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La résolution des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité au Burundi

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par Emmanuel KAGISYE
Université du Burundi - DESS 2006
  

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Section 2 Les acteurs non étatiques

La catégorie des acteurs non étatiques comprend les Bashingantahe, les associations de la société civile et le conseil de famille.

43 Loi no 1/023, précitée, article 27.

44 Article 5 de la Loi n° 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du Code de procédure

pénale in BOB n°1/2000, pp.1-54.

45 Article 146 du Code de procédure pénale, précité.

§1. Les Bashingantahe

1. Notion de « mushingantahe »

A. Etymologie du terme

Le terme « abashingantahe » est le pluriel de « umushingantahe » qui vient luimême de l'association du verbe « Gushinga » (planter, fixer solidement ou établir) et du substantif « intahe » qui veut dire « baguette de la sagesse ». Dans le contexte d'umushingantahe, le substantif « intahe » est utilisé dans un sens symbolique. Ce sens peut être exprimé par le terme « ingingo » qui se traduit littéralement « équité » ou « justice ». Dès lors, « umushingantahe » veut dire un homme de justice et d'équité. C'est ici le sens traditionnel du terme. Un autre concept qui véhicule le mot « umushingantahe » est celui de « ubushingantahe » qui peut être entendu comme une valeur incarnée par des hommes intègres et sages.

Selon Juvénal NGORWANUBUSA46, le mushingantahe est cet homme complet, de préférence âgé et chevronné en matières traditionnelles, qui tient lieu de garde-fou de la société burundaise, tranchant toutes les palabres sans état d'âme et faiblesse, plus en conciliateur qu'en justicier.

B. Les conditions pour devenir mushingantahe

Tout le monde ne peut pas être mushingantahe. A côté des conditions de fond, l'individu doit également observer et respecter certaines formalités relatives notamment à l'investiture. L'énumération exhaustive des conditions de fonds serait difficile, mais il s'agissait principalement de :

- la maturité humaine (ugutandukana n'ubwana) ;

- le sens de la vérité (ukuba imvugakuri) ;

- l'intelligence lucide (ubwenge butazindwa) ;

- le sens de l'honneur et de la dignité (ukugira iteka mu bandi) ;

- l'amour du travail et la capacité de subvenir à ses besoins (ubwira mukwimara ubukene) ;

- le sens de la justice (ukuba intungane) ;

- le sens de la responsabilité sociale47.

S'agissant des conditions de forme, nul ne peut devenir mushingantahe s'il n'est
pas investi conformément à la coutume. La procédure commence par une

46J. NGORWANUBUSA, cité par RCN-Justice&Démocratie, op.cit., p.33.

47 A. NTABONA, « Les fondements anthropologiques de l'institution d'ubushingantahe dans la tradition » in Les valeurs traditionnelles et le développement, p.8.

formation soignée et une longue période d'approbation avec différentes étapes. Tout cela a pour objectif d'influencer la personne au niveau de son devenir. Dans la suite, la candidature est reconnue par le conseil des bashingantahe qui choisit un parrain pour le postulant. C'est le même conseil, mais au niveau de la colline ou, qui délibère sur la candidature.

Lors de l'investiture, le leader moral du collège local des bashingantahe déjà investis commence par présenter le candidat à la population et rappelle les devoirs d'umushingantahe.

Après que la population présente se prononce sur le candidat, celui-ci prête serment d'observer les devoirs d'un mushingantahe et reçoit la baguette de la sagesse « intahe ». Il la frappe par terre pour invoquer la sagesse de ses ancêtres qui ont été enterrés. Il devient mushingantahe.

De tout ce qui précède, il ressort que le mushingantahe est investi d'une responsabilité sociale suite à un contrat passé entre lui et la société.

2. Les techniques et les procédures judiciaires des Bashingantahe

Le fonctionnement de l'institution des bashingantahe sur le plan judiciaire repose sur 3 techniques à savoir : la médiation, la conciliation et l'arbitrage. Ces techniques sont actuellement valorisées dans la résolution pacifique des conflits.

A. La médiation

La médiation est un processus, le plus souvent formel, par lequel un tiers neutre tente, à travers l'organisation d'échanges entre les parties, de permettre à cellesci de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose48. Cette pratique était et reste encore utilisée au Burundi. En effet, en cas de litige entre 2 personnes, on envoie un mushingantahe auprès d'elles pour obtenir entente et réparation. En cas d'échec, on renvoie l'affaire aux notables.

48 J. P. BONAFE SCHMIDT, La médiation : une justice douce, Paris, Syros-Alternatives, 1992, p.16.

B. La conciliation

C'est un mode de règlement des différends grâce auquel les parties en présence s'entendent directement pour mettre fin à leur litige, au besoin à l'aide d'un tiers49.

Par de multiples et sages conseils « Guhanura », les « bashingantahe » essayent d'amener les parties en conflits à un règlement amiable. Dans cette technique, c'est le pardon et la réconciliation qui sont privilégiés au lieu de l'octroi des dommages et intérêts. Généralement, lorsque les deux parties étaient conciliées, les « bashingantahe » les invitaient à partager un pot de vin de bananes.

C. L'arbitrage.

En cas d'échec de la médiation et de la conciliation, on recourait à l'arbitrage. Celui-ci est une technique bien différente des deux précédentes. Ici, les « bashingantahe » sont considérés comme de véritables juges et leurs décisions sont exécutoires à l'égard des parties. Des peines sont appliquées sous diverses formes : amendes, exclusion, etc. Dans tous les cas, il ne faut pas perdre de vue que l'esprit qui présidait aux activités des « bashingantahe » était la sauvegarde de la cohésion sociale.

S'agissant de la procédure, il faut dire qu'une fois saisi, le conseil des bashingantahe se doit de statuer sur l'affaire et de veiller à l'exécution du jugement rendu. La procédure est accusatoire, contradictoire et publique.

3. La compétence actuelle des Bashingantahe dans la résolution des conflits

La loi n°1/004 du 14 janvier 1987 portant réforme du Code de l'organisation et de la compétence judiciaires mentionnait des compétences non moins importantes des « bashingantahe ». Selon l'article 209, le recours au conseil des « bashingantahe » au niveau de la colline de recensement était obligatoire avant de saisir le juge judiciaire. Les parties au conflit devaient en premier lieu porter leur affaire devant les « bashingantahe » qui analysaient le litige. S'ils ne parvenaient pas à le régler, ils devaient remettre aux deux parties un procès- verbal de conciliation qui pouvaient cette fois aller devant le tribunal de résidence.

Par contre, la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires réduit considérablement le rôle de l'institution des « bashingantahe ». Selon cette loi, les parties à un conflits ne sont plus obligés de porter leur affaire devant le conseil des « bashingantahe » avant de saisir le tribunal de résidence tout comme, une fois devant le juge, elles ne sont pas tenues de présenter le procès verbal de conciliation. Toutefois, l'article 78 stipule qu'en matière de propriétés foncières non enregistrées situées en milieu rural, l'exécution des jugements est assurée par les juges des tribunaux de résidence assistés d'un greffier avec le concours des notables bashingantahe.

La loi n°1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale fait, elle aussi, mention de l'institution des bashingantahe. Elle stipule en son article 37 que « sous la supervision du chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou de quartier a pour mission d'assurer sur la colline ou au sein du quartier, avec les bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la conciliation, la médiation Ainsi que le règlement des conflits du voisinage ».

Il n'empêche que malgré l'absence d'un cadre juridique bien défini, l'institution des « bashingantahe » est un organe très actif dans le règlement des litiges de proximité.

§2. Les associations de la société civile

Les organisations de la société civile qui interviennent dans le secteur de la justice ont comme rôle l'orientation des justiciables, la sensibilisation, l'assistance judiciaire, la formation des acteurs de la justice, la dénonciation des violations du droit, etc.

Nous nous limiterons ici aux principaux intervenants à savoir les ONG à travers les cliniques juridiques, les ligues des droits de l'homme, les médias et les confessions religieuses50.

1. Les Cliniques Juridiques

La crise qu'a connue le pays depuis 1993 a créé de nombreux nouveaux problèmes. Les conflits locaux liés à la conjoncture dépassent aussitôt les capacités du conseil des notables. C'est ainsi que les Organisations Non Gouvernementales internationales et d'autres associations sans but lucratif ont mis en place des « Cliniques Juridiques » qui offrent des services gratuits d'écoute, d'orientation et de médiation aux personnes défavorisées.

50 Lors de notre enquête, nous avons identifié d'autres associations locales qui oeuvrent dans le secteur de la justice. Cependant, leur champ d'intervention se trouve limité par le manque de moyens matériels et financiers.

Certaines ont des avocats-conseils. La plupart travaillent avec des « para - juristes », choisis par la communauté locale parmi les résidents. Ils sont périodiquement formés sur les lois usuelles au Burundi : le Code Foncier, le Code de Procédure Pénale, le Code des Personnes et de la Famille et le Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires.

Ces Organisations Non Gouvernementales et Associations assurent un suivi et une assistance réguliers de ces para-juristes dans leur rôle de médiateurs locaux. Bon nombre de parties en conflit se tournent vers le mécanisme des « cliniques juridiques » pour trouver des voies de sortie à leurs problèmes, surtout fonciers et familiaux.51

Ces cliniques visent à promouvoir, au niveau local, surtout en milieu rural, des mécanismes extrajudiciaires de résolution des conflits qui soient accessibles aux démunis. Les cas sont traités à l'amiable soit par les animateurs de ces « Cliniques», soit par les « para-juristes » formés et assistés par les associations et Organisations Non Gouvernementales initiatrices du système.

Lorsque l'arrangement ne peut être atteint, le cas est orienté devant les juridictions compétentes. Il a été constaté que bon nombre de gens surtout les parties en litiges confondent les Cliniques Juridiques à un organe judiciaire ou une commission étatique dépêchée dans le pays surtout pour résoudre les conflits de terre. Il serait souhaitable dès le départ que les animateurs ou parajuristes clarifient leur rôle et le cadre de travail pour que les justiciables ne soient pas déroutés.

2. Les ligues des droits de l'homme

Au Burundi, différentes ligues des droits de l'Homme existent. Mais l'une des associations de défense des droits de l'homme les plus actives dans la résolution des conflits de proximité au Burundi est la ligue ITEKA. Actuellement, les activités de la ligue ne se limitent plus à exprimer ses objections sur la violation des droits de l'homme. Mais elles englobent également des actions concrètes de promotion et de protection des droits de l'homme et des libertés. Parmi ces actions concrètes, la ligue ITEKA a entamé la réalisation d'un projet d'écoute, de conseils et d'orientation des victimes des violations des droits de l'homme.

Au cours de l'année 2006, les bureaux chargés d'écoute et d'orientation des
victimes des violations des droits de l'homme ont reçu 5293 cas. Parmi ces cas,

51 Dans les provinces de Ngozi, Kirundo et Muyinga 56% des personnes interrogées nous ont affirmé avoir été consulté les avocats ou les juristes de l'ONG « Avocat sans frontières » et de l' « Association des femmes juristes ».

plus de 1997 se rapportaient aux conflits fonciers, plus de 337 cas concernaient la torture et les mauvais traitements, 618 étaient des plaintes relatives à la lenteur des jugements, 483 concernaient les détentions arbitraires et plus de 324 étaient des victimes des viols et violences sexuelles. D'autres cas étaient en rapport avec le divorce et l'abandon des femmes52.

La ligue ITEKA n'est pas une instance judiciaire. Loin s'en faut. Elle joue plutôt un rôle d'informateur, de médiateur et en cas de besoin, elle oriente les parties au conflit vers le juge, les corps de police, les responsables administratifs, les Bashingantahe ou même vers le conseil de famille. Les bureaux d'écoute de la ligue ITEKA sont présents dans presque toutes les provinces du Burundi.

3. Les médias

De nos jours, les médias sont devenus des acteurs incontournables dans la promotion des droits de l'Homme au Burundi. Qu'elle soit écrite ou audiovisuelle, la presse médiatique joue un rôle très important comme acteur de justice de proximité.

En effet, les médias jouent un rôle considérable d'informateur juridique. Avec les émissions de droit, les lumières juridiques se répandent. Des émissions radiophoniques tel que « NTUNGANIRIZA », « ICIBARE CACU » de la Radio ISANGANIRO, « IKIGANIRO C'UBUTUNGANE » de la Radio Télévision Nationale, des bulletins d'information des organisations de la société civile, sont des instruments d'information juridique très efficaces53.

4. Les confessions religieuses

Aujourd'hui, les confessions religieuses se sont investies dans la promotion des droits de l'homme. Plus particulièrement dans l'Eglise Catholique Romaine, chaque diocèse est dotée d'une commission « Justice et Paix ». Celle-ci a comme objectif principal la sensibilisation et la promotion des droits de l'homme dans le diocèse concerné.

Les commissions « Justice et Paix » sont actives aussi dans la promotion de la
résolution pacifique des conflits. Elles ont cet atout d'avoir des structures qui
sont très proches de la population du moment que même au niveau de chaque

52 Ligue ITEKA, Rapport du projet « Ecoute, orientation et médiation des victimes des violations des droits de l'homme », Bujumbura, le 7 janvier 2007.

53 Nous avons nous- même été consultant pour l'émission ntunganiriza de la radio Isanganiro. A l'occasion de chaque émission, des auditeurs posaient des questions ou exposaient leurs problèmes pour demander conseils.

paroisse, il se trouve une commission paroissiale « Justice et Paix ». Ces dernières sont donc à juste titre des acteurs de justice de proximité.

Selon le rapport trimestriel54 de la commission « Justice et Paix » du diocèse catholique de Bujumbura dans le projet d'Identification des Terres à Problèmes (ITAP), beaucoup de problèmes fonciers ont été résolus par des médiateurs basés dans les paroisses. En effet, le projet couvre 5 paroisses et dans chacune de ces paroisses, des médiateurs ont été formés pour aider les parties aux conflits fonciers impliquant des rapatriés de les résoudre pacifiquement.

En guise d'illustration et toujours selon le même rapport, dans la seule paroisse de Magara, commune Bugarama en province de Bujumbura rural, 78 cas de conflits fonciers impliquant des rapatriés ont déjà été écoutés et parmi eux, 33 ont été déjà résolus depuis le mois d'octobre 2006 jusqu'à mars 2007. La population de cette paroisse s'intéresse beaucoup à ces médiateurs parce qu'ainsi, elle échappe aux longues procédures judiciaires et aux frais y relatives.

§3. Le Conseil de Famille

Le Conseil de Famille est une institution créée au sein de la famille pour veiller à la sauvegarde des intérêts de chacun de ses membres dans les cas prévus par la loi.

Il est composé des père et mère de l'intéressé, de ses frères et soeurs majeurs, d'au moins deux de ses parents choisis soit dans la lignée maternelle suivant l'ordre de proximité, d'au moins deux personnes connues pour leur esprit d'équité.55

Si le Code de l'Organisation et de la Compétence Judiciaires ne fait nulle part allusion au Conseil de Famille parmi les institutions judiciaires, le Code des Personnes et de la Famille lui réserve par contre une place importante dans certaines matières, plus particulièrement en ce qui concerne la procédure en divorce ainsi que l'administration de la tutelle des mineurs ou de l'interdit.

54 Commission Diocésaine « Justice et Paix » (CDJP) ; Bujumbura, Rapport trimestriel du projet ITAP ( janvier-février-mars).

55 L'institution du conseil de famille est prévue par les articles 371 et suivants du Décret-loi

n° 1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du Code des Personnes et de la Famille in BOB no 6/93.

En matière de divorce, l'époux demandeur doit provoquer une réunion de conciliation groupant les époux et leurs Conseils de Familles respectifs avant d'introduire l'action en divorce. En ce qui concerne la tutelle, le Conseil de Famille est investi d'une mission générale de surveillance et de contrôle quant à l'exercice et l'administration de la tutelle. Lorsque le tuteur se soustrait à la surveillance et au contrôle du Conseil de Famille, celui-ci est tenu de lui adresser, sans retard et par écrit, les remarques nécessaires. Si le tuteur demeure fautif, le Conseil de Famille met fin à ses fonctions et pourvoit à son remplacement.

L'institution du conseil de famille est fort connue de la population. Toutes les personnes interrogées reconnaissent que le conseil de famille joue un grand rôle dans la résolution des litiges de proximité particulièrement ceux impliquant la famille restreinte.

Le conseil de famille présente également l'avantage de ne pas entrer en conflit de compétence avec les autres acteurs de la justice de proximité comme on va le voir dans le chapitre suivant.

CHAPITRE III. LES CONFLITS DE COMPENTENCES ENTRE LES ACTEURS DE JUSTICE DE PROXIMITE

Dans l'ensemble du pays et particulièrement en milieu rural, les justiciables s'adressent successivement ou en même temps à plusieurs acteurs de la justice de proximité.56 Dans leur entendement, tout notable, toute personnalité officielle ou importante « umutegetsi »ou « umukuru » est habilité à rendre justice57.

De surcroît, ils ont tendance à saisir plusieurs acteurs dans l'espoir d'obtenir une solution rapide58.

Dès lors, les parties au conflit sollicitent les Bashingantahe, les élus collinaires, l'administrateur communal, le tribunal de résidence ou recourent aux associations de la société civile intervenant en matière de justice.

Cette situation désoriente les justiciables, pérennise les litiges et fait naître des conflits de compétence sur fond de lutte de pouvoir entre les différentes autorités consultées59.

Ainsi l'identification des causes ou origines des conflits de compétence s'avère nécessaire (section 1ère) avant de présenter la typologie des conflits de compétence entre les différents acteurs de la justice de proximité (section 2).

Section 1ère . Les origines des conflits de compétence entre les acteurs de justice de proximité

Les conflits de compétence entre les acteurs de justice de proximité trouvent origine dans diverses causes. Le constat général est que la population rurale vit dans l'ignorance de la loi, qui elle-même suscite des problèmes d'interprétation et juxtapose parfois des structures relevant de philosophies différentes.

56 RCN Justice et Démocratie, op.cit., p.67.

57 Cela est d'autant plus vrai qu'au cours des entretiens, certaines personnes restaient à croire que nous même, pouvions régler leurs problèmes malgré les précisions données sur notre identité et le but de notre entretien.

58 RCN Justice et Démocratie, compte rendu des enquêtes sur la promotion de la justice auprès des autorités de base, Ngozi, Kirundo et Muyinga du 5 au 22 avril 2004.

59 RCN Justice et Démocratie, idem, p.68.

§1. L'ignorance de la loi

La population burundaise est, dans sa grande majorité, rurale et analphabète. Les chiffres récents indiquent que plus de 62% de la population est analphabète.60 Avec un tel niveau d'alphabétisation, la population reste dans l'ignorance de la loi du moment que les textes de loi sont promulgués en français. Ainsi, la population rurale croit que toute autorité (umutegetsi), qu'elle soit traditionnelle, administrative ou judiciaire, a des compétences judiciaires.

En outre, il y a des acteurs de justice de proximité qui, eux-mêmes, ne sont pas formés en matière juridique. Il s'agit des administrateurs communaux, des bashingantahe et des élus collinaires. En effet, il se révèle que le niveau intellectuel de la plupart des administrateurs communaux est très faible. Parmi eux, très peu ont le niveau licence et beaucoup ont le diplôme D4, A3 ou A2. Ainsi, ils ont du mal à appliquer une loi communale qu'ils ne maîtrisent pas.

§2. La problématique de la mise en application de l'article 37 de la Loicommunale

Cette disposition en apparence claire n'a pas néanmoins manqué de poser sur terrain des difficultés d'application aboutissant par endroits à un conflit ouvert entre les élus collinaires et les Bashingantahe traditionnellement investis. C'est que justement le problème se pose en termes de collaboration ou en d'autres termes les types de relations qui doivent exister entre les deux structures61.

Cette disposition, rappelons - le, dispose comme suit :

« Sous la supervision du chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou de quartier a pour mission : ...

2° D'assurer, sur la colline ou au sein du quartier, avec les Bashingantahe de l'entité, l'arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage ».

Tel qu'elle est libellée, cette disposition suscite plusieurs interprétations de nature à paralyser le fonctionnement régulier de la Justice à la base.

Ainsi par exemple une certaine opinion avance, partant du groupe de mots
«Sous la supervision du chef de colline ... », que toutes les activités décrites par

60 Information publiée par le centre national d'alphabétisation à l'occasion de la journée mondiale de l'alphabétisation, V. hppt:// www.abp.info.bi htm.

61 OAG,Analyse critique du fonctionnement de la justice de proximité au Burundi ,Bujumbura ,mars 2007, p.44,hppt:// www.oag.bi/IMG/pdf/Analyse-justicedeproximite-pdf.

cette disposition (arbitrage, médiation, conciliation) doivent se faire en présence du chef de colline ou de quartier.

Bien plus, comme il est dit que le conseil de colline ou de quartier accomplit ces activités « avec les Bashingantahe de l'entité », certains pensent que, ni les élus locaux, ni les Bashingantahe, ne peuvent siéger seuls, que les deux catégories doivent être représentées.

D'autres donnent un rôle facultatif aux Bashingantahe au motif que l'article 37 décrit les attributions du conseil de colline ou de quartier et n'évoquerait les Bashingantahe que de façon incidente au point 2 et en apposition.

Ils en concluent que les élus locaux sont les plus concernés par ces missions et peuvent donc siéger seuls ; ce qui n'est pas permis aux Bashingantahe.

Il y en a d'autres qui partent de ce que ces missions concernent essentiellement les élus pour conclure que « l'esprit de l'article 37,2° est d'obliger les élus collinaires saisis pour l'arbitrage, la médiation, la conciliation ou le règlement d'un litige de voisinage, de chercher ensemble avec les Bashingantahe la solution à apporter au litige. Les défenseurs de cette hypothèse renchérissent en prêchant que quand ils statuent sur les conflits de voisinage, les élus collinaires ne peuvent pas, sans violer la Loi communale, se passer de cette collaboration des Bashingantahe ; que par contre du point de vue législatif, rien n'empêcherait les Bashingantahe de statuer seuls sur les litiges portés à leur connaissance.

En tout état de cause, l'analyse profonde de l'article 37,2° de la Loi communale indique que toutes ces interprétations sont erronées. En effet, cette disposition devrait s'interpréter non pas dans le sens de la rigidité mais plutôt de la souplesse. Il serait étonnant de croire que le législateur ait voulu soumettre le règlement des conflits sur les collines ou dans les quartiers à la présence obligatoire du chef de colline ou de quartier.

Les situations conflictuelles qui se présentent requièrent souvent l'urgence alors que le chef de colline ou de quartier peut être par moment empêché encore que, vu l'étendue de la colline et la multiplicité des cas litigieux, le chef ne peut pas être physiquement présent partout. Il faut donc entendre la supervision énoncée par la disposition en ce sens que le chef de colline ou de quartier est le premier responsable dans son entité.

adviendrait pour les collines qui ne disposent d'aucun Mushingantahe traditionnellement investi ?62

Les élus locaux peuvent donc siéger seuls tout comme, en cas d'empêchement de ces derniers, rien n'empêcherait les Bashingantahe de siéger seuls. Ceci n'accrédite pas bien entendu l'hypothèse comme quoi l'obligation de collaborer ne concerne pas les deux catégories sans distinction. L'article 37,2° s'impose aux élus comme aux Bashingantahe. Là où les deux partenaires existent, il est souhaitable qu'ils se mettent ensemble, dans l'esprit du législateur auquel nous adhérons, pour assurer les missions décrites dans la disposition.

Quant à dire que les Bashingantahe auraient un rôle facultatif, nous pensons que cela n'est pas non plus l'intention du législateur

Il faudra par ailleurs remarquer que le législateur n'a pas précisé le nombre d'élus ou de Bashingantahe qui doivent faire partie de ce collège. Par souci de souplesse du système, il a laissé aux intéressés le soin de s'organiser, évidemment sous la supervision du chef de colline ou de quartier, étant entendu que chaque colline ou quartier a ses spécificités particulières.

§3. La juxtaposition de deux structures qui procèdent de deux philosophies différentes

L'article 37,2° de la Loi communale attribue une même mission (arbitrage, médiation, conciliation) à deux structures qui manifestement procèdent de deux philosophies différentes : d'une part, les élus locaux nantis d'une légitimité populaire pour avoir été élus par la population au suffrage universel direct, et d'autre part les Bashingantahe traditionnellement investis, nantis de l'autorité morale traditionnelle attachée à l'institution, qui croient avoir de leur côté la maturité, l'expérience, la sagesse, l'intelligence face aux élus locaux à majorité jeunes et inexpérimentés.

Ainsi, d'un côté comme de l'autre, il y a de quoi s'enorgueillir, ou se prévaloir comme autorité.

Cette situation est de nature à générer un conflit de légitimité. L'adage en Kirundi rendrait mieux cette situation : « inkuba zibiri ntizisangira igicu ». La méfiance est grande entre les deux partenaires.

En effet, le conseil des bashingantahe est une institution qui s'appuie sur la tradition et qui n'a qu'une légitimité traditionnelle. Seuls les initiés conformément à la coutume peuvent devenir bashingantahe.

S'appuyant sur la tradition, les bashingantahe refusent de siéger avec les élus collinaires qui ne sont pas investis bashingantahe. Ils les considèrent comme des non initiés et craignent qu'ils ne révèlent le secret de délibération de procès.

Plusieurs déclarations du Conseil National des Bashingantahe reviennent sur ces conflits de compétences entre les notables et les autorités administratives. En son article 44, la charte des bashingantahe stipule qu'aucun administratif, quel que soit son rang, ne peut siéger pour juger une affaire au niveau de la colline s'il n'est investi mushingantahe.

Par ailleurs, une déclaration du Conseil National des Bashingantahe du 8 février 2006 précise l'étendue des prérogatives des élus locaux aux yeux des bashingantahe. Selon cette déclaration, les élus collinaires ont été élus pour administrer et coordonner les activités sociopolitiques sur la colline. Ils font donc partie de l'appareil administratif. Or, l'indépendance de la magistrature est reconnue par la Constitution burundaise. C'est pourquoi les élus collinaires n'ont pas été élus pour trancher les palabres dévolus aux bashingantahe. Ils ne doivent donc jamais s'immiscer dans les affaires des bashingantahe de rendre justice63.

D'un autre côté, les élus collinaires contestent la légitimité des bashingantahe. Les premiers tirent leur légitimité dans le suffrage universel tandis que les seconds s'appuient sur un système traditionnel de cooptation initiatique. La principale accusation portée contre les bashingantahe est que ceux-ci en tranchant les palabres exige un versement de la bière (agatutu k'abagabo). Certains élus collinaires refusent d'ailleurs qu'on les appelle bashingantahe et préfèrent le vocable d'umugabo. Ils considèrent que le temps des bashingantahe est révolu et que la loi a supplanté la tradition.

Au cours des divers séminaires organisés par RCN, Justice & Démocratie, la collaboration entre les bashingantahe et les élus collinaires a suscité des débats houleux. Les premiers qualifient les seconds d'enfants tandis que les derniers qualifient la baguette (intahe) d'un simple bâtonnet64.

§4 Les contingences politiques

Au lendemain des récentes élections de l'an 2005, il semble que les
Bashingantahe ont perdu de terrain, selon une certaine opinion, pour céder la
place aux autres dit « Abagabo» (au singulier on dit : « Umugabo »). Sous cet

63 Il faut avouer que ces déclarations du C.N.B. ne sont pas de nature à favoriser la coopération entre les Bashingantahe et les élus collinaires non investis.

64 RCN Justice et Démocratie, op.cit, p.70.

angle, les Bashingantahe procéderaient d'un ordre ancien, vieux et corrompu qui a démérité à telle enseigne qu'il n'est plus prestigieux, si pas honteux de s'appeler Umushingantahe.

Ces considérations, qui, au départ étaient énoncées à des fins de campagne électorale, ont eu pour conséquence fatale de décrédibiliser l'institution des Bashingantahe aux yeux d'une bonne partie de la population qui ne voulait guère se confier aux Bashingantahe, considérant que ces derniers n'ont plus de rôle à jouer, n'étant pas élus par le peuple. Il convient néanmoins de signaler que petit à petit, suite aux séminaires dits ci- haut, les rangs commencent à se resserrer, la confiance se rétablit entre la population et les Bashingantahe.

§5. Les enjeux de pouvoir et d'intérêt

Dans la plupart des cas, il arrive que des différents acteurs entrent en conflit de lutte de pouvoir. Il en est ainsi des différents administrateurs communaux qui veulent exercer une emprise sur les juges des tribunaux de résidence et sur les officiers de la police judiciaire.

De même, certains officiers de la police judiciaire abusent sciemment de leur pouvoir pour satisfaire à leurs intérêts personnels. C'est souvent le cas quand ils emprisonnent une personne pour le paiement d'une dette civile. Ils espèrent une récompense de la part du créancier.

Section 2. Typologie des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité

Sur le terrain, plusieurs scénarios se présentent. Nous évoquons ici les quatre principales catégories combinant les différents acteurs de la justice de proximité.

§1. Les bashingantahe et les administratifs à la base.

Nous avons déjà évoqué les difficultés d'interprétation que suscite l'article 37,2 de la Loi communale qui prévoit une collaboration entre les bashingantahe et les élus collinaires dans le règlement des conflits de voisinage par l'arbitrage, la médiation et la conciliation65. Dans la pratique, cette collaboration s'avère être difficile à mettre en oeuvre et les situations sont variables d'un milieu à l'autre.

A certains endroits, les élus locaux qui se disent détenir un mandat populaire
sont les maîtres de terrain et associent rarement ou pas les Bashingantahe mais
préfèrent s'appuyer sur les représentants des structures administratives

informelles, à savoir les sous-collines. Si par extraordinaire les Bashingantahe sont associés, il ne leur est pas permis d'utiliser leur baguette (intahe) qui est détesté dans ces milieux.66

Dans d'autres milieux par contre, les Bashingantahe dominent le terrain, associent les élus locaux dans le règlement des conflits mais ces derniers ne participent pas à la séance de délibération (umwiherero). Généralement ici, la majorité d'élus locaux et surtout de chefs de colline ou de quartier sont les Bashingantahe traditionnellement investis. On rapporte même que le reste des élus locaux non investis commencent, à le demander. Les premiers demandeurs ont été investis.67

La troisième situation est celle où les deux catégories s'associent pour trancher les litiges le plus naturellement du monde. Mais ici aussi les élus locaux qui ne sont pas encore investis Bashingantahe ne touchent pas l'intahe. Ils participent néanmoins à la séance de délibération et même lorsque le chef de colline ou de quartier est là, c'est lui le maître de la séance. Cette dernière situation est conforme, à notre avis, à l'esprit et la lettre de l'article 37,2° de la loi communale. Elle commence à se généraliser suite aux différents séminaires organisés par certaines Organisations Non Gouvernementales locales notamment l'Observatoire de l'Action Gouvernementale (OAG) et RCN-Justice et Démocratie, dans tout le pays à l'endroit des élus locaux et des Bashingantahe.

§2. Les bashingantahe, les officiers de police judiciaire, et les magistrats des tribunaux de résidence

Les conflits de compétences entre ces acteurs de justice de proximité sont plus prononcés dans les affaires pénales que dans les affaires civiles. A toute fin utile, nous rappelons que la loi n°1/08 du 17 mars 2005 portant Code d'organisation et de compétences judiciaires n'accorde aucune compétence aux bashingantahe ni en matière civile ni en matière pénale. Dans les faits, les bashingantahe se considèrent comme des gardiens traditionnels de la cohésion sociale et de l'harmonie et à ce titre se sentent interpellés pour faire cesser toute violence tant idéologique que physique68. C'est ainsi qu'ils interviennent souvent dans des situations constitutives d'infraction. Les cas les plus fréquents sont les coups et blessures, le viol, le vol des récoltes sur pieds.

66 C'est notamment le cas en commune Gihanga.

67 Le cas des communes Muramya, Gisozi et Mugamba.

68 P. NTAHOMBAYE, op cit., p.35.

En matière judiciaire, le fonctionnement de l'institution des bashingantahe diffère de celui des instances judiciaires modernes. Les bashingantahe usent de la conciliation, de l'arbitrage et de la médiation alors que les autres privilégient l'identification et la répression de l'infraction.

En cas de viol d'une jeune fille par exemple, les bashingantahe privilégient un arrangement à l'amiable en obligeant le jeune garçon à prendre en mariage sa victime moyennant versement de la dot et dédommagement moral de la famille humiliée. Le dédommagement consiste en fourniture de cruche de vin de bananes. D'après les bashingantahe, cette façon de faire se justifierait par le souci de préserver ou de rétablir le plus rapidement possible les bonnes relations entre les deux familles selon l'adage « Intahe irunga ntivuna ».

Dans tous les cas, en réglant des situations constitutives d'infractions, les bashingantahe empiètent sur les compétences légalement réservées aux officiers de police judiciaire et aux juridictions respectivement en ce qui concerne les enquêtes69 et le jugement de l'auteur de l'infraction70.

Par ailleurs, la manière de procéder des bashingantahe consacre l'impunité et risque de favoriser la récidive. La multiplication des cas de violence sexuelle est due en partie à ce qu'elles sont devenues un moyen d'obtenir la main de sa victime71.

§3. Les autorités administratives et les officiers de police judiciaire.

Il arrive que les autorités administratives et les officiers de police judiciaire entrent en conflits quant à leurs compétences. L'on se rappellera que le décretloi n° 1/011 du 8 avril 1989 portant réorganisation de l'administration communale accordait à l'administrateur communal le pouvoir d'emprisonner une personne pendant une période maximale de 7 jours.

Or, l'actuelle Loi communale n'accorde pas un tel pouvoir à l'administrateur communal. Dans la pratique cependant, certains administrateurs sont restés dans la logique du décret-loi précité et croient détenir encore le droit et le pouvoir d'emprisonner les gens. Ils s'appuient sur les articles 26 et 27 de la loi n° 1/016 du 20 avril 2005 portant organisation de l'administration communale.

69 Articles 3 à 21 du Code de procédure pénale.

70 Articles 22 à 28 du Code de procédure pénale.

71 Dans certaines régions du pays, il existe une pratique de « guterura » qui signifie enlever une fille. Si ces cas ne sont pas réprimés, d'autres garçons sont tentés de faire de même pour avoir des filles qui avaient refusé le mariage.

Dans sa substance, l'article 26 stipule que l'administrateur communal exerce un pouvoir général de police. Quant à l'article 27, il stipule que l'administrateur communal exerce un pouvoir hiérarchique direct sur le détachement de police affecté dans sa commune. A ce titre, certains administrateurs empiètent sur les pouvoirs accordés aux officiers de la police judicaire. Ils peuvent emprisonner ou prononcer des amandes contre les délinquants. Dans d'autres cas, ils libèrent des prévenus à l'insu de l'O.P.J. en charge du dossier. Selon les informations qui ont été diffusées par ABP-INFO, une dame élue chef de colline a été attrapée entrain de fabriquer la liqueur kanyanga et a été traduite devant la police. Pourtant, l'administrateur communal aurait intervenu et l'aurait libérée. Cela s'est passé dans la commune Gisagara en Province CANKUZO72.

Néanmoins, sur le plan légal, l'administrateur communal ne dispose d'aucune compétence judiciaire ni en matière pénale ni en matière civile. Comme tout bon citoyen, l'administrateur ne peut que dénoncer les auteurs des infractions dont il a eu connaissance ou aider les litigants à régler pacifiquement leurs conflits s'ils y consentent.

§4. La société civile, les bashingantahe et les magistrats.

Dans certains endroits du pays, les Bashingantahe et les magistrats reprochent aux associations de la société civile d'empiéter sur leurs compétences respectives. Certaines organisations de la société civile ont formé des bureaux d'écoute juridique et de médiation ou des para-juristes qui oeuvrent à l'intérieur du pays. C'est le cas notamment de la ligue ITEKA, des cliniques juridiques mobile d'Avocats Sans Frontières,de l'Association des Femmes Juristes et des commissions Justice et Paix.

Les commissions Justice et Paix forment dans certaines paroisses, des agents chargés de la résolution pacifique des conflits. Ils aident les parties en litige à le résoudre eux-mêmes et à éviter ainsi les longues procédures administratives et les frais y relatives. Les bashingantahe reprochent alors à ces agents des commissions Justice et Paix d'empiéter sur leurs compétences en tranchant les palabres sans être investis. Il s'agit là d'une confusion des choses car les commissions Justice et Paix n'usent que de la conciliation ou de la médiation et ne juge pas.

Quant aux autres organisations, leurs activités consistent à écouter et orienter les justiciables, mieux encore à les aider à résoudre pacifiquement leurs conflits par la médiation.

72 ABP-INFO n° 4153 du 18 juillet 2006.

Ce travail est critiqué par les bashingantahe qui les accusent de s'immiscer dans leurs affaires de trancher les palabres. Egalement, les magistrats se plaignent de l'action des bureaux d'écoute et des para-juristes. Les justiciables, en effet, sont dans la plupart des cas désorientés. Après un jugement rendu en sa défaveur, un justiciable n'hésite pas à aller se confier à un para-juriste ou à un bureau d'écoute en vue d'obtenir une révision de la décision judiciaire. Non seulement la société civile ne peut pas revoir une décision judiciaire, mais aussi pendant le temps des consultations, le justiciable trouve qu'entre temps les délais d'appel ont été dépassés.

La société civile aura créé pour les justiciables plus de problèmes qu'elle n'en résout. C'est pourquoi des solutions devraient être trouvées pour résoudre au plus vite les conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité.

CHAPITRE IV. PROPOSITIONS DE SOLUTIONS AUX CONFLITS DE COMPETENCES ENTRE LES ACTEURS DE LA JUSTICE DE PROXIMITE

Les chapitres précédents ont été consacrés à une analyse de l'identité et du fonctionnement des acteurs de la justice de proximité. L'on aura constaté que dans la pratique, il y a des chevauchements, des conflits de compétences entre les différents acteurs de la justice de proximité.

Dans le présent chapitre, nous nous proposons de donner quelques propositions de solutions aux conflits de compétences pour une meilleure collaboration des acteurs de la justice de proximité au service et au profit des justiciables.

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