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La preuve sur internet: le cas de la vente en ligne

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par Kouadio Pacôme FIENI
Université de Cocody-Abidjan - D.E.A. 2006
  

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II : Le Règlement n° 15 de l'UEMOA sur les systèmes de paiement

134. Mutation. Les États membres de l'UEMOA103(*) ont pris conscience des mutations qui agitent le monde aujourd'hui, notamment dans le domaine technologique. Nos sociétés s'éloignent de plus en plus du papier, pour épouser l'ère du numérique, de l'électronique. C'est un processus qui semble irréversible. Les décideurs ne peuvent ignorer cette nouvelle donne. L'électronique doit être intégré dans tous les domaines d'activités impliquant des rapports humains.

135. A l'instar de certaines législations occidentales, les Etats membres de l'UEMOA ont expressément reconnu la valeur des données sous la forme électronique. Le Règlement n° 15 sur les systèmes de paiement, l'instrument de cette reconnaissance, a expressément consacré l'écrit et la signature électronique (A). Ce dispositif réglementaire se situe sans doute au diapason de l'actualité. Cependant, il ne faut pas se le cacher, il s'agit là d'une initiative dont la portée est réduite du fait qu'elle ne concerne que les systèmes de paiement (B).

A- La reconnaissance de l'écrit et de la signature électronique

136. Rupture. Aux termes de l'article 18 du Règlement, « La preuve littérale ou preuve par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soit le support et les modalités de transmission. » Cet article, équivalent du nouvel article 1316 du Code civil français issu de la loi française du 13 mars 2000, offre de constater que la notion d'écrit (littérale) ne se confond plus avec le support papier. Il faut dire que, depuis longtemps, l'écrit était reçu comme celui figurant nécessairement sur le papier. L'article 18 du Règlement rompt donc avec cette conception traditionnelle.

137. Admission de l'écrit électronique. L'écrit, aujourd'hui, n'est plus tributaire d'un support déterminé. Cette indépendance, traduite par l'expression « quels que soit le support », permet de concevoir l'écrit sur un support électronique comme mode de preuve104(*). A cet égard, l'article 19 du Règlement énonce que « l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier ». Par cette disposition, on s'aperçoit qu'en admettant l'écrit électronique, le Règlement de l'UEMOA ne lui a pas donné une position inférieure à celle de l'écrit sur support papier. Il n'a pas, ainsi, institué de hiérarchie entre support électronique et support papier.

138. Cette solution doit être approuvée parce que la solution contraire aurait réduit considérablement la portée de l'initiative, et au surplus, n'aurait pas été conforme à l'évolution actuelle incarnée par l'essor des technologies de l'information et de la communication.

139. Equivalence de force probante. En outre, et suivant la logique précédente, l'article 19 consacre l'égalité de la force probante entre l'écrit électronique et l'écrit papier. Ainsi, l'écrit sous forme électronique « a la même force probante que celui-ci (l'écrit sur support papier) »105(*). Le Règlement, par le biais de l'article 19 qui est, en réalité, une reprise combinée des nouveaux articles 1316-1106(*) et 1316-3107(*) du Code civil français, confère à l'écrit électronique une force probante équivalente à celle attachée traditionnellement à l'écrit papier.

140. Le Règlement ne s'est pas limité à la reconnaissance de l'écrit électronique ; il est allé plus loin en conférant à la signature électronique une valeur juridique. Dans sa démarche, le Règlement propose une définition de la signature électronique. L'article 21 énonce que « la signature électronique consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache »108(*).

141. La définition posée, le Règlement se prononce sur la force probante de la signature électronique. Aussi, indique-t-il, à cet effet, que « la signature électronique (...) a la même force probante que la signature manuscrite »109(*). Ce faisant, l'article 22 soutient qu'« une signature électronique ne peut être déclarée irrecevable au seul motif qu'elle se présente sous forme électronique ».

142. Prise en compte des questions nouvelles. Les développements qui précèdent permettent d'observer que les Etats membres de l'UEMOA n'ont pas voulu rester en marge des progrès technologiques qui rythment le monde aujourd'hui. Le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication symbolisées par l'Internet, est en train de changer progressivement nos rapports. Ceux-ci sont de plus en plus dématérialisés.

143. Les échanges, les transactions se font plus souvent par des moyens électroniques. C'est la raison pour laquelle il importe que les différentes législations, africaines notamment, prennent en compte cette réalité nouvelle. L'initiative des Etats membres de l'UEMOA, à travers le Règlement n° 15, vient à propos et doit donc être encouragée. Toutefois, cette initiative apparaît quelque peu limitée dans son champ d'application.

B- Les limites du Règlement

144. Il faut l'admettre : par le Règlement n° 15, les Etats membres de l'UEMOA, en consacrant l'écrit et la signature électronique, se sont donnés les moyens de ne pas se situer en retrait du progrès technologique de ces dernières années. Grâce au Règlement n° 15, le document électronique peut être articulé comme preuve par les plaideurs au cours d'un litige impliquant les systèmes de paiement. Et le juge ne peut a priori prononcer son irrecevabilité au motif qu'il est sous la forme électronique.

145. Evolution limitée. Certes, il s'agit là d'une avancée significative du droit de la preuve dans les pays membres de l'UEMOA. Cependant, l'on doit relativiser cette évolution. En effet, le champ d'application des dispositions du Règlement est limité aux opérations de banque et de paiement. Aussi, la valeur juridique du document électronique ne peut-elle trouver à s'exprimer que dans le cadre d'un litige généré par les systèmes de paiement.

146. L'électronique a un domaine d'intervention beaucoup plus vaste. Aujourd'hui, il n'est pas d'entreprises dignes de ce nom, qui ne recourent aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment à l'outil informatique. Or, l'utilisation d'un tel outil appelle nécessairement et inévitablement la mise en oeuvre de données électroniques.

147. Des échanges électroniques se font régulièrement sur le réseau ; ce qui n'écarte pas tout litige entre les acteurs utilisant ce moyen de communication. Etant donné que les échanges sont dématérialisés, autrement dit électroniques, la preuve des relations ou des échanges intervenus sur le réseau devient difficile. L'échange électronique, par exemple, par nature refoule le concept même de papier. A ce titre, la généralisation de procédés de preuve électroniques apparaît nécessaire.

148. Initiative nouvelle. Devant l'insuffisance des droits nationaux face à l'essor des technologies de l'information et de la communication, des réponses se doivent d'être trouvées si les pays africains ne veulent pas rester en marge de ce nouvel espace d'échanges et de croissance. A ce sujet, il convient de relever et de saluer l'initiative récente prise par la CEDEAO et l'UEMOA, à travers le Projet de lignes directrices générales sur l'harmonisation du cadre légale et réglementaire des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) en Afrique de l'Ouest110(*).

149. Partant du constat que l'importance des transactions électroniques est actuellement relativement faible dans l'espace de la CEDEAO et de l'UEMOA, mais que son potentiel de croissance est indéniable, « l'objet de ces lignes directrices vise donc à assurer la sécurité et le cadre juridique nécessaires à l'émergence d'un commerce électronique fiable dans la sous-région »111(*).

150. Ce projet est une avancée importante pour les États concernés, puisque la possibilité de mise en oeuvre de procédés de preuve issus de l'exercice du commerce électronique est expressément reconnue. Il s'agit précisément de l'écrit électronique et de la signature du même genre. Un pas est fait, sans aucun doute.

151. Principes non contraignants. Cependant, il reste que ces principes dégagés n'intègrent pas encore les différentes législations nationales. Il ne s'agit là que d'une invitation faite aux Etats membres de procéder à l'adaptation nécessaire de leurs droits pour tenir compte du phénomène électronique.

152. Sans preuve, il est impossible de faire valoir ses droits : idem est non esse aut non probari dit l'adage. Or, par définition, en matière de vente en ligne, les parties ne souhaitent pas doubler leurs envois de documents numérisés (contractuels ou autres) par la transmission de documents papiers signés. Dès lors, comment les parties à un contrat conclu sans support papier peuvent-elles se ménager une preuve et voir reconnaître sa validité alors qu'il a été réalisé par des moyens électroniques ?

153. Pour l'heure, nous en sommes toujours à appréhender la vente en ligne sous le prisme des règles traditionnelles de preuve. Nul doute que l'essor de ce nouveau modèle d'échange impulsera l'admission de solutions nouvelles de preuve déjà intégrées dans divers droits positifs occidentaux et même africains.

* 103Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, organisation sous-régionale ouest africaine comprenant huit (8) pays : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

* 104D'ailleurs le titre sous lequel s'insère l'article 18 est très évocateur, puisqu'il s'intitule « De la preuve électronique ».

* 105Sous la réserve de la réunion de certaines conditions, notamment « sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. »

* 106Art. 1316-1 : « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. »

* 107Art. 1316-3 : « L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier. »

* 108V. art. 1316-4, al. 2 du Code civil français pour une définition identique.

* 109Art. 22 du Règlement. Pour que la signature électronique ait une force probante équivalente à celle de la signature manuscrite, elle doit être sécurisée et liée à un certificat électronique qualifié. Pour une signature électronique sécurisée, voir les exigences de l'alinéa 2 de l'article 23. Sur la notion de certificat électronique qualifié, se référer à l'article 26 du Règlement.

* 110« Projet d'Harmonisation du cadre juridique des TIC dans les États de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA-CEDEAO) : Propositions de lignes directrices », juillet 2007. Ce projet prend en charge les engagements actuels des États membres de la CEDEAO et de l'UEMOA au plan sous-régional, régional et international en vue de l'édification de la société de l'information. Il vise à la fois à définir les objectifs et les grandes orientations de la société de l'information en Afrique de l'Ouest et à compléter les législations actuelles des États membres et des institutions de la sous-région en matière de Technologie de l'Information et de la Communication.

* 111Dernier paragraphe du préambule à la 3ème partie du projet précité, intitulée : projet de lignes directrices sur le commerce électronique dans l'espace UEMOA-CEDEAO.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore