WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Réglementation prudentielle et performances du système bancaire au Cameroun

( Télécharger le fichier original )
par Rodrigue NANA KUINDJA
Université de Yaoundé II SOA - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II - LA SURLIQUIDITE DES BANQUES ET FAIBLESSE DU FINANCEMENT BANCAIRE AU CAMEROUN

De nombreux spécialistes savent depuis quelques années que les banques du Cameroun et plus généralement les banques de la zone CEMAC sont en situation de surliquidité. Cette situation résulte des effets conjugués des plans de restructuration bancaire et du changement de politique monétaire suite à la crise financière des décennies quatre vingt et quatre vingt-dix. Inscrits dans un contexte de libéralisation financière, ces reformes avaient deux objectifs : d'une part restaurer la liquidité du système bancaire et d'autre part permettre un meilleur financement de l'économie nationale (Hugon, 1999). Si les banques sont redevenues plus liquides, elles n'ont pas pour autant accordé plus de crédit à l'économie. Cette tendance, loin d'être spécifique au Cameroun, concerne aussi les autres pays de la zone Fcfa (Rochet, 2008).

1- La surliquidité des Banques au Cameroun

Au cours de ces dernières années, l'embellie de l'économie camerounaise a eu un impact direct sur la croissance de la liquidité des banques. En effet, l'accroissement des recettes d'exportations pétrolières suite à la flambée des cours mondiaux de pétrole, s'est traduit par une augmentation de la masse monétaire dans le monde en général et au Cameroun en particulier. Ce surplus de monnaie a eu comme conséquence un accroissement des réserves bancaires, conduisant ainsi à la surliquidité des banques (Fouda, 2005). Il y'a lieu de souligner également comme cause de la surliquidité, l'amélioration de la gestion bancaire suite au processus de restructuration ayant assaini le secteur. En effet, les banques sortant d'un long processus d'assainissement sont devenues prudentes dans la prise du risque, ce qui a contribué à une contraction du volume des crédits distribués.

Face à cette situation, on s'attendrait à ce que les banques s'impliquent davantage dans le financement de l'économie, disposant suffisamment de ressources. Très curieusement, les banques se plaisent dans cette situation de surliquidité et ne financent que très peu l'économie. En effet, au cours de la décennie passée (1994-2004), la croissance des crédits au Cameroun n'a pas suivi celle des dépôts. Les dépôts se sont accrus de 128,2 % tandis que les crédits à l'économie n'ont connu qu'une augmentation de 56 %. Les banques préfèrent orienter leurs ressources vers des emplois de trésorerie moins risqués que les crédits.

Fort de ce constat, il y'a lieu de s'interroger sur la qualité de la gestion des ressources bancaires au Cameroun. En effet, une présomption d'inefficacité des banques dans la transformation de leurs ressources en crédits demeure ainsi palpable. La seule façon d'en avoir le coeur net est donc d'évaluer empiriquement les niveaux de performance des banques dans la transformation de leurs ressources en crédits. Cette évaluation nécessitant l'application de méthodes appropriées, la méthode de Régression multiple est retenue dans le cadre de cette étude pour évaluer les niveaux relatifs de développement financier du système bancaire camerounais. Mais avant de nous lancer dans cette évaluation, il serait judicieux de présenter la question du financement de l'économie camerounaise.

2- La question du financement de l'économie camerounaise

La littérature économique distingue deux définitions de la liquidité : une définition étroite appelée « liquidité de financement » et une définition plus large qui renvoie beaucoup plus à la « liquidité des marchés ».

Au sens étroit, la notion de liquidité recouvre les espèces ou les actifs susceptibles d'être convertis rapidement en espèces et détenus à cet effet pour satisfaire les demandes de retraits de fonds à court terme émanant des contreparties, ou pour couvrir leurs opérations. Dans cette approche, la liquidité est principalement liée à l'activité de transformation traditionnellement pratiquée par les banques.

Au sens large, la liquidité correspond à la capacité des banques à liquider un actif non monétaire, par exemple un titre d'investissement acquis à l'origine pour être détenu jusqu'à l'échéance, dans le cadre d'une opération de refinancement en monnaie banque centrale. La liquidité des marchés est au coeur des préoccupations de stabilité financière des banques centrales. L'absence de liquidité des marchés peut non seulement engendrer une inefficience des marchés, mais sa disparition soudaine sur un marché peut aussi dégénérer en crise systémique (Fouda, 2005).

Dans le premier cas, on est présence d'un système bancaire qui refuse de prêter aux entreprises nationales et préfère détenir des actifs liquides mais à faible rendement auprès de la banque centrale. Dans le deuxième cas, le Cameroun comme tous les pays de la CEMAC préfèrent financer l'économie française au dépend de leur propre économie à travers le mécanisme du « compte d'opérations ». Cette situation, n'étant pas une anomalie passagère, soulève plusieurs interrogations (Garsuault et Priami, 1997). Premièrement ne traduirait-elle pas une profonde défaillance de l'ensemble des mécanismes monétaires ? Deuxièmement, la solution adoptée actuellement qui consiste à mettre en place des Fonds pour les Générations Futures (FGF) ne remet-elle pas en question le principe même de solidarité à la base de la zone FCFA ? Troisièmement, dans ce contexte, quelles sont les différentes options qui s'offrent au Cameroun pour le financement de son économie ?

2.1- L'importance de la liquidité bancaire

Pour comprendre l'importance de la liquidité bancaire, il est nécessaire de faire une distinction entre l'intermédiation monétaire et l'intermédiation non monétaire. Dans le cadre de l'intermédiation non monétaire, une institution financière se sert de ses emprunts à son passif pour accorder des financements à son actif (Stiglitz, 1999). En revanche, dans l'intermédiation monétaire, le financement est accordé par endettement de la banque à l'égard du bénéficiaire. La dette à vue de la banque circule comme monnaie et est acceptée par tous comme moyen de paiement. Cette dette est exigible et doit par conséquent être couverte. Si la banque n'a pas de ressources suffisantes pour faire face à ces conversions, elle devra se refinancer après, alors que l'intermédiaire non monétaire doit emprunter avant. L'une des principales fonctions de la banque est d'apporter à ses clients une garantie de liquidité. Elle le fait en s'exposant elle-même à un risque d'illiquidité dû au désajustement des échéances de son passif et de son actif (Bourva, 1979).

Il existe plusieurs mécanismes que la banque peut utiliser pour s'assurer contre un tel risque. Le premier consiste à détenir un certain volume d'actifs liquides jouant le rôle de stock régulateur. Ce stock de liquidité constitue pour la banque un coussin de sécurité lui procurant une assurance contre un choc de liquidité. Un coussin de sécurité suffisamment large réduit la probabilité d'une menace de viabilité de la banque via un excès de demande de liquidité. Le second mécanisme consiste pour les banques à s'assurer mutuellement sur le marché interbancaire. Cette co-assurance, pour être efficace, suppose que les chocs de liquidité ne soient pas parfaitement corrélés. Par ailleurs, les banques doivent détenir un certain montant d'actifs liquides pour se secourir mutuellement dans le cas de chocs spécifiques touchant certaines institutions. Bien sûr, en présence de problèmes d'asymétries d'information et de passager clandestin, ce mécanisme d'assurance interbancaire est inefficace et c'est la banque centrale, agissant dans le cadre de préteur en dernier ressort, qui doit fournir la liquidité aux banques illiquides mais solvables. Dans le cadre de la CEMAC, le règlement de la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) R-93/06 relatif à la liquidité des établissements de crédit impose à l'article 5 que les établissements assujettis doivent, à tout moment, présenter un rapport de liquidité au moins égal à 100 %.

En revanche, en situation d'excédent permanent de liquidité bancaire, la banque centrale peut, dans le cadre de la politique monétaire instaurer les réserves obligatoires. Ainsi, l'article 20 des Statuts de la BEAC prévoit que le Conseil d'Administration peut prendre toutes les dispositions pour imposer aux établissements de crédit la constitution de réserves obligatoires. Le recours aux réserves obligatoires vise à contraindre le système bancaire au refinancement lorsque les facteurs autonomes de la liquidité bancaire engendrent un excédent de monnaie centrale (Okah-Atenga, 2005). Les réserves obligatoires, par leur action structurelle, sont un complément à la politique de refinancement. C'est en application de cet article que le 1er septembre 2001, le Gouverneur de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale, agissant par délégation du Conseil d'Administration, a décidé de soumettre les banques de la Zone d'Emission à la constitution de réserves obligatoires. Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette mesure, les banques commerciales agréées par la COBAC sont contraintes de conserver une partie des dépôts collectés auprès de leur clientèle dans des comptes rémunérés dits « comptes de réserves obligatoires » tenus par la BEAC. L'assiette des réserves obligatoires minimales comprend : les dépôts à vue, à savoir les soldes créditeurs des comptes créditeurs à vue (résidents et non-résidents) et les dépôts à terme et d'épargne, à savoir les comptes de dépôts à régime spécial et les comptes de dépôts à terme (résidents et non-résidents).

Les chiffres des dépôts à prendre en compte pour le calcul du niveau réglementaire des réserves obligatoires sont ceux relatifs aux encours des dépôts aux dates des 10, 20 et 30 (ou 31) du mois de référence. Malgré l'instauration des réserves obligatoires, les banques camerounaises sont en situation de liquidité persistante.

2.2- Les déterminants de la surliquidité bancaire

La surliquidité bancaire est commune à plusieurs pays à travers le monde. Elle survient lorsque la somme du compte courant et des réserves libres des institutions de crédit auprès de la banque centrale excède de manière persistante le niveau des réserves obligatoires. Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer l'excédent de liquidité dans la zone CEMAC en générale et au Cameroun en particulier. Nous notons le recyclage des excédents des ressources pétrolières19(*) ; l'entrée des devises suite aux privatisations des entreprises publiques ; le risque élevé que représentent les prêts pour les banques, en raison des difficultés juridiques que soulève le recouvrement effectif des créances en cas de défaut ; les inefficiences importantes du système bancaire au niveau régional, qui freinent la transmission de fonds des banques très liquides de certains pays membres aux banques d'autres pays dans lesquels la demande de crédit est relativement forte ; le manque de concurrence entre les banques, en particulier au niveau régional ; la faiblesse de la demande de crédit d'un certain nombre de gros emprunteurs habituels, en particulier dans le secteur axé sur l'exportation, qui ont connu une amélioration substantielle de leur liquidité ainsi qu'un meilleur accès au crédit extérieur après la dévaluation de 1994.

Le paradoxe de la surliquidité se manifeste par une concomitance entre une surliquidité persistante et une insuffisance de financement du secteur réel. C'est le cas actuellement de la zone CEMAC. En effet, l'économie réelle de la zone CEMAC est en manque de moyens de financement externe, alors que le secteur bancaire dispose de liquidités excédentaires qu'il ne parvient pas à employer. Par sa persistance, le paradoxe de la surliquidité bancaire de la zone CEMAC dépasse un simple phénomène conjoncturel, laissant à penser que le problème de financement est celui de l'intermédiation financière et qu'il puise sa source dans l'histoire institutionnelle de la zone FCFA. Les tentatives d'explications de ce paradoxe avancées jusqu'à présent ne tiennent pas compte de cet aspect fondamental. Elles sont principalement de trois ordres. La première tiendrait à la non coïncidence dans les temporalités de l'offre et de la demande. En effet, les banques de la zone CEMAC disposent essentiellement de ressources à court terme, alors que le secteur non financier recherche principalement le financement à plus long terme. Traumatisé par une très forte incertitude inhérente à la crise de la fin de la décennie quatre vingt, le système financier de la zone CEMAC s'avère actuellement incapable d'assurer une transformation effective des ressources.

Dans la deuxième explication, ce paradoxe serait lié à la conjoncture économique. Ainsi, lorsque la conjoncture économique est favorable, les perspectives de rentabilité des entreprises s'améliorent. Ceci se traduit d'une part par une plus forte bancabilité des projets et une augmentation de la rémunération des ménages. La capacité d'épargne de l'économie augmente et vient augmenter les dépôts bancaires. Ce mécanisme peut durer jusqu'au tarissement des projets bancables. Si par ailleurs les ménages ne sollicitent pas de crédit, les dépôts bancaires se transforment en surliquidité. A cet instant, la banque a le choix entre un placement rémunéré auprès de la banque centrale ou une constitution de réserves obligatoires.

Enfin ce paradoxe découlerait à la fois de la dimension spatiale des déséquilibres de financement et de l'absence d'un véritable marché interbancaire dans la zone CEMAC. Jusqu'à présent, il n'existe pas de marché financier dans la zone CEMAC. Les prêts entre les banques se font en blanc (Soh, 2003). L'absence de support (garantie) ne permet pas la couverture des risques supportés par les banques sur le marché interbancaire.

D'autres explications plus anecdotiques ont été proposées : le faible taux de bancarisation de la population20(*), la prédominance de la monnaie fiduciaire, l'inadaptation de l'environnement juridique, l'importance du secteur informel. Même si ces faisceaux d'explications semblent fondés en ce qui concerne les banques commerciales, il convient de constater qu'ils n'abordent pas la cause profonde du paradoxe de surliquidité dans la zone CEMAC. En effet, la surliquidité touche non seulement les banques commerciales de la zone CEMAC, mais aussi la BEAC. Par conséquent, une analyse de ce paradoxe qui ne prend pas en compte la situation de surliquidité de la BEAC demeure partielle. Pour saisir l'intégralité de ce phénomène, il est nécessaire de revenir sur le concept la libéralisation financière de la décennie quatre vingt dix et son inscription dans un régime de répression monétaire.

Dans ce contexte de surliquidité, les banques exploitent-elles optimalement les ressources mises à leur disposition ? Autrement dit les banques sont elles techniquement efficaces dans la transformation de leurs ressources en crédits ?

* 19 Ceci doit d'ailleurs être relativisé. En effet, d'après un rapport du CENUCED en 2005, les pays de la zone CEMAC ne conservent pas plus de 35% des revenus d'exportation du pétrole. Par exemple au Tchad, ce revenu n'est que de 6,4% alors qu'au Congo cette part est de 34,4%. A titre de comparaison, le Koweit, l'Iran et l'Algérie conservent respectivement 98,5%, 83,3% et 72,7%.

* 20 Le taux de bancarisation moyen est de 4% en Afrique centrale. Au Cameroun, moins de 10% de la population est bancarisée.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo