelle du régime.

C'est le cas de dire que l'instabilité politique et la faiblesse des institutions sont étroitement imbriquées. Les deux (2) expliquent la discontinuité institutionnelle qui caractérise la « pratique » du régime et l'on pourrait même se demander si l'une n'engendre pas l'autre et vice versa.

La Constitution de 1987 place le CEP au rang des institutions indépendantes. Elle le charge de l'organisation des élections dans tout le pays et fait de lui en même temps le juge du contentieux électoral.166 De plus, ses membres jouissent de l'inamovibilité en vue de garantir leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Or, précisément, la discontinuité institutionnelle est due au fait que les élections ne sont jamais organisées à temps. Pour que l'on puisse arriver à avoir dans le pays régulièrement l'organisation d'élections, le CEP doit être mis en place et il doit avoir les moyens de son fonctionnement. C'est ce qu'a empêché l'instabilité politique. La mise en place du nouveau système politique est entrecoupée de périodes de « transition ».

Depuis l'institution de la Constitution de 1987, le Pouvoir Exécutif a toujours eu à intervenir et même à décider de l'organisation d'élections dans le pays. Or, les premières élections de Novembre 1987 devraient permettre la formation du CEP qui est précisément

166 Toutefois, l'on se demande à bon droit si le pouvoir de validation des Assemblées, notamment l'Assemblée des Sénateurs, ne leur permet pas de jouer un rôle déterminant en matière de contentieux électoral. L'on pourrait même se demander si elles ne peuvent pas ignorer le choix du peuple lors des élections législatives.

l'organe chargé d'organiser en toute indépendance, suivant le cycle électoral fixé par la Constitution, les élections en vue du renouvellement du personnel du pouvoir politique.

Le Conseil Electoral Permanent, doté de moyens qu'il faut et soucieux de remplir sa mission en toute indépendance, aura permis au régime de fonctionner dans la continuité institutionnelle, moyennant qu'un nouveau coup d'Etat ne vienne pas perturber l'expérience de la mise en place du nouveau système politique de 1987. De cette continuité institutionnelle, aura découlé le renforcement de l'institution parlementaire dans la pratique du régime et dans l'opinion. De plus, cela aura permis de couper court aux élans de présidentialisme, car une application rigoureuse de la Constitution de 1987 aura empêché le retour au présidentialisme traditionnel.

En revanche, si le régime arrive à fonctionner dans la continuité institutionnelle, on peut doublement craindre des dérives dictatoriales du Parlement qui peuvent, d'ailleurs, prendre des proportions alarmantes. A ce moment, on aura vu toutes les manifestations de sa toute-puissance. Il n'y-a pas que l'Exécutif à pouvoir instaurer la dictature. Le phénomène de la dictature parlementaire existe. Un Parlement sans bornes peut tout aussi être nocif pour la stabilité et le fonctionnement régulier des institutions, sans oublier les libertés fondamentales qui peuvent être sans cesse bafouées. D'où, un dilemme : que faire ? S'efforcer de faire fonctionner le régime tel quel dans la continuité institutionnelle, pour respecter la Constitution, ou encore amender la Constitution pour borner les pouvoirs du Parlement avant de prôner la continuité institutionnelle ?

DEUXIEME PARTIE

L'ENCADREMENT JURIDIQUE INSUFFISANT DES
POUVOIRS DU PARLEMENT : PROBLEMATIQUE DE
L'AUTORITE DE LA CONSTITUTION DE 1987

Dans la première partie de ce travail de recherche académique, nous avons essayé de démontrer qu'il existe, sous le régime constitutionnel de 1987, un déséquilibre entre les Pouvoirs publics au profit du Parlement. C'est presqu'une évidence et c'est en quelque sorte le propre des logiques institutionnelles du régime. Néanmoins, à côté de ce état de fait, les pouvoirs du Parlement peuvent aller grandissants, sans que pour autant l'autorité de la Constitution soit préservée.

En effet, la Constitution de 1987 accorde des prérogatives de législation illimitées au Parlement. Son champ d'action, en matière législative, ne fait quasiment pas l'objet de limitations tant au niveau du domaine de la loi qu'au niveau de la procédure législative. Ses prérogatives de législation sont illimitées à telle enseigne qu'il lui est loisible d'étendre sa sphère d'influence et d'intervention par la voie législative ordinaire. D'où, un déficit d'encadrement juridique des compétences du Parlement et une condition de fragilisation des libertés fondamentales. Il s'ensuit que le déséquilibre constaté risque d'être accentué ; donc des risques de dérèglement institutionnel du régime.

Les risques de débordements éventuels des pouvoirs du Parlement pourraient être relégués au rang des abstractions à condition que la Constitution de 1987 soit la norme suprême de l'Etat et que tout à la fois cette suprématie soit garantie par un contrôle efficace de constitutionnalité empêchant qu'un acte du Parlement puisse s'écarter du texte et de l'esprit de la Constitution. Or, à ce propos, la suprématie de la Constitution de 1987 oscille entre mythe et réalité. Plusieurs raisons permettent de présumer sa suprématie, mais plusieurs failles au niveau des mécanismes de garantie de cette suprématie viennent l'hypothéquer. La suprématie matérielle de la Constitution est épinglée par la puissance de la loi. La Constitution institue la constitutionnalité de la loi, mais la garantit inefficacement. Elle institue la constitutionnalité des conventions, traités ou accords internationaux, mais ne la garantit pas. De plus, les constituants de 1987 n'ont pas jugé utile d'instituer la constitutionnalité du règlement intérieur des Assemblées. Par conséquent, la Constitution de 1987 institue des limites et permet en même temps au Parlement de les dépasser.

Au contraire, historiquement, le rôle premier d'une Constitution est de limiter les prérogatives des gouvernants et ainsi préserver la liberté des citoyens. Donc, si la suprématie de la Constitution est juridiquement mal assurée, on peut craindre, à bon droit, l'arbitraire des gouvernants. En ce sens, le principe de la Séparation des Pouvoirs, consacré par la Constitution de 1987, est-il garanti ? L'Etat de droit, est-il juridiquement bien assis ?

CHAPITRE 3
La puissance législative quasi-illimitée du Parlement : causes et
implications

Ce chapitre met en lumière le déficit d'encadrement constitutionnel des compétences des représentants du Peuple au Parlement. Cette situation résulte des prérogatives de législation illimitées du Parlement (section I) et laisse place à de forts risques de dérèglement institutionnel du régime en plus de fragiliser les libertés fondamentales (section II).

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