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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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2.2. Le problème du mille-feuille

L'image du mille-feuille est souvent reprise pour évoquer l'empilement des structures territoriales, et donc des compétences, y compris en matière de foncier. A la lumière d'un cadre législatif national complexe et contraint, où la compétence foncière est portée par plusieurs collectivités territoriales, un certain flou plane sur les limites du principe de subsidiarité et l'action publique en matière de foncier n'a pas de réelle lisibilité, tant pour les institutions elles-mêmes et leurs services que pour la population. Comme le constate Marielle Mouly93(*), les couches administratives s'empilent et se multiplient. Ainsi, chaque institution met en oeuvre sa propre politique et ses propres orientations stratégiques sans concertation préalable avec les autres. Les politiques de l'Europe, de l'Etat, des régions et des départements sont cloisonnées entre elles et ce contexte représente une difficulté supplémentaire pour la mobilisation des acteurs locaux et des ressources financières.

La future réforme des collectivités, adoptée par le Sénat en seconde lecture le 8 juillet 2010, prévoit un nouveau tournant dans l'organisation territoriale française pour en finir avec « l'empilement des structures »94(*), telle est la première raison évoquée pour sortir du contexte organisationnel actuel. Les trois mots d'ordre de cette réforme, « simplifier, adapter, alléger », pourraient tout à fait se décliner à la problématique foncière. Aujourd'hui, tous les « espoirs » se portent sur l'échelle intercommunale en matière de gestion de l'espace, considérée comme LA bonne échelle pour appréhender la question foncière, à condition que celle-ci corresponde au bassin de vie95(*).

En attendant un échelon de moins dans ce mille-feuille des compétences foncières, la commune demeure l'échelon incontournable, quelques soient les espoirs que nourrissent l'échelle de l'intercommunalité et le PLU-intercommunal : « C'est bien à cette échelle que se situe la responsabilité de la délivrance des autorisations de construire ou d'aménager et c'est bien à cette échelle qu'est réalisée encore aujourd'hui la quasi-totalité des POS et PLU »96(*).

2.3. Les conflits fonciers

« Rural-urbain : le nombre de conflits en nette augmentation »97(*) : le foncier est ici identifié comme la première source de conflit territorial (questions de constructibilité et de zonage), avec un niveau de conflictualité qui n'a cessé d'augmenter depuis dix ans et dont le nombre d'affaires portées devant les tribunaux est en tête de tous les autres types de conflits. Le foncier est l'objet de conflits notamment car il cristallise des représentations immatérielles fortes très ancrées dans les esprits.

Le tableau suivant est extrait des travaux d'Anthony Tchekemian98(*), où il explicite -au sujet du foncier- les interactions entre citadins et ruraux dans les territoires ruraux et périurbains. Ces interactions sont basées sur les représentations de deux groupes d'acteurs : les « ruraux » représentés par les exploitants agricoles d'une part, et les « néo-ruraux » pour les périurbains d'autre part.

Interactions dans les territoires ruraux et périurbains

Représentations des citadins sur les exploitants

Représentations des exploitants sur les citadins

Les exploitants souhaitent une valorisation de leurs produits et de leur profession, mais perçoivent mal l'installation de citadins dans le village

Les néo-ruraux veulent les avantages de la campagne, mais non les inconvénients liés aux pratiques agricoles (souvent il s'agit d'exploitants âgés, retraités, sans successeur)

Les exploitants développent des stratégies différentes :

- obtention du classement de leurs parcelles en zone constructible afin que la vente soit plus avantageuse ;

- mode de fonctionnement différent (agriculture biologique, animations, etc.) ;

- grands propriétaires conservant leurs parcelles.

La périphérie est rythmée par les déplacements pendulaires, domicile-travail, des néo-ruraux ; les villages sont souvent qualifiés de dortoirs. Les exploitants ont le sentiment que les Coteaux du lyonnais sont une réserve foncière immobilière.

Les territoires périurbains sont attractifs, car ils permettent l'acquisition d'un habitat pavillonnaire avec jardin, la recherche d'un meilleur cadre de vie, le souhait d'une reconnaissance sociale et la nostalgie des souvenirs de campagne.

Une fois installés, les néo-ruraux souhaitent des services et un confort identique à ceux de la ville, pour une qualité de vie supérieure.

Figure 10. Interactions dans les territoires ruraux et périurbains, d'après A. Tchekemian 2008

Ainsi, ces représentations sont porteuses de conflits fonciers qui perpétuent en quelque sorte le clivage urbain-rural bien que tout le monde s'accorde sur sa disparition spatiale progressive.

Par une démarche similaire, Marielle Mouly a construit un tableau des « exemples d'enjeux et bénéfices partagés entre le rural et l'urbain »99(*) dont on a extrait ci-dessous ce qui concernait directement le thème du foncier. Le bénéfice partagé de la dernière colonne doit être lu de la sorte : Ville Campagne , « ce que la ville apporte à la campagne », et inversement. Cette démarche vise à montrer qu'une complémentarité entre espaces urbains et ruraux est possible et souhaitable : ce bénéfice partagé est aussi synonyme d'une moindre conflictualité autour de l'enjeu foncier. Ainsi, dans la perspective d'une densification accrue de l'espace urbain qui se traduirait par un ralentissement de la périurbanisation, la ville serait potentiellement susceptible de permettre un infléchissement de la pression foncière à la campagne.

Types d'enjeu

Vu par l'urbain

Vu par le rural

Quel bénéfice partagé ?

Foncier

Densification de la ville, maîtrise de l'urbanisation

Protection des espaces agricoles et « naturels »

Ville Campagne : une diminution de la pression foncière

Campagne Ville : des espaces verts de qualités et préservés et des paysages entretenus grâce notamment à l'agriculture

Figure 11. Exemples d'enjeux et bénéfices partagés entre le rural et l'urbain, d'après M. Mouly 2008

Au sujet de la conflictualité autour du foncier, l'espace alpin n'échappe pas à la règle, bien au contraire. Ce thème est souvent abordé à travers l'enjeu du maintien du multi-usage de l'espace en montagne, sur les versants et en vallées.

Dans des espaces protégés tels que les parcs nationaux, Lionel Laslaz n'oublie pas d'évoquer ce problème. « Les différents usages des territoires montagnards renforcent ces tensions récurrentes. Les flux touristiques constituent ainsi un défi auxquels les gestionnaires des espaces protégés proposent des solutions souvent identiques, volontiers basées sur une vision "prédatrice" de la fréquentation récréative et sur le postulat de la "fragilité" des milieux montagnards »100(*). De fait, autour des polémiques déclenchées par la Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes du Nord, Camille Blanc101(*) est allée explorer les enjeux de territoires et les conflits identitaires cristallisés dans les stations de sports d'hiver. Là encore l'usage du sol en montagne est tiraillé entre deux tendances caricaturales : les « prédateurs » d'un côté, les « protecteurs » de l'autre.

* 93 MOULY Marielle, op. cit., p.137

* 94 Site officiel de la Réforme des collectivités territoriales : http://www.interieur.gouv.fr/sections/reforme-collectivites/pourquoi-reforme (consulté le 11/08/10)

* 95 Entretien n° 17, ADAYG

* 96 MARLY Jean et BONNEFOY Serge, Urbaniser le périurbain, Etudes Foncières, mars-avril 2010, n°144, p.36

* 97 ZAPALSKI Emilie, Rural-urbain : le nombre de conflits en nette augmentation, Localtis.info [en ligne], article publié le 04/05/09 

* 98 TCHEKEMIAN Anthony, L'impact d'une politique publique agricole européenne sur les acteurs et les territoires ruraux français, thèse de géographie, Institut de Géographie Alpine, Grenoble 1, 2008, 505p., p.290

* 99 MOULY Marielle, op. cit., p.79

* 100 LASLAZ Lionel, « Préface », Revue de géographie alpine, Parcs nationaux de montagne et construction territoriale des processus participatifs [En ligne], mars 2010. Disponible sur : http://rga.revues.org/index1088.html (consulté le 06/06/10).

* 101 BLANC Camille, La Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes du Nord. Enjeux de territoires et conflits identitaires portés par les stations de sports d'hiver, Mémoire Master 1, Institut d'Urbanisme de Paris, juin 2010, 64p.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote