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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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3.4. Ces cadres normatifs, des tentatives de gouvernance environnementale

La Convention alpine et la DTA des Alpes du Nord sont considérées d'emblée comme des cadres normatifs, plus ou moins précis ou concrets, qui viennent contraindre leur territoire d'application. On peut aussi montrer que ces outils de planification fournissent de nouveaux cadres de réflexion qui servent le territoire ; pour Philippe Yolka par exemple, la Convention alpine « fournit un cadre de réflexion commun pour rompre avec l'esprit de vallée »167(*).

Dans cette perspective, la gouvernance environnementale propose une compréhension théorique de ce changement de regard sur ces deux cadres normatifs. Dans son article sur le sujet, Olivier Barrière168(*) indique que l'objectif de la gouvernance environnementale est « de parvenir à une régulation des pratiques des acteurs en répondant à un souci de responsabilisation, mais également à la nécessité de canaliser leurs comportements en limitant leur marge de manoeuvre, afin de circonscrire les stratégies des acteurs dans un cadre », le tout se construisant sur deux fondamentaux : les préoccupations écologiques du monde et les univers endogènes des sociétés. Cette notion de gouvernance environnementale, qui définit et organise la place de chacun des acteurs concernés, permet de basculer d'une DTA vue comme le retour de l'Etat gendarme169(*) vers un outil qui impulse « un nouveau type de rapport entre l'Etat et les citoyens pour aboutir à un partenariat entre le pouvoir central et le pouvoir local »170(*).

Pour mettre en oeuvre cette gouvernance environnementale, l'Etat devient alors partie prenante de la gestion raisonnée du territoire, ce qu'il a semblé vouloir faire à travers les Lois Grenelle I et II, et il intervient « seulement » en orientant le comportement des acteurs locaux, confortés dans leur responsabilité ; l'Etat peut donc « orienter » en posant si nécessaire de nouveaux cadres normatifs. Aussi, l'auteur remarque avec justesse que la préférence de la persuasion à l'action autoritaire peut faire son chemin surtout face à l'inapplication de la législation répressive. Dans une certaine mesure, c'est ce constat d'inapplication de la règle qui a pu guider pendant quatorze ans la mise en oeuvre d'un outil étatique, opposable, de planification qu'était la DTA des Alpes du Nord.

Cette persuasion qui peut passer par l'incitation ne constitue qu'une étape vers la réalisation des objectifs d'une politique publique. Avec la nouvelle formule de DTA non-opposable, les DTADD orientent les comportements sur des thématiques plus larges et plus nombreuses, sans les rendre obligatoires. Finalement, l'action devient directive car elle « imprime une direction sans l'imposer »171(*), comme le fait la Convention alpine sur l'arc alpin, ou les futurs DTADD au sein de leur périmètre. La gouvernance environnementale permet de prendre le contre-pied des formes autoritaires de conduite des comportements.

Ce premier chapitre nous a permis de revenir sur deux cadres normatifs alpins : la Convention alpine et ses huit protocoles, ainsi que le projet de Directive Territoriale d'Aménagement des Alpes du Nord dans le périmètre définit par cette dernière.

Cette analyse sur le « discours foncier » d'une part, et sur les modalités de mise en oeuvre de ces cadres normatifs alpins d'autre part, permet de distinguer trois niveaux croissants d'ajustement, voire de distorsion, de ces cadres :

ü Ces cadres permettent de rendre intelligible une vision de l'aménagement et du développement du territoire alpin promu par l'Etat : en particulier la DTA qui contextualise assez précisément ce discours. Sauf que deux obstacles se posent et peuvent expliquer une opposition féroce et unanime du milieu des stations de ski : l'objet au coeur du discours est faiblement audible, mais surtout, la nature de la procédure (DTA et même Convention alpine) a une audibilité plus que limitée sur ces territoires et empêche de facto l'acceptabilité d'un tel cadre normatif, vécu plutôt comme un diktat de l'Etat.

ü Les acteurs locaux se servent de ces cadres : en les décriant ils réaffirment leur propre projet de territoire, ou inversement, ils enrichissent ou confortent leurs politiques et leurs pratiques territoriales, ils « font déjà de la DTA ou de la Convention alpine »172(*). Dans les deux cas, le cadre normatif a le mérite d'exister car il re-questionne forcément l'ensemble des acteurs locaux (partisans et opposants confondus) et favorise les réajustements.

ü Dans les pratiques innovantes, les outils ou les méthodes existantes sont souvent refaçonnées par un cadre règlementaire ou des mentalités progressistes : l'intérêt ici est de voir comment ces ajustements ou ces distorsions de méthodes ou d'outils peuvent monter en généralité (verticalement) ou se diffuser dans d'autres territoires (horizontalement). Toutefois, la montée en généralité ne signifie pas de copier une solution trouvée localement pour en faire une nouvelle règle, mais plutôt de faciliter la prise de conscience, de créer les conditions « pour que », en somme, des conditions favorables localement pour que ce type de solution puisse se multiplier avec de moindres contraintes (des contraintes réduites comparées à la situation de départ).

Dans le troisième niveau, l'Etat applique le principe de réflexivité, il tient compte des réactions des destinataires de ses commandements, ou bien il cherche à s'adapter à la logique des systèmes qu'il tente d'influencer173(*).

Ces démarches innovantes permettent également de voir comment les acteurs locaux sont capables de remobiliser un cadre normatif ou un outil différemment. Le chapitre suivant s'attachera donc à des pratiques de terrain qui offrent des pistes de réponse pour continuer d'explorer ce rapport au droit et à la norme en aménagement, et plus spécifiquement, sur des questions foncières alpines.

* 167 YOLKA Philippe, op. cit., p.5

* 168 BARRIERE Olivier, Une gouvernance environnementale dans une perspective patrimoniale : approche d'une écologie foncière, op.cit.

* 169 BERSANI Catherine, op. cit.

* 170 BARRIERE Olivier , loc. cit.

* 171 BARRIERE Olivier, loc. cit.

* 172 C'est d'ailleurs l'un des questionnements de CIPRA France et une dimension de ce travail de recherche : la Convention alpine, et plus précisément la DTA des Alpes du Nord, peuvent-elles servir de base d'un référentiel pour appréhender les bonnes pratiques de gestion foncière dans l'espace alpin ?

* 173 MORAND Charles-Albert, Le droit néo-moderne des politiques publiques, éd. LGDJ, coll. Droit et société, 1999, 224p.

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