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Le sort des droits de préemption dans les procédures collectives agricoles

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par Jérémy MAINGUY
Université de Poitiers - Master 2 Droit de l'activité agricole et de l'espace rural 2010
  

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b. Le sort des droits de préemption ruraux pendant la période d'observation

La période d'observation est un moment important de la procédure. Pendant cette période d'une durée maximum de 18 mois, le sort du débiteur va être décidé. Vulgairement cette période est comparable dans la vie humaine au moment où le médecin vous fait des examens pour déterminer votre maladie. A l'issue on saura si on peut vous guérir ou... vous préparez à votre enterrement.

Pendant cette période, l'entreprise va être soumise à un régime spécial reposant, d'une part un régime spécial pour les contrats en cours afin que l'activité de l'entreprise perdure, et d'autre part sur la préparation d'un plan de sauvegarde ou de redressement pour permettre .

Dans le cadre de ce mémoire nous nous interrogerons sur les conséquences de la période d'observation sur les droits de préemption par une succession de questions.

Première question : un preneur soumis à une procédure collective et qui ne paye pas son loyer peut-il exercer son droit de préemption au cours de la période d'observation ?

La réponse se fera en plusieurs étapes. Il faut déjà déterminer si le bail a été résilié. Comme l'exige l'article L. 411-31 alinéa 2 du Code rural, la résiliation pour défaut de paiement du fermage n'est que possible que si :

- deux défauts de paiement du fermage ont été constatés et ont perduré après deux mises en demeure séparées de trois mois pour régulariser la situation ;

- une résiliation judiciaire prononcée par le Tribunal paritaire des baux ruraux .

La jurisprudence est très claire : si la décision n'a pas été passée en force de chose jugée au jour du jugement d'ouverture l'action en résolution subit l'arrêt des poursuites 28. Le preneur conserve donc son droit au bail et tous les accessoires à celuici.

Il peut exercer son droit de préemption à deux conditions :

28 CA Bordeaux ch. soc., 26 septembre 2006 : Rev. proc. coll. septembre 2007 n° 3, p. 163.

- l'administrateur ou à défaut par le débiteur sous le contrôle du mandataire judiciaire doit respecter les règles posées aux articles L. 622-13 et suivants du Code de commerce relatives à la continuation des contrats en cours sous peine de résiliation du bail rural ;

- le preneur doit s'assurer que les restrictions de pouvoir décidées par le jugement d'ouverture ne lui ont pas enlevé la faculté d'effectuer des actes de disposition. L'article L. 622-3 du Code de commerce précise que :

« Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur ».

L'exercice du droit de préemption par un preneur soumis à une procédure collective reste hypothétique. En effet il est peu probable qu'un preneur soumis à une procédure collective ait les moyens d'acheter des terres dont le coût ne cesse d'augmenter pour atteindre aujourd'hui une moyenne de 5 000 euros par hectare 29.

Il existe certaines exceptions cependant. L'acquisition de parcelles essentielles pour l'exploitation comme les parcelles où se trouvent les points de captage pour l'irrigation des terres est nécessaire..

Ce point résolu, il reste à déterminer si les droits préemption ruraux sont neutralisés pendant la période d'observation.

Deuxième question : quel est le sort des deux droits de préemption en cas de vente du bien au cours de la période d'observation ?

Nous avons démontré qu'il est possible pour un preneur de conserver son bail malgré l'ouverture d'une procédure collective.

Les droits de préemption sont-ils neutralisés par le jugement d'ouverture ? La question n'est pas une pure invention, nous avons vu que l'ouverture d'une procédure collective neutralise certaines dispositions du Code rural comme les dispositions relatives à la résiliation du fermage pour faute.

Il n'existe aucun texte ni aucune jurisprudence en la matière cependant il est possible d'émettre une hypothèse.

29 Le Monde, 29 mai 2010, p. 13

L'article L. 412-4 du Code rural dispose :

« Le droit de préemption (du preneur) s'exerce nonobstant toutes clauses contraires. »

L'article énonce apparemment que, sauf indication expresse du législateur, le droit de préemption s'exerce quelle que soit la situation.

Une réponse ministérielle 30 corrobore ce raisonnement.

De plus l'esprit de la règle a son importance, les droits de préemption ne sont pas en opposition avec l'objectif de sauvegarder l'activité et de permettre le paiement des créanciers.

Il est fort probable que les droits de préemption ne sont pas neutralisés cependant il serait intéressant de déterminer si les actions en révision du prix prévue par le Code rural 31 l'est également.

La durée moyenne de ces actions peut présenter un risque pour une unité ayant besoin d'actifs pour survivre. Ces contentieux limitent les chances de survie des exploitations agricoles.

Il est seulement posé que ces actions sont neutralisées en cas d'adjudication 32. L'adjudication d'un bien peut tout à fait être volontaire, c'est à dire décidée par le propriétaire si le tribunal ne lui a pas retiré ce pouvoir.

Aucune disposition ne réglemente la cession de gré à gré. Il est donc fort probable que l'action ne soit pas neutralisée. La vente se faisant dans un cadre normal sans règles dérogatoires au droit commun.

Troisième question : la vente d'un bien dont le bail rural a été résilié au cours de la période d'observation est-elle constitutive d'une fraude au droit du preneur ?

Nous avons parlé antérieurement de la notion de « contrats en cours », ce sont des contrats qui ne sont pas résiliées au jour du jugement d'ouverture et qui n'ont pas été entièrement exécutés.

30 Rép. Min. n° 11270 : JOAN Q, 11 juillet 1994, p. 3567

31 C. rur., art. L. 412-7 et L. 143-10.

32 C; rur., art. L. 412-11.

Rentrent dans cette catégorie : les contrats à exécution successive, c'est à dire ceux qui ne sont pas arrivés à leur terme au jour du jugement d'ouverture et qui ne sont pas résolus avant le jugement d'ouverture et les contrats à exécution instantanée dont la prestation caractéristique et principale n'a pas encore été fournie.

Afin de sauvegarder l'entreprise, il a été instituée un droit d'option sur ces contrats, notamment « la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours » ( C. com, art. L. 622- 13-II, al. 1) ou de résilier soit de plein droit par l'administrateur après sa mise en demeure par le cocontractant ( C. com, art. L. 622-13-III-1) soit par le juge-commissaire sur demande de l'administrateur ( C. com, art L. 622-13-IV). Les deux dernières options permettent la résiliation, qui dit résiliation dit dans le cas d'un bail rural perte du droit de préemption.

Il est à noter que la nomination d'un administrateur judiciaire si le seuil n'est pas atteint dépend du libre choix des juges. Un examen des jugements prononçant l'ouverture des procédures collectives fait apparaître que chaque tribunal a une position sur ce sujet.

Par exemple le tribunal de grande instance d'Évreux ne nomme un administrateur que si le seuil obligatoire est atteint, alors que la nomination est systématique dans le cas du tribunal de grande instance de Chartres.

En l'absence d'administrateur, le choix appartient au débiteur avec avis favorable du mandataire judiciaire 33.

La question est donc de savoir si l'exercice de l'option ne permettrait pas au débiteur de réaliser une fraude au droit de préemption du preneur.

Un cas concret : un agriculteur céréalier a reçu des prairies herbagères en héritage et les a loué. Cependant au fil du temps une intimité entre les cocontractants est apparue et le bailleur souhaite faire partir son preneur par tous les moyens. De plus une procédure collective a été ouverte à son encontre, il souhaite donc céder des biens qui ne sont pas essentiels à son exploitation.

Maître Nelly Leroux-Bostyn, avocate au barreau d'Évreux et spécialisée en droit rural depuis une dizaine d'années, nous a en effet expliqué que l'échec des procédures de

33 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 6° édition, 2009, p. 213.

conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux (sur l'ensemble de ses dossiers deux conciliations ont réussi en 10 ans) avaient pour origine des conflits purement d'ordre privé.

Nombre de conflits devant le tribunal paritaire des baux ruraux peuvent très bien avoir un arrangement, le problème vient d'éléments annexes à l'activité agricole : mésententes, volonté de récupérer les terres afin d'en confier l'exploitation à un membre de la famille.

Il peut donc exister un intérêt personnel et un intérêt financier à résilier le bail.

En effet, les différentes protections dont jouit le fermier et l'encadrement administratif du montant du fermage ont pour conséquence de réduite la valeur d'une terre cédée à bail.

Monsieur Thierry Nansot 34 met en avant le rôle du droit de préemption du preneur et de l'action en révision du prix du fermier dans la moins-value du fonds cédé.

La jurisprudence précise que le tribunal statuant sur l'action en fixation de la valeur vénale du fonds doit tenir compte de la moins-value résultant de l'existence du bail rural 35.

L'intérêt de pouvoir résilier le bail et ainsi de mettre fin au droit de préemption n'est pas vain.

Il existe trois mécanismes permettant de résilier un contrat en cours :

- le cocontractant (dans notre exemple le preneur) met le débiteur en demeure de prendre position sur le sort du contrat. En cas de réponse expresse de refus ou d'absence de réponse du débiteur, le contrat est résilié de plein droit sur le fondement de l'article

L. 622-13, III du Code de commerce ;

- l'administrateur ou le débiteur peut renoncer à la poursuite du contrat sans mise en demeure préalable, dans ce cas le contrat est suspendu et le cocontractant devra faire prononcer en justice la résiliation 36;

34 T. Nansot, « Le prix d'un terrain agricole sous bail rural » , Et. fonc., n° 92, Juillet-août 2001, p. 13.

35 Cass. civ. 3°, 7 novembre 1990 : Bull. civ. III, n° 220 ; JCP G 1991. II. 21 665, note Ourliac.

36 Cass. com 19 mai 2004 : JCP E 2004., n° 37, p. 1388, obs. Ph. Pétel.

- une troisième option a été ouverte par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à l'article L. 622-13, IV du Code de commerce.

Le preneur qui ne souhaite pas perdre son droit de préemption ne va mettre en demeure les organes de la procédure.

La deuxième option ne semble pas présenter de risques. En effet, bien que le contrat soit en quelque sorte « suspendu », le preneur conserve son droit d'exploiter les terres en fermage et le bénéfice du droit de préemption.

Le bailleur ne peut le priver de ses droits que par une résiliation du bail.

Seule la troisième option présente un risque. Son caractère récent empêche d'avoir des informations sur la conception retenue par les juges commissaires sur la notion d'atteintes excessives.

Cependant en matière agricole cette notion a plusieurs sens :

- une atteinte économique, notamment une reprise de parcelles nécessaires à la survie économique de la structure ;

- une atteinte juridique, car d'une part la perte des parcelles louées pourrait entrainer une diminution de la taille de l'exploitation en dessous du seuil fixé par le schéma directeur départemental du contrôle des structures, ce qui en principe la subordonne à une autorisation préfectorale et d'autre part la reprise des parcelles a pour effet de mettre fin au droit de préemption.

La doctrine 37 estime qu'il n'y aura pas de dérives dans l'utilisation de cette option, cependant les procédures collectives agricoles présentent des risques d'abus que Monsieur Philippe Roussel Galle ne présente pas :

- il y a le risque d'une mauvaise appréciation par le juge commissaire d'une atteinte excessive est réel en raison de la méconnaissance par une majorité de magistrats de la matière agricole ;

- l'auteur de l'article cité prend pour exemple les baux commerciaux où il est vrai que priver un commerçant de son bail est excessif. Mais en matière de droit rural le

37 Ph. Roussel Galle.« Les nouveaux régimes des contrats en cours et du bail », Rev. proc. coll. n° 1 janvier 2009, p. 85.

problème est différent. Les exploitants ont souvent 3 à 5 bailleurs 38 et une multiplicité de baux portant sur diverses parcelles. De ce fait les preneurs ont plus de difficultés à prouver le caractère excessif de l'atteinte.

La question qui se pose ici est de connaître les éventuels recours du cocontractant lésé.

L'article L. 622-13 IV du Code de commerce nous précise que c'est le juge- commissaire qui prononce la résiliation. Le juge statue par ordonnance.

Celles-ci sont notifiées aux personnes et aux parties dont les droits et obligations sont affectés et elles sont exécutoires de plein droit à titre provisoire 39.

Le Code de commerce prévoit que ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours dans les dix jours de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe 40.

Il conviendra dans une telle situation pour le preneur lésé de démontrer lésé de démontrer la portée de la résiliation (perte de produits d'exploitations par l'impossibilité d'activer des DPU, difficultés pour continuer l'exploitation...) et la réalité des motivations à la réalisation si elles existent.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand