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La résolution des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité au Burundi

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par Emmanuel KAGISYE
Université du Burundi - DESS 2006
  

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CONCLUSION GENERALE

La justice de proximité évoque l'idée d'une justice plus proche de la population, une justice qui répond aux préoccupations quotidiennes de cette dernière. Lorsqu'elle est bien rendue, la justice de proximité contribue à asseoir la paix sociale, la réconciliation nationale et la bonne gouvernance79.

Lorsque par contre, elle fonctionne mal, c'est tout le système judiciaire qui en pâtit tandis que la paix sociale est compromise. C'est donc un domaine qui mérite une attention particulière.

Au Burundi, parler de justice de proximité fait penser, d'une part, aux Tribunaux de résidence, du moins dans le système formel de justice, et, d'autre part, aux mécanismes informels de règlement des conflits, en particulier celui comprenant les Bashingantahe et le Conseil de Colline ou de quartier, les associations de la société civile, les autorités locales, les corps de police ainsi que dans une moindre mesure, le Conseil de Famille.

La collaboration entre ces différents acteurs s'avère parfois difficile. Ils entrent en conflits de compétence soit par ignorance de la loi, qui peut elle-même être lacunaire ou confuse (article 37 de la loi communale) soit pour des raisons d'enjeux de pouvoir et de contingence politique.

La résolution de ces conflits de compétence doit passer par l'harmonisation de certains textes intervenant en matière de justice au Burundi. Ces textes sont notamment la loi no 1 /010 du 18 mars 2005 portant Constitution de la République du Burundi, la loi no 1/016 du 20avril 2005 portant organisation de l'administration communale, la loi no 1/18 du 17 mars 2005 portant Code de l'organisation et de la compétence judiciaires ainsi que la loi n°1/009 du 4 juillet 2003 portant le transfert des recettes des Tribunaux de résidence à la Commune.

En plus de cette action législative, les différents acteurs devraient respecter strictement les compétences leurs dévolues soit par la loi soit par leurs statuts. Seuls les tribunaux de résidence ont le pouvoir de rendre un jugement en vertu de la loi ; les Bashingantahe en collaboration avec les élus locaux peuvent régler les litiges de proximité par la conciliation et la médiation ; les associations de la société civile peuvent conseiller, orienter et assister les justiciables et même faire de la médiation dans le respect des compétences des tribunaux et des Bashingantahe.

L'idéale solution serait la prévention de conflits entre les différents acteurs par la résolution des litiges de proximité qui sont soumis à ces acteurs. Ces litiges portent essentiellement sur des questions foncières, des conflits de voisinage et de succession.

Enfin, au terme de ce travail, il est permis d'affirmer que la justice de proximité accuse des dysfonctionnements notoires qui requièrent, pour son redressement, plus d'efforts de la part de tous les acteurs concernés à savoir le Gouvernement, les juges des Tribunaux de résidence, l'autorité communale, les élus locaux, les O.P.J. , la société civile, les Bashingantahe et les citoyens.

Ainsi, nous formulons les recommandations suivantes :

1° Au Gouvernement

- Procéder aux reformes nécessaires pour harmoniser les textes relatifs à la justice de proximité ;

- Instaurer un cadre de concertation permanente entre les juges, les Bashingantahe, les élus collinaires et l'administration afin que chacune des parties soit sensibilisée sur le rôle qui lui incombe et se garde de s'immiscer dans les affaires qui ne le concernent pas ;

- Organiser et multiplier des séminaires de formation à l'intention des autorités administratives pour une formation juridique, réglementaire et technique appropriée afin de les aider à mieux remplir leurs fonctions pour le bien-être de la population ;

- Appuyer les programmes de formation des Bashingantahe et élus collinaires ou de quartier sur les matières qui leur sont couramment soumises comme le droit foncier, le droit des personnes et de la famille ;

- Appuyer les actions de sensibilisation des administratifs sur les limites de leurs compétences en matière de règlement des conflits ;

- Réunir tous les partenaires intéressés autour d'un débat sur une meilleure collaboration entre les élus collinaires et les Bashingantahe ;

- Réviser et vulgariser la loi communale et procéder à son explication aux partenaires concernés ;

- Accorder la priorité aux actions relatives à la réfection des infrastructures des tribunaux de résidence ainsi qu'à la fourniture des équipements qui leur manquent cruellement ;

- Doter des moyens de déplacement moins chers aux juges pour diminuer leur dépendance à l'administrateur communal en moyens de déplacement ;

- Organiser et multiplier des séminaires de formation à l'intention des OPJ ;

- Doter les administratifs des textes de lois usuels pour le renforcement de leurs connaissances ;

- Respecter le principe fondamental de séparation des pouvoirs, reconnaître l'indépendance de la magistrature et respecter le principe de l'inamovibilité des juges ;

- Traduire tous les textes législatifs et réglementaires en kirundi, les vulgariser et sensibiliser la population ;

- Redynamiser le service d'inspection de la justice pour qu'il puisse accomplir sa mission de suivi sur tout le territoire du Burundi, dans l'ensemble des services judiciaires et à tous les niveaux de juridiction particulièrement dans les Tribunaux de Résidence ;

- Instituer des services communaux décentralisés chargés de l'enregistrement et de la mutation des droits immobiliers, ainsi que de la délivrance des documents y relatifs.

2° Aux organisations non gouvernementales

- Appuyer les programmes de formation des Bashingantahe et élus collinaires ou de quartiers sur les matières qui leur sont couramment soumises comme le droit foncier, le droit des personnes et de la famille ;

- Créer des opportunités de rencontres et d'échanges pour une meilleure collaboration entre l'administration, les juges, les élus collinaires ou de quartiers et les Bashingantahe ;

- Appuyer le renforcement des capacités des magistrats et agents d'ordre judiciaire des tribunaux de résidence ;

- Les associations devraient s`abstenir d'empiéter sur les compétences des juridictions, des administratifs et des bashingantahe.

3° A l'autorité communale

- Les administrateurs communaux devraient se déclarer juridiquement incompétents toutes les fois qu'ils sont sollicités dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence ;

- Eviter autant que faire se peut de s'ingérer dans le secteur judiciaire et collaborer le plus largement possible avec l'autorité judiciaire à la base ;

- Sensibiliser les élus collinaires et les Bashingantahe afin d'éviter des rivalités inutiles et travailler ensemble dans le règlement des conflits à la base ;

- Les administrateurs communaux devraient collaborer avec les OPJ et magistrats des Tribunaux de Résidence en matière de lutte contre la criminalité et d'exécution des jugements (assurer le transport) ;

- Les administrateurs communaux devraient assurer une présence régulière sur les collines pour prévenir les conflits de compétence entre les chefs de colline et les bashingantahe, ainsi que pour renforcer le dialogue avec la population ;

- L'administrateur devrait s'assurer de l'origine du bien avant de délivrer les documents officiels sanctionnant la transaction foncière pour minimiser les risques de ventes illégales par des non propriétaires ;

- Respecter et faire respecter la législation foncière au niveau communal, en assurant une gestion des terres domaniales et des expropriations conformément à la loi.

4° Aux Bashingantahe

- Revoir les dispositions de la Charte des Bashingantahe spécialement celles les interdisant de siéger avec les non investis traditionnellement ;

- Renoncer à écarter les élus locaux aux séances de délibération lors du règlement des conflits (là où on le fait actuellement) ;

- Eviter l'instrumentalisation et la politisation des Bashingantahe qui doivent se garder de faire partie des organes dirigeants des partis politiques ;

- Veiller, pendant les périodes électorales ou de crise, à la défense de l'intérêt général pour susciter toujours la confiance de la population ;

- Les Bashingantahe devraient éviter de contraindre les parties d'accepter la solution proposée à leur différend en recourant à des sanctions de type social.

5° Aux élus collinaires

- Les chefs de colline devraient favoriser le règlement des litiges dans un esprit de collaboration et de non concurrence avec les Bashingantahe ;

- Accepter de collaborer avec les Bashingantahe dans le règlement des conflits conformément à la loi communale, car cette collaboration est conçue pour rendre très opérationnelle le règlement des conflits à la base (là où il y a toujours réticence du côté des élus) ;

- Certains élus devraient renoncer au dénigrement de l'Intahe qui est un symbole sacré dans la tradition burundaise ;

- Les chefs de colline devraient lors d'une vente, se concerter avec le conseil de familles des parties à la vente et cosigner le procès verbal de vente pour renforcer la protection des biens fonciers et réduire le nombre de procès en annulation des ventes de terres.

6°Aux juges des tribunaux de résidence

- Lutter avec énergie pour l'indépendance effective de la magistrature en refusant toute influence de l'administration ;

- Collaborer avec les autres acteurs notamment les associations qui assistent les justiciables;

- Tenir compte du procès verbal de conciliation par les Bashingantahe et les élus collinaires si du moins les parties avaient passé par cette étape.

57 7o Aux officiers de la police judiciaire

- Les officiers de police judiciaire devraient respecter et faire respecter la déontologie professionnelle, pour prévenir les cas de détention illégale, de pratique de la torture, d'ingérence dans le règlement des affaires civiles, etc ;

- Dans les cas de flagrant délit, l'OPJ devrait procéder à une enquête de nature à former l'intime conviction du juge sur la culpabilité ou l'innocence de la personne placée en garde à vue ;

- Respecter les délais de procédure et la déontologie policière. 8° Aux citoyens

- Eviter de saisir simultanément plusieurs acteurs de la justice ;

- Faire des efforts pour connaître la loi et la procédure judicaire ;

- Refuser la manipulation et faire confiance aux gens appelés à régler leurs litiges sur les collines, en l'occurrence les Bashingantahe et les élus ;

- Eviter à jamais les velléités corruptrices et dénoncer les cas de corruption portés à leur connaissance devant l'autorité compétente ;

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera