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Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernà¡ndez (Chili)

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par Julien Vanhulst
Université Libre de Bruxelles - Master en sciences et gestion de l'environnement 2009
  

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2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales

Un autre niveau d'interactions entre les différentes espèces est celui des relations entre les animaux et les végétaux.

Ces interactions peuvent renforcer ou déforcer une introduction initiale. Ainsi, les principales pestes végétales en se développant, génèrent des formations végétales denses appréciées des espèces animales exogènes. Inversement, les animaux participent à la propagation des 3 espèces adventices les plus problématiques par la consommation de leurs fruits et donc la dispersion des graines. Cette rétroaction amplifie le phénomène de perte de biodiversité en favorisant les espèces exogènes.

D'autre part, ces liaisons ne se limitent pas aux espèces introduites. A ce sujet, le lien entre la zarzamora, la murtilla, le maqui et le zorzal est un exemple remarquable illustrant la mesure des conséquences potentielles d'une introduction qui peut paraître anodine. Le zorzal (Turdus falkandicus), dont la présence est attestée depuis le XVIIIe siècle (Anson, 1750) va bénéficier des fruits des différentes espèces végétales introduites. Ainsi, avec l'expansion de ces espèces, la population de zorzals va augmenter fortement et cet accroissement va profiter aux espèces végétales qui se disperseront via les déjections aviaires et ainsi de suite. Les végétaux ressemés un peu partout (les oiseaux ayant peu de barrières physiques) envahissent peu à peu tous les milieux de l'île, << en particulier les forêts, les pentes et les fonds des ravins où la végétation primaire s'était le mieux conservée. » (Cambornac, 2002)

Selon Philippe Danton et Christophe Perrier (Danton et Perrier, 2008), 84,50% de la flore originelle est considérée en danger. Parmi les 213 espèces natives (137 endémiques), 8 (3,7%) ont disparu (dont 6 endémiques), 28 (13,2%) sont sur le point de disparaître (dont 25 endémiques), 79 (37,1%) sont en danger d'extinction (dont 39 endémiques) et 65 (30,5%) sont vulnérables (dont 39 endémiques). Au niveau de la faune, les éléphants de mer ont disparu, le picaflor rojo (sephanoides fernandensis) est en danger critique d'extinction et les langoustes montrent certains signes de diminution43.

43 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.3. Surexploitation

2.2. Perturbation des habitats

Nous avons vu que l'habitat change naturellement et que les îles sont soumises à différentes forces qui altèrent les conditions de vie des espèces qu'elles accueillent. L'érosion naturelle, par exemple, a modelé la topographie singulière de ces îles au cours du temps géologique.

Avec l'arrivée de l'homme, d'autres perturbations sont entrées en jeu. Les premières sont dues au déboisement pour la réparation des bateaux et pour le feu. Les incendies jouent aussi un rôle destructeur et leur fréquence se démultiplie avec les passages et installations humaines. L'exploitation intensive de la forêt provoque non seulement des problèmes de biodiversité mais également d'érosion. Parallèlement, l'introduction de chèvres et ensuite d'autres herbivores, mais aussi l'arrivée du lapin et du coati va renchérir la pression sur la surface végétale et sur les sols qui, dépourvus de leur couvert protecteur et déstructurés, deviendront progressivement très vulnérables à l'érosion massive par le vent et la pluie.

Avec la colonisation de Robinson Crusoe et principalement depuis la dernière installation permanente (en 1877), l'île s'est peu à peu urbanisée. « Des routes et chemins en général ont été construits pour trois raisons : pour avoir accès à l'exploitation des richesses naturelles, pour habiliter des passages pour le transit du bétail, et enfin, pour la connexion entre le village et l'aéroport de l'île. Ceci a entraîné une détérioration des richesses botaniques uniques, l'augmentation des processus érosifs, et l'altération de secteurs de reproduction de la faune des vertébrés. » (CONAF, 2004)

On considère aujourd'hui que la forêt primaire a diminué d'approximativement un tiers. (Dirnböck et al., 2003)

L'érosion touche 75% de la superficie de l'île Robinson Crusoe de façon plus ou moins prononcée et 35% de la surface sont érodés très sévèrement et de façon irréversible (CONAF 2004 ; Danton et Perrier, 2008)

Figure 20 : Carte de l'érosion sur l'île Robinson Crusoe

Source: Fellmann, 2004.

Globalement, le cycle de disparition de couvert végétal accentue l'érosion qui lui-même accentue la perte de couvert végétal, etc. créant un cercle vicieux qui menace finalement plus les espèces endémiques qui s'adaptent moins bien aux sols perturbés (voir ci-dessus). Aux abords du village de San Juan Bautista, l'érosion est plus sévère dans les lieux de déboisements et les prairies pour le bétail.

Par ailleurs, d'autres usages ont un effet déstabilisateur pour le biotope de l'île comme par exemple l'installation du réseau d'eau potable ou encore les usages récréatifs (y compris touristiques) du parc national. Si l'installation d'un réseau d'eau potable est une nécessité communale pour l'approvisionnement des habitants, « il n'existe aucune étude qui détermine la capacité maximale d'extraction hydrique sans affecter les ressources végétales de l'île Robinson Crusoe. Cette même problématique existe dans l'île Alejandro Selkirk, où l'installation de tuyaux d'adduction d'eau, a provoqué la détérioration de la couverture de fougères à différents endroits. » (CONAF, 2004)

De par la restriction de leur habitat (surexploitation, incendies, pâturage, introduction d'espèces animales et végétales), certaines espèces sont, à présent, proches de l'extinction, comme le picaflor rojo (Sephanoides fernandensis), mais aussi des espèces végétales comme Dendroseris neriifolia ou Greigia berteroi.

Le picaflor rojo (Sephanoides fernandensis) a été identifié pour la première fois sur l'île Robinson Crusoe en 1830 (Roy, Torres-Mura et Hertel, 1997). Différents rapports indiquent que l'espèce était abondante. La densité de population du picaflor rojo endémique a progressivement diminué au cours du temps et avec une grande intensité au cours du XXe siècle (voir figure 21). Le picaflor rojo endémique est très sélectif par rapport au choix de l'espèce végétale qui accueille ses nids. Ils sont majoritairement installés sur l'arbuste endémique Myrceugenia Fernándeziana (Johow Pirola, 2002). Il existe donc des nidifications là où la forêt primaire est bien conservée. Il existe différentes pressions directes et indirectes sur les picaflor rojo. Le premier facteur est la dégradation de l'habitat, d'abord par l'élimination de la forêt primaire, ensuite par le remplacement des espèces végétales natives dû à l'expansion des espèces introduites (zarzamora, murtilla et maqui). Vient ensuite la prédation observée sur les oisillons des picaflor rojo. Selon l'hypothèse de Federico Johow Pirola, vu la position des nids de picaflor rojo (en bout de branche), cette prédation serait l'oeuvre du Zorzal (oiseau omnivore). Etant donné la grande croissance de la population du zorzal due au surplus d'offre alimentaire qu'offre la zarzamora, le murtilla et le maqui44, cette pression devient de plus en plus forte (Johow Pirola, 2002). Enfin, les chats exercent une pression directe de prédation sur les picaflor rojo. Cette situation a rendu le picaflor rojo très vulnérable. Il fait partie des 10 espèces d'oiseaux les plus menacées du pays et fait partie des espèces en danger critique d'extinction selon L'UICN.

Cet exemple illustre bien les interconnexions entre les différents compartiments des écosystèmes et entre les facteurs de perte de biodiversité.

Figure 21 : Recensements de population de Picaflor Rojo (Sephanoides Fernandensis)

Source: P. Hodum ( www.oikonos.org), 2008 Source : Vanhulst, 2009 d'après F. Pirola, 2002.

44 Voir Partie 2 - Chapitre III - point 2.1.5. Interactions espèces végétales - espèces animales

<<Menaces et perspectives pour la préservation de la biodiversité de l'archipel Juan Fernández (Chili)» 2.3. Surexploitation

<< L'exploitation forestière de la forêt indigène pour l'exploitation de bois et les incendies de forêt intentionnels ont provoqué l'élimination totale de la végétation arbustive et arborée dans les secteurs bas et moyens de l'île Robinson Crusoe. Par ailleurs, l'exploitation sélective de certaines espèces végétales a conduit à l'extinction de l'espèce Santalum Fernándezianum, Santal de Juan Fernández, et a réduit la population d'autres espèces comme le palmier Juania Australis, ou Sophora Fernándeziana, à des niveaux de conservation limite. » (CONAF, 2004) Cette érosion génétique par la surexploitation est également vraie pour le règne animal. Nous avons déjà cité le cas des éléphants de mer et des otaries endémiques mais ça pourrait aussi bien être le cas de la principale ressource économique des habitants de l'archipel : la langouste de Juan Fernández.

<< La langouste, qui il y a peu atteignait plus d'un mètre de long avec les antennes, se trouve aujourd'hui dans des proportions beaucoup plus petites à cause de l'exploitation excessive. La langouste a besoin de plusieurs années, plus ou moins 10 ans, pour arriver à maturité. » (Orrellana et al., 1977) Nous avons vu dans la perspective historique que cette espèce a été pêchée de manière intensive jusqu'au début de la deuxième moitié du XXe siècle par des entreprises privées installées sur l'île Robinson Crusoe.

Aujourd'hui, l'évolution de la population de langoustes reste très incertaine. S'il est vrai que dans les statistiques officielles la tendance montre un déclin à partir des années 1965, celles-ci restent peu fiables. Ces dernières années (1998-2008), les prises seraient descendues au-dessous de 10 tonnes pour atteindre 1 tonne en 2003 et subitement remonter à 47 tonnes en 2004. Les statistiques de pêche paraissent très imprécises. Cependant, plusieurs tendances sont mises en évidence: la taille des langoustes a fortement diminué, dont la taille des femelles (qui par conséquence portent moins d'oeufs). Parmi les causes explicatives de ces tendances, même si elles ne sont pas clairement expliquées, la pêche semble être la plus évidente45. D'autre part, il y a des fluctuations annuelles qui sont le résultat des conditions environnementales qui influencent le cycle larvaire et dont les effets se manifestent avec un décalage de 7 à 9 ans, ce qui correspond au temps moyen entre le frai et la capture. Cependant, ces conditions ne sont pas identifiées et les connaissances de cette espèce sont encore faibles pour pouvoir tirer des conclusions probantes46.

Aujourd'hui la pêche est soumise à une réglementation mais la biologie de la langouste reste peu connue et les populations montrent une tendance au déclin.

Figure 22 : Quantité de langoustes pêchées entre 1930 et 2000 en tonnes
(courbe = moyenne mobile de 5 ans)

Source : Arana, 1983 Source : Arana, 2006.

45 Patricio Arana (commentaire personnel)

46 Patricio Arana (commentaire personnel)

Figure 23 : Quantité de langoustes pêchées entre 1968 et 2001 par unité

Source : Arana, 2006 Source : www.fao.org/fishery

Ces diminutions statistiques peuvent être partiellement attribuables aux règlementations imposées mais les langoustes montrent d'autres signes d'affaiblissement et les évaluations les plus sérieuses mettent en évidence un déclin substantiel de la population de l'espèce.

Quoi qu'il en soit, étant donné que les connaissances biologiques restent très partielles et que les chiffres officiels sont manifestement peu fiables, il est difficile d'évaluer le degré de durabilité des pratiques de pêche malgré le maintien relatif des méthodes traditionnelles47. Le risque de surexploitation reste donc potentiel.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery