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La résolution des conflits de compétence entre les acteurs de la justice de proximité au Burundi

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par Emmanuel KAGISYE
Université du Burundi - DESS 2006
  

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Section 3. La prévention des litiges de proximité

La meilleure prévention aux conflits de compétences entre les acteurs de la justice de proximité serait la résolution en amont des litiges qui sont souvent soumis à ces acteurs. Sans pouvoir être exhaustifs, nous allons passer en revue les principaux litiges et proposer quelques solutions.

§1. Des solutions aux problèmes fonciers

La question des conflits fonciers est au coeur de la société burundaise. La terre s'avère être la principale richesse économique de la population burundaise. A côté de sa valeur économique, la terre possède une valeur sociale très importante.

Les conflits fonciers se présentent sous diverses manières.

1. Le problème des terres des réfugiés et des déplacés.

C'est un problème d'une extrême complexité qui oppose des protagonistes qui ne sont pas responsables de la situation. L'un a abandonné sa terre pour protéger sa vie, l'autre, attiré par ces terres disponibles, a pris sa place. Comment les départager ? Après avoir observé quels intérêts des uns et des autres étaient légitimes, nous sommes d'avis que seule l'application du droit permettrait de

sortir de l'impasse. Au demeurant, et au-delà des considérations idéologiques, c'est en réalité la seule solution possible compte tenu des circonstances.

Nous recommandons donc le respect des droits acquis dans le respect de la légalité, sans toutefois perdre de vue l'objectif fondamental qui est le retour à la paix et la réconciliation. C'est pourquoi la recherche d'une solution à l'amiable doit être une préoccupation constante76.

En tout état de cause, pour une meilleure préparation à la réinstallation des réfugiés qui pourraient éventuellement se retrouver dans la catégorie des sansterres une fois rentrés d'exil, le Gouvernement burundais devrait sans tarder commencer l'aménagement des terres disponibles récemment recensées.77

Notons que, du point de vue des droits fonciers, les réfugiés de date récente ne rencontrent pas de problèmes qui exigent des solutions particulières.

2. La gestion des terres domaniales.

La gestion des terres domaniales soulève des passions. La population se plaint de la cupidité des nantis et de leur cynisme. Si tout le monde s'accorde sur la nécessité de mettre fin à ces abus, lorsqu'il s'agit de proposer des solutions concrètes, des hésitations subsistent.

Pour notre part, nous basant sur le caractère exceptionnel des cessions et des concessions qui ne doivent et ne peuvent résoudre le problème de la pénurie des terres au niveau individuel, nous recommandons d'associer les Bashingantahe et les élus coiinaires aussi bien au niveau communal qu'au niveau national lors de l'attribution des terres domaniales. La compétence devrait revenir à une autorité nationale. Par ailleurs, les terres irrégulièrement attribuées devraient être récupérées par le biais de la Commission terres et autres biens.

Le cas spécial des marais est également fort controversé. Les populations contestent les droits de l'Etat et des communes. Les particuliers eux-mêmes se divisent en deux camps pour élever des prétentions sur le même marais : le camp de ceux qui l'ont aménagé et celui des propriétaires des contreforts qui surplombent les marais. Mais si l'on va au fond des choses en distinguant les

76Beaucoup de propositions vont dans ce sens. Le Président de la Commission Terres et autres biens s'exprimait lui-même, dans une interview accordée à la radio Isanganiro en date du 12/10/2006, en ces termes « ce sont des conflits qui passent par une négociation impliquant les parties concernées. Nous les laissons s'entendre. Nous intervenons quand les choses ne vont pas ».

77 Le Gouvernement a fait un inventaire des terres domaniales aux mois mars à octobre 2001.

grands marais et les petits marais d'une part, les bas-fonds et les marais d'autre part, la situation se décante.

En se basant sur cette distinction, il y a lieu de reconnaître les droits de l'Etat sur les grands marais en sa qualité de garant de l'intérêt général et de consacrer les droits des particuliers sur les petits marais. A ce propos, il conviendrait de délimiter les bas-fonds et les marais, les premiers appartenant au propriétaire des contreforts, les derniers, à ceux qui les ont aménagés.

3. Le problème des Batwa sans terres.

Traditionnellement, les Batwa vivaient de la poterie. Mais le déclin de celle-ci les accule à une reconversion difficile à l'agriculture ou aux autres métiers. Il en résulte alors des conflits de voisinage foncier et souvent des infractions, les Batwa se livrant à des vols pour avoir à manger.

Les pouvoirs publics devraient les aider en initiant les actions suivantes : la conception et l'exécution d'une politique volontariste d'insertion au niveau national, la distribution prioritaire des parcelles aux Batwa sans terre sous forme de concessions destinées à être consolidées si l'intéressé manifeste un attachement suffisant à sa nouvelle terre, l'encadrement des Batwa en matière d'artisanat...

4. Les paysannats.

D'après ce système, toutes les terres appartiennent à l'Etat et leurs exploitants ne sont que des détenteurs précaires à vie. Ce système n'engendre pas seulement des problèmes avec l'Etat. Il a également des répercussions sur les conflits de proximité. Les cas les plus fréquents ont été rencontrés dans la commune Gihanga où une multitude de litiges portent sur les ventes des terres dont les exploitants n'étaient pas propriétaires.

A priori, rien ne justifie le maintien de ce système. D'où le bien-fondé des revendications des exploitants qui réclament le changement de leur statut. Il faudrait consolider leur droit en propriété mais dans le même temps sensibiliser la population sur les prérogatives de l'Etat en sa qualité de gestionnaire attitré du patrimoine foncier national.

§ 2. Les Conflits traditionnels de voisinage

Ils portent surtout sur les servitudes de passage, la délimitation des propriétés, la destruction des plantes par le bétail, la fiabilité des modes de preuve, la prescription trentenaire ainsi que la propriété du sol et la propriété du dessus.

La fiabilité des modes de preuve traditionnels pose le problème des témoignages, mode de preuve traditionnel. Il est donc recommandé d'aménager des moyens de preuves plus sûrs mais qui soient accessibles pour tous comme le bornage systématique des propriétés avec des arbres pérennes.

La prescription trentenaire permet de mettre fin à l'incertitude des moyens de preuve traditionnels. Le concept semble bien connu des juges des Tribunaux de Résidence et l'on ne peut que s'en féliciter. Les servitudes de passage sont bien connues en droit coutumier et les juges rappellent à l'ordre les récalcitrants, ce qui est conforme à la loi.

Concernant la propriété du sol et la propriété du dessus, d'après la tradition, les deux « propriétés » n'ont pas nécessairement le même titulaire. Les Tribunaux de Résidence semblent adhérer à cette façon de voir. Pourtant, le Code Foncier est catégorique, la propriété du sol emporte la propriété du dessus. Il faut donc se conformer à la loi.

§3. Les conventions entre particuliers

Les principales conventions qui occasionnent des contestations sont la vente et la donation. Les problèmes en rapport avec la vente concernent la vente de la chose d'autrui, l'accord préalable du conjoint ou de la famille du vendeur, le droit de préemption et la vente d'une chose indivise.

Ces problèmes sont liés à l'incertitude planant sur les droits fonciers, concernant aussi bien la délimitation de la propriété que les titulaires. Ils sont également liés au caractère familial de la propriété qui ne fait plus l'unanimité.

Les tribunaux décident que la vente de la chose d'autrui est nulle, se conformant ainsi au droit moderne et à la coutume. Mais ils innovent par rapport au droit écrit en contraignant le vendeur, dans la mesure du possible, à transmettre à l'acheteur une parcelle équivalente. C'est une solution originale et équitable.

La vente d'une chose indivise est à rapprocher du premier cas lorsque la partie vendue ne tombe pas dans le lot du vendeur. Les mêmes solutions peuvent être préconisées.

L'accord préalable du conjoint prévu par la loi est une condition de validité du contrat. Par contre, l'accord préalable de la famille ne fait plus l'unanimité. Nous suggérons d'opérer la distinction traditionnelle entre la propriété famiiale et la propriété personnelle acquise par ses propres moyens et d'exiger l'accord pour la première. Le caractère familial constitue, en effet, un garde-fou vu les risques d'aliénations irréfléchies qui pénalisent le ménage. La même distinction peut être faite pour le droit de préemption.

Les donations, quant à elles, soulèvent le problème de leur révocation et celui des donations en faveur des filles. Dans l'un et l'autre cas, la jurisprudence des Tribunaux de Résidence est irréprochable. Elle confirme le principe de l'irrévocabilité des donations et valide des donations en faveur des filles même lorsqu'elles ont pour objet une propriété foncière, battant ainsi en brèche les pratiques discriminatoires à l'encontre des filles en ce domaine. Cette irrévocabilité ne doit cependant pas être absolue, elle doit être nuancée au regard des droits des héritiers directs ou des créanciers qui pourraient être lésés par des donations excessives.

§4. Des solutions aux questions successorales

L'ouverture de la succession est à l'origine d'un nombre très important de litiges. Les contestations portent sur les droits de succession des filles ; les droits des enfants naturels dans la succession de leur grand-père maternel ; le statut de la femme survivante ; les droits des enfants de lits différents ; les droits de l'enfant adoptif ; le partage et la liberté de tester.

La coutume excluait de la succession la fille car, selon le système patrilinéaire, elle ne perpétuait pas la famille. Mais les mentalités évoluent dans le sens de l'égalité. Les seules résistances concernent la propriété familiale où le courant dominant résiste à l'idée de partage égal. Cependant, ces obstacles ne doivent pas nous faire perdre de vue que le principe de l'égalité est devenu un principe universel. C'est pourquoi les tribunaux de résidence ainsi que la justice coiinaire devraient consacrer ce principe en cette matière, préparant ainsi le terrain à une loi totalement égalitaire.

Le problème des droits des enfants dans la succession de leur grand-père maternel est lié au précédent. Si l'on reconnaît des droits successoraux aux filles, il est logique qu'elles les transmettent à leurs enfants surtout lorsque ceuxci sont de père inconnu.

Le statut de la femme veuve varie selon les cas. Lorsqu'elle a des enfants, elle bénéficie de la coutume, qui lui est favorable. Elle prend pratiquement la place de son mari décédé et exerce les mêmes droits. Mais sa situation est plus précaire lorsqu'elle n'a pas d'enfants, alors qu'elle devrait avoir des droits liés à sa qualité de conjoint survivant.

Les droits des enfants de lits différents posent également problème. Traditionnellement, lorsque les mères occupaient la même propriété, les enfants se la partageaient plus ou moins équitablement. Mais lorsque les mères avaient été installées sur des parcelles différentes, les droits de leurs enfants se limitaient à cette parcelle.

Cette coutume est acceptable lorsque son application n'aboutit pas à une injustice flagrante. Par ailleurs, la polygamie étant maintenant interdite par la loi, le problème se posera de plus en plus en termes de droits respectifs des enfants naturels et des enfants légitimes. D'où la nécessité de consacrer sans ambiguïté le principe de l'égalité entre les enfants.

En effet le problème demeure puisque la plupart des enfants naturels ne sont pas reconnus par leurs pères. Un début de solution se trouve dans la reconnaissance des droits successoraux des filles, puisque dans ce cas, ces enfants n'héritent que de leurs mères.

Le même principe d'égalité est valable pour les enfants adoptifs78. Mais les tribunaux de résidence opèrent, à juste titre, la distinction entre l'enfant recueilli et entretenu par une famille sans les formalités d'adoption et l'enfant effectivement adopté. Le premier ne recueille que les biens que son bienfaiteur lui donne ou lui lègue de son vivant.

En revanche l'enfant adoptif dispose des mêmes droits que l'enfant légitime. Cette jurisprudence est conforme à la loi. Il en est de même de la jurisprudence des Tribunaux de Résidence qui consacre le principe selon lequel nul ne peut être contraint à rester dans l'indivision, ce qui rejoint également la coutume.

Enfin, le principe de la liberté de tester est reconnu. Des hésitations concernent plutôt les limites de cette liberté. Mais l'équité et le principe d'égalité des enfants tendent à limiter la liberté de tester. Comme le prévoient les législations modernes, le partage effectué par le père devrait être revu lorsque chacun des enfants n'a pas obtenu un minimum, appelé « réserve ».

Pour prévenir les conflits relatifs aux successions ou du moins doter le juge d'un instrument légal, il faudrait promulguer une loi régissant les successions, régimes matrimoniaux et libéralités.

Ainsi, on pourrait par la mise en oeuvre de ces solutions, diminuer le nombre de litiges de proximité.

78 V. les dispositions de la loi no 1/du 30 avril 1999 portant modifications du Code des personnes et de la famille relatives à la filiation adoptive.

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