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Le temps de l'insertion des jeunes, une considération rituelle et temporelle

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par James MASY
Université de Nantes - Master 2 - Sciences de l'éducation 2008
  

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2. La « dissolution du paradigme assuranciel »5 et l'avènement de l'État social

La fin des trente glorieuses fait apparaître les failles du système de sécurité sociale. Son financement, son efficacité tout comme sa légitimité sont source de contestation chez ses détracteurs qui voient là l'occasion d'invoquer les « effets pervers » pour expliquer « la

1 Noëlle Burgi; La machine à exclure; La découverte; Paris; 2006; p .41.

2 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; Seuil; Paris;1995; p. 27-28.

3 Pierre Laroque; cité in Noëlle Burgi; La machine à exclure; op.cit.; p. 41.

4 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; op.cit. ; p. 49.

5 Noëlle Burgi; La machine à exclure; op.cit.; p. 37.

crise » des années 1980. Bien que l'efficacité ou la légitimité évoquées ci-dessus eurent nécessité un approfondissement, nous nous attarderons ici davantage sur la question du financement qui recoupe selon nous les deux autres points.

Ainsi le système assuranciel ne peut répondre à des situations qui ont dépassé depuis longtemps le cadre du risque. Le nombre croissant de chômeurs de longue durée1 ( près d'1,5 million en 2005) qui corrobore l'idée « d'état stable »; de personnes âgées dépendantes2 (865 000 allocataires de l'APA en 2004 )3 conséquence du vieillissement de la population qui lui même implique des besoins nouveaux ; ou encore l'inflation des personnes dites « inaptes au travail »4 qui traduit « l'assimilation, à la catégorie de handicapé, d'individus dont les travailleurs sociaux n'arrivaient pas à régler les problèmes d'insertion sociale »5, sont autant d'ayants-droit qui doivent être pris en charge socialement et économiquement et dont le ressort est d'avantage du côté de l'État que de celui des partenaires sociaux, c'est-à-dire sous la coupe du régime de solidarité plutôt que sous celui de l'assurance. Le taux croissant d'ayants droit suppose corrélativement un taux décroissant de cotisants. Ce problème focalise l'ensemble des politiques depuis les années 1980. Plusieurs tentatives de réponses ont émergé de droite comme de gauche, mais aucune n'a pu venir à bout de l'inéluctabilité du déficit du système social à la française communément appelé le « trou de la sécu ».

Si la problématique semble simple, elle est en réalité complexe en ce qu'elle questionne l'équilibre précaire du keynésianisme, c'est-à-dire l'intégration « dans un dispositif unique de gouvernement des options antagoniques du libéralisme et du socialisme »6. Cette articulation permettait de modérer les idéologies politiques dominantes les plus opposées. Ce sont d'ailleurs celles-là mêmes qui ont institué la nécessité de changement. Ce sont ainsi succédés les qualificatifs de changement : les socialistes opéraient « "la construction du changement"- associés aux communistes partisans quant à

1 Un chômeur de longue durée est un actif au chômage depuis plus d'un an; Source INSEE

2 La dépendance est définie comme le besoin d'aide pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne ou le besoin d'une surveillance régulière. Elle est mesurée ici à partir de l'outil Aggir, grille nationale d'évaluation de la perte d'autonomie chez les personnes âgées de 60 ans et plus, qui sert également de critère pour l'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA).

3 L'Allocation Personnalisée d'Autonomie concerne à la fois les personnes âgées résidant à domicile et celles demeurant en établissement. Elle est fondée sur le libre choix du lieu de vie de la personne âgée et sur la possibilité, pour sa famille, de bénéficier d'un soutien dans l'aide qu'elle lui apporte. Le montant moyen de l'APA à domicile est de 668 euros en 2006 Gérée par le département, l'APA est une prestation en nature dont l'obtention est conditionnée par un certain nombre de démarches entre le bénéficiaire et le conseil général; source Amandine Weber; Regards sur l'APA trois ans après sa création in Données sociales - La société française édition 2006; p. 603

4 Est considéré inapte au travail toute personne incapable, à la suite d'une maladie, d'un accident du travail, ou d'un handicap, de se procurer au moyen d'un travail adéquat, un revenu équivalent à celui que gagnerait une personne en bonne santé faisant ce même travail.

5 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; op.cit. ; p. 119.

6 Jacques Donzelot; L'invention du social; op.cit.; p. 258.

eux d'un "véritable changement" [ou encore] les libéraux avec "le changement sans risque". »1 qui n'est pas sans rappeler la « rupture tranquille » plus contemporaine. On a donc vu ces vingt dernières années, les gouvernements de gauche comme de droite, s'enliser successivement dans des réformes fiscales. L'impôt sur les grandes fortunes (IGF) créé en 1982 par un gouvernement de gauche, supprimé en 1987, réintroduit par la loi de finance de 1989 sous la forme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en est un exemple remarquable. On ne s'attache pas ici à redéfinir les droits sociaux mais à repenser leur financement en même temps que la place et le rôle de l'État ou plus exactement son efficacité à deux niveaux. Un premier qu'est celui de l'égalité, qui introduit le deuxième qu'est la technique. Le passage d'un financement assuranciel (bismarckien), dans lequel « cotisations » riment avec « prestations », à un système beveridgien dans lequel « impôt » rime avec « minima sociaux », renvoie fondamentalement à la question de la solidarité. Mais sont-ce là des notions antithétiques ?

Une telle distinction revient à séparer (opposer) les rôles, l'État se faisant le relais de la solidarité par l'impôt et les partenaires sociaux celui de l'assurance par les cotisations. P. Rosanvallon nous rappelle que « l'assurance est une technique alors que la solidarité est une valeur »2, la première pouvant être une forme de production de la seconde. S'il est avéré qu'une réforme du système est nécessaire eu égard aux évolutions sociologiques, qui ne sont du reste pas la cause unique du chômage et du vieillissement mais aussi celle par exemple de l'augmentation du nombres d'étudiants, il ne faut pas nonplus « substituer la figure du contribuable à celle de l'assuré »3. C'est pourtant ce que les lois de 1982 sur l'IGF, ou plus récemment de 1993 promulguant la « contribution sociale généralisée »4, tendent à immiscer. Le réel danger de ce déplacement tient en une autre séparation qu'est celle de l'économie et du social.

La dichotomie opérée en ce sens dans les années 1980 traduit cette « dissociation entre l'économique et le social, chaque domaine fonctionnant selon sa logique propre : la recherche d'efficacité économique d'un côté, le fonctionnement de la machine à indemniser de l'autre. »5, c'est-à-dire la séparation entre l'économie et le social, donc l'opposition entre

1 Ibid. ; p. 183.

2 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; op.cit. ; p. 83.

3 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; op.cit. ;; p. 80.

4 La contribution sociale généralisée est un impôt dû par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France. Il est destiné au financement d'une partie des dépenses de sécurité sociale relevant des prestations familiales, des prestations liées à la dépendance, de l'assurance maladie et des prestations non contributives des régimes de base de l'assurance vieillesse. La CSG est prélevée à la source sur la plupart des revenus, quels que soient leur nature et leur statut au regard des cotisations sociales et de l'impôt sur le revenu. Son taux varie selon le type de revenu et la situation de L'intéressé. Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993

5 Pierre Rosanvallon; La nouvelle question sociale; op.cit. ; p. 110.

productivité et solidarité. Une tendance que l'on retrouve dans le grand débat de l'insertion sous la forme « professionnelle et/ou sociale ».

Cette tendance est d'ailleurs relayée dans les plus grandes instances et ce à deux niveaux. Tout d'abord par le G5 réunit en 1979 à Tokyo fait valoir la notion de rigueur, par laquelle il faut entendre sur le plan budgétaire « un objectif de diminution des dépenses publiques et sur le plan monétaire, une politique rigide de lutte contre l'inflation »1. Puis c'est au travers de la construction de l'Europe que s'est traduite cette séparation dont les « plans d'actions nationaux » révèlent les orientations qui visent à promouvoir l'employabilité, la réforme des systèmes de protection sociale et la modernisation des systèmes de formation. Noëlle Burgi voit là le « principal outil de construction d'un "modèle social" européen » qui ne bouleverse en rien l'ordre établi et fait de la productivité une exigence majeure si ce n'est hégémonique. Si l'on considère le poids décisionnel du Conseil Ecofin2 (qui travaille de concert avec les banques centrales européennes) en matière de politique économique, il n'est pas fallacieux d'imaginer que la construction européenne puisse être « le levier et simultanément l'alibi d'une stratégie économique dominée par l'impératif de l'orthodoxie monétaire »3. Cela ne signifie pas abandonner le social à la seule responsabilité des individus, mais légitimer le néolibéralisme comme élément incontournable du progrès social. C'est donc dans la compétitivité des entreprises que sommeille l'amélioration de la situation sociale.

Tandis que le social, dans ce qu'il suppose de cohésion et de progrès, supplante l'individu à qui l'on demande de « se plier aux règles de solidarité d'ensemble »4 afin de permettre l'unification plutôt que l'opposition, il est lui même dépossédé de ce que E. Durkheim aurait appelé le bonheur et assujetti à la valeur économique du travail. « Si donc, comme on le suppose, le bonheur s'accroissait régulièrement avec elle (la puissance productive du travail), il faudrait aussi qu'il pût s'accroître indéfiniment ou que, tout au moins, les accroissements dont il est susceptible fussent proportionnés aux précédents. S'il augmentait à mesure que les excitants agréables deviennent plus nombreux et plus intenses, il serait tout naturel que l'homme cherchât à produire davantage pour jouir encore

1 Noëlle Burgi; La machine à exclure; op.cit.; p .33.

2 Le Conseil des « Affaires économiques et financières » est la formation du Conseil de l'Union européenne (UE) rassemblant les ministres de l'économie et des finances des États membres, ainsi que des ministres compétents en matière de budget lorsque des questions budgétaires sont à l'ordre du jour. Le Conseil ECOFIN, en tant que formation du Conseil de l'Union européenne, dispose de toutes les prérogatives et obéit aux procédures propres au Conseil (...) Les domaines de compétence du Conseil ECOFIN concernent plus particulièrement : la coordination des politiques économiques générales des États membres et la surveillance économique ,le contrôle de la politique budgétaire et des finances publiques des États membres (..) Art. 202 à 210 du Traité instituant la Communauté européenne.

3 Noëlle Burgi; La machine à exclure; op.cit. ; p .34.

4 Jacques Donzelot; L'invention du social; op.cit.; p. 224.

davantage. Mais, en réalité, notre puissance de bonheur est très restreinte. »1

Le père de la sociologie française subodore ici des limites au bonheur. Loin de nous l'idée d'entrer dans ce débat philosophique, cependant on pourra noter que la notion de production s'est étendue à chaque niveau de la vie avec pour finalité différente selon les époques l'harmonie sociale ou la compétitivité économique, l'une et l'autre proposée comme moyen de construction du « bonheur ». Un rapport du CERC de 2006 qui reprend la notion de risque est à ce sujet significatif. Tandis qu'y est taxé de « conception purement compensatrice » l'héritage de l'État-providence, les politiques sociales se voient ajouter « un rôle préventif en infléchissant les comportements pour éviter la survenue des risques. Elles peuvent enfin favoriser le retour à une situation où la personne n'a plus besoin de cette compensation en visant à améliorer les capacités individuelles et en faisant en sorte qu'elles puissent s'exercer (rôle curatif). Prenant cet angle d'approche, il faut élargir les domaines d'action des administrations publiques à l'ensemble des trois fonctions : de protection sociale (sécurité sociale et assurance chômage), d'éducation-formation (y compris la formation continue) et enfin de promotion ou de soutien de l'emploi (politiques de l'emploi). Pour qualifier cet ensemble, le parti pris ici est de le désigner sous le vocable d'"État-social".»2

Dans la logique de ce rapport, le haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté a présenté au conseil des ministres du 21 Novembre 2007, une communication relative au "Grenelle de l'insertion". Non que nous ne soyons étonnés de ce que le grenelle soit à l'heure actuelle assimilé à la transformation sociale et qu'il semble somme toute nécessaire d'étudier l'action publique dans ce cadre ; nous le sommes toutefois dans ce que sous-tendent les attributions de ce haut commissaire : il « prépare la réforme des minima sociaux, (...) la réforme des contrats aidés et des mécanismes d'incitation à la reprise d'activité et en suit la mise en oeuvre. Il élabore et met en oeuvre,(...) des programmes de lutte contre la pauvreté. Il participe (...) à l'action du Gouvernement en matière d'insertion économique et sociale, d'innovation sociale et d'économie sociale. Il prépare les travaux du comité interministériel de lutte contre les exclusions et du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et il organise les travaux du Conseil national de l'insertion par l'activité économique. »3

L' État providence compensait tandis que l'État social prévient et soigne, l'un et

1 Emile Durkheim; De la division du travail social: livre II et III; op.cit; p. 15.

2 CERC; Rapport n°7; La France en transition, 1993-2005; La documentation Française; Paris; 2006 ; p. 55.

3 Décret n° 2007-1008 du 12 juin 2007 relatif aux attributions déléguées au haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

l'autre préfigurant le futur à travers l'anticipation à plus ou moins long terme selon des modalités quelque peu différentes. Chacun définissant ainsi un temps social. L'un ardent défenseur de l'égalité, l'autre celui de la lutte contre l'exclusion. Doit-on pour autant parler de recul de l'action sociale ?

Nous répondrons sommairement à cette question par une citation dont l'anachronisme n'a d'égal que la contemporanéité : « il est très possible que, sur un point, l'action sociale ait régressé, mais que, sur d'autres, elle se soit étendue, et que, finalement on prenne une transformation pour une disparition. »1

Ce qui vaut pour le travail et de ce qu'il implique socialement et économiquement vaut pour l'opposé le non-travail et ce qu'il implique socialement et économiquement. Qu'en est-il de ceux et celles qui ne peuvent arborer fièrement ce manifeste de la condition sociale, qu'est le contrat de travail ? Sont-ce ceux-là même que l'on dit exclus ? Sont-ce donc aussi ceux-là même que l'on doit insérer ou encore ré-insérer ?

Depuis la fin du XIXè siècle le droit social tend à gérer les conjonctures du travailleur, ce qui implique qu'il repose essentiellement sur le contrat de travail. La seconde guerre mondiale nécessita à bien des égards de tout reconstruire sur une base plus égalitaire. L'État Providence proclama le travail comme un droit conférant des droits, dans une action publique qui se voulait rassembleuse des antinomies politiques. L'économie et le social furent donc unis dans un système qui considérait l'assurance de l'accident social et la solidarité avec les plus démunis ne pouvant travailler. Mais la fin des trente glorieuses vit émerger les insuffisances de l'État Providence face à un chômage endémique bientôt vécu comme un état stable aux horizons bouchés. Le système social appuyé sur le salariat ne suffisait alors plus au financement, posant la douloureuse question des non-travailleurs qui ne participent ni aux richesses, ni au solidarités.

1 Emile Durkheim; De la division du travail social: livre I; op.cit; p. 163.

Chapitre Deux Les maux définis par les mots

Solidarité, exclusion, pauvreté, intégration, insertion sont autant de notions qui entretiennent une relation avec l'économie et entre elles une relation de cause à effet, comme nous le verrons plus loin. Mais est-ce à dire qu'elles sont indissociables ? Non que notre travail soit celui-ci, il convient cependant de préciser le sens de chacune afin d'en établir les correspondances, de manière à situer les prolégomènes de l'insertion. Nous tenterons la difficile approche de l'insertion par ce qu'elle sous-tend, ce qui nécessitera de circonscrire à la fois un public que l'on nommera agent ou acteur, selon que l'on souhaite illustrer les déterminants qui agissent sur le sujet ou les marges de liberté de ce dernier; ainsi que l'état final attendu. Mais nous faisons le choix de définir en premier lieu l'exclusion qui se rapporte à une non-intégration et donc par défaut à l'état attendu par l'action de l'insertion : l'intégration fut-elle social ou économique. Et dans un second temps nous tenterons une approche de l'assistance comme exemple de transformation juridicoadministrative qui permettra de mesurer les effets opérés sur le statut social..

Nous pourrions nous questionner avec la sociologue M. Bresson sur l'acharnement des sciences humaines (surtout la sociologie) à mener des enquêtes sur les populations aux marges et de lui imputer une « obsession du contrôle social. »1 Mais nous préférerons lui emprunter l'éloquente formule qui accorde aux mots d'être « à la fois des manières de dire le réel et d'y intervenir »2.

1 Maryse Bresson ; Sociologie de la précarité ; A. Collin ; Paris ; 2007 ; p. 22.

2 Ibid. ; p. 19.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry