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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

Disponible en mode multipage

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Faculté d'Economie Appliquée & Faculté de Droit

Centre d'Etudes des Techniques Financières et d'Ingénierie - CETFI

Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand Boulan

Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée

Mémoire présenté pour l'obtention du Master professionnel Economie-Droit, spécialité :

« Prévention & répression de la délinquance financière

et de la criminalité organisée »

La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

Présenté et soutenu par :

Pierre Rocamora

Sous la direction de : Vonny MANOUK

Octobre 2007

Faculté d'Economie Appliquée & Faculté de Droit

Centre d'Etudes des Techniques Financières et d'Ingénierie - CETFI

Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand Boulan

Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée

Mémoire présenté pour l'obtention du Master professionnel Economie-Droit, spécialité :

« Prévention & répression de la délinquance financière

et de la criminalité organisée »

La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

Présenté et soutenu par :

Pierre ROCAMORA

Sous la direction de : Vonny MANOUK

Octobre 2007

AVANT PROPOS

« Le Groupe Européen de Recherche sur la Délinquance Financière et la Criminalité Organisée » (DELFICO) est un département du Centre d'Etudes des Techniques Financières et d'Ingénierie (CETFI) de la Faculté d'Economie Appliquée qui travaille en collaboration avec le Centre de Recherche en Matière Pénale Fernand BOULAN de la Faculté de Droit (Université d'Aix-Marseille) et l'Institut de Police Scientifique de l'Ecole des Sciences Criminelles de l'Université de Lausanne.

Sa mission est de fournir les supports d'analyse et d'information destinés à lutter contre les organisations criminelles transnationales, le blanchiment, l'escroquerie financière, la corruption et, d'une manière plus générale, l'utilisation détournée de techniques de gestion, juridiques, économiques ou financières en vue de commettre un crime ou un délit. Il vise également à définir les outils permettant une analyse stratégique prospective dans ces domaines, afin d'identifier et d'élaborer de nouvelles méthodes adaptées à cette lutte. »

La faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propre à son auteur.

SOMMAIRE

Avant Propos...........................................................................p4

Introduction............................................................................p8

Première partie : La nécessaire lutte contre la corruption privée.................................................................................p13

Section 1ère : L'omniprésence du phénomène de corruption dans les entreprises françaises................................................................p15

I : La corruption : un risque constant pour l'entreprise........................................................................p15

A : Approche du phénomène...........................................p15

B : Etat des lieux des entreprises françaises..................................................................p18

II : Conséquences de la corruption............................................p22

A: « Bienfaits de la corruption ».......................................p22

B: Coûts et ampleur de la corruption..........................................................................p24

Section 2ème : Un dispositif législatif exhaustif de lutte contre la corruption privée..................................................................................p30

I : Eléments constitutifs des délits de corruption privée active et passive

A : Eléments spécifiques aux deux délits.......................................................................................p31

B : Eléments communs aux deux délits.......................................................................p34

II : Modalités de répression de la corruption privée........................p40

A : Personnes responsables.............................................p40

B : Particularités de la répression......................................p43

Deuxième partie: Les moyens de lutte contre la corruption privée..................................................................................p46

Section 1ère : La nécessaire implication de l'entreprise dans la lutte contre la corruption.............................................................................p48

I : La mise en place de mesures spécifiques de lutte........................p48

A: L'instauration de chartes d'éthique................................p48

B : La commercialisation de l'éthique au profit de la lutte contre la corruption.................................................................p52

II : La participation des acteurs de l'entreprise dans la lutte contre la corruption........................................................................p55

A: Le procédé du whistleblowing.....................................p55

B: La position de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés....................................................................p58

Section 2ème: Difficultés et insuffisances dans la lutte contre la corruption privée..................................................................................p62

I : Les difficultés dans la lutte.................................................p62

A : L'indissoluble lien rattachant la fraude et la corruption.......p62

B: La mise en place d'outils de prévention des risques.......................................................................................p66

II : Les carences dans la lutte..................................................p71

A : La dérive vers l'incrimination d'abus de bien sociaux.........p71

B : L'absence de pouvoir effectif des organes chargés de lutter contre la corruption : le cas du Service Central de Prévention de la Corruption................................................................p75

Conclusion............................................................................p79

Bibliographie.........................................................................p83

Annexes................................................................................p87

INTRODUCTION

En juin 2002, le gouvernement rend public les condamnations judiciaires prononcées sur la base d'infractions économiques et financières. Résultat : « Depuis 1990, on constate une assez grande stabilité du nombre de condamnations prononcées dans ce domaine qui représentent moins de 1 % de la délinquance sanctionnée par les tribunaux 1(*) ». A première vue, cette délinquance en « col blanc » bénéficierait donc d'un traitement de faveur de la part des tribunaux, en comparaison aux infractions de droit commun, qui elles, sont sévèrement réprimées et dans une proportion plus grande. Une des justifications pouvant être avancées pour relativiser ce faible chiffre est que ces infractions économiques, par définition secrètes et opaques, sont le plus souvent « camouflées » derrière des opérations d'apparences légales, destinées à légitimer l'entrée ou la sortie des flux financiers. Ces manipulations auront pour conséquence d'entraîner de véritables difficultés dans la détection de ces délits, et de fait, rares seront les dossiers qui arriveront dans le bureau d'un juge d'instruction. Ainsi, faute d'avoir pu détecter l'acte délictueux et d'en rapporter les preuves, les auteurs jouiront la plupart du temps d'une totale impunité. Mais cette différence de traitement dans la répression entre infractions de droit commun et infractions économiques et financières, semble importer peu aux yeux du grand public. D'après pierre Lascoumes : « Il existe une euphémisation sociale des transgressions de la criminalité économique » qui « contraste avec la dramatisation d'autres formes de délinquance2(*) ». Force est de constater alors que l'opinion publique n'attache que trop peu d'importance à ces délits financiers, pour en accorder plus à d'autres délits de droit commun, qui eux, font la une des 20 heures. Pourtant, bien que ces actes de criminalités économiques ne fassent pas de victimes directes, l'expérience nous montre qu'ils peuvent être véritablement néfastes pour la société dans son ensemble.

Cette criminalité économique et financière désigne de manière générale « toute forme de criminalité non violente qui a pour conséquence une perte financière»3(*). Cette forme particulière de criminalité couvre ainsi une large gamme d'activités illégales telles que l'abus de biens sociaux, le blanchiment d'argent, la fraude fiscale ou encore la corruption. C'est cette dernière infraction qui retiendra notre attention et il convient donc d'en préciser les contours. D'après Christian de Brie, trois facteurs ont favorisé l'enracinement des pratiques corruptrices dans nos sociétés modernes : « Le triomphe de l'économie néolibérale tout d'abord et son culte de l'argent, seule mesure de la réussite professionnelle et sociale, du succès des vainqueurs de la compétition économique, obtenu par tous les moyens »... « Ensuite, la mondialisation des marchés et l'internationalisation des affaires ont ouvert à la criminalité financière des capacités de développement illimitées sur une terra incognita, juridiquement vierge de toute contrainte »... « Enfin, la privatisation accélérée des services publics a transformé le rôle de l'Etat et des collectivités locales...Des boulevards de la corruption se sont ouverts, dans lesquels les grandes entreprises fournisseurs multicartes de biens et services se sont engouffrées4(*) ». Mais hormis ces causes, qu'en est-il de la définition de la corruption ?

En latin, corrumptio signifie simplement « altération », du verbe corrompere, « rompre », « briser » ce qui était uni et joint ensemble. Quelque chose se fait ou se défait ensemble, entre le corrupteur et le corrompu. Plus précisément, selon le Service Central de Prévention de la Corruption : « La corruption ressemble à un prisme aux multiples facettes, que l'on peut regarder sous divers angles. On peut l'appréhender comme un phénomène social ou sous l'angle des sciences politiques, de la théorie économique et organisationnelle, ou du point de vue du droit pénal et du droit civil5(*) ». La multiplicité d'approches possibles de la corruption, entraîne également une multiplicité de définitions, et démontre dans une certaine mesure la complexité du phénomène. Concept relativement difficile à définir, la corruption englobe des pratiques très diverses et n'est pas abordée de la même manière dans tous les textes juridiques, ou perçue à l'identique selon les cultures. D'après l'organisation non gouvernementale (ONG) Transparency international6(*) (TI), la corruption peut se définir de façon concise afin d'englober toutes les formes de ce fléau. Ainsi, la corruption serait « L'abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées7(*) ». Pour Pierre Lascoumes8(*) chercheur au CNRS, le terme de « corruption » est victime des ambiguïtés du sens commun, et il est aujourd'hui utilisé « comme une notion qui englobe toutes les formes d'abus de fonction ». Selon ce chercheur, « la corruption devient alors synonyme de déviance, sans que la norme par rapport à laquelle on évalue le comportement soit clairement désignée ». L'on retiendra également la définition donnée par l'article 2 de la Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe qui énonce : « On entend par corruption le fait de solliciter, d'offrir, de donner ou d'accepter, directement ou indirectement, une commission illicite, ou un autre avantage indu qui affecte l'exercice normal d'une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission illicite, ou de l'avantage indu ou de la promesse d'un tel avantage indu ». Enfin, le professeur Michel Veron nous donne une définition plus juridique, affirmant que : « La corruption consiste à rémunérer une personne pour qu'elle accomplisse ou n'accomplisse pas un acte qui relève de sa fonction. Ainsi, il apparaît que l'infraction suppose une collusion entre deux personnes. L'une, le corrupteur, offre ou accepte de rémunérer l'autre personne, le corrompu qui, en échange, promet d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte de sa fonction9(*) ».

Les textes internationaux, aussi bien que notre législation interne, opposent généralement deux types de corruption : la corruption publique et la corruption privée. La première forme implique nécessairement l'intervention d'une personne exerçant une fonction publique, alors que le champ d'application de la seconde, se situe exclusivement entre deux agents privés. C'est cette corruption privée, qui nécessite l'interaction de deux personnes privées qui fera l'objet du développement de notre devoir. En cette matière, il est à noter une avancée considérable due en partie à la transposition de la décision cadre du 22 juillet 2003 dans notre droit positif. L'entrée en vigueur de la loi du 4 juillet 2005 a ainsi totalement remodelée l'infraction de corruption privée, dont les dispositions se trouvent désormais dans le Code pénal10(*). Ainsi, l'article 445-1 qui prévoit la corruption privée active énonce que : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de proposer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ». L'article 445-2 qui prévoit lui la corruption privée passive déclare qu' : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ». La loi du 4 juillet 2005 a donc redéfini les contours de l'infraction de corruption privée, permettant aux juridictions d'instruction, tout autant qu'à celles de jugements, de mener au mieux leur lutte contre ce phénomène. Toutefois, nonobstant cette avancée législative non négligeable, le combat contre la corruption doit se poursuivre, voire s'intensifier, tout en s'adaptant à ces pratiques en perpétuelles évolutions. Même si certains s'interrogent sur la légitimité d'une telle lutte, à la façon de Colin Leys, qui se demandait il à presque quarante ans : « Ou est le problème de la corruption ? Ce à quoi il répondait, suivant un argument qui n'est pas sans rappeler le discours du sociologue Robert Merton ou du philosophe politique Machiavel, que la corruption a son rôle, voire son utilité11(*) ». Force est de constater que cette légitimité n'est plus à démontrer, et tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour éradiquer ce fléau. Mais au-delà de ces polémiques superfétatoires, se posent d'autres questions, dont une en particulier à laquelle nous nous efforcerons de répondre.

Dans quelle mesure la corruption constitue un risque majeur pour les entreprises et quels sont les moyens de lutte que possèdent les firmes pour mener à bien leur action contre ce phénomène ?

Pour ce faire, nous nous pencherons dans une première partie sur la nécessité de mener cette lutte contre la corruption privée. En raison de l'omniprésence de ce phénomène dans les entités, et les répercussions néfastes qu'il engendre, le législateur a été amené à adopter une attitude ferme face à ces comportements. Cependant, comme nous le verrons dans une deuxième partie, la lutte contre la corruption s'entache de difficultés et de carences, qui bien malgré cette volonté de lutte, ternissent et entravent l'appréhension et la répression du délit.

PREMIERE PARTIE : LA NECESSAIRE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION PRIVEE

Dans cette partie, nous étudierons tout d'abord les raisons qui rendent nécessaire la lutte contre la corruption dans les entreprises. Phénomène omniprésent dans les firmes, la corruption a des répercussions véritablement néfastes pour les finances de l'entreprise. Conscient de ce danger permanent, le législateur est intervenu pour poser de nouvelles règles en matière de corruption privée, que nous aborderons dans un second temps.

Première partie : La nécessaire lutte contre la corruption privée

Section 1ère : L'omniprésence du phénomène de corruption dans les entreprises

La nécessité d'adopter des attitudes de lutte contre les pratiques corruptrices vient du fait que ces comportements sont réellement présents dans les entreprises, et qu'ils représentent donc un risque constant pour les firmes (I). D'autre part, les conséquences néfastes de la corruption sur les ressources de l'entreprise, font revêtir à cette lutte, toute sa légitimité (II).

I : La corruption : un risque constant pour l'entreprise

Afin de bien cerner le phénomène de corruption, il convient avant toute chose de procéder à une approche de ces pratiques (A). Nous pourrons ainsi nous apercevoir que l'économie, s'accompagne et s'est toujours accompagnée de pratiques aux bornes de la moralité, destinées à satisfaire l'insatiable envie de profit de l'homme. Ensuite, nous procéderons à un état des lieux des entreprises françaises (B), dans le but de démontrer que la corruption représente bel et bien à l'heure actuelle un risque constant pour les entreprises, et de fait la nécessité d'adopter un comportement de lutte contre ce fléau.

A : Approche du phénomène

Le terme « économie », du grec oikonomia qui signifie « administration de la maison », est souvent défini par les ouvrages classiques comme « la science de la rareté ». Plus précisément, selon Gilles Dryancour12(*), directeur des affaires gouvernementales pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient à la société john Deere, l'économie peut se définir comme « la science qui étudie les mécanismes d'allocation des ressources rares ». Ce dernier nous donne également une définition de ce que l'on appelle « l'économie de marché », qui n'est autre que « le moyen par lequel les ressources rares deviennent abondantes ». L'économie résulterait ainsi inexorablement de l'existence de besoins illimités à satisfaire aussi bien que possible, à l'aide de moyens limités. Afin d'assurer un usage le plus efficient possible des rares moyens de production que sont le travail et le capital, chacun devrait donc adopter à tout moment un comportement rationnel. L' homo oeconomicus se situe ainsi au centre de l'économie, et se doit d'être au service de celle-ci. Cependant, certains auteurs dénoncent le paradigme de cette science économique, déclarant qu'elle ne correspondrait pas à la réalité. En effet, selon Rudy Aernoudt13(*), « le problème de la rareté n'est pas ou plus au coeur de l'économie ». Pour ce dernier, « Au centre de l'économie on trouve l'homme et non pas un simple homo oeconomicus au comportement optimisant. Ce n'est pas l'homme qui est façonné ou remodelé par l'économie, c'est l'économie qui est au service de l'homme ». Pour M. Aernoudt, l'homme aura tendance à en vouloir toujours plus, « repoussant toujours plus loin les limites, les méthodes employées pouvant facilement outrepasser les bornes de la moralité ». L'économie devient alors un moyen pour chacun de satisfaire son intérêt privé, en méconnaissance des règles à respecter. La frontière entre l'illégal et le légal devient par conséquent extrêmement floue, et de là commencent toutes les formes de dérives et de corruptions.

Revenons un instant sur les fondements de nos systèmes monétaires. L'essor de cette économie monétaire est essentiellement dû aux marchands banquiers du quinzième siècle, qui réussirent à poser les bases de cet avènement. Jusqu'alors en effet, ce qui empêchait le développement économique était le fait que les instances ecclésiastiques avaient promulgué, dès le concile de Nicée, au quatrième siècle après JC, l'interdiction du prêt à intérêt14(*). Une nuance fut cependant apportée par Saint Thomas d'Acquin, qui observa qu'un taux d'intérêt modéré était destiné à compenser les inconvénients résultant du prêt ou des avantages concédés ainsi qu'à dédommager le risque de perte du capital. Ce dernier argument appelé « periculum sortis » fut habilement repris par les marchands banquiers qui faisaient figurer dans leur contrat une clause spécifiant que le remboursement interviendrait dans une autre monnaie que celle du prêt. La prohibition du prêt fut donc détournée, permettant de poser les bases de notre économie financière en toute légalité. L'origine de l'économie monétaire n'est donc vraisemblablement pas aussi noble que ce que voudrait nous faire croire la théorie économique. La ruse et l'habileté sont en réalité à la base de cet essor, et notre prospérité actuelle repose sur des bases qui ne sont pas forcément très dignes.

Si l'on s'en tient à ce postulat, on comprend dès lors comment l'économie, dont les fondements reposent sur la ruse des hommes, continue à alimenter leur appât du gain. La corruption constituant un moyen à disposition de l'homme, pour parvenir à de telles fins.

Ce phénomène de corruption est décrit de façon très claire par Alain Etchegoyen15(*), description qui rend bien compte comment l'économie et l'argent, à travers la corruption, sont utilisés par l'homme pour parvenir à assouvir son attrait pour le gain. Pour M.Etchegoyen : « La corruption est une figure de l'échange. L'un prend la place de l'autre pour un instant. L'instant de la décision et l'instant du monnayage ». L'auteur décrit ensuite le processus de corruption en utilisant la symbolique des lettres, A le corrupteur et B le corrompu. « B dispose d'un pouvoir quelconque, fut-il minime. A, par principe, n'a pas ce pouvoir. Il tourne autour de B. Il ne veut pas le pouvoir de B, c'est-à-dire qu'il ne veut pas être B. A veut rester A : principe d'identité. Mais le pouvoir abstrait ne se réalise que dans des moments qu'on nomme les décisions. A ne peut rien contre les décisions de B. Certes, il peut disposer d'un certain nombre de pouvoir dans l'espace social, mais, dans le cas présent, il lui manque ce pouvoir-ci. Ses pouvoirs donnent à A des moyens qu'il a su engranger. B peut se servir de son pouvoir pour engranger à son tour. En conséquence, dans ce cas précis, B voudrait avoir l'argent de A et A voudrait prendre la décision de B. Le vendeur devient acheteur et l'acheteur devient vendeur ». Ce processus de corruption entraîne donc une inversion des rôles, chacun veut jouer à contre emploi, c'est le principe de contradiction. D'après M. Etchegoyen, « toute la corruption repose logiquement sur cette confusion : faire coexister un principe d'identité et un principe de contradiction ». Poursuivant son raisonnement16(*), l'auteur nous démontre ensuite l'engrenage vicieux de ce procédé de corruption, qui gangrène peu à peu tout l'environnement dans lequel il se produit.  « Soit A et B. A désire cette décision dont seul dispose B. Mais A n'est pas seul. A' et A'' sont là qui guettent aussi, tous animés du même désir. Cela se nomme dans un marché, la concurrence. L'enjeu c'est du travail, de l'emploi ou du profit. Quelquefois de la notoriété... ». Par conséquent, on peut dès lors imaginer qu'une entreprise qui ne se soumettrait pas à cette pratique des « pots de vin », se verrait ainsi évincée de l'attribution de marchés, de commandes, de prestations...ce qui engendrerait des conséquences néfastes pour les ressources de l'entreprise.

Après cette approche sommaire du phénomène de la corruption, il s'agit ensuite de procéder à un état des lieux des entreprises françaises, pour constater l'étendue de ces pratiques illicites dans le monde du travail, et de fait la nécessité de lutter contre celles-ci.

B : Etat des lieux des entreprises françaises

Afin de savoir si la lutte contre la corruption au sein de l'entreprise requiert une véritable légitimité, il apparaît nécessaire de se demander si ce phénomène existe effectivement dans les entités. Pour quantifier le niveau de risque de corruption au sein de telle ou telle entité, des études ont été menées par des organismes, nous éclairant ainsi sur la mesure de ce phénomène. Tel est le cas de l'étude réalisée par le département « Fraud Investigations and Dispute Services » (FIDS) d'Ernst & Young17(*). Contrairement aux autres études qui se basent sur des données communiquées par les cadres dirigeants, celle-ci s'appuie essentiellement sur la perception des salariés vis-à-vis de la fraude, les pots de vin et la corruption. Outre cette originalité, l'évaluation a pour mérite de comparer les résultats de la France au reste de l'Europe, nous donnant ainsi une vision élargie du phénomène. A titre d'exemple, à la question « En 2006 s'est il produit un cas de fraude, de corruption ou de pots de vin dans ma société ? » un quart des salariés interrogés confirment l'existence de suspicion de fraude dans leur société. Cette moyenne est légèrement plus élevée que la moyenne Européenne. Les salariés français estiment donc que leur entreprise est particulièrement exposée au risque de corruption. Cette vision des salariés doit être pris au sérieux, car ces salariés, qui représentent la matière première de l'entreprise en terme de production, sont peut être les plus aptes à déceler les différentes fraudes se produisant dans leur structure.

Une autre étude méritant notre attention est celle effectuée par EthiFrance et Transparence International France18(*). Ethifrance est une société anonyme qui a acquis le statut d'agence indépendante d'analyses financières spécialisée dans l'évaluation de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) pour les investisseurs. Cette société s'est associée à la section française de Transparency International, dans le but de réaliser un bilan sur les politiques et procédures anticorruption de grandes entreprises françaises. Cette étude se base sur l'exploitation d'un questionnaire adressé aux entreprises de l'indice SBF 12019(*). Nous noterons cependant la faible implication de la plupart des sociétés dans cette initiative, une vingtaine d'entres elles seulement ayant renvoyé une réponse. Ces vingt réponses ont donc fait l'objet d'une synthèse qui peut être résumée comme suit :

· « 50 % des entreprises qui ont répondu ont eu à gérer des problèmes de corruption ;

· 58 % des entreprises du panel citent la fonction achat comme étant la plus particulièrement exposée ;

· 37,5 % des entreprises indiquent avoir fait l'objet de tentatives d'extorsions dans certains pays - 29 % en Asie, 21 % en Afrique, 17 % en Amérique du Sud et Europe de l'Est ;

· 58 % des entreprises du panel indiquent avoir mis en place un dispositif d'alerte ;

· 58 % du panel disent ne pas être concernées par les centres off-shore ;

· 50 % des entreprises du panel considèrent que la corruption est un risque susceptible d'avoir des conséquences financières significatives ».

De par cette synthèse, on constate que les entreprises sont confrontées à ce risque de corruption, active ou passive, dans l'exercice de leur activité commerciale. Pour se prémunir de ce risque omniprésent, ces firmes ont dans « 92 % » des cas, formalisé une politique anti-corruption. Autre preuve de bonne volonté des entreprises, 92 % d'entres elles sont signataires du Pacte Mondial des Nations Unies. Point négatif en revanche, seulement 29 % envisageaient de publier en 2006, une bonne pratique illustrant son 10ème principe.

D'autre part, une évaluation qui dépasse le seul secteur de la corruption a été effectuée par la société PricewaterhouseCoopers20(*). Cette étude conclut à une augmentation de la fraude dans le monde. Plus précisément, il ressort de cette enquête que près d'une entreprise française interrogée sur deux21(*) déclare avoir subi des actes de criminalité au cours des deux dernières années, étant précisé que le terme fraude englobe des infractions non habituellement recensées sous la rubrique « corruption ». Au rang des fraudes les plus fréquentes réside le détournement, la contrefaçon, l'usage de faux et l'escroquerie...la corruption n'arrive, elle, qu'en 4ème position en comptabilisant 17 % de taux de fréquence. Cette moyenne reste toutefois supérieure à la moyenne européenne qui se situe aux alentours de 14 %. En outre, le rapport souligne qu'aucun secteur n'est épargné par ces différentes fraudes, mais que celles-ci sont plus répandues dans les grandes entreprises, du fait du sentiment d'anonymat engendré par le nombre élevé d'employés. De plus, l'enquête soulève un point relativement inquiétant, à savoir le fait que le risque de fraude semble sous-estimé par les sociétés. En effet, 58 % des entreprises françaises interrogées pensent qu'elles ne vont probablement pas subir de fraude dans les cinq années à venir, alors que seulement 20 % estiment que le risque de survenance est probable. Cet argumentaire qui consiste à affirmer que son entreprise n'est pas exposée au risque de corruption nous amène à nous interroger sur la réelle volonté de ces sociétés à lutter contre ce phénomène. En effet, pourquoi une entreprise lutterait contre la corruption, alors même qu'elle ne s'estime pas exposée à ce risque ? Pourtant, soutenir une argumentation de la sorte c'est se mettre en marge de la réalité, car cela revient à nier les risques quotidiens auxquels est soumis l'entreprise. La grande question alors est de savoir pourquoi une société peut tenir de tel propos, s'estimant « hors d'atteinte », alors qu'il en va tout autrement.

Enfin, nous évoquerons l'étude réalisée par les cabinets Control Risks et Simons & Simons22(*). D'après cette enquête, il apparaît que « 43 % des sociétés interrogées affirment avoir été victimes de corruption. Plus de trois quarts affirment avoir perdu des contrats en raison de la corruption au cours des cinq dernières années et un tiers des personnes interrogées estiment que la situation va s'empirer23(*) ». Ces résultats s'appuient sur une consultation réalisée auprès de 350 sociétés issues de sept pays - Allemagne, Brésil, Etats-Unis, France, Chine, Pays-Bas, Royaume-Uni. L'enquête ajoute que 10 % des entreprises interrogées témoignent que le montant des pots de vin peut représenter jusqu'à la moitié de la valeur du contrat. Plus inquiétant pour le développement des pays pauvres, plus de 35 % des entreprises interrogées disent avoir été découragées d'investir dans des pays pâtissant d'une mauvaise réputation. Autre élément alarmant, seul 24 % des entreprises françaises forment leurs cadres à la prévention de la corruption. En outre, l'enquête précise qu'une entreprise française sur trois a perdu un marché au cours des douze derniers mois en raison du refus de versements d'une commission illicite. Cette dernière donnée démontre bien une des conséquences négatives de la corruption, à savoir une perte économique, en l'espèce du fait de la non attribution d'un marché en raison du refus de rentrer dans le cercle vicieux des pratiques corruptrices.

A la vue de tous ces éléments, force est de constater que le risque de corruption est véritablement présent au sein des entreprises françaises. En effet, pratiquement toutes les études citées font ressortir le fait que la plupart des sociétés - environ 50 % - ont été confrontées directement au phénomène de corruption. Les salariés, qui tiennent une place de premier rang pour constater les fraudes, déclarent également pour un quart d'entre eux des suspicions de fraude dans leur entité. Il faut regretter cependant la réticence de certains grands groupes à répondre à ce genre d'initiative privée qui tendent à mesurer l'ampleur de la corruption. Pour preuve, seul 20 entreprises sur 120 ont répondu au questionnaire envoyé par EthiFrance et Transparency International France. Cette faible participation peut faire penser que les entreprises non communicantes, usent de méthodes à la limite de l'illégalité, et qu'il convient par conséquent de les taire. Ce n'est toutefois que supposition, et l'inexistence de données concernant ces firmes silencieuses ne doit pas être interprétée comme une présomption de culpabilité à leur encontre. Hormis cela, ces différentes études démontrent que le risque de corruption existe bien aussi bien dans les entreprises étrangères que Françaises. Même sous estimé par les principaux acteurs, ce phénomène reste une menace constante pour les firmes. Chaque société peut être confrontée à ce danger, ce qui à terme peut s'avérer véritablement néfaste pour les ressources de l'entité. De cette omniprésence de la corruption dans l'environnement des entreprises doit émaner une conscience collective, une réelle volonté de lutte contre ce phénomène. Et cette volonté devient d'autant plus grande, lorsqu'on s'aperçoit des conséquences extrêmement préjudiciables que cette corruption engendre, non seulement sur l'entreprise, mais aussi sur les sociétés et les hommes.

II : Conséquences de la corruption

Nonobstant le fait que la légitimité de la lutte contre la corruption ne soit pas à remettre en cause, nombreux sont ceux qui croient que ce phénomène peut aider à graisser les rouages d'une économie lente et sur-régulée. Certaines théories poussant le libéralisme à l'excès, affirment en effet que la corruption est un mal nécessaire permettant à l'économie de prospérer. Il convient donc d'étudier dans un premier temps l'approche qui tend à affirmer que ces pratiques corruptrices sont bénéfiques à notre économie dans une certaine mesure (A). Ensuite, nous nous pencherons sur l'ampleur et les coûts de la corruption, afin de bien appréhender les effets néfastes de ce phénomène sur nos sociétés modernes (B).

A : « Bienfaits » de la corruption.

Un certain courant de pensée s'accorde à dire que la corruption, outre les effets néfastes qu'elle engendrerait, serait un vecteur de richesse, de croissance et d'emploi. En effet, la connotation négative de la corruption a fait que les hommes se sont penchés essentiellement sur l'étude des coûts de ce phénomène. En revanche, l'étude des bienfaits de la corruption - si bienfaits il y a - n'est que très rarement abordée dans les manuels. Or, il apparaît nécessaire pour bien appréhender ce phénomène, de s'interroger sur les éventuels bénéfices que l'on peut tirer de cet acte illégal. L'on peut légitimement parler de bénéfice, car la personne qui pratique cette corruption, tire un avantage à la pratiquer. Mais l'étendue du problème ne réside pas seulement dans les avantages qu'une personne trouve à pratiquer la corruption. Il s'agit de savoir ici quel est l'impact macro-économique de la corruption sur l'économie. La question de la morale doit donc être laissée de côté pour cette analyse des bienfaits de ce phénomène.

Rudy Aernoudt24(*) reprenant la fable des abeilles de Mandeville25(*) démontre à quel point cette histoire qui au départ n'est qu'affabulation, a de plus en plus tendance à devenir réalité. D'après Mandeville, il n'existe pas seulement un rapport entre corruption et croissance économique. L'auteur soutient en effet que si la corruption n'était plus possible, l'économie dans son ensemble s'effondrerait. L'idée centrale de cette fable est que « le monde des abeilles consiste en un essaim d'individus qui tous recherchent leur propre avantage, sans reculer devant des pratiques douteuses. Les abeilles vivaient dans l'opulence. De grands projets de construction flattaient leur vanité et il était bien vu de fréquenter les bars. On pourrait résumer l'état de cette société en disant que chaque partie était pourrie mais que l'ensemble était un paradis. Le Dieu suprême Jupiter...en eut assez de ces pratiques douteuses et voulut faire le ménage - une opération mains propres en quelque sorte. Le Dieu décida de nettoyer la ruche de toute trace de corruption. La tromperie fit place à l'honnêteté, la parcimonie et la sobriété furent mises à l'honneur. Il n'y avait plus de place pour des sentiments tels que la vanité. Personne ne s'évertuait plus en ce sens. La quête de richesses ne faisait plus d'adeptes. Les bars furent fermés, faute de clients, et le marché de la construction s'effondra, faute de moyens financiers. L'artisanat dépérit et les tisserands n'eurent plus de travail ». La référence à une fable peut certes paraître fortuite et illusoire. Mais le sens d'une fable n'est-il pas d'évoquer métaphoriquement une réalité plus profonde ?

De plus, diverses analyses économiques soutiennent la position défendue dans la fable, à savoir que la corruption stimule la croissance. La corruption est alors comparée à l'huile qu'il faut injecter dans les rouages d'un système défaillant, afin de réguler, d'équilibrer le marché et toutes les transactions. Dans son ouvrage intitulé « Political order in Changing Societies », l'économiste libéral Samuel Huntington26(*) écrit qu'« en termes de croissance économique, ce qu'il y a de pire qu'une société centralisée, démocratique et corrompue, c'est une société centralisée, démocratique et honnête ». Cette vision extrême du phénomène de corruption, énoncée par son auteur aux alentours des années 1970, rejoint le courant de pensée qui tend à affirmer que la politique du « laisser-faire » est de loin la plus bénéfique pour l'économie.

Pour Hervé Magnouloux, la corruption peut effectivement servir de lubrifiant à certaines économies sous développées, et permettre ainsi de retrouver une certaine souplesse. D'après cet auteur, « Les pots-de-vin jouent alors des fonctions de « speed money », c'est-à-dire qu'ils permettent d'accélérer des processus de décisions. Les résultats économiques sont ainsi obtenus en « accéléré » et avec des possibilités d'ajustement aux intentions initiales des agents meilleures27(*) ».

Ainsi, les tenants de la thèse des bienfaits de la corruption font partie d'un courant ultra libéral, tendant à affirmer les conséquences positives du « laisser faire » sur les marchés. La seule loi respectable devient alors la loi de la satisfaction personnelle, dans le but d'une satisfaction générale. Mais la réalité est tout autre, et les coûts réels qu'engendrent la corruption démontrent à quel point l'économie est gangrenée par ce phénomène.

B : Coûts et ampleur de la corruption

Phénomène par définition secret, force est de constater qu'il est délicat de mesurer précisément l'ampleur et les conséquences de la corruption. Du fait de ce caractère secret, un postulat s'impose : les chiffres avancés pour mesurer l'ampleur du phénomène sont forcément en deçà de la réalité. Aucun indice, aucune étude ne peut en effet prétendre à une exhaustivité concernant le montant de la corruption. Cependant, certaines évaluations en la matière peuvent nous éclairer quelque peu sur ces pratiques, évaluations qui démontrent bien l'omniprésence de ces pratiques, et de fait, la légitimité et la nécessité de lutter contre ces actes.

D'après la Banque Mondiale28(*), plus d'un trillion de dollars - mille milliards de dollars - se perd chaque année sous forme de pots de vin. Daniel Kaufmann, directeur du programme gouvernance précise que ce chiffre de un trillion de dollars englobe tous les paiements illicites dans le monde, ceux des pays riches et ceux des pays en développement. Ce chiffre de un trillion de dollars a été calculé sur la base des données économiques 2001-2002, qui donnaient à l'économie mondiale une taille d'environ trente trillions de dollars. De façon plus précise, Jean de Maillard29(*) estime le « produit criminel brut », autrement dit le chiffre d'affaires mondial de l'ensemble des activités illicites des organisations criminelles, à environ 800 milliards de dollars. Selon lui, « la moitié de ce montant - 400 milliards - pourrait concerner le trafic de drogue, 180 servent à rétribuer les trafiquants et professionnels de la société légale et en laissent 120 aux mains des organisations criminelles qui ont à les recycler ». Le montant de la corruption serait donc estimé par ce magistrat à près de 200 milliards de dollars. De son côté, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), déclarait en 1998 que le volume des opérations de blanchiment représentait probablement entre 2% et 5% du PIB mondial. L'infraction d'origine du délit de blanchiment pouvant être une infraction de corruption, l'estimation du FMI englobe donc ces pratiques corruptrices. Mais ces évaluations datant de quelques années, on peut légitimement imaginer que ces chiffres ont à l'heure actuelle, fortement augmenté.

Ces sommes colossales sont donc parties intégrante de notre système monétaire, et représentent une véritable menace pour les Etats de droit. Certaines études vont même jusqu'à affirmer que notre système monétaire ne peut se maintenir que grâce aux fruits de la corruption, à savoir les narcodollars. Pour M. Sauloy et M. Le Bonniec, ces dollars qui proviennent du commerce de la drogue et de produits connexes, seraient le régulateur nécessaire du système monétaire. Selon ces auteurs « Les trafiquants de drogue, les policiers corrompus et les banquiers se livrant au blanchiment maintiennent en vie le système monétaire30(*) ». La corruption apparaîtrait alors comme un carburant nécessaire à notre économie, et son éradication aurait alors des répercussions économiques non négligeables.

D'autre part, il existe plusieurs entreprises, organisations, qui, sur la base « d'indices » ou de sondages, tentent d'évaluer les proportions et l'étendue de ce fléau. Tel est le cas des maintenant très célèbre « indice de perception de la corruption » ou de « l'indice de corruption des pays exportateurs » réalisés par l'organisation non gouvernementale (ONG) Transparency International. Depuis 1995, chaque année cette ONG publie son indice de perception de la corruption31(*), pointant du doigt les pays dans lesquels la corruption est la plus répandue, ou les pays qui n'adoptent pas de mesures nécessaires à la lutte contre ce fléau. Cet indice vise à fournir des informations précises sur les perceptions de la corruption à l'échelle nationale. En résumé, l'indice de perception de la corruption (IPC) nous donne une vision globale à l'échelle internationale, des tendances observées pour chaque pays. Selon l'IPC de 2005, au premier rang des pays les plus « propres » réside l'Islande, avec un taux de 9.7 sur une échelle de 10. En revanche, le pays le moins propre serait le Tchad avec un taux de 1.7. Quant à la France, malgré les efforts déployés pour lutter contre ce mal, elle se situe à la 18ème place, avec une moyenne de 7.5. L'IPC démontre ainsi que la France est encore exposée à ce risque de corruption, et que ces pratiques illégales restent relativement ancrées dans les moeurs de notre pays.

Pour combler certaines lacunes de cet IPC32(*), Transparency International a élaboré un indice de propension à corrompre ou « indice de corruption des pays exportateurs » (IPCE). Apparu pour la première fois en 1999, puis en 2002, ce dernier évaluateur classe les plus grands pays exportateurs - une vingtaine - selon l'inclination de leurs compagnies à verser des pots-de-vin lorsqu'elles opèrent à l'étranger. Il ressort de cette étude qu'aucune entreprise n'est exempte de corruption active. Pour preuve le classement alarmant de la France dans L'IPCE de 2002 : avec une moyenne de 5,5 sur une échelle de 10, la France se situe au douzième rang de l'indice, notre pays ne devançant en Europe que l'Italie. Pour compléter ce dispositif, qui se résume à des questions posées à certains professionnels des pays concernés, TI a affiner ses recherches en se penchant sur la mesure de la corruption par secteur. Ainsi, les secteurs les plus touchés par la corruption en 2002 sont respectivement, la défense, l'armement, le BTP, l'immobilier ou les télécommunications.

A côté de ces études classiques sont apparues d'autres études destinées à parfaire l'approche du phénomène. Au rang des ces études nous pouvons citer en autre celle de la Banque Mondiale, réalisée entre fin 1998 et 2000 dans le cadre du World Business Environnement Survey, et portant exclusivement sur la question du poids de la corruption pour les entreprises. Il s'agissait d'une enquête auprès de 10 090 entreprises des divers continents concernant la fréquence et le poids des paiements irréguliers qu'elles sont amenées à faire. Il en ressort que les petites entreprises payent à la corruption un tribut plus lourd que les grandes. Conséquemment, le chiffre d'affaire de ces firmes se voit ponctionné par ces paiements irréguliers, nuisant à leur expansion économique.

Sur ce dernier point, à savoir les répercussions de la corruption pour l'entreprise, des enquêtes ont également été menées, pour bien cerner l'impact de ce phénomène sur ces organisations. Reprenons la distinction communément admise entre corruption publique et corruption privée. Celle-ci repose essentiellement sur le fait qu'il existe, entre ces deux genres de corruption, une différenciation entre les divers intervenants. Dès lors, on parle de corruption publique lorsque intervient un agent public. On parlera de corruption privée lorsque les protagonistes sont deux personnes privées, ou plus précisément n'exercent pas une fonction publique33(*). Cette distinction joue également sur les conséquences de la corruption publique ou privée qui, bien que très proches, diffèrent quelque peu. Ainsi, en matière de corruption publique, les coûts avancés sont que cette corruption « érode les principes qui régissent l'Etat de droit, mine la légitimité des gouvernements ainsi que l'efficacité et la crédibilité des institutions publiques, rend la justice inopérante et créée un climat d'insécurité susceptible de porter atteinte à la stabilité politique de certains pays34(*) ».

Les conséquences de la corruption privée peuvent de manière certaine influer indirectement sur l'Etat de droit et les institutions publiques. Mais décrédibilisant l'image et la réputation de l'entreprise, cette corruption toucherait davantage les ressources propres de l'entreprise, ce qui à terme, pourrait s'avérer véritablement nuisible pour elle-même, mais également pour son environnement.

John Sullivan et Aleksandr Shkolnikov35(*) se sont penchés sur les méfaits de la corruption, et il ressort de leurs travaux36(*) que ce phénomène a un coût. En effet, les conséquences de la corruption pour l'entreprise pourrait être synthétisées comme suit :

- la corruption serait responsable de la mauvaise répartition des ressources. Ces ressources qui seraient normalement consacrées à la production de biens et de services servent souvent à corrompre. Sont concernés les ressources tant directes - les flux financiers - qu'indirectes, par exemple le fait d'octroyer une licence d'exploitation ou de production à une entreprise moins efficiente.

- la corruption diminuerait les investissements. Ces deux auteurs déclarent que les investisseurs finissent toujours par éviter les environnements où la corruption est endémique parce qu'elle accroît la rançon des affaires et qu'elle sape la primauté du droit.

- la corruption porterait également atteinte à la concurrence et à l'efficience. L'exigence de pots de vin dans l'attribution d'un contrat, d'une prestation, réduit le nombre d'entreprises capables de pénétrer sur le marché, créant ainsi un environnement qui repose sur une maximisation de la rente. Cette maximisation de la rente déboucherait sur la fabrication de produits de faible qualité, d'où une baisse de l'efficacité, de la productivité et de la compétitivité. Au bout du compte, le manque de concurrence nuit au consommateur, qui reçoit des produits de moins bonne qualité, tout en les payant plus cher.

- la corruption accroît le coût des affaires. Ces auteurs affirment que le temps et l'argent consacrés à obtenir les faveurs des corrompus et à la navigation au travers de règlements complexes accroissent les coûts des transactions commerciales. Jouant le rôle d'une taxe sur les affaires, les conséquences se répercutent une fois encore sur le consommateur, qui subit à la fois la hausse des prix, mais aussi la baisse de la qualité des produits.

- la corruption diminue le taux de croissance. Du fait du coût élevé des sommes corruptrices, les petites entreprises sont plus touchées par ces pratiques. Evoluant dans un environnement hautement concurrentiel, il sera difficile pour ces firmes en développement de répercuter les coûts sur le consommateur. Ces entreprises qui sont le moteur principal de l'économie, ont alors du mal à survivre dans ce contexte vicié. L'emploi dans le secteur privé est également touché, du fait que les petites sociétés, ayant du mal à survivre, en ont encore plus pour s'agrandir et créer des emplois.

Au regard de l'ampleur et des conséquences de la corruption, il est apparu nécessaire d'adopter une attitude ferme et radicale dans le but de lutter au mieux contre ces pratiques illicites. Conscient de l'omniprésence du phénomène de corruption dans les entreprises, et des conséquences néfastes qu'il engendre, le législateur est intervenu afin de poser de nouvelles bases juridiques en la matière. Ainsi, selon Christian Curtil : « Le délit de corruption est entré dans le champ du droit des affaires des entreprises commerciales : deux nouveaux délits ont été ajoutés au Code pénal par une loi du 4 juillet 2005 afin de permettre la répression de la corruption active et passive dans le privé37(*) ». Il convient donc d'étudier ce nouveau dispositif législatif spécifique à la corruption privée, ce qui permettra d'apercevoir l'apport considérable de la loi de 2005.

Section 2ème : Un dispositif législatif exhaustif de lutte contre la corruption privée

A contrario de l'incrimination de corruption publique, apparue très tôt en droit pénal français38(*), l'infraction de corruption privée n'est, quant à elle, apparue que très tardivement. En effet, il a fallu attendre la loi du 19 février 1919, qui venait alors compléter les dispositions des articles 177 et 179 du Code pénal de 1810, articles qui ne prévoyaient que la corruption publique. Ladite loi de 1919 restant toutefois insuffisante, car seuls les employés d'entreprises privées étaient visés. Nonobstant deux modifications39(*), cette carence législative perdurera jusqu'à la loi du 4 juillet 200540(*) dont l'article 2 est venu ajouter un chapitre V au livre IV du Code pénal de 1992 intitulée « de la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique ». Cette loi est le résultat de la transposition de la décision cadre du 22 juillet 2003 émanant du conseil de l'Union Européenne41(*). L'apport non négligeable de cette loi mérite donc toute notre attention, et il s'agira d'étudier celui-ci à travers les éléments constitutifs du délit de corruption privée. Pour cela, nous envisagerons dans un premier temps de nous pencher sur les éléments constitutifs de cette infraction (I), avec d'une part les éléments spécifiques aux deux délits, et d'autre part les éléments communs. Ensuite, nous évoquerons les modalités de répression, pour là encore, entrevoir les changements bénéfiques que le législateur de 2005 a entendu apporter à cette infraction (II).

I : Eléments constitutifs des délits de corruption privée active et passive

L'infraction de corruption privée, à l'instar de toutes les autres infractions, se doit pour être établie, de regrouper différents éléments constitutifs. Du fait de la différenciation du législateur entre corruption active et passive, chaque protagoniste se voit appliquer un délit spécifique. Le corrupteur sera poursuivi pour corruption privée active et le corrompu pour corruption privée passive. Ainsi, les infractions de corruption privée active et passive connaissent des spécificités propres à chacune d'elles (A), mais ces délits connaissent également des similarités dans leur application (B). Il s'agira donc d'étudier ces particularités inhérentes à l'infraction de corruption privée.

A : Eléments spécifiques à chacun des délits42(*)

1/ Concernant la qualité des personnes

· La qualité indifférente du corrupteur

Le délit de corruption privée active constitue la qualification pénale de l'infraction commise par le corrupteur. Les dispositions de l'article 445-1 du Code pénal n'imposant aucune qualité particulière pour la personne du corrupteur, ce dernier peut être aussi bien une personne physique, qu'une personne morale. La possibilité pour une personne morale d'être poursuivie en tant que corrupteur est une hypothèse nouvellement prévue par l'article 445-4 du même Code. La mise en oeuvre de cette responsabilité s'effectuera dans les conditions prévues par l'article 121-243(*) du Code pénal. Le législateur en n'exigeant pas de qualité particulière pour la personne du corrupteur, élargit considérablement le champ d'application du délit, de telle sorte que toute personne physique ou morale peut voir sa responsabilité engagée du chef de corruption privée.

· La qualité requise pour le corrompu

Contrairement à la personne corruptrice, pour laquelle aucune qualité particulière n'est requise, le corrompu lui, doit remplir certaines conditions. Selon l'article 445-1 du Code pénal, la personne corrompue, personne physique ou morale, se définit comme celle qui « sans être dépositaire d'un service public ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque ». Il résulte de cette définition, que le législateur a voulu ériger, pour qu'une personne soit responsable de corruption privée passive, deux exigences cumulatives :

- une exigence négative, qui réside dans l'absence de possession de la qualité d'agent public.

En effet, le corrompu ne doit ni exercer une fonction publique, ni être dépositaire de l'autorité publique, ni être chargé d'une mission de service public. Ces trois critères étant alors exigés pour qualifier l'infraction de corruption publique.

- une exigence positive, qui réside dans l'appartenance de l'activité de l'agent dans le secteur privé. Dans le cadre de la corruption passive, la personne corrompue est celle qui « exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque » selon les dispositions des articles 445-1 et 2 du Code pénal. Concernant le cadre de l'activité, la convention pénale du Conseil de l'Europe ne prévoyait seulement que les actes de corruption active ou passive n'étaient rattachables au secteur privé dès lors qu'ils se situaient « dans le cadre d'une activité commerciale44(*) ». Cette disposition excluait donc du champ d'application, toutes les activités à but non lucratif. En revanche, l'article 2§1 de la décision cadre du 22 juillet 2003 outrepasse le critère « d'activité commerciale », pour étendre le cadre à toutes « activités professionnelles ». Le législateur français, soucieux de se mettre en conformité avec les exigences communautaires, a adopté une solution alternative qui réside actuellement dans les articles 445-1 et 2 et qui vise une « activité professionnelle ou sociale ». Cela permet de prendre en considération aussi bien l'activité exercée dans une entreprise privée, que celle exercée au sein d'une association, mais également dans un syndicat. Les activités exercées à but non lucratif entrent ainsi dans le domaine d'application de l'infraction.

D'autre part, les articles 445-1 et 2 du Code pénal exigent que le sujet passif de la corruption exerce « une fonction de direction ou de travail ». Avant l'adoption de la loi de juillet 2005, il était nécessaire de prouver l'existence d'un lien de subordination entre le sujet passif des manoeuvres corruptrices et son employeur. Désormais cette restriction n'a plus lieu d'être, et le lien de subordination devient donc indifférent. Notons sur ce point que la décision cadre du 22 juillet 2003 imposait déjà « l'incrimination de l'ensemble des faits de corruption commis dans le secteur privé et pas seulement la corruption des salariés ». On comprend dès lors pourquoi le législateur français a étendu la qualité d'agent corrompu à toute fonction de direction, salariée ou non salariée et à tout travail indépendant.

2/ Caractéristiques légales de la corruption active

L'article 445-1 du Code pénal n'associe au fait de corrompre, que le fait de proposer ou le fait de céder à une sollicitation, ou le fait d'octroyer un avantage indu. Ces moyens ont donc un caractère essentiellement pécuniaire45(*), admis au sens large par la jurisprudence. Concernant le fait de proposer, le simple fait d'adresser une proposition de nature corruptrice suffit à consommer le délit de corruption privée active. Peu importe si la proposition a été agrée ou pas par l'agent qui en est le destinataire. Peu importe également que le corrupteur se rétracte ou retire sa proposition corruptrice. En ce qui concerne le fait de céder à une sollicitation, cette dernière doit également être de nature corruptrice. Par conséquent, sera qualifiée de corruptrice, toute sollicitation dont la formulation s'accompagne, de la part du corrompu, de l'attente d'une contrepartie, sous la forme de l'obtention d'un avantage indu. Enfin, sur le fait d'octroyer un avantage indu, force est de constater que le législateur n'a pas assimilé expressément le fait de corrompre au fait de donner un avantage. L'article 445-1 énonce en effet que la corruption n'est définie que par le fait de « proposer » ou le « fait de céder ». Nonobstant ce défaut d'expression46(*), la jurisprudence est venue réaffirmer à propos de la corruption publique active que « le délit de corruption, consommé dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu, se renouvelle à chaque exécution dudit pacte47(*) ». Il faut donc en déduire que la conclusion du pacte corrupteur et l'octroi d'un avantage indu sont deux faits distincts qui doivent s'analyser en deux délits successifs.

3/ Caractéristiques légales de la corruption passive

Selon les termes du législateur, le fait d'être corrompu désigne le fait de solliciter, d'agréer ou de recevoir un avantage indu. Il convient donc de se pencher sur ces trois critères qui constituent l'infraction de corruption passive. En ce qui concerne le fait d'adresser une sollicitation de nature corruptrice. Ce critère est défini pareillement que pour la corruption privée active, à savoir que la sollicitation est qualifiée de corruptrice lorsque sa formulation s'accompagne, de la part du corrompu, de l'attente d'une contrepartie ou se révèle liée à l'obtention d'une contrepartie, sous la forme de l'obtention d'un avantage indu. Rappelons à cet égard que la simple sollicitation de nature corruptrice suffit à consommer le délit de corruption privée passive, et qu'il importe peu que le corrompu rétracte sa demande. Concernant ensuite le fait d'agréer une proposition de nature corruptrice. Là encore, les contours de ce critère sont identiques au fait d'agréer une proposition pour le corrupteur. Le fait que le corrompu qui a agrée une telle demande, ne puisse ou renonce à accomplir où à s'abstenir d'accomplir un acte de son activité est donc indifférent. La non exécution du pacte de corruption par le corrupteur est également de nul effet sur la qualification et les poursuites susceptibles d'être engagées. Enfin, concernant la réception d'un avantage indu, il faut noter que l'article 445-2 n'incrimine pas expressément le fait de recevoir un tel avantage. Il est simplement fait référence à cet agrément qui peut alors avoir pour objet non seulement des « offres » ou des « promesses » mais également des « dons » et des « présents ». De plus, la simple réception de l'avantage indu suffit à consommer le délit de corruption privée passive. Il suffit donc que le corrompu ait reçu un avantage indu en exécution d'un pacte de corruption.

Comme nous venons de le voir, il existe en matière de corruption privée, des spécificités applicables en fonction du rôle de la personne. La qualité de la personne corruptrice importe peu, tandis que la personne corrompue doit répondre à certains critères légaux. Mais en parallèle à ces spécificités, existent des éléments communs qui jouent tout aussi bien pour le corrupteur que pour le corrompu.

B : Eléments communs aux deux délits

1/ Les moyens de la corruption

Selon les articles 445-1 et 445-2 du Code pénal, il résulte que les offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques doivent avoir été proposé ou octroyé - corruption active - sollicités ou agrées - corruption passive - pour obtenir ou avoir obtenu l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte relevant de la fonction de l'agent corrompu. Une jurisprudence constante affirme que cet accomplissement ou non accomplissement de l'acte relevant de la fonction de l'agent doit avoir été déterminé par la contrepartie corruptrice. Il doit donc exister un nécessaire lien de causalité entre l'acte de l'agent et la contrepartie corruptrice. Le législateur a ainsi érigé en condition, l'existence de ce lien de causalité, condition qui permet de qualifier le délit de corruption privée. Cependant, en ce qui concerne les moyens mêmes de la corruption, la loi n'est pas venu poser de conditions strictes sur ces derniers, on parle alors du principe de l'indifférence des moyens de corruption. Ce principe est toutefois à relativiser, car en fonction des moyens employés, la qualification pénale sera différente. Tel est le cas lorsque l'agent corrompu cède à des sollicitations émanant d'un tiers à raison de la violence, de la menace de violence ou de la contrainte. Dans cette configuration, l'agent sera considéré comme victime et non comme corrompu, et la poursuite de l'initiateur de l'acte s'effectuera sur le chef du délit d'extorsion ou de chantage, et non pas sur celui de corruption privée active.

D'autre part, il est à noter que la nouvelle rédaction des articles 445-1 et 445-2 fait expressément référence à des avantages « quelconques ». Par conséquent, la contrepartie corruptrice sera constituée non seulement par l'obtention d'un bénéfice, mais également par l'obtention d'une économie. Le cadre juridique de la corruption privée et donc plus largement défini, permettant de retenir cette qualification même à défaut d'enrichissement. La notion d'enrichissement de l'agent devient donc indifférente, ce qui laisse à l'organe poursuivant une plus grande marge de manoeuvre. A titre d'exemple, peuvent constituer des avantages quelconques, le don d'une somme d'argent en espèces, des présents en nature48(*), l'offre de participation dans une société49(*), la promesse d'améliorer la situation professionnelle de l'intéressé50(*) ou d'augmenter son salaire51(*)...

De plus, en ce qui concerne des sommes issues de fonds sociaux, la jurisprudence a depuis fort longtemps admis que l'utilisation de tels fonds qui serviraient à corrompre autrui est constitutive du délit d'abus de bien sociaux et non pas de celui de corruption privée. Malgré le fait que cette problématique ne soit pas encore intervenue devant les tribunaux en matière de corruption privée, tout prête à croire que la solution précitée sera envisagée en vertu des décisions antérieures rendues sur cette question. D'autre part, la loi du 4 juillet 2005 qui énonce que les avantages perçus peuvent être des avantages « quelconques », ouvre également un large champ d'application au délit de corruption privée. De ce fait, les moyens générateurs de la corruption seront aussi bien des avantages patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux. Il est donc désormais possible de prendre en compte tout avantage subjectif afin de soulever la qualification de corruption privée. Tout échappatoire consistant à déclarer que la contrepartie corruptrice réside dans un avantage subjectif, et donc ne tombe pas sous la qualification de corruption privée devra être écarté, et on imagine bien les répercussions positives apportées par la nouvelle loi en terme de répression.

De plus, comme nous l'avons dit auparavant, en matière de corruption privée, l'absence d'enrichissement personnel est indifférente à la qualification pénale de ce délit. Ainsi, il importe peut que l'agent corrompu soit ou non le destinataire exclusif de la contrepartie corruptrice52(*). De nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, cette contrepartie corruptrice peut être indifféremment destinée à la satisfaction de la personne corrompue ou à la satisfaction tout entière ou partielle d'une tierce personne, qui fait alors figure de receleur53(*).

2/ Pacte corrupteur et finalités de la corruption

Le pacte corrupteur tend à obtenir que le corrompu accomplisse ou n'accomplisse pas un acte de sa fonction en contrepartie des versements effectués par le corrupteur. Pour se faire, le corrupteur emploiera différents modes opératoires dans le but d'obtenir un instant, le pouvoir de décision du corrompu. Concernant ce modus operandi, le législateur exigeait dans un premier temps le caractère occulte de la transaction. L'article L.152-6 du Code du travail énonçait que les faits de corruption devaient avoir été commis « à l'insu et sans l'autorisation de son employeur ». Depuis la loi de juillet 2005 cette exigence a disparu, la France entrant ainsi en conformité avec la décision cadre du conseil de l'Union Européenne. De plus, les articles 445-1 et 2 du Code pénal assimilant le fait de corrompre et d'être corrompu « directement ou indirectement », le mode de formulation de la proposition ou de la sollicitation de nature corruptrice ainsi que le mode de conclusion et d'exécution du pacte importent peu. Par conséquent, que les protagonistes du pacte agissent directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, n'aura aucune incidence sur la qualification pénale, et les auteurs se verront poursuivre pour corruption privée. Le législateur a donc posé le principe de l'indifférence des modes opératoires, laissant une fois encore une marge de manoeuvre plus grande pour les organes poursuivants.

D'autre part, il est une question qui a longtemps fait polémique au sein des institutions judiciaires, à savoir la question de l'antériorité du pacte corrupteur. En effet, le Code pénal exigeait pour la corruption dans le secteur public que « la proposition, la sollicitation ou l'agrément d'une contrepartie soit antérieur aux actes à accomplir ou à la renonciation à agir54(*) ». Une jurisprudence constante estimait de fait que les délits de corruption - publique ou privée - n'étaient caractérisés que si la convention passée par le corrupteur ou le corrompu avait précédé l'acte ou l'abstention qu'elle avait pour objet de rémunérer. D'où le caractère paradoxal de cette situation : la personne qui, après avoir accompli ou s'être abstenu d'accomplir un acte de sa fonction sollicitait ou agréait un avantage indu était prétendue à une impunité certaine. En revanche, pas d'impunité pour celui qui sollicitait ou agréait un avantage indu pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, même si en définitive il y renonçait. Autre difficulté de la situation : « la preuve de l'antériorité du pacte corrupteur se révélait assez aisée lorsque les dons avaient été remis par le corrupteur avant l'accomplissement de l'acte promis par le corrompu. La preuve en devenait plus difficile lorsque le pacte ne comportait qu'une promesse de don, promesse exécutée seulement après l'accomplissement de l'acte de la fonction55(*) ». Ces solutions ne pouvant plus perdurer, le législateur est intervenu afin de mettre un terme à ces différends juridiques. Par la loi du 30 juin 2000, la loi a introduit l'expression « À tout moment » au sein des articles 432-11 et 433-1 du Code pénal, mettant ainsi fin à la condition d'antériorité du pacte corrupteur. En revanche, les parlementaires avaient omis d'ajouter cette expression à l'ancien article L.152-6 du Code du travail, mais cette carence fut paliée avec l'intervention de la loi du 4 juillet 2005. Désormais, le pacte corrupteur en matière de corruption privée peut intervenir « À tout moment », ce qui permet une meilleure appréhension de ce délit56(*). Cependant, selon le magistrat Jacques Gazeaux57(*) : « L'obligation de prouver l'existence d'un tel pacte de corruption, antérieur ou non à l'acte ou à l'abstention qu'il avait pour objet de rémunérer est particulièrement difficile à satisfaire et constituent un obstacle important à la lutte contre la corruption, au sens strict du terme, dans le cadre des enquêtes pénales. En effet, par définition, la corruption est une pratique occulte et il apparaîtra souvent impossible de démontrer l'existence d'une corruption passée par le corrupteur et le corrompu ». Ainsi, malgré une volonté apparente du législateur de lutter contre ce phénomène, on aperçoit là toute la difficulté dans l'approche répressive de la corruption, de par le caractère secret inhérent à cette pratique.

Enfin, concernant la finalité du pacte corrupteur, rappelons que le but de ce pacte est que l'agent corrompu accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction. Plus précisément, la finalité de la corruption est que l'agent accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, mais également un acte facilité par sa fonction, tout en ayant agi en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Sur le fait que l'agent accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction. Le législateur a incriminé de façon équivalente l'acte ou l'omission de l'agent corrompu. Ainsi, que ce dernier fasse un acte positif, ou s'abstienne d'agir, est réprimé de la même façon, et cet acte tombe sous la qualification de corruption privée passive. La Cour de cassation58(*) allant même jusqu'à décider qu'il importait peu que le corrompu n'ait pas accompli lui-même l'acte de son activité dès lors qu'il entre dans ses attributions d'en proposer ou d'en préparer la réalisation. De plus, à défaut de distinction il apparaît clairement que l'acte qu'accomplit ou s'abstient d'accomplir l'agent corrompu peut être aussi bien un acte délictueux qu'un acte non délictueux. A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas d'un footballeur condamné pour corruption pour avoir « lever le pied » et « facilité le gain d'un match 59(*)». Celui d'un employé de banque, pour avoir accordé un découvert, un crédit ou un prêt60(*). Ou encore, celui d'un salarié cadre ayant pour fonction la gestion de syndicats de copropriété, de s'abstenir d'organiser la concurrence entre les sociétés en faussant les règles de la concurrence61(*).

Concernant ensuite l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte facilité par la fonction de l'agent. Lorsque dans un tel cas, l'acte est facilité par la fonction du corrompu, on parle alors de para corruption. Ces actes de corruption ne différant guère des actes de corruption, il peut tout aussi bien s'agir d'actes de nature positive ou négative, mais également d'actes délictueux ou non délictueux.

Le législateur a exigé également de la personne corrompu, qu'il agisse en violation des obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Les articles 445-1 et 2 érigent à cet effet la nécessité que l'agent privé ait agi en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Cette exigence de violation d'une obligation par le corrompu était déjà admise par la jurisprudence, qui affirmait que le délit de corruption peut se voir constitué non seulement lorsque les actes en questions se rapportent à la fonction de l'agent, mais aussi lorsque les actes se rapportent à son devoir professionnel, devoir qui lui impose ou lui commande de s'abstenir. Mais ce n'est réellement que sous l'impulsion du législateur communautaire, par le biais de la décision cadre du 22 juillet 2003 du Conseil de l'Union Européenne, que cette exigence est entrée dans notre droit positif. En conformité avec le droit Européen, la législation française en est désormais d'autant plus complète en ce qui concerne cette incrimination de corruption privée.

Une fois l'étude des éléments constitutifs achevée, il est logique que nous nous tournions vers les modalités de la répression en matière de corruption privée. Concernant ces modalités, nous pourrons nous apercevoir qu'une fois encore, la loi du 4 juillet 2005 élargit le champ d'application du délit, tout en facilitant la répression pénale à l'égard de l'auteur de l'acte.

II : Modalités de répression de la corruption privée

A : Personnes responsables

· Personnes physiques

Les personnes physiques, qu'elles possèdent la qualité de corrupteur ou de corrompu, encourent une peine d'emprisonnement de cinq ans et de 75 000 euros d'amende. La justification avancée par le législateur concernant l'aggravation du quantum des peines, passant ainsi de deux à cinq années d'emprisonnement, a été l'élargissement de l'incrimination de la corruption active aux dirigeants d'entreprises ainsi qu'aux professions libérales et indépendantes. De plus, les enjeux financiers visés par les interventions corruptrices peuvent être élevés, et s'avérer proche des niveaux atteints en matière de corruption publique. Par conséquent, les peines retenues ont été alignées sur celles prévues en matière de trafic d'influence, d'abus de biens sociaux ou encore d'escroquerie. Le dispositif pénal de répression de la corruption privée se trouve donc renforcé, ce qui peut à terme, dissuader le passage à l'acte vers la corruption. En revanche, il est a déplorer que le législateur dans sa réforme de 2005, ait omis de privilégier certaines procédures dissuasives, qui sont particulièrement indiquées en matière de corruption extrêmement fructueuses. Selon Wilfried JEANDIDIER62(*), le délit de corruption est affecté par différents défauts, qu'il énumère et relève l'un après l'autre. Au titre des ces défauts, l'auteur met en exergue l'abandon par le législateur de « la redoutable technique de l'amende proportionnelle, à taux mobile63(*)». Ce « neuvième défaut » s'avère être une carence en matière de répression, car ce procédé dissuasif pourrait toucher le point sensible de tous protagonistes de la corruption, à savoir l'argent. Mais malgré la récente refonte de l'infraction de corruption entre agent privé, le législateur n'a pas estimé souhaitable de réintroduire cette disposition, pourtant si efficace en terme de répression.

En parallèle à ces peines principales, pourront être prononcées par les juges des peines complémentaires. Ces peines complémentaires sont aux nombres de quatre, il convient donc de les énumérer :

- l'interdiction des droits civils, civiques et de famille, en vertu de l'article 445-3, 1°, et selon les modalités de l'article 131-26 du Code pénal.

- l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, selon les dispositions de l'article 445-3, 2° du même Code.

- la confiscation de la chose qui a servi ou était destiné à commettre l'infraction, ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

- l'affichage ou la diffusion de la décision prononcée par l'article 131-35 du Code pénal.

· Personnes morales

Les personnes morales peuvent également être déclarées responsables des actes de corruption commis par leurs salariés, dirigeants...Ainsi, le législateur a prévu toute une palette de peines susceptibles d'être prononcées par les juges à l'encontre de ces personnes morales. Notons d'emblée que l'article 445-4 du Code pénal, n'édicte pas la peine de dissolution de la personne morale, tout comme d'ailleurs l'article 433-25 du même Code, à propos de la corruption publique active. Malgré l'exclusion de cette peine de dissolution, les peines prévues peuvent avoir des conséquences véritablement catastrophiques aussi bien pour les ressources même de l'entreprise, que pour son image :

- l'article 445-4 du Code pénal renvoie à l'article 131-28 du même Code, qui énonce que le taux maximum de la peine d'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui encourue par les personnes physiques, soit 375 000 euros d'amende ;

- aux termes de l'article 445-4, 2° du Code pénal, les personnes morales encourent l'interdiction d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, pour une durée de cinq ans ;

- aux termes de l'article 445-4, 2° du Code pénal, les personnes morales encourent la peine de placement sous surveillance judiciaire pour une durée de cinq ans au plus.

Le même article énonce ensuite la possibilité de prononcer une peine de fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de un ou plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

- l'article 445-3, 2° du même Code déclare également que la personne morale encourt par exemple une peine d'interdiction de faire appel public à l'épargne, ou encore l'interdiction d'émettre des chèques ou d'utiliser des cartes de paiement ;

- aux termes de l'article 445-3 la personne morale pourra se voir confisquer la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l'infraction, ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des choses susceptibles de restitution ;

- enfin, une peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée pourra être décidée par les juges, en vertu des dispositions de l'article 445-4, 4° du Code pénal, dans les conditions prévues par l'article 131-35.

Enfin, à la différence des dispositions figurant à l'ancien article L.152-6 du Code du travail, les dispositions des articles 445-1 et 445-2 du Code pénal sont expressément imputables aux personnes morales en vertu de l'article 445-4, et ce, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du Code pénal. Les dispositions de ce dernier article s'harmonisent bien avec le sens que donne l'article 1er de la décision cadre du 22 juillet 2003 à la notion de personne morale. En revanche, il n'est pas certain que les conditions d'imputation de l'article 121-2 du Code pénal, soient parfaitement compatibles avec l'article 5§2 de la décision cadre précitée. L'hypothèse de responsabilité que dresse l'article 5, n'est certes pas en contradiction avec la portée communément accordée aux dispositions de l'article 121-2 du Code pénal, mais impliquerait, pour exister en droit français, la transposition aux personnes morales de la jurisprudence relative à la responsabilité pénale des décideurs64(*).

Comme vu précédemment, les modalités de répression qu'offre la nouvelle loi du 4 juillet 2005, permettent une meilleure appréhension des auteurs d'actes de corruption. Ces nouvelles dispositions tendent à parfaire l'ancien cadre juridique que prévoyait l'article L. 152-6 du Code du travail, tout en actualisant notre droit positif sur les nouveaux risques auxquels sont confrontés les entreprises. Plus sévère sur les peines, la loi de 2005 s'avère plus dissuasive que les dispositions anciennement prévues par le Droit social. Le législateur a donc posé un cadre juridique exhaustif de lutte contre ce fléau. Hormis cela, il faut préciser que la corruption privée connaît un certain particularisme dans sa répression, et ce sont ces originalités que nous aborderons ci après.

B : Particularité de la répression

Il apparaît important de relever que la répression de la corruption privée connaît certaines particularités, principalement en matière de poursuites et de coopération internationale. Il convient donc de se pencher sur ces particularismes qui peuvent influer de manière non négligeable sur la répression du délit de corruption. Nous aborderons ainsi le domaine des poursuites en matière de corruption privée, en étudiant l'action publique et l'action civile. Ensuite, nous étudierons les nouvelles dispositions en matière de coopération internationale.

Concernant l'action publique, force est de constater malheureusement que le délit de corruption privée est exclu de la catégorie des infractions dites de délinquance et de criminalités organisées. En effet, l'article 706-73 du Code de procédure pénale (CPP)65(*), ne contient aucune référence aux délits de corruption publique ou privée, les excluant de la sorte des possibilités offertes par ces règles dérogatoires de procédure. Certains parlementaires s'étaient pourtant prononcés en faveur de l'intégration de la corruption dans les règles de 706-73 dudit Code. Notons également que cette exclusion entre également en contradiction avec l'article 9 de la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale dont la France est signataire depuis le 12 décembre 2000. Les règles dérogatoires de procédure pénale édictées par l'article 706-73 du CPP, et qui permettent aux magistrats instructeurs d'avoir à leur disposition un arsenal juridique adaptée pour lutter contre la criminalité organisée, ne peuvent donc pas s'appliquer aux délits de corruption. L'on peut cependant espérer que cette omission sera rapidement réparée, en voyant l'ajout progressif d'infractions à la liste de l'article 706-7366(*). En effet, tout porte à croire, au vue de la tendance actuelle à la sur légifération, que les parlementaires incluront à raison le délit de corruption dans la liste des infractions relevant de la criminalité organisée.

D'autre part, une amélioration notable de la loi du 4 juillet 2005 tient au fait qu'il est désormais possible d'effectuer une perquisition en mode préliminaire sans le consentement express de la personne chez laquelle elle a lieu. L'article L. 152-6 du Code du travail n'autorisait pas cette possibilité pour les enquêteurs, car les peines prévues en matière de corruption de salariés n'atteignaient pas le minimum légal pour procéder à cette opération. Les nouveaux articles 445-1 et 2 du Code pénal, qui relèvent les quantum de peines de deux à cinq ans accordent désormais cette possibilité aux enquêteurs.

Concernant l'action civile, il faut souligner que la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis avec nuances les constitutions de parties civiles relatives aux délits de corruption. La Cour a en effet refusé d'admettre certaines constitutions de partie civile, en raison par exemple de l'absence d'un préjudice direct, ou encore car l'invocation de la partie concernée d'une atteinte portée à sa réputation ne satisfaisait pas pour se constituer de la sorte. Cependant, elle a admis que la corruption de sportifs professionnels était de nature à causer directement un préjudice aux fédérations sportives dont ils relèvent67(*). Par analogie, semble ne pas poser de problèmes, la constitution de partie civile des ordres professionnels tels notamment les conseils de l'ordre des médecins, des avocats...

La jurisprudence joue donc un rôle prépondérant à travers l'admission des constitutions de parties civile. La possibilité de demander réparation en tant que victime d'acte de corruption représente une menace de plus, pour dissuader les auteurs de commettre de tels délits. Admettre largement une telle possibilité revient à faire peser sur les corrupteurs une responsabilité financière plus lourde à assumer, en cas de découverte de leurs méfaits.

Concernant enfin la coopération internationale, il existe en la matière un dispositif complet qui permet une meilleure coordination entre les différents pays. Plus spécifiquement, en ce qui concerne le mandat d'arrêt européen (MAE), il est à noter que l'infraction de corruption entre dans le champ d'application de l'article 695-23, alinéa 2 du Code de procédure pénale. Ledit article dispose que « Un mandat d'arrêt européen est exécuté sans contrôle de la double incrimination des faits reprochés lorsque les agissements considérés sont, aux termes de la loi de l'Etat membre d'émission, punis d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'une durée similaire et entre dans une des catégories d'infractions » spécifiée. Le délit de corruption est compris dans cette catégorie, la procédure simplifiée du MAE s'applique donc à ce délit. Cependant, cette solution vaut pour le délit de corruption publique, mais rien n'est énoncé pour la corruption privée. En l'absence de distinction faite entre corruption publique et privée par l'article 695-23, alinéa 2, on peut admettre que le délit de corruption privée se situe dans le domaine d'application du MAE. D'autre part, une meilleure coopération internationale passe avant tout par le respect et la bonne application des décisions de justice des autres Etats membres. Le Code de procédure pénale prévoit sur ce point une liste d'infraction pour lesquelles les décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve devront être exécutées par l'Etat requis. La corruption figure dans cette liste, ce qui donne des moyens considérables aux juges, pour mener ses investigations, qui souvent prennent une tournure internationale.

DEUXIEME PARTIE : LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION PRIVEE

Dans cette seconde partie, nous tenterons de démontrer que la lutte contre la corruption demande une nécessaire implication de tous les acteurs de l'entreprise. Ce combat s'accompagne de la mise en place de dispositifs spécifiques. Toutefois, cette lutte connaît des faiblesses, faiblesses qui mettent à mal l'appréhension et la répression du délit de corruption privée. Au rang de ces faiblesses, il conviendra de souligner certaines difficultés inhérentes aux pratiques corruptrices. Ensuite, nous nous pencherons sur les carences en matière de lutte, carences qui peuvent aussi bien être d'ordre juridique, qu'organisationnelle.

Deuxième partie : Les moyens de lutte contre la corruption privée

Section 1ère : La nécessaire implication de l'entreprise dans la lutte contre la corruption

L'entreprise exposée au risque constant de corruption se doit de jouer un rôle majeur dans la lutte contre ce phénomène. Le rôle de toute firme se traduit essentiellement par l'établissement de règles internes de bonne conduite, comprises dans un Code propre à l'entreprise (I). Mais plus spécifiquement, il apparaît que cette lutte doit être menée solidairement, avec tous les acteurs de la firme. Ainsi, les salariés doivent eux aussi participer à ce combat, à travers un procédé d'alerte éthique, dont les contours sont définis par la société elle-même (II).

I : L'instauration de mesures spécifiques de lutte

La lutte contre la corruption en entreprise passe par l'élaboration de chartes d'éthiques, destinés à guider le salarié dans sa prise de décision (A). Mais l'introduction de telles chartes dans les entreprises peut également traduire d'autres objectifs moins avouables des firmes, reléguant ainsi l'éthique à l'état de produit commercial (B).

A : La création de chartes d'éthique

Dans un contexte de risque permanent, il est apparu nécessaire pour les entreprises d'adopter un comportement de lutte face à des pratiques délictueuses. Pour se prémunir des risques encourus et des conséquences financières néfastes que peuvent engendrer de telles pratiques, l'idée des entreprises a été de se doter de règles internes, tendant à définir la ligne directrice de la firme, les comportements à adopter ainsi que les pratiques illicites susceptibles d'entraîner des sanctions. Un nouvel outil a donc été donné aux employés, pour leur permettre d'être éclairés sur les choix à faire en cas de prise de décision. Cet outil prend la forme d'un Code, selon les cas de « conduite, de déontologie ou d'éthique » ou parfois même un « guide de référence ». Tous ces Codes comportent des engagements de l'entreprise vis-à-vis de ses clients, de ses fournisseurs, des sous traitants, des entreprises associées, etc. Ces politiques internes relatives à la conduite éthique de leurs salariés peuvent être soit de simples exhortations générales - souvent appelés principes éthiques de l'entreprise - soit au contraire des consignes plus détaillées, contenant des exigences de comportements spécifiques. L'instauration de ces chartes d'éthique démontre la volonté de tous les acteurs économiques de réintroduire certaines valeurs de base dans les entreprises, dans le but de moraliser les relations entre agents économiques et au final, redonner confiance aux investisseurs et aux consommateurs. L'éthique est donc l'objet de toutes les attentions, sans que cette notion soit véritablement entendue de tous. Ainsi, plusieurs acceptions de l'éthique ont été avancées, qui diffèrent selon les auteurs. D'après le Service Central de la Corruption : « L'éthique recouvre l'ensemble des principes moraux qui sont à la base du comportement de l'individu. C'est la recherche personnelle d'une sagesse de l'action : c'est donc une prise de position personnelle, un acte autonome de volonté68(*) ». Et reprenant le philosophe Max Weber69(*), le service de continuer : « Il existe une éthique de conviction - fondée sur des principes intangibles, sur les valeurs morales propres à l'individu : celle du savant - et une éthique de responsabilité - qui tient compte des conséquences possibles des décisions que l'on prend ou des actes que l'on effectue, qui laisse donc la place au compromis et à la négociation : c'est l'éthique de l'homme politique ou du fonctionnaire ».

Patrice Meyer-Bisch va plus loin et parle du concept « d'économie éthique ». Selon lui, l'économie éthique a pour objet « la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique de règles du jeu, de principes et de normes éthiques universellement acceptables susceptibles de favoriser à moyen terme la réconciliation de l'économique, du social, de l'écologique et du culturel et à plus long terme d'assurer leur codétermination dans le processus de mondialisation en cours70(*) ». Pour cet auteur, l'éthique économique poursuit donc un objectif : l'humanisation de la mondialisation, pour redonner confiance aux investisseurs en l'économie.

D'autre part, selon le professeur Lynn Paine, l'éthique naît de la rencontre de la morale et de l'action. M. Paine représente alors le concept de l'éthique sous la forme d'un diagramme, dont l'intitulé français est « l'éthique mix71(*) ».

Ce diagramme présente l'avantage d'être totalement adapté au concept de l'éthique de l'organisation. L'interprétation qu'il peut en être faite est alors la suivante :

« L'axe horizontal est l'axe de la morale : un « décideur » doit tenir compte des principes qu'il doit appliquer - les lois, les réglementations, les règles déontologiques - mais également les conséquences de l'application de ces principes pour les personnes concernées. Vouloir respecter les principes tout en respectant les personnes et souvent source de dilemme. L'appréciation morale résulte de l'évaluation pondérée de ces deux extrêmes.

L'axe vertical est l'axe de l'action : le décideur doit en permanence se rappeler son objectif, la décision doit tendre vers celui-ci, de manière optimale. En même temps, ce décideur doit rester réaliste : savoir dans quelle mesure il est responsable de sa décision et tenir compte des moyens dont il dispose pour la prendre et la faire appliquer.

En pratique, nous pouvons retenir que nous nous situons dans le domaine de l'éthique dès qu'une de nos décisions, ou de nos actions, a un impact sur un individu72(*) ».

Cette notion d'éthique, déclinée sous bien des formes, se trouve donc au centre des intérêts des entreprises. Les chartes d'éthiques servent de repères pour les salariés, qui trouvent en elles un référent solide. La charte, en définissant les comportements admis et non admis, permettra aux employés d'ajuster leur choix dans leur prise de décision, en fonction, non seulement de leur for intérieur, mais également de la norme éthique de l'entreprise. Outil essentiel dans la lutte contre la fraude et la corruption, la charte devient donc un passeport de transparence et de bonne gestion aux yeux du public. D'après les Echos : « L'émergence de l'éthique et la conscience accrue des risques de fraude a conduit ces dernières années à la mise en place, dans la plupart des grandes entreprises, de chartes d'éthique ou de Code conduite. Objectif : mettre en place des valeurs communes, des principes de comportements pour promouvoir une culture d'entreprise homogène et lutter contre les fraudes73(*) ». Pour Gérard Kuster74(*), interviewé par Caroline Lechantre : « L'éthique est un enjeu croissant pour l'entreprise en raison du risque qu'une défaillance dans ce domaine peut faire peser sur l'image ». Pour M. Kuster, l'instauration de tel Code interne aux sociétés, doit s'accompagner de la création d'un comité chargé de veiller au respect des règles énoncées mais également de la création de poste spécifique de « déontologue ». L'entreprise SUEZ a, selon M. Kuster : « Mis en place un réseau de plus de 80 déontologues qui sont opérationnels » et « Le conseil d'administration du groupe a instauré en son sein un comité d'éthique qui examine tous les ans un bilan sur le sujet ».

.Ainsi, le fait que les entreprises préconisent l'usage de valeurs éthiques, énoncées notamment à l'intérieur de leur Code, est une initiative tout à fait louable. Toutefois, la question essentielle reste de savoir si cette volonté apparente d'introduire des comportements éthiques dans les affaires, est effectivement suivie d'effets. Selon une étude réalisée par la société Novethic en partenariat avec le Service Central de Prévention de la Corruption, les entreprises « Paraissent à la traîne en matière de transparence sur leurs politiques anti-corruption ». Cette enquête démontre « Un niveau faible d'information du public sur le thème de la corruption » et paradoxalement, « Les entreprises fournissant le plus d'informations sont celles qui sont finalement les plus mises en cause publiquement et juridiquement 75(*)». Par conséquent, il est légitime de s'interroger sur le fait de savoir si cette lutte menée par les entreprises porte effectivement ses fruits, et si la volonté affichée dans ce combat est bien réelle. L'éthique avancée par les acteurs financiers n'est-elle pas qu'un parapluie que l'entreprise ouvrira pour se protéger des foudres de la justice ? En ce sens, cette notion d'éthique ne représenterait-elle pas tout simplement un produit marketing, destiné à regagner la confiance des différents partenaires de l'entreprise, mais sans réelle application concrète ?

B : La commercialisation de l'éthique au moyen de la lutte contre la corruption

L'instauration de chartes éthiques traduit la volonté des entreprises de se prémunir contre tous les risques pouvant survenir pendant l'exercice de leurs activités. Dès lors, la violation d'une règle prévue par la charte éthique de la société, aura comme conséquence pour l'auteur de l'acte, de se voir appliquer une sanction de la part de sa société. Cette sanction se traduisant le plus souvent par le licenciement de la personne. Mais il apparaît qu'une autre conséquence existe, mais cette fois, en faveur de la firme. En effet, se prévalant de sa charte éthique, l'entreprise mettra en avant le comportement fautif de son salarié, tout en se désolidarisant de ce dernier, et invoquera un acte personnel de l'employé, qui ne pourra en aucun cas impliquer la responsabilité de la société. Pour Claude Mathon, « L'objectif premier de ces documents est de permettre au public d'avoir, à nouveau confiance en ses entreprises. Si cet objectif est toujours mis en avant, souvent, il en cache d'autre moins avouable : contrôle, guerre commerciale, protection de certaines catégories de personnel...Les Codes, puisqu'on les appelle généralement ainsi, ont toujours des objectifs multiples et aussi de très nombreuses appellations. Qu'il soit de conduite, d'éthique ou de déontologie, on s'aperçoit qu'ils se ressemblent et qu'ils ne cherchent, en fait, qu'à trouver une solution au problème que pose la responsabilité personnelle de l'agent, vis-à-vis de ses subordonnées, de ses collègues ou de ses supérieurs, celle de sa hiérarchie par rapport à l'entreprise, celle de l'entreprise avec ses clients, ses fournisseurs ou ses actionnaires76(*) ». Force est de constater, selon ce magistrat, que les chartes éthiques des entreprises, affichent un tout autre but que celui proclamé haut et fort : s'exonérer de toute responsabilité en cas de fraude ou corruption, afin de ne pas ternir l'image de marque de la société et ne pas atténuer la confiance des différents partenaires et des consommateurs.

Pour le Service Central de Prévention de la Corruption, ces chartes d'éthiques : « Ont été mise en place, à l'origine, pour des raisons qui n'avaient souvent que peu avoir avec la morale, l'éthique ou la déontologie, mais beaucoup plus avec les affaires. Ainsi, il est bon, aujourd'hui, d'afficher son honnêteté, vis-à-vis des clients, mais aussi de ses fournisseurs, de ses associés, voire de la puissance publique »... « Le Code éthique a d'abord été un instrument de guerre économique destiné à :

- convaincre les partenaires d'une transaction de son honnêteté foncière et de l'honnêteté des propositions qu'on leur fait ;

- convaincre les clients que l'achat de ce produit est synonyme de rémunération correcte des fournisseurs ;

- convaincre les actionnaires du bon emploi de leur argent par une entreprise responsable, consciente de l'impact social et environnemental de son activité ;

- convaincre les employés que la transparence affichée des relations avec les clients, les fournisseurs, et les actionnaires de leur entreprise se traduit aussi en interne, vis-à-vis d'eux, par une politique de management soucieuse de leur respect, du développement de leur compétence et de la nécessité de leur offrir de bonnes conditions de travail et de sécurité77(*) ».

Par conséquent, la volonté affichée des entreprises de lutter contre la fraude, se double bien souvent d'autres objectifs - objectifs au rang duquel se situe la recherche de l'optimisation du profit - beaucoup moins avouable. Le SCPC affirme même : « Il existe aussi une autre raison, plus sournoise, et jamais évoquée qui a fait inclure dans ces codes - aujourd'hui de plus en plus souvent annexés au Code du travail - l'interdiction de corrompre ou de se laisser corrompre. Cette disposition permet, en effet, aux dirigeants d'affirmer que toutes les infractions de corruption qui pourraient être découvertes dans leur entreprise, résultent des initiatives personnelles des agents et non d'une pratique approuvée par la société. Les sanctions éventuelles ne devront s'appliquer qu'aux individus et non à la société elle-même ou à son président : la responsabilité morale de l'entreprise, tout comme celle des supérieurs hiérarchiques, sont ainsi remplacées par la responsabilité individuelle de celui qui a été convaincu d'être le corrupteur ou le corrompu, faute pour celui-ci d'apporter la preuve du contraire, ce qui s'avère très souvent mission impossible78(*) ». Cet organe spécialisé dans la lutte contre la corruption met ainsi en exergue les subterfuges avancés par les sociétés, pour légitimer leur combat contre ce fléau. L'instauration de chartes d'éthique dans les entreprises poursuit donc le plus souvent un double objectif : afficher sa volonté de lutter contre la corruption, mais également se dédouaner totalement d'acte illicite émanant d'un salarié. Ces codes éthiques s'avèrent donc être bien souvent des outils de management au service de l'entreprise, qui pourront dans la plupart des cas, se retourner contre les employés.

De plus, certains exemples concrets démontrent logiquement que, bien que dotés de chartes d'éthique, les entreprises ne sont pas à l'abri de tous risques de corruption. En effet, plusieurs firmes qui possèdent un Code pourtant bien formalisé, sont touchées par des affaires de corruption. Tel est le cas par exemple de la société PSA, actionnaire principal de Faurecia. « Cet équipementier fait l'objet d'une enquête de la justice allemande, ouverte en juillet 2006 concernant des salariés soupçonnés d'avoir versé des dessous de table à des dirigeants de constructeurs automobiles allemands en l'échange de l'octroi de contrats. La justice allemande cherche notamment à savoir si Faurecia avait versé des pots de vins d'un montant allant jusqu'à 800 000 euros par an à des employés de groupes allemands parmi lesquels Volkswagen et sa filiale Audi »79(*).

L'éthique est donc au coeur des préoccupations des différentes firmes. L'introduction de cette notion dans les relations économiques montre la volonté qu'ont les entreprises d'évoluer dans un contexte d'honnêteté et de transparence. Mais de fait, l'éthique se retrouve à l'état de produit commercial, qui permet à l'entreprise d'afficher sa bonne gouvernance. Dans toutes transactions, l'entreprise va avancer son Code d'éthique, pour gagner la confiance de ses partenaires. La boucle sera bouclée lorsqu'une entreprise fera appel à une agence indépendante pour contrôler ses dispositions éthiques. On imagine dès lors les risques de dérive : corrompre l'agence pour se voir attribuer une bonne notation. Le danger reste entier, faut il encore avoir la volonté réelle de le combattre.

II : La participation des acteurs de l'entreprise dans la lutte contre la corruption

La lutte contre le fléau de la corruption privée passe essentiellement par les actions des services internes des entreprises, sur initiative de la direction. L'optique étant de se préserver, en édictant des règles de bonne volonté, de tous scandales publics, qui engendreraient des conséquences économiques nuisibles pour l'entreprise. Cependant, la valeur première d'une entreprise, qui réside notamment dans le facteur humain, à travers les salariés, doit intervenir afin de parfaire la lutte contre la corruption. C'est le procédé du whistleblowing. Nous étudierons donc dans cette partie, ce procédé d'alerte, qui permet aux membres d'une organisation, de « dénoncer » une fraude commise par un de leurs collègues (A). Ensuite, nous nous pencherons sur la position de la CNIL, position qui sans s'opposer à ce procédé, délimite très étroitement le périmètre de ces dispositifs (B).

A : Le procédé du whistleblowing80(*)

Suite aux scandales financiers survenus aux Etats-Unis, scandales aux rangs desquels le plus retentissant d'entre eux fut l'affaire ENRON, le législateur américain est intervenu afin de poser des règles de transparence et de bonne gouvernance aux seins des entreprises. L'affaire ENRON a été traumatisante à plus d'un titre. Principalement pour les salariés, premières victimes de ce scandale qui, lorsque le groupe a fait faillite, se sont retrouvés sans aucune protection sociale. Mais ces affaires ont également démontré à l'opinion publique, que certaines entreprises, malgré l'affichage d'une gestion transparente, pouvaient être l'objet de multiples dérives. Afin que ce type de scandale ne se reproduise plus, les Etats-Unis ont adopté, le 31 juillet 2002, la loi Sarbanes-Oxley Act. Cette loi prévoit l'établissement de conseils de surveillance afin de mettre un terme à l'autorégulation par les cabinets d'audit -il ne peuvent plus être juges et parties- la certification sur l'honneur des comptes par le PDG et les directeurs financiers, et la reconnaissance de falsification des informations par les actionnaires comme criminelles.

Une des autres composantes de cette loi est l'obligation de mise en place de système d'alerte éthique dans toutes les sociétés cotées à Wall Street, au Nasquad ou au AMEX et ayant un chiffre d'affaires annuel minimum de 75 millions de dollars. L'alerte éthique ou whistleblowing peut se définir comme un dispositif qui tend à inviter les salariés d'une entreprise à dénoncer auprès des instances supérieures les pratiques internes qu'ils jugent contraires à l'éthique ou au règlement ou encore à la loi entrée en vigueur. Ce procédé servirait donc à dénoncer une quelconque fraude d'un salarié par un autre salarié, les faits de corruption étant englobés dans ce type de dénonciation. Etant donné que de grandes multinationales françaises sont cotées à la bourse américaine, les obligations qu'imposent la loi Sarbannes-Oxley s'applique directement à ces firmes, du fait de l'extraterritorialité de la loi américaine. Cependant, aucune loi n'est venue préciser les modalités d'application d'une telle procédure en droit interne. Cela n'a toutefois pas empêché certaines entreprises d'instaurer ce système d'alerte, et désormais pratiquement toutes les grandes entreprises cotées possèdent un tel dispositif dans leur Code éthique. Prenons l'exemple de EDF81(*), qui a installée sur son portail Internet, un dispositif de consultation et d'interpellation éthique afin de déclencher le système. Une adresse spécifique a été crée, et sur simple e-mail, il est possible pour un salarié, d'alerter anonymement une personne spécialement mandatée à cet effet, de ses doutes sur un comportement non éthique d'un de ses collègues. Tel est également le cas de la société AXA, qui a travers son Code de déontologie, a mis en place un système d'alerte éthique. Précisant bien que l'instauration de ce système répond aux exigences de la loi Sarbannes-Oxley Act, en raison de la cotation de la société au New York Stock Exchange, la société précise les modalités de dénonciation, les personnes susceptibles de les recevoir...La société TOTAL a elle aussi instauré en interne un procédé de déclenchement d'alerte. Là encore, le rapport sociétal et environnemental de l'entreprise décrit les conditions de mise en oeuvre de l'alerte, la personne réceptrice de la plainte...Dans tous ces exemples tirés des différentes chartes éthiques des entreprises, l'anonymat de la personne dénonciatrice est sauvegardé. Seule la société AXA précise clairement dans la section 6 du chapitre 6 de sa charte, que cet anonymat n'interviendrait de fait, que lorsque l'alerte portera sur « les domaines comptables, de contrôle interne ou d'audit ». Toutes les autres entreprises mettent en avant la possibilité de dénoncer anonymement ses doutes. On constate de ce point de vue, l'avance qu'avait l'entreprise AXA sur la future position de la CNIL vis-à-vis de ce système d'alerte. L'avis rendu par la CNIL, comme nous le verrons plus tard, a du avoir pour conséquence la nécessaire modification des dispositions relatives à ce dispositif, car l'anonymat selon la commission, ne doit être accepté que sous certaines conditions. Cependant, aucune donnée n'a été communiquée à ce jour.

Enfin, il convient de s'interroger sur les garanties accordées aux dénonciateurs. A l'heure actuelle, aucune disposition législative, hormis celle par le Code du travail, ne prévoit la protection expresse de la personne dans ce cas précis. Selon le Service Central de Prévention de la Corruption « un tel processus d'alerte peut répondre au souci du respect de la loi ou de l'éthique professionnelle, mais il peut constituer aussi le support de l'arrière pensée de négocier, de discréditer, de nuire...La dénonciation potentiellement généralisée, comporte ainsi des limites et des risques certains82(*) ». Elément encourageant, la Security exchange committee (SEC), équivalent de notre autorité des marchés financiers (AMF), a qualifié de performant l'apport des whistleblowers. Mais il ressort également de ce bilan que « les intéressés perdent leur emploi à court ou à moyen terme83(*) ». Ainsi, la question du déclenchement d'alerte a soulevé nombres d'interrogations légitimes, notamment sur l'utilisation et les conséquences d'un tel dispositif au sein de l'entreprise. Paul Latimer s'interroge lui, sur l'acte du dénonciateur, en se demandant : « Are whistleblowers heroes or traitors84(*) ? ». Se pose ainsi la question du statut de la personne qui dénonce, son avenir au sein de l'entité et ses moyens de protection. Comment celui qui dénonce est perçu par ses différents partenaires ? Un héros pour l'entreprise ou un traître vis-à -vis de ses collègues ? D'après le journal « Le Monde85(*) », synthétisant une étude réalisée par le cabinet de conseil Ernest & Young, « la majorité des sondés redoutent des représailles s'ils signalent une malversation dans leur entreprise ».

Consciente des contentieux que pouvaient soulever la procédure du Whistleblowing, la commission nationale de l'informatique et des libertés est venue encadrer l'utilisation de cette alerte. Se prononçant contre au départ, la CNIL a ensuite admis cette dénonciation, en l'encadrant de mesures respectant les droits et libertés des personnes.

B : La position de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL)

La loi du 6 janvier 1978 a, dans le but de garantir la vie privée et les libertés, réglementé la tenue des fichiers publics et privés, informatisés ou non, et organisé un droit d'accès et de rectification au profit des intéressés. Pour veiller au respect de cette loi, une Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés a été crée. Cette CNIL est une autorité administrative indépendante, avec un statut qui s'efforce d'assurer son indépendance vis-à-vis de l'Etat, pour lui permettre d'assurer pleinement ses fonctions de protection des droits et libertés des personnes. La CNIL vient donc s'ériger en garante de certaines garanties fondamentales, en donnant son avis ou en opposant son veto, sur telle ou telle question qui fait débat. Cela a notamment été le cas pour la question du whistleblowing.

Comme nous l'avons dit auparavant, ce système d'alerte permet à un salarié d'une entreprise, de dénoncer un collègue de travail, lorsqu'il suppose que ce dernier à commis une quelconque fraude. La justification avancée pour l'instauration d'une telle mesure, est bien entendu le fait que personne d'autre qu'un salarié ne sait mieux ce qu'il se passe dans son entreprise, son service, et de fait il convenait de donner aux professionnels de ces organisations, la possibilité de dénoncer tout fait de corruption, détournement, fraude quelconque...

Déjà en vigueur dans bon nombre de pays, ce dispositif a eu du mal à s'imposer en France, il convient donc de rappeler ce qui a été marquant dans l'instauration de ce procédé d'alerte éthique. Dans un premier temps, la CNIL s'est opposée au principe d'alerte éthique, le considérant comme incompatible avec le respect des libertés individuelles et que la dénonciation d'une personne portait atteinte à ces mêmes libertés. Par deux décisions du 26 mai 200586(*), la commission a en effet refusé d'autoriser des projets de lignes éthiques destinés à permettre aux salariés de signaler des comportements supposés fautifs imputables à leurs collègues en considérant que ces dispositifs pourraient conduire à « un système organisé de délation professionnelle ». Ce refus concernait deux entreprises franco-françaises, Mc Donalds et la CEAC (Compagnie Européenne d'accumulateurs), filiale du groupe Exide Technologies, qui avaient préalablement consulté la commission pour valider leur projet. Elles se heurtèrent, comme nous venons de le dire, au refus de la CNIL. D'après Philippe Cohen : « Les réserves émises par la commission étaient en partie dues à des considérations culturelles et historiques : pendant la seconde guerre mondiale, les français ont écrit plus d'un million de lettres de dénonciation. On comprend dès lors comment la question du whistleblowing a rouvert une plaie encore mal cicatrisée87(*) ».

De plus, certaines décisions de justice sont venues corroborer la position de la CNIL sur ce refus d'acceptation des procédés d'alerte dans l'entreprise. Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Libourne, dans sa décision du 14 septembre 2005, a ordonné en référé « le retrait de deux notes de services mettant en place dans une entreprise un processus de ce type au motif principal des risques de dénonciation calomnieuse et du caractère disproportionné par rapport aux objectifs de la loi américaine ». Par ailleurs, le Tribunal d'Instance de Lyon a débouté la société Lennox qui a du supprimer son code de déontologie concernant l'alerte éthique.

La position de la CNIL, suivie par certaines juridictions nationales, démontrait bien la non cohésion partielle existante entre la législation française et la loi Sarbannes-Oxley. Garante du respect de certaines libertés fondamentales, on comprend aisément que la commission ait voulu, dans un premier temps, opposer son veto sur une mesure non encore parfaitement maîtrisée, et porteuse de possibles multiples dérives. Mais cette réticence légitime de la CNIL a eu le résultat suivant : créer une situation floue et incertaine pour les entreprises avec comme conséquence de retarder la mise en place de ce procédé destiné à lutter contre la fraude et la corruption. Cette situation incertaine ne pouvait donc plus perdurer, et c'est pour cela que quelques mois plus tard, la CNIL est venu revoir sa position concernant ces dispositifs. La commission a en effet adopté un document d'orientation ouvrant la voie à la mise en oeuvre de dispositifs d'alerte professionnelle conformes à la loi du 6 janvier 1978. La CNIL a donc posé des conditions strictes permettant l'instauration de ces procédés, en délimitant le périmètre de ceux-ci de façon très étroite. Ainsi devront être respectées les conditions suivantes :

- le dispositif d'alerte sera restreint au domaine comptable, au domaine du contrôle des comptes, du contrôle bancaire et de la lutte contre la corruption ;

- le principe de non anonymat sera appliqué ;

- l'entreprise aura l'obligation de mettre en place une organisation spécifique pour recueillir et traiter les alertes ;

- la personne concernée devra être informée le plus rapidement possible, et pourra user d'un droit de rectification.

Cette attitude ouverte de la CNIL, consistant à accorder ces dispositifs tout en les encadrant de règles strictes, permet ainsi aux entreprises d'instaurer des mesures spécifiques visant à se prémunir contre tous types de fraude ou de corruption. Quoiqu'en retard de quelques années sur les Etats-Unis - par voie de conséquence, en retard également sur la maîtrise et les répercussions de ces alertes - la possibilité donnée par la CNIL de mettre en place de tels procédés doit être saluée à juste titre. En revanche, ce qui est à blâmer est le fait qu'aucune législation précise n'existe sur la question de ces alertes éthiques. Depuis l'approbation récente de la commission sur ces alertes, certaines entreprises ont développé un système propre en délimitant elles-mêmes les pratiques pouvant être dénoncées. Ainsi, chez Castorama, il est possible de dénoncer les fraudes et les malversations. EDF ne retient que les manquements à la charte éthique. Quant aux salariés de Shell France, ils peuvent dénoncer les détournements de fonds, les conflits d'intérêts, la corruption, les cadeaux d'affaires, etc. Il apparaît donc que l'alerte éthique peut être appliquée par les entreprises de manière très hétérogène. Cela provient essentiellement de l'absence de cadre législatif bien défini sur cette question, ce qui laisse à la libre appréciation de l'entreprise, ce qui doit être ou non dénoncé. Cette situation de fait crée donc une inégalité de traitement des salariés devant ce procédé d'alerte. Chacun d'entre eux pouvant être soumis à des conditions différentes selon l'entreprise dans laquelle il travaille. On peut alors se demander si dans une telle situation d'inégalité de traitement entre salarié de firmes différentes, il ne serait pas judicieux pour le législateur d'intervenir pour délimiter un cadre juridique strict pour ces alertes. Mais légiférer dans le but d'introduire ce dispositif en droit interne est-il la bonne solution ? A cet égard, le Service Central de Prévention de la Corruption a déjà fait part au Garde des Sceaux de ses doutes concernant l'introduction du whistleblowing en droit positif. En effet, selon ce service, de tels dispositifs « s'ajouteraient aux obligations liant déjà des professions privées soumises au secret professionnel : huissiers de justice, commissaires aux comptes, agents immobiliers...Certains de ces professionnels sont en effet soumis au régime de la déclaration de soupçon en direction de la cellule du traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins 88(*)». Et le SCPC de continuer : « Il convient donc de s'interroger sur l'opportunité de doubler les procédures existantes, tant à la charge des responsables publics que des responsables privés, par un dispositif français transposé du whistleblowing américain ».

La suite des événements concernant ce procédé d'alerte éthique reste donc encore à déterminer, la situation actuelle en la matière étant celle que nous venons de décrire. Le whistleblowing reste toutefois un moyen efficace de lutte contre les fraudes en tout genre. Mais présentant des risques considérables dans son utilisation, il doit être encadré strictement par le législateur, qui se doit de fixer un cadre juridique précis, respectueux des droits et libertés des personnes.

Section 2ème : Difficultés et insuffisances dans la lutte contre la corruption

Malgré une volonté apparente des entreprises de lutter contre la corruption, il n'en demeure pas moins que ce phénomène reste extrêmement délicat à appréhender. Ainsi, il existe des difficultés (I), mais également des insuffisances (II) dans la lutte contre ce fléau, qu'il convient d'étudier.

I : Les difficultés dans la lutte contre la corruption

Consciente du danger financier que peut engendrer la corruption, les entreprises se sont dotées de dispositif de lutte contre ce phénomène. Mais ces pratiques restent toutefois difficiles à faire émerger, car elles sont par définition secrètes, et qu'aucune des deux parties n'a d'intérêt à les révéler. Un autre rempart à la détection de la corruption se situe dans le fait que cette corruption est indissociablement liée à une quelconque fraude. Ainsi, la détection du délit de corruption sera d'autant plus malaisée, car le délit sera masqué par une fraude, destinée à donner un caractère légal à l'opération. Il s'agit donc d'étudier comment la fraude se met au service de la corruption et le lien indissoluble entre ces deux notions (A), pour ensuite étudier la meilleure façon de remédier à ces fraudes, à travers la mise en place d'outils de prévention des risques (B).

A: L'indissoluble lien rattachant la fraude et la corruption

L'agent corrupteur, pour mener à bien son action, doit détenir les fonds nécessaires à la corruption d'autrui. Pour se faire, et vu l'importance des sommes en jeu, le corrupteur est amené à détourner de l'argent de sa société, pour rémunérer les attentes du corrompu, et ainsi obtenir l'avantage indu. Frauder devient donc une nécessité, un moyen indispensable pour parvenir à faire « signer » le pacte corrupteur. La difficulté devient alors plus grande, du fait que l'acte de corruption est dissimulé sous une ou des opérations qui crédibilisent la sortie de capitaux. D'après Les Echos89(*), bien que tabou et sous-estimée, « La fraude en entreprise n'est pas un épiphénomène ». Reprenant l'étude effectuée par le cabinet PricewaterhouseCoopers90(*), le quotidien rappelle qu' « En France, plus d'une entreprise sur deux serait victime de criminalité économique du fait des salariés ou du management ». Selon le quotidien, « la fraude peut se nicher à peu près partout. La plupart d'entres elles reposent sur des mécanismes si basiques que l'entreprise n'y songe même pas ». La multiplicité des manifestations de ces fraudes rend alors le travail de détection et de répression plus ardue, assurant l'impunité la plus totale aux auteurs de ces actes. Il peut s'agir par exemple du responsable des achats qui s'invente un fournisseur imaginaire auprès de qui il commande des produits ou des services tout aussi fictifs. Il peut également s'agir du comptable qui va détourner les chèques de ses clients en créant une société au nom quasi similaire à la sienne qui encaissera les chèques. Les salariés gérant les stocks peuvent aussi être amenés à dérober régulièrement des petites quantités de marchandises.

Dès lors, on comprend toute la nécessité de mettre en place des dispositifs de lutte contre la fraude, afin de mettre un terme à l'enrichissement personnel indu de quelques-uns au détriment des ressources de l'entreprise. Mais on comprend aussi aisément comment cette fraude peut servir de base à toute forme de corruption, en permettant à l'instigateur d'engendrer les fonds nécessaires dans le but d'acheter la décision de l'autre partie. Pour nous éclairer sur un phénomène assez mal perçu et entendu, Alain Etchegoyen, fort de son expérience dans le secteur privé, nous relate de quelle façon il a été confronté dans sa vie professionnelle, à la corruption. L'auteur cite notamment l'exemple dans lequel un chef d'entreprise tente de le corrompre pour qu'il passe un contrat de formation avec la société de sa maîtresse. « Il sait que je travaille depuis plusieurs années à la Caisse nationale du Crédit agricole, dans le service formation. Le marché qu'il propose est simple : il apprécie beaucoup Cécile Olswensky qui dirige une petite entreprise de formation en langues étrangères : si je lui obtiens un contrat avec le crédit agricole, il me passe commande d'une étude significative pour son entreprise. Nous verrons l'objet plus tard91(*) ». Dans cet exemple, le chef d'entreprise souhaite que la société de sa maîtresse obtienne un contrat de formation avec le Crédit agricole. Or, pour rémunérer cette prestation fictive, il doit justifier d'une sortie d'argent de son entreprise afin d'avoir les moyens de corrompre. Le corrompu lui, doit justifier d'une entrée de flux dans le capital de sa firme. Le dirigeant propose donc de passer commande d'une étude fictive, étude qui n'a en réalité d'autre objectif, que la rémunération du contrat de formation. Nul besoin est de préciser que l'auteur déclare avoir refusé ce pacte illégal. Mais l'on se rend bien compte grâce à cet exemple, de quelle façon la fraude peut servir de socle au phénomène corrupteur.

Le Service Central de prévention de la corruption a étudié ce lien indissoluble entre fraude et corruption. D'après le SCPC, « La corruption se nourrit du produit des fraudes. Corrupteurs et corrompus utilisent à leur profit les fausses factures ; les manipulations comptables organisées à partir des logiciels permissifs ainsi que les montages à partir de sociétés écrans génèrent des flux d'espèces qui permettent le financement de la corruption 92(*)». Pour ce service, l'opération de corruption est « un montage actif, méthodique et calculé ». En effet, il s'agit d'un montage actif car l'opération est forcément préméditée, préparée et résulte de « l'échange de volonté qui rapprochera le corrupteur du corrompu ». C'est ensuite un montage méthodique. « Il consiste à organiser les opérations en fonction du secteur économique concerné, des techniques les plus pertinentes, de l'urgence, de l'importance des montants en jeu, ainsi que des caractéristiques des contrôles réels ou potentiels ». C'est enfin un montage calculé, car le choix du montage repose sur la volonté du corrompu, et de cette volonté dépend la façon appropriée de faire sortir le flux financier de l'entreprise.

Il apparaît donc essentiel pour la survie de l'entreprise de lutter contre ces types de détournements, dans le but d'éviter toutes pertes financières dues à des comportements malveillants. Le SCPC préconise donc l'analyse des risques inhérents aux différents secteurs. « La prévention des fraudes comme celle de la corruption exige le développement d'une approche par processus93(*) ». On appelle généralement « processus » la suite d'exigences mises en place dans une gestion ou, plus précisément, le cheminement suivi par l'opération dans la gestion commerciale. Lorsqu'il y a non respect de ce processus, cela signifie, dans la majorité des cas qu'il y a fraude.

Pour Noël Pons, conseiller au SCPC, il existe différents types d'outils informatiques qui, détournés de leur usage premier, peuvent faciliter la fraude en entreprise. En effet, pour ce dernier, « La recherche systématique des réductions de coût et de facilités d'utilisation a suscité la création de logiciels « souples ». Les concepteurs, qui privilégient la souplesse d'utilisation de leurs logiciels, ne prévoient pas toujours les verrous informatiques qui sont nécessaires pour justifier des obligations d'intégrité relatives aux règles comptables. Ainsi, ces logiciels comptables ou de gestion qui permettent, du fait de leur souplesse d'utilisation, d'obtenir en sortie documentaire ce que l'on désire et non la réalité des opérations, peuvent être qualifiés de  pourriciels 94(*)». Ce genre d'outil peut donc servir de base au détournement de liquidités dans le but de corrompre autrui. La fraude informatique comptable devient alors le support nécessaire de toute pratique corruptrice. Un autre risque majeur de ces logiciels : la facilité d'utilisation permet aux usagers de connaître leurs failles et d'en abuser. Ainsi, pour M. Pons, la fraude devient « une procédure intégrée dans la gestion de l'entreprise. Ces outils sont alors mis au service d'une fraude « professionnelle » devenant ainsi une procédure informatisée difficilement détectable parmi les autres95(*) ». Pratiquée régulièrement, cette fraude est donc véritablement nuisible pour le maintien en bonne santé de l'entreprise.

Plus spécifiquement, Noël Pons et Valérie Berche abordent le problème de la corruption privée et les différentes formes de détournements, sous jacents nécessaires à cette corruption. Ainsi, pour ces derniers : « La corruption se matérialise le plus souvent par des paiements effectués avant l'attribution des contrats - « quiks savings ». Elle peut aussi survenir en cours de contrat, si le corrompu menace d'interrompre la prestation ». Quant aux fonds détournés pour corrompre, ils « proviennent en général, de surfacturations émises à l'encontre du client...C'est la raison pour laquelle, dans les milieux avertis, un corrompu est souvent appelé « Monsieur x pour cent » en fonction du montant de son prélèvement ». Et les auteurs de continuer : «  En ce qui concerne les fonds reçus par le corrompu, on note le plus souvent des espèces, des cadeaux - voyages, cadeaux VIP, véhicules, garanties sur des prêts personnels - qui conduisent de fait à une amélioration du train de vie global du bénéficiaire96(*) ». De plus, il apparaît que les secteurs d'activité dans lesquels le recours à la sous-traitance est important se révèle être un secteur à risque. Selon M. Pons et Mme Berche : « La pression exercée par le client sur la cadrage financier de la prestation exigée des sous-traitants est telle que ces derniers manquent de critères discriminants pour se distinguer face au client. Les sous-traitants étant eux-mêmes très fortement contraints de produire du résultat peuvent alors décider de recourir au paiement de commissions illégales ».

Il ressort donc que la fraude est souvent le point de départ des pratiques corruptrices. La nécessité pour le corrupteur de trouver les moyens d'acheter le corrompu, l'oblige à se procurer des fonds, le plus souvent émanant de sa société. De plus, destinée à donner une apparence légale à l'opération, cette fraude rendra d'autant plus dure la détection du délit. Il apparaît donc essentiel pour les entreprises de se prémunir d'outils de prévention des risques.

B : La mise en place d'outils de prévention des risques

Comme vu précédemment, la fraude constitue dans la majorité des cas, le support nécessaire aux pratiques corruptrices. Le corrupteur a besoin d'engranger des moyens pour corrompre, et il trouvera ces moyens au sein de sa firme. Afin d'éviter de telles manoeuvres d'enrichissement personnel au détriment du bien commun, il est donc essentiel d'adopter un comportement ferme face à ces agissement délictueux. Pour prévenir les risques de fraude et de corruption, il convient donc d'analyser leurs sources, leurs formes et leurs destinations. Cependant, le cadre de cette étude ne nous permet pas d'étudier de façon exhaustive tous les outils de lutte contre la fraude. Nous nous contenterons donc de pointer du doigt certaines procédures à risques que l'entreprise est amenée à conclure, et les contrôles qui doivent être mis en place pour y faire face.

Pour le Service Central de Prévention de la Corruption, il existe deux types de fraudes : les fraudes au profit de l'organisation, et les fraudes à l'encontre de l'organisation, ces deux catégories s'accompagnant dans la plupart des cas, de l'utilisation d'un faux. Selon ce service : « Les fraudes au profit de l'entreprise sont souvent celles qui camouflent le mieux les cas de corruption. En effet, elles augmentent l'actif du bilan des organisations concernées ou permettent de ne pas faire apparaître un déficit. Elles portent sur tout ce qui permet soit de majorer la facturation - alimentation du flux corrupteur - soit de finaliser la fraude comptable. Par définition, la fraude à des fins de corruption repose sur la création de faux. Le constat de l'existence de faux ou du camouflage des opérations qui auraient pu être frauduleuses autant au travers du contrôle interne que des contrôles externes, est un indicateur pertinent de risque97(*) ». Augmentant l'actif de l'entreprise, cette fraude se traduit le plus souvent sous la forme d'un paiement de commissions dans le but par exemple, d'obtenir un marché. L'entreprise se trouve donc favorisée, et l'on peut imaginer que les instigateurs de ces opérations fassent partie des cadres dirigeants de la société. Ce top management a tout intérêt d'user de fraude et de pratiques corruptrices car, augmentant l'actif de leur société, ils augmentent conséquemment leurs primes ou leurs prises de participation dans l'entreprises...

D'un autre côté, il existe les fraudes à l'encontre de l'organisation. Selon le SCPC ces fraudes touchent certaines entreprises à fort chiffre d'affaires, car dans de telles entités, le risque n'est considéré comme significatif qu'au-delà de plusieurs millions d'euros et il ne sera procédé à des investigations internes ou externes approfondies qu'au-delà de ce seuil. Quoiqu'il en soit, ces manipulations « ont pour finalité soit l'enrichissement personnel d'un fraudeur dirigeant ou salarié de l'entreprise, soit la corruption individuelle ou organisée98(*) ». Pour lutter contre ces fraudes, le service préconise l'analyse par processus. « Ainsi, pour une entreprise privée, l'analyse des processus suivant seront analysés au regard du risque de fraude dans les fonctions support :

- les achats et les ventes ;

- les ressources humaines ;

- le domaine financier et la trésorerie ;

- les inventaires ;

- le système d'information ».

Toutes ces opérations doivent être passées au crible, afin de déceler les possibles anomalies, et débusquer les manoeuvres frauduleuses. Si il en ressort un quelconque non-respect du processus, il y a forcément fraude ou corruption.

Il existe donc deux types de fraudes en entreprise, celles au détriment de la société et celles en faveur de la firme. Une fois effectuée l'analyse des types de fraudes qui peuvent survenir dans une entité, il convient de recherche les méthodes de prévention des risques. D'après Noël Pons, il est nécessaire que l'entreprise mette en place une méthodologie de contrôle adaptée. Cet expert affirme en effet qu'« il convient en premier lieu d'identifier si la procédure des offres restreintes existe »... « si elle est en vigueur dans l'entreprise, elle doit être rigoureusement encadrée. Pour ce faire, il convient notamment d'exiger :

- l'élaboration et la tenue de listes de soumissionnaires approuvées et de listes de soumissionnaires spécifiques ;

- repérer et analyser les modes de sélection répétitifs ;

- soumettre la liste des soumissionnaires approuvés à un examen indépendant et permanent ;

- examiner avec attention et de façon indépendante les soumissionnaires spécifiques ;

- identifier les modifications et les compléments de prestations non prévus, qui peuvent cacher des surfacturations ;

- les prestations complémentaires supervisées99(*) ».

M. Pons continue en déclarant qu'en matière de procédure d'offres restreintes, « le risque majeur est celui du conflit d'intérêt entre le responsable du dossier et le ou les soumissionnaire(s), qui affecte l'élaboration objective de la liste. Les points de contrôle sont alors les suivant :

- faire superviser les contrats par les juristes ;

- analyser les chiffres d'affaires des divers fournisseurs par rapport au client, les analyses des marges respectives, les modalités de règlement, la récurrence des traitements en urgence ainsi que les avoirs et les contentieux ;

- tenter d'identifier s'il existe des indices de courtage illicite d'informations dans ce domaine100(*) ».

En communicant toutes ces informations, cet expert du SCPC nous éclaire sur les risques inhérents à toutes transactions, et met en exergue les points sensibles susceptibles de générer une fraude. L'entreprise peut ainsi mettre en place des contrôles effectifs dans des domaines qui présentent un danger de détournements, et surveiller de façon préventive le déroulement de certaines opérations.

D'autre part, l'instauration de mesure de prévention au sein de l'entreprise peut se révéler véritablement bénéfique financièrement pour l'entité. Sur ce point, l'enquête menée par la société PricewaterhouseCoopers est catégorique : « L'étude globale montre que lorsqu'une entreprise a mis en place plus de cinq contrôles préventifs, elle aura 51 % de chances de détecter des fraudes, en détectera neuf en moyenne pour un coût moyen de 2, 449 millions de dollars - 2, 078 millions d'euros récupérés à hauteur de 52 % ». L'enquête prouve donc que l'installation de dispositifs préventifs permet à l'entreprise de se protéger efficacement contre les fraudes et la corruption. PricewaterhouseCoopers complète ensuite son enquête par une énumération des mesures de prévention existantes dans les entreprises. A fin d'illustrer notre propos, nous résumerons sous forme de tableau les résultats obtenus par ladite étude.

Mesures de prévention existantes dans les entreprises françaises

MESURES DE PREVENTIONS EXISTANTES DANS LES ENTREPRISES FRANCAISES

·

POURCENTAGE D'ENTREPRISES AYANT MIS EN PLACE CE DISPOSITIF

Audit interne

87 %

Procédures de sécurité

87 %

Audit externe

85 %

Code éthique

74 %

Contrôle de conformité

71 %

Dispositif de contrôle interne

70 %

Développement de techniques d'analyse anti-fraude

60 %

Test à l'embauche

56 %

Système de gestion des risques

50 %

Comité d'audit

48 %

Recherche d'informations publiques

40 %

Rotation du personnel

37 %

Formation de sensibilisation à la fraude

31 %

Recours à des consultants de prévention de fraude

18 %

Source : PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

Il ressort de cette synthèse que la majorité des entreprises a adopté des mesures préventives pour lutter contre la fraude et « en moyenne, huit mesures ont été mises en place » dans chaque société interrogée. Cependant, ces dispositifs sont pour la plupart des dispositifs internes à l'entreprise, et ne reposent pas sur un contrôle effectif d'une entité extérieure et objective. Autre ombre au tableau : l'utilisation de consultants de prévention de fraude demeure sous employée. Seulement 18 % des entreprises ont recours à ces spécialistes, qui pourtant peuvent apporter des conseils très pratiques pour les sociétés. Enfin, nous noterons également le faible recours à la formation de sensibilisation à la fraude. Seul 31 % des entreprises dispensent des formations sur le risque de fraude, force est d'en conclure que la majorité des salariés reste mal informé sur les risques pouvant survenir dans leur société.

Il existe donc des difficultés dans la lutte contre la corruption, difficultés qui mettent à mal le combat contre ce fléau. Comme vu précédemment, la corruption s'accompagne bien souvent d'une fraude, destinée à masquer le but réel de l'opération, tout en lui conférant une apparente légalité et cette relation de cause à effet aura pour conséquence de rendre la détection du délit beaucoup plus dure. La fraude devient ainsi un moyen nécessaire au corrupteur, pour lui permettre de rémunérer le service du corrompu. Ce lien indissoluble nécessite alors une lutte permanente de l'entreprise, qui se manifeste notamment par l'instauration de mesures préventives. Ces difficultés propres à la corruption, se double également de carences, qui viennent affaiblir la prévention et la répression de la corruption.

II: Les carences dans la lutte contre la corruption

Malgré une volonté affichée de lutte contre la corruption, ce combat reste toutefois difficile à mener. Cette difficulté émane de l'instantanéité du délit de corruption privée, qui fair courir le délai de prescription dès la commission de l'acte (A). Mais une autre carence doit être relever, à savoir l'absence totale de pouvoir d'investigations au Service Central de Prévention de la Corruption (B).

A: La dérive vers l'incrimination de l'abus de bien sociaux

A l'heure où un débat est entrain de s'instaurer sur l'utilité réelle de la pénalisation du droit des affaires, il convient de s'interroger sur les failles qui peuvent exister sur ce droit économique. Nous nous pencherons ainsi sur les carences juridiques du délit de corruption privée, afin de mieux cerner les difficultés qui peuvent en découler, et conséquemment la nécessité, non pas de le supprimer ou le modifier, mais au contraire de le renforcer. En matière de corruption, une des failles se situe au niveau de la prescription de l'action publique.

A l'instar de toutes les autres infractions, le délit de corruption privée connaît un délai de prescription, délai au terme duquel l'action publique ne pourra plus être déclenchée. La complexité des règles de prescription publique demanderait une analyse exhaustive qui ne peut être effectuée dans le cadre de cette étude, nous nous contenterons donc d'aborder ici les failles inhérentes à la prescription publique en matière de corruption privée.

La prescription de l'action publique signifie qu'au terme d'un certain délai, aucune poursuite judiciaire ne pourra être entamée à l'égard de l'auteur de l'acte illicite. Le législateur est venu préciser la durée durant laquelle l'action publique peut se voir mise en route, et les règles du droit positif en la matière peuvent se résumer comme suit :

- le délai de prescription d'un crime est de dix ans ;

- le délai de prescription d'un délit est de trois ans ;

- le délai de prescription d'une contravention est d'un an101(*).

Nous nous situons dans la deuxième catégorie, la corruption est un délit, entraînant ainsi un délai de prescription de trois ans. Une fois ces bases légales établies, il convient de s'interroger sur une question essentielle en matière de prescription publique de la corruption, à savoir à quel moment commence à courir ce délai de prescription. Il existe plusieurs catégories d'infractions, et la corruption fait partie des infractions instantanées. On appelle infraction instantanée l'infraction dont le délai de prescription commence à courir dès l'accomplissement de l'acte délictueux. En matière de corruption, cela signifie que la prescription court à partir du jour de la commission de l'infraction, c'est-à-dire le jour du pacte de corruption. Plus précisément, l'infraction est consommée du seul fait de la sollicitation ou de l'offre et indépendamment de la suite qui lui sera donnée102(*). Par conséquent, on imagine les conséquences négatives en terme de répression que cette règle peut engendrer : il suffit qu'une durée de trois ans s'écoule entre le pacte corrupteur et la découverte de cet acte illégal, pour que l'auteur de l'acte ne puisse plus être poursuivi, et jouisse ainsi d'une totale impunité pour ses pratiques corruptrices. L'instantanéité de ce délit entraîne donc une difficulté dans l'appréhension de la répression vis-à-vis de l'auteur de l'acte illégal. En effet, d'une part, le pacte de corruption, par définition secret, n'a aucun intérêt à être révélé par l'un des deux protagonistes. D'autre part, les manipulations destinées à masquer l'opération délictueuse auront pour incidence de mettre à mal les investigations, ou encore de retarder la découverte du délit. Ainsi, dans la majorité des cas, lorsque le juge d'instruction aura connaissance du pacte de corruption, le délai de prescription sera écoulé, et le corrupteur, tout comme le corrompu, ne pourront plus se voir inquiétés sur la base de ce délit.

Pour ne pas laisser impuni des personnes ayant commis une infraction pénale grave, le magistrat instructeur aura recours lorsque cela sera possible, à un subterfuge juridique usité communément dans ce cas : engager des poursuites sur la base du délit d'abus de bien sociaux103(*)pour le corrupteur, et de recel d'abus de bien sociaux pour le corrompu.

L'abus de bien sociaux est également une infraction instantanée. En substance cela signifie que le délit d'abus de bien sociaux se prescrit normalement par trois ans et le point de départ de ce délai doit être fixé, comme pour tout délit instantané, au jour ou ont été accomplis les actes matériels délictueux. Et si ces actes se renouvellent, la prescription ne court qu'à compter du dernier d'entre eux. Mais, alignant le régime de la prescription de l'abus de bien sociaux sur celui de l'abus de confiance104(*), la Cour de cassation décide que « le point de départ de la prescription du délit d'abus de bien sociaux ne court que du jour où il est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique 105(*) ». Cette solution a été largement critiquée aussi bien par les prévenus qui en subissaient les conséquences, mais également par certains commentateurs excessifs qui sont allés jusqu'à évoquer « l'imprescriptibilité » de l'abus de bien sociaux106(*). Cependant, des arrêts postérieurs ont apporté des ajustements de nature à apaiser les esprits, nuançant quelque peu la jurisprudence antérieure. Quoi qu'il en soit, il existe un effet de retardement du délai de prescription du délit d'abus de bien sociaux, ce qui offre aux organes poursuivants des modalités de répression plus souples à appliquer à l'auteur de l'acte. Et lorsque le délai de prescription du délit de corruption est écoulé, les magistrats instructeurs optent donc logiquement pour l'engagement de poursuite sur la base du délit d'abus de bien sociaux qui ouvre de plus larges possibilités de répression. C'est la raison pour laquelle les auteurs d'actes de corruption sont généralement poursuivis sur le chef d'abus de bien sociaux, infraction qui pour l'opinion publique a moins un caractère infamant que le délit de corruption. Conscient de ce problème, la jurisprudence est toutefois venue apporter tempérer son interprétation stricte de l'instantanéité du délit de corruption. En effet, selon la formule traditionnelle de la Cour de cassation : « Le délit de corruption est une infraction instantanée, consommé dès la conclusion du pacte entre le corrupteur et le corrompu et se renouvelle à chaque acte d'exécution ». Ainsi, si des relations suivies s'instaurent, marquées par une succession de services rendus et rémunérés, la prescription ne commence à courir qu'à compter du dernier de ces agissements. En revanche, « Ce point de départ ne saurait être retardé au jour de la découverte de l'infraction, et cette sévérité explique en partie la dérive constatée vers l'incrimination plus accueillante d'abus de bien sociaux107(*) ». Il apparaît donc clairement une faille dans la répression de la corruption, obligeant les juges à se tourner vers d'autres incriminations, dans le but de ne pas laisser impunis de tels comportements délinquants.

Perspectives de changement

Dans le but de faire cesser ce basculement de qualification pénale à l'encontre de l'auteur d'un acte de corruption, il est nécessaire de réfléchir sur les améliorations possibles pouvant être apportées à la répression de ce délit. Le délai de prescription de l'action publique en matière de corruption semble être au coeur du contentieux, et certains professionnels se sont prononcés en faveur de mesures destinées à modifier quelque peu ce délai. Par exemple, le Service Central de Prévention de la Corruption semble prôner l'allongement du délai de prescription en matière de corruption de trois à six ans. Cette solution est justifiée selon ce service du fait que : « L'inconvénient de créer un nouveau délai spécial de prescription pour ce délit est atténué par la nécessité de pouvoir le poursuivre en raison de ce caractère occulte108(*) ». Le SCPC prône donc un allongement du délai de prescription en matière de corruption, a l'instar des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre qui connaissent un délai de prescription spécifique. L'idée sur le fond est louable car elle permettrait une meilleure répression des protagonistes. La durée de six ans apparaît justifiée du fait que les pratiques corruptrices s'avèrent extrêmement difficiles à détecter, et sont le plus souvent « camouflées » sous des opérations en apparences légales. Mais il n'est pas certain que cette solution soit envisageable du point de vue du droit positif, car elle interférerait avec les dispositions de l'article 8 du Code de procédure pénal, en créant un délai de prescription unique pour le délit de corruption.

Une autre solution plus envisageable serait d'adopter pour la prescription de la corruption, une jurisprudence analogue à celle de l'abus de bien sociaux. Cela reviendrait pour les juges à inscrire dans leurs décision la formule consacré pour l'abus de bien sociaux, formule selon laquelle le délai du délit de prescription ne commence à courir qu'à compter de la découverte de l'infraction. Cette évolution n'est cependant pas d'actualité, la jurisprudence ne s'étant toujours pas prononcée dans ce sens, le délai de prescription accompagné de ces failles reste le même.

Cette carence juridique qui a pour conséquence de faire basculer la qualification pénale de corruption en abus de bien sociaux, entraîne donc des répercussions néfastes en terme de répression de la corruption. La volonté du législateur reste pourtant intacte dans la lutte contre ce fléau, pour preuve la création de structure spécialisée dans ce combat. Ainsi, depuis 1993 il existe un service spécialisé, le Service Central de Prévention de la Corruption qui tente de détecter les principaux mécanismes de la corruption pouvant intervenir dans les différents secteurs économiques. Mais là encore, force est de constater une carence car cette institution n'est pas dotée de moyens nécessaires pour mener à bien son action. C'est ce que nous tenterons de démontrer dans la suite de notre étude.

B: L'absence de pouvoir effectif des organes chargés de lutter contre la corruption : Le cas du Service Central de Prévention de la Corruption.

Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) est un service interministériel placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Créé par la loi du 29 janvier 1993 109(*) relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, ce service est chargé de plusieurs missions :

- centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption, trafic d'influence, concussion, prise illégale d'intérêts et d'atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

- prêter son concours, sur leur demande, aux autorités judiciaires, saisies de faits de cette nature ;

- donner sur leur demande, à diverses autorités administratives ainsi qu'aux maires, présidents de conseils généraux ou régionaux des avis sur les mesures susceptibles de prévenir de tels faits.

Depuis sa création, le SCPC a participé activement à la recherche et à la détection des pratiques corruptrices, mettant ainsi à jour bon nombre d'agissements jusqu'alors méconnus. En résumé de ses investigations, ce service rend tous les ans un rapport destiné au garde des sceaux, rapport qui met en lumière les risques encourus en fonction des différents secteurs. Le travail remarquable effectué par ce service a permis de nous éclairer sur des domaines non encore explorés en terme de risque de fraude, de corruption, ou de blanchiment. Ont ainsi été abordés des domaines tels que le sport, la publicité, les sectes, le secteur associatif, etc. Malgré le travail remarquable effectué par le SCPC depuis sa création, certaines interrogations restent toutefois en suspens, interrogations qui peuvent nous faire douter sur la réelle volonté des pouvoirs publics de lutter contre ce phénomène. En effet, nous pouvons nous questionner sur les moyens mis à disposition de ce service pour mener à bien sa lutte. Dès sa création en 1993, nombres de parlementaires se sont opposés au SCPC. Arguant de l'inefficacité du service, ou de ses méthodes assimilables à un « service de renseignement », le SCPC a connu des débuts difficiles. Ces parlementaires saisirent le Conseil constitutionnel, dans le but de l'interroger sur la conformité de la loi de 1993, à la Constitution. En réponse, le conseil est venu, dans sa décision du 20 janvier 1993110(*), restreindre considérablement les pouvoirs du SCPC, le rendant ainsi, selon les dires de certains, à l'état « d'eunuque impuissant ». Initialement pourtant, le législateur avait conféré au service un droit de communication de tout document - le service avait le droit de se faire communiquer par toute personne physique ou morale tout document, quel qu'en soit le support, nécessaire à l'accomplissement de sa fonction - et un droit de convocation de toute personne susceptible de lui fournir les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Les sages du Conseil ont annulé ces pouvoirs affirmant qu'ils étaient de nature à « méconnaître le respect de la liberté individuelle et à porter des atteintes excessives au droit de propriété », et que « le législateur n'avait pas défini ces mesures de manière suffisamment claires et précises en les limitant à celles qui relèvent d'enquêtes administratives ». Par conséquent, l'octroi de pouvoirs d'investigation, dans le cadre d'enquêtes judiciaires, au SCPC semble exclu. Ce service se trouve alors dépourvu de tout moyen d'action, et tend à devenir plus une cellule d'experts, qu'un organisme d'enquêtes participant activement à la répression de la corruption.

De plus, le SCPC est composé de sept fonctionnaires, détachés d'administrations diverses - justice, police, gendarmerie, impôts, douane. Ce nombre restreint de personnel doit toutefois être renforcé en vertu des promesses des gouvernements successifs, mais les postes à pourvoir restent encore et toujours vacants, faute de volonté des différentes administrations et des restrictions budgétaires. On imagine la difficulté pour ce peu de personnes d'appréhender à eux seuls dans toute son ampleur, un phénomène aussi vaste que la corruption. Effectivement, si un délit semble constitué, ce service transmet le dossier au procureur de la république, mais cela ne se produit qu'environ cinq fois par an111(*). Ainsi, le SCPC reconnaît lui-même qu'il « demeure sous-employé112(*) », particulièrement par l'autorité judiciaire alors qu'il est placé directement auprès du garde des sceaux.

Autre point négatif, la saisine du SCPC par les particuliers n'est pas prévue par la loi. Les textes fondateurs du service énumèrent limitativement les autorités habilitées à lui demander un avis, et il en résulte que la saisine par de simples citoyens, sans mandat électif ni attribution administrative ou juridictionnelle, n'est pas prévue. Pourtant, selon le service : « De nombreux courriers lui sont adressés par des particuliers pour solliciter des consultations, des renseignements, ou porter des faits à sa connaissance. Ils représentent aujourd'hui près de la moitié des saisines113(*) ». Le législateur n'est toutefois pas intervenu pour modifier la loi de création du service, et il n'est donc pas permis au particulier de saisir directement le SCPC.

Selon Daniel Dommel, le SCPC est « Handicapé par la limitation de sa marge d'initiative ainsi que par des contestations techniques et des tensions politiques qui ont entouré ses premières années d'activité 114(*)». Pour cet auteur, le SCPC s'apparente à une « structure légère », et il compare ce service à son homologue Chinois : l'Independant Commission Against Corruption (ICAC) d'Hong Kong. Daniel Dommel dépeint l'environnement instable dans lequel est naît l'ICAC en Chine : « Il fallait verser un bakchich à l'ambulancier pour qu'il vous emmène à l'hopital, au pompier pour qu'il attaque les flammes... », en concluant à la nécessité d'instaurer un tel organe. Une triple mission d'investigation, de prévention et d'éducation a alors été affectée à l'ICAC, et ce service et indépendant de toute administration, y compris de la police. Pour assurer sa mission, l'ICAC est doté d'importants moyens, en particulier un personnel qui dépasse aujourd'hui les 1300 agents - plus d'un agent pour 5000 habitants. Et M. Dommel de conclure : « L'institution a manifestement réussi à démanteler les systèmes de corruption établis dans divers secteurs et à susciter le soutien de l'opinion. La corruption est devenue une infraction à haut risque à Hong Kong ».

En comparaison à cet exemple chinois, le SCPC apparaît effectivement comme une « structure légère », qui ne possède pas les moyens appropriés pour mener à bien son action de lutte. Ce service apparaît plutôt comme un paravent pour les gouvernements, un affichage politique bien plus qu'une réelle volonté de lutter contre la corruption. Cet observatoire de la corruption, qui pourrait s'avérer être, s'il était doté de pouvoirs suffisants, un réel instrument contre ces pratiques illégales, n'en est réduit qu'à l'impuissance et à l'inaction. Il semble donc nécessaire que le législateur modifie les textes créateurs du service, afin de le doter de pouvoirs d'enquête et d'investigation. Ces pouvoirs d'enquête devront cependant être strictement encadrés et respectueux des droits et libertés, seule justification avancée de la censure par le Conseil constitutionnel.

Ces quelques lignes nous permettent d'entre apercevoir toute la complexité d'appréhension du phénomène de corruption. Une volonté réelle de lutte contre ce fléau s'est maintenant instaurée depuis quelques années, notamment par des modifications législatives ou des créations de services spécialisés. Mais ce combat est entravé par les difficultés et les carences qui entourent ce délit, rendant d'autant plus délicate l'application de la répression aux auteurs. Restent donc beaucoup d'éléments à parfaire, comme par exemple une refonte du délai de prescription, l'attribution de moyens d'investigations pour le SCPC, etc. Il conviendra donc de rester attentif au changement qui auront lieu - si changement il y a - dans les prochaines années.

CONCLUSION

L'exposition quasi constante des entreprises au risque de corruption a eu pour conséquence l'élévation d'une conscience collective de lutte contre ce fléau. Le législateur, par un dispositif exhaustif, est venu encadrer de manière stricte l'infraction de corruption privée, rendant moins attractive ces pratiques illicites. Les entreprises, victimes directes de ce phénomène, ont également élaboré et mis en place des outils de lutte contre la corruption. Cela se traduit concrètement par l'instauration de Codes de déontologie, destinés à afficher l'honnêteté de l'entreprise, mais servant aussi de guide pour les salariés lors de leur prise de décision. Cette volonté commune de lutter contre ces pratiques corruptrices se concrétise à l'heure actuelle par l'apparition de notions telles que « la responsabilité sociale d'entreprise » (RSE). La RSE peut être définie comme un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. A coté de cette notion de RSE s'est également créé ce que l'on nomme désormais la notion de Développement Durable (DD), avec un objectif sensiblement identique. L'idée est que l'entreprise qui recherche le profit, sera d'autant plus performante si elle intègre des valeurs morales, éthiques et de gestion humaine. Preuve de plus que l'entreprise s'investit dans la voie de la transparence et de la bonne gestion, et met tout en place pour mettre l'homme au centre de l'économie. Risque majeur pour l'entreprise, la corruption est désormais prise très au sérieux par les différents acteurs économiques, qui semblent vouloir éviter les conséquences néfastes qu'il en résulte. Aussi bien en terme de finance que d'image de marque, une firme touchée par la corruption, voit sa réputation considérablement ternie. En amont, cette lutte doit également se manifester par l'adoption et l'instauration d'outils spécifiques, tels que la mise en place d'un « déontologue », un « compliance officer », dont le but serait de contrôler non seulement le respect de la ligne éthique énoncée par l'entreprise, mais aussi d'apporter une aide aux salariés en cas de prise de décision. Notons que l'instauration de telles mesures de lutte peut s'avérer véritablement bénéfique pour les entreprises. Les investisseurs aussi bien que les consommateurs, observant les efforts de la firme dans ce combat, lui redonneront sa confiance, et dirigeront ainsi leur pouvoir d'achat sur ces entreprises. Ainsi, selon l'étude réalisée en partenariat par Novethic et le SCPC, les sociétés qui s'engagent dans cette lutte, voient dans la majorité des cas, leur valorisation boursière progresser115(*). Mais l'étude d'en conclure : « Il est clair que le thème de la corruption, sujet plus sensible et moins valorisant que d'autres, n'est pas le thème prioritaire du reporting RSE des entreprises116(*) ».

L'on peut donc légitimement s'interroger sur ce sursaut de moralité des différentes firmes. N'est ce pas là un simple affichage commercial, destiné à rassurer investisseurs et consommateurs ? Rappelons que l'entreprise « est astreinte à la responsabilité sous peine de mort, et que si elle doit assumer les coûts du développement durable, ceux-ci ne sauraient amputer les profits loyaux sous peine de rendre l'entreprise non durable117(*) ».

Ainsi, gardons nous de toute conclusion hâtive sur les bienfaits déclamés de tous ces dispositifs internes de lutte. Ils sont peut être en réalité, un simple affichage de loyauté, sans grands effets sur les réalités commerciales. « La raison d'Etat », souvent avancée par nos gouvernements pour justifier la commission d'actes aux bornes de la moralité, « transposée à l'économie de marché devient « raison d'entreprise ». La loi et la justice trépassent118(*) ». Dans cette configuration, l'on peut se demander si, sous prétexte de prôner l'introduction de principes et de valeurs de bases dans les entreprises, celles-ci ne jouent pas la carte de l'hypocrisie, tout en continuant d'agrémenter les circuits opaques de la corruption.

Côté décideurs publics, force est de constater que la volonté affichée d'éradiquer toute forme de corruption, n'est pas toujours suivie d'actes concrets. En effet, les multiples failles qui entourent le délit de corruption ne semblent pas inquiéter outre mesure le législateur. Bien que la loi du 4 juillet 2005 ait apporté des solutions nouvelles et efficaces en matière de répression de la corruption privée, il n'en reste pas moins que des lacunes continuent de ternir ce délit. Ces lacunes pourtant apparentes, ne font pas l'objet de modifications législatives, alors qu'elles posent de réelles difficultés dans l'application d'une quelconque répression aux auteurs d'actes de corruption. En effet, pourquoi ne pas calquer le délai de prescription de l'action publique de la corruption privée sur celui de l'abus de bien sociaux ? Cette évolution souhaitable permettrait aux magistrats de réprimer de façon correcte toute pratique corruptrice, sans employer le subterfuge juridique de l'abus de bien sociaux. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation, bien souvent imprégnée d'orientations gouvernementales, n'a pas pris parti pour une telle évolution.

De plus, l'on peut se questionner sur le fait de savoir pourquoi un organe comme le Service Central de Répression de la Corruption ne dispose toujours pas de pouvoir d'investigations pour mener à bien sa mission. Effectuant un travail d'expertise remarquable, ce service se voit pourtant réduit à l'état « d'eunuque impuissant », car ne disposant d'aucun pouvoir judiciaire concret. Nombreuses sont les remontrances des parlementaires à l'égard des gouvernements successifs sur cette question, mais là encore cela n'est pas près de changer. Cet outil pourtant nécessaire à la lutte contre la corruption est destiné à l'inaction, car aucune volonté politique réelle ne vient lui conférer de véritables moyens d'action. Selon les termes mêmes du SCPC : « L'outil n'est qu'un moyen. Encore faut-il avoir la volonté de s'en servir, donc la conscience des ravages causés par la corruption et la nécessité de la combattre, même parfois au risque de son confort personnel119(*) ». Ainsi, doter ce service de pouvoirs d'enquête et non de simples prérogatives administratives, reviendrait à bouleverser les habitudes d'une certaine élite, ce qui forcément ne serait pas du goût de tout le monde, car nombres de leurs privilèges seraient remis en cause. D'autre part, pour Rudy Aernoudt : « Pour appréhender au mieux la corruption, il faut revenir à une économie qui place l'homme au centre des préoccupations, à une économie à visage humain. Ce plaidoyer pour l'anthropomorphisme de l'économie n'est pas bien sûr sans conséquences sur le thème du contrôle. Le contrôle des systèmes s'apparente toujours au jeu du chat et de la souris entre les autorités et les corrompus, ces derniers se trouvant aussi bien au sein des autorités qu'à l'extérieur. Les membres corrompus de la société tentent, dans une sorte de destruction créatrice schumpétérienne, de devancer constamment les autorités en ayant recours aux techniques et aux méthodes des corruption les plus neuves. On appelle ça de l'innovation et de l'ingénierie120(*) ». Par conséquent, pour que l'économie prodigue ses bienfaits, il est nécessaire de revenir à des valeurs humaines de base, afin d'éviter de multiples dérives, dues à l'attrait de l'homme pour le profit. La lutte contre la corruption s'inscrit donc dans le temps, et à aucun moment les hommes ne devront atténuer le combat contre ce fléau.

La nécessaire lutte contre la corruption implique donc la volonté des différents acteurs, politiques et économiques. Le législateur français, sous l'impulsion internationale, est venu encadrer de façon stricte les comportements de corruption privée. Les entreprises elles, se dotent peu à peu de mesures internes destinées à parfaire cette lutte, et à se prémunir des risques inhérents à toute pratique commerciale. Reste à savoir si ces volontés collectives sont bien réelles, et si l'éradication de la corruption, tant souhaitable pour l'économie, est véritablement voulue par ces protagonistes.

BIBLIOGRAPHIE :

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Revues et ouvrages spécialisés :

· Philippe Cohen : « Whistleblowing, la raison l'emportera ». Echanges, juillet 2006, n° 234.

· Noël Pons et Valérie Berche : « Pour une méthodologie d'audit adaptée au conflit d'intérêts » ; Audit Interne n° 182 - décembre 2006.

· Noël Pons : « Quand les logiciels « souples » facilitent la fraude ». Audit Interne n° 174 - avril 2005.

· Robert Klitgaard : « Subvertir la corruption » ; Finances et développement - juin 2000 - Volume 37, n° 2.

· « La lettre de Transparence France ». Lettre d'information trimestrielle de Transparence International (France), mars 2007, n° 32.

· « La lettre de Transparence France ». Lettre d'information trimestrielle de Transparence International (France), décembre 2006, n° 31.

· « La lettre de Transparence France ». Lettre d'information trimestrielle de Transparence International (France), septembre 2006, n° 30.

Rapports et enquêtes

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2006 ; éd. La documentation Française, juin 2007. 205p.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2005 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2004 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2003 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2002 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2000 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1998 -1999 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1997 ; éd. La documentation Française.

· Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1996 ;éd. La documentation Française.

· Enquête FIDS Ernest &Young : « Dénoncer les abus liés à la fraude, aux pots de vin et à la corruption. Multinationales : résultats pour la France », 2007.

· Ethifinance et Transparency International France : « Etude sur la prévention de la corruption dans les grandes entreprises françaises », juin 2006.

· PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

· Novethic / Service Central de Prévention de la Corruption : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption. Le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durable des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 ». Septembre 2006.

Codes et textes juridiques :

· Code pénal

· Alain Dekeuwer : « Défense et illustration de l'incrimination d'abus de biens sociaux dans un système de corruption », La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 9, 26 Février 1998.

· Wilfried Jeandidier : « Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent », La Semaine Juridique Edition Générale n° 39, 25 Septembre 2002.

· Circulaire de présentation des nouvelles infractions de corruption active et passive dans le secteur privé issues de la loi n° 2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. CRIM 2006 04 G3/14-02-2006. NOR : JUSDO630017C.

Sites Internet

· www.legifrance.gouv.fr

· www.lesechos.fr

· www.latribune.fr

· www.lemonde.fr

· www.lemondediplomatique.fr

· www.lexpansion.com

· www.diploweb.com

ANNEXES

Annexe 1 :

Le nouvel observateur, 4 juin 2007.

Le journaliste proche des milieux d'affaires, Marc Francelet, mis en examen et écroué depuis le 29 mars pour des faits de corruption, a été remis en liberté mercredi 30 mai par le juge, a indiqué à l'AFP son avocat, Me Daniel Vaconsin. Marc Francelet a été interrogé mardi pour la première fois par le juge Jean-Christophe Hullin, qui a repris récemment ce dossier après le départ de son collègue Philippe Courroye, désormais procureur de Nanterre. Le juge a rendu une ordonnance de mise en liberté estimant que la détention provisoire de M. Francelet dans cette affaire ne se justifiait plus à ce stade de l'enquête. Emprisonné à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), il devait sortir mercredi en fin d'après-midi. Sa mise en liberté a été assortie par le juge d'un contrôle judiciaire l'empêchant de rencontrer plusieurs personnes citées dans le dossier.

"Corruption d'agent privé"


Marc Francelet avait été mis en examen par le juge Courroye qui le soupçonne d'avoir été rémunéré pour obtenir la publication dans la presse française de plusieurs articles jugés "complaisants" sur des personnes souhaitant soigner leur image, ce qu'il conteste formellement. Marc Francelet est poursuivi pour "corruption d'agent privé", une nouvelle incrimination applicable en droit français depuis 2005. Outre cette qualification, le juge l'a également mis en examen pour une "escroquerie aux Assedic" de l'ordre de 160.000 euros entre 2001 et 2004, selon une source proche du dossier. Il conteste cette infraction, en précisant que le dépôt de bilan de son employeur lui donnait le droit à une prestation de l'assurance chômage.

Affaire "pétrole contre nourriture"


Il est également poursuivi pour "recel d'abus de confiance, recel d'abus de bien sociaux et blanchiment". Selon une source proche du dossier, ses comptes bancaires comportent des sommes dont l'origine est inexpliquée. La procédure vise notamment un article de l'hebdomadaire Le Point du 24 novembre 2005 qui présente l'homme d'affaires franco-libanais Iskandar safa sousunjour plutôt avantageux. Plusieurs journalistes ont été entendus dans cette affaire, dont le directeur du Point Franz-Olivier Giesbert, le journaliste auteur de l'article sur Iskandar Safa Jean-François Jacquier, ainsi que l'ancien journaliste du Monde Hervé Gattegno, également auteur d'un article sur Iskandar Safa. Par ailleurs, Marc Francelet est également mis en examen dans l'affaire "pétrole contre nourriture", dans laquelle il est soupçonné d'avoir obtenu des largesses de la part du régime de Saddam Hussein. (AFP)

Annexe 2 :

La Tribune, 13 juillet 2007

Désamiantage du Clemenceau : quatre chefs d'entreprise mis en examen

Ils sont accusés de corruption et d'abus de biens sociaux. Deux autres plaintes, dont une du ministère de la Défense, sont en cours.

Quatre personnes, dont deux dirigeants de sociétés impliquées dans le désamiantage du Clemenceau, l'ancien porte-avions de la Marine nationale, ont été mises en examen pour une affaire de corruption présumée dans ce marché, selon des sources judiciaires. Jean-Pierre Giannino, gérant de Technopure, a été mis en examen pour "corruption active de personne privée, faux et usage de faux" et placé en détention provisoire ce vendredi. Technopure est la société qui effectuait la première tranche de désamiantage du navire de la marine française entre 2004 et 2005, dans le port de Toulon. Les enquêteurs soupçonnent Jean-Pierre Giannino d'avoir payé pour obtenir le marché du Clemenceau, via un réseau de fausses factures. Le détournement de fonds s'élèverait à 300.000 euros. Marc Belvert, responsable parisien de la SDIC (Ship Decomissioning Industries Corporation, filiale du groupe Eckhart Marine), a lui aussi été mis en examen pour "recel d'abus de biens sociaux, escroquerie et corruption passive de personne privée". Il a également été placé en détention provisoire. La SDIC est la société sous contrat avec l'Etat pour le démantèlement du Clemenceau. Les enquêteurs soupçonnent Jean-Pierre Giannino d'avoir payé Marc Belvert afin d'obtenir le marché du Clemenceau. Deux autres hommes, soupçonnés d'avoir participé à ce schéma de corruption en surfacturant du matériel à Jean-Pierre Giannino, ont également été mis en examen dans cette affaire, l'un pour "abus de biens sociaux, faux et usage de faux" et l'autre pour "faux et usage de faux". Ils ont été libérés et placés sous contrôle judiciaire. L'affaire, instruite par juge le Charles Duchaine, de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) en matière financière de Marseille, a débuté en juin 2006 après une dénonciation à Tracfin, service spécialisé de lutte contre la délinquance financière du ministère de l'Economie et des Finances.

Dans le dossier du désamiantage du Clemenceau, plusieurs autres plaintes ont été déposées. Jean-Claude Giannino a ainsi porté plainte contre X avec constitution de partie civile pour "dénonciation calomnieuse" en avril 2007. Ce dossier est instruit par la juge d'instruction marseillaise Carole Sayous.

En février 2006, Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, a déposé une plainte pour des "soupçons d'irrégularités" contre la société Technopure. En cause, la quantité d'amiante réellement retirée du navire par l'entreprise d'octobre 2004 à mars 2005.

Le Clemenceau, désormais connu sous l'appellation de "coque Q790", est amarré à Brest (Finistère) depuis mai 2006 dans l'attente d'être démantelé après un périple de 18.000 km en direction de l'Inde.

Pascal Junghans

Annexe 3 :

Chartes éthiques et codes de conduite en question

Une étude du cabinet Alpha pour la CGT - mars 2004

L'étude réalisée par le groupe Alpha en collaboration avec la CGT participe de la volonté de la CGT de faire de la « responsabilité sociale des entreprises » un nouveau champ d'intervention sociale pour les salariés et plus généralement pour les populations (consommateurs et/ou habitants de proximité). Elle montre qu'aujourd'hui les chartes et codes éthiques sont avant tout des outils au service du management des entreprises (dans des logiques de protection et/ou de motivations des salariés).

Cette étude est la première du genre d'abord :

 par l'étendue de son champ d'investigation (les entreprises du CAC 40 et les grandes entreprises françaises non cotées),

 par son objectif qui est de faire le bilan des chartes éthiques et codes de conduite mis en place par celles-ci et de proposer des voies d'actions pour les salariés leurs organisations syndicales mais aussi les associations et ONG,

 enfin par sa diffusion qui, mondialisation oblige, sera assurée auprès des organisations syndicales des pays concernés par l'activité de ces firmes d'origine française, aux fédérations syndicales internationales ainsi qu'aux institutions internationales.

Le fait que cette étude unique aujourd'hui soit réalisée en collaboration avec une confédération syndicale marque tout à la fois la préoccupation du syndicalisme sur ces questions et la volonté de celui-ci de « reprendre la main » sur des terrains dont il a été (avec son tacite consentement ou sans celui-ci) exclu.

Cette étude lourde s'inscrit dans une suite d'actions de la CGT sur ce thème de la RSE dont la première fût la réalisation d'une étude (toujours en collaboration avec le groupe Alpha) sur la façon dont les entreprises s'étaient acquittées en 2003 de leur obligation au titre de la loi NRE (Nouvelles régulations économiques) de rendre compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités. Le succès de cette première étude réalisée en octobre 2003 - largement médiatisée et parallèlement diffusée au sein de nos organisations et par l'intermédiaire du TUAC (Commission syndicale consultative auprès de l'OCDE) aux organisations syndicales des 30 pays membres de l'OCDE- nous ont encouragé à poursuivre ces travaux de réflexion et de propositions sur des thèmes peu stabilisés et très souvent déroutants pour les salariés.

Le scepticisme des salariés

Confrontés à la mise en place de démarches éthiques au sein des entreprises traduites par l'édition de chartes et autres codes de conduite, les premières réactions des salariés sont en général empreintes d'un fort scepticisme ; elles se traduisent parfois par un rejet ou au moins par des réticences, parfois par de l'indifférence.

Pour la CGT tout ceci est parfaitement compréhensible et souvent très salutaire !

Ainsi, comme le met en évidence de façon éclatante l'étude Alpha/CGT :
 les chartes éthiques et codes de conduite sont dans la quasi-totalité des cas des documents unilatéraux à la définition desquels ni les salariés ni leurs représentants ne sont associés. 80% des documents étudiés ne font même pas référence aux différents acteurs sociaux et en particulier les représentants du personnel ! 5 entreprises seulement sur les 40 étudiées ont mentionné une consultation du comité d'entreprise ou de l'instance de dialogue européen !

 Les engagements des entreprises ont tout du Canada dry : la couleur, le goût, l'odeur d'engagements mais ceci n'en sont de réels que dans de très rares exceptions. Ainsi, 70% des codes étudiés mentionnent des engagements qui ne peuvent donner lieu à une mise en oeuvre spécifique et immédiate. 9 entreprises seulement (Accor, Arcelor, Axa, Carrefour, Dexia, Lafarge, Rhodia, ST Microelectronics et Vivendi Universal) définissent des objectifs concrets et mesurables. 35% seulement font référence explicitement aux conventions fondamentales de l'OIT et 15% aux principes directeurs de l'OCDE en direction des multinationales. Au surplus, ces codes usent et abusent de novlangue managériale, renforçant encore le malaise.

 Les contrôles des engagements sont inexistants ou réservés à des comités éthiques internes (70% des cas étudiés) composés de cadres dirigeants et souvent uniquement en charge de la rédaction d'un simple rapport annuel... Une seule entreprise (Carrefour) est dotée d'un contrôle externe pour sa Charte contre l'exploitation des enfants et le travail forcé qu'elle impose à ses fournisseurs et sous traitants (collaboration avec la FIDH) mais là encore les salariés n'y sont pas associés.

 Le périmètre d'application des codes et chartes est en général réduit. Il ne prend en compte que les personnels « stables » et excluent les salariés improprement baptisés « de second rang » c'est-à-dire ceux des fournisseurs et sous-traitants en cascade.

Ce bilan sévère mais qui s'appuie sur une étude exhaustive des pratiques des entreprises en la matière, montre qu'aujourd'hui les chartes et codes éthiques sont avant tout des outils au service du management des entreprises (dans des logiques de protection et/ou de motivation des salariés). Pour la CGT, ceci doit changer !

Normes sociales et contre-pouvoirs à l'ère de la mondialisation

Le rejet ou l'indifférence légitime qu'inspirent aujourd'hui ces documents ne relevant souvent que du marketing éthique ou pire reportant sur les salariés des responsabilités qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer (prescription supplémentaire et injonctions contradictoires) n'ont pas vocation à être éternels.

Dans le cadre de la mondialisation, la création de normes sociales à l'échelle internationale est un objectif pour le syndicalisme. C'est donc d'abord les contenus qu'il faut pouvoir débattre comme les moyens de contrôle à y associer.

Les pouvoirs publics (nationaux, européens et internationaux) ont un rôle décisif à jouer pour accompagner des dynamiques sociales fondées sur des négociations entre acteurs sociaux.

Pour la CGT, il apparaît ainsi décisif :

 De renforcer les droits d'intervention des salariés et de leurs institutions représentatives dans la gestion des entreprises et le contrôle de leur activité. Ceci suppose de donner une place aux salariés au sein des gouvernements d'entreprise (ce que ne prévoit pas le projet de l'OCDE en cours de négociation sur ce point).

 D'engager la négociation d'Accords cadres (« Framework agreements ») entre multinationales et fédérations syndicales internationales, afin d'agir dans le sens de l'émergence d'un droit social international qui fait aujourd'hui défaut. Il s'agit de durcir la « soft law » qui caractérise les chartes et codes de conduite aujourd'hui existants.

 De renforcer les pouvoirs des institutions internationales telle l'OIT

Des propositions immédiates pour les organisations syndicales

Au-delà, la vocation de cette étude qui sera très largement diffusée auprès notamment des organisations de la CGT est de mettre en évidence des points pratiques et immédiats à défendre lors de la mise en place des codes et chartes d'entreprises.

Parmi ceux-ci :

 Exiger la négociation de ces codes et chartes avec les organisations syndicales, ceci sur l'ensemble du périmètre de l'entreprise (pour les différents pays d'implantation de l'entreprise et pour les sous-traitants et fournisseurs).

 Définir des engagements concrets et mesurables, notamment en systématisant les références aux conventions de l'OIT.

 Mettre en place des dispositifs de contrôle indépendants de ces engagements sociaux et environnementaux.

mardi 7 décembre 2004

* 1 INFOSTAT JUSTICE : « La délinquance économique et financière sanctionnée par la justice » ; Bulletin d'information statistique de la direction de l'Administration générale de l'Equipement. Juin 2002, n° 62.

* 2 Pierre Lascoumes : « Les privilèges de la délinquance économique et financière » ; Alternatives économiques n° 65 - Hors série - Le capitalisme ; 3ème trim. 2005.

* 3 Définition de la criminalité économique et financière proposée lors du onzième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale des 18-25 avril 2005, Bangkok (Thaïlande).

www.11uncongress.org

* 4 Christian de Brie : « Les beaux jours de la corruption à la française » ; Le Monde diplomatique, avril 1998, p. 18 et 19.

* 5 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001 ; éd. La documentation Française, p. 10.

* 6 Transparency International est une ONG internationale indépendante et non partisane, vouée à la lutte contre la corruption. Cette ONG promeut le renforcement des « systèmes d'intégrité » à l'échelle nationale et internationale. Depuis sa création en 1993 par Peter Eigen, elle participe à l'identification des mécanismes de la corruption, et à la définition des moyens de lutte.

* 7 Transparency international : « Combattre la corruption » ; éd Karthala, p. 41.

* 8 Pierre Lascoumes : « Corruption » ; Presse de Sciences-Po, 1999, p. 35.

* 9 Michel Veron : « Droit pénal des affaires » ; éd. Armand Colin, Compact, p. 64 et s.

* 10 Avant la loi du 5 juillet 2005, la corruption de salarié était prévue par l'article L. 152-6 du Code du travail. La loi de 2005 a transféré ce délit dans le Code pénal.

* 11 Robert Klitgaard : « Subvertir la corruption » ; Finances et développement - juin 2000 - Volume 37, n° 2.

* 12 Gilles Dryancour : « La corruption », Collection ETHIQUE et DEONTOLOGIE dirigée par Jean-Yves Naudet. Centre de Recherche en Ethique Economique et des Affaires et Déontologie Professionnelle, librairie de l'université d'Aix en Provence, éd 2005, p. 206.

* 13 Rudy Aernoudt : « CORRUPTION À FOISON, regards sur un phénomène tentaculaire », éd. Economie et Innovation, L'Harmattan, Innoval, p. 13.

* 14 L'idée de base était que le temps est un bien commun et ne peut donc faire l'objet d'un commerce. Cette pensée selon laquelle l'argent est infertile été déjà soulevée par Aristote qui proclamait : « Prête sans espoir de retour ».

* 15 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu », éd. Julliard, 1995, p. 41.

* 16 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu », éd. Julliard, 1995, p. 43

* 17 Enquête FIDS Ernest &Young : « Dénoncer les abus liés à la fraude, aux pots de vin et à la corruption. Multinationales : perceptions pour la France », 2007.

* 18 Ethifinance et Transparency International France : « Etude sur la prévention de la corruption dans les grandes entreprises françaises », juin 2006.

* 19 Lancé le 8 décembre 1993, l'indice SBF 120 est composé de 40 valeurs de l'indice CAC 40 auxquelles s'ajoutent 80 valeurs du premier marché.

* 20 PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

* 21 Selon le rapport, près de 47 % des entreprises françaises ont été victimes d'actes de criminalité économique au cours des deux dernières années contre 43 % il y a deux ans.

* 22 Control Risks est une société de conseil spécialisée dans la prévention de la corruption. Simons & Simons est un cabinet d'avocats international.

* 23 Lettre d'information trimestrielle de Transparence-international (France), n° 31, décembre 2006, p. 8. Disponible sur le site www.transparence-france.org

* 24 Rudy Aernoudt : « CORRUPTION À FOISON, Regards sur un phénomène tentaculaire », Economie et Innovation, L'Harmattan, Innoval, p. 60.

* 25 B.Mandeville est un médecin et philosophe néerlandais. Sa célèbre fable des abeilles et tirée de son ouvrage intitulé : « The Fable of the Bess », Private vices, Public Benefits, Hackett, 1984.

* 26 Rudy Aernoudt : « CORRUPTION À FOISON, Regards sur un phénomène tentaculaire », Economie et Innovation, L'Harmattan ; p. 61.

* 27 Hervé Magnouloux : « La corruption » ; Collection ETHIQUE et DEONTOLOGIE dirigée par Jean-Yves Naudet Centre de Recherche en Ethique Economique et des Affaires et Déontologie Professionnelle, librairie de l'université d'Aix en Provence, éd 2005, p. 56.

Hervé Magnouloux traite dans son récit de l'optimisation des résultats d'une économie administrée par la corruption. De fait le champ d'application se situe sur le terrain de la corruption publique et non pas sur celui de la corruption privée. Cependant, l'exemple nous apparaît transposable au secteur privée, notamment dans le cas d'appel d'offre pour un marché, de sous-traitance.

* 28 http://web.worldbank.org

* 29 Jean de Maillard : « Un monde sans loi » ; éd. Stock ; 1998.

* 30 M. Sauloy et M. Le Bonniec : «  A qui profite la cocaïne » ; Calmann-Lévy, 1992, cité par Rudy Aernoudt dans « CORRUPTION À FOISON, regards sur un phénomène tentaculaire » ; Economie et Innovation, L'Harmattan, p. 63.

* 31 L'IPC est un indice composite, utilisant des enquêtes menées auprès d'hommes d'affaires et les évaluations d'analystes-pays pour fournir un aperçu annuel des perceptions de la corruption dans tel ou tel pays.

* 32 Les pays en développement qui sont, dans l'ensemble et avec de notables exceptions, moins bien classés que les pays industrialisés, ont reproché à l'IPC de donner une image imparfaite à la corruption, en limitant son analyse aux jugements portés sur le comportement des corrompus, à l'exclusion de celui des corrupteurs, lesquels sont en grande partie des sociétés ayant leur siège dans les pays industrialisés.

* 33 Comme nous le verrons plus tard dans l'étude de l'incrimination de la corruption privée, pour que soit mise en oeuvre une action sur ce chef, la personne corrompue ne devra ni être dépositaire de l'autorité publique, ni être chargée d'une mission de service public, ni exercer une fonction publique.

* 34 Transparency International : « Combattre la corruption, Enjeux et perspectives » ; éd. Karthala, p. 47.

* 35 John Sullivan est directeur administratif du CIPE (Center for international private entreprise), qui est une filiale de la chambre de commerce des Etats-Unis. Aleksandr Shkolnikov est responsable de programme au CIPE.

* 36 John Sullivan et Aleksandr Shkolnikov : « Combating Corruption : Private Sector Perspectives and Solutions »

Economic Reform, septembre 2004, n ° 0409.

* 37 Christian Curtil : « Le délit de corruption dans les entreprises » ; Les Echos du 19/06/06, p. 14.

* 38 L'un des premiers textes officiels dans lequel il est expressément fait référence à la lutte contre la corruption est l'ordonnance du 23 mars 1302 sur la réforme du royaume prise par Philippe le Bel. Il y indique clairement à ses baillis, sénéchaux et prévôts les règles à respecter pour que leur décision ne puissent être entachées d'irrégularités ou de favoritisme. Ordonnance disponible sur le rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001, p. 16.

* 39 La première modification est due à une ordonnance du 8 février 1945, qui consistait à compléter les termes de l'article 177 de 1810, afin d'étendre l'incrimination de corruption privée aux actes facilités par la fonction de l'agent, dans le but de faire cesser l'impunité de la para-corruption privée.

La seconde sera opérée par la loi dite « d'adaptation » n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal. Cette loi aura pour effet, d'une part de dépénaliser le délit, faisant porter le maximum de la peine d'emprisonnement de trois à deux ans. D'autre part, de transférer le siège du délit à l'article L.152-6 du Code du travail.

* 40 Loi n°2005-750 du 4 juillet 2005.

* 41 Décision cadre 2003/586/JAI du Conseil de l'Union Européenne qui abroge l'action commune de l'Union Européenne du 22 décembre 1998 relative à la corruption dans le secteur privé.

* 42 Partie inspirée de : Marc Segonds : « Corruption active et passive de personnes n'exerçant pas une fonction publique », JurisClasseur Pénal des Affaires, 15 septembre 2006.

* 43 L'article 121-2 du Code pénal énonce que « Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

* 44 Convention pénale sur la corruption du Conseil de l'Europe ; Strasbourg 27 janvier 1999, Série des traités européens n° 173, article 7 et 8.

* 45 Michel Veron : « Droit pénal des affaires » ; Armand Colin, Compact, 6ème édition, p. 67.

* 46 Défaut également présent au sein de l'article 433-1 qui prévoit la forme active de la corruption publique.

* 47 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, 8 octobre 2003, Juris data n ° 2003-020588.

* 48 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 juillet 1985. Bulletin criminel 1985, n°269.

* 49 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 14 janvier 1991. Juris-data n° 1991-001573.

* 50 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 décembre 1966. Bulletin criminel 1966, n° 285.

* 51 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 janvier 1986. Juris-data 1986-000146.

* 52 En ce sens, le législateur interne a suivie la volonté du législateur communautaire qui, en vertu des dispositions de l'article 2§1 de la décision cadre du conseil de l'Union Européenne du 22 juillet 2003, avait expressément invité à retenir dans les liens de la prévention tout « avantage indu de quelque nature que ce soit », que cet avantage soit indifféremment destiné à la satisfaction même de l'agent corrompu ou à celle d'un « tiers ».

* 53 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 février 2005. Juris-data n° 2005-027764.

* 54 Circulaire de présentation des nouvelles infractions de corruption active et passive dans le secteur privé issues de la loi n° 2005-750 du 4 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. CRIM 2006 04 G3/14-02-2006. NOR : JUSDO63017C.

* 55 Michel Veron : « Droit pénal des affaires », éd. Armand Colin, Compact, 6ème édition, p. 66.

* 56 Toutefois, des controverses concernant la suppression de la preuve de l'antériorité du pacte corrupteur émanèrent de la part des parlementaires lors du vote de la loi. Certains déclaraient en effet l'ineffectivité de cette suppression, proclamant que nonobstant celle-ci, l'ordre des éléments constitutifs du délit de corruption demeurait le même. La sollicitation après l'accomplissement de l'acte ne saurait être considérée être faite pour accomplir un acte qui l'est déjà.

* 57 Jacques Gazeaux : « La pratique judiciaire française en matière de lutte contre la corruption ». Article remis par le juge Jacques Gazeaux aux étudiants du Master II « Prévention et répression de la délinquance économique et financière et de la criminalité organisée » lors de son cours intitulé « Répression des délits financiers », du 29 novembre 2006 au Centre d'études des techniques d'ingénierie et financière (CETFI).

* 58 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 29 juin 2005. Jurisdata n° 2005-029608, Bulletin criminel 2005, n° 200.

* 59 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 avril 1997. Jurisdata n° 1997-000569, Bulletin criminel 1997, n° 45.

* 60 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 janvier 2001. N° 00-80.524.

* 61 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 juin 1999. N° 98-85-258.

* 62 Wilfried Jeandidier : « Du délit de corruption et des défauts qui l'affectent », La Semaine Juridique Edition Générale, n°39, 25 septembre 2002.

* 63 Ainsi dans l'ancien système, pour la corruption de fonctionnaire, l'amende pouvait être double de la valeur des promesses agrées ou des choses reçues ou demandées, en vertu des dispositions de l' article 177 alinéa 1 de l'ancien Code pénal.

* 64 Cette transposition est d'ailleurs évoquée en doctrine, notamment par M.Delmas-Marty dans « Les conditions de fond de mise en jeu de la responsabilité pénale » : Revue des sociétés 2004, p. 301, spécialement p. 304.

* 65 L'article 706-73 du Code de procédure pénale prévoit actuellement une liste de 17 infractions pour lesquelles le magistrat instructeur se voit offert la possibilité d'appliquer des règles dérogatoires de procédure.

* 66 Ne contenant au départ qu'une liste de quinze infractions, le législateur est venu compléter cette liste, et l'article 706-73 en compte désormais dix sept.

* 67 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation, 4 février 1997. bulletin criminel 1997, n° 45.

* 68 Rapport du Service Central de Prévention de la corruption pour l'année 2002 ; éd. La Documentation française, p. 8.

* 69 Distinction développée lors d'une conférence donnée en 1919 « Politik als Beruf » dont la traduction sous le titre « Le métier et la vocation d'homme politique » est publié dans « Le savant et le politique », Bibliothèque 10/18, Paris, p. 123 et suiv.

* 70 Patrice Meyer-Bisch : « L'éthique économique : une contrainte méthodologique et une condition d'effectivité des droits humains ». Economie Ethique N° 5 ; SHS-2003/WS/36. Publication de l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.

* 71 Le professeur Lynn Paine qui a crée ce diagramme, l'appelle « La boussole du manager ».

* 72 http://www.ethiquedesorganisations.com/definition.php

* 73 Caroline Lechantre, Les Echos du 1er mars 2007, n° 19868, p. 35.

* 74 Gérard Kuster est directeur de l'éthique chez SUEZ.

* 75 Novethic / Service Central de Prévention de la Corruption : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption. Le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durables des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 ». Septembre 2006.

* 76 Claude Mathon : « Corruption et mensonge ». Claude Mathon est magistrat, et anciennement directeur du Service Central de Prévention de la Corruption. a1692.g.akamai.net/f/1692/2042/0/investigation.blog.lemonde.fr/files/corruption_et_mensonge.pdf -

* 77 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2002 ; éd. La documentation Française, p. 10.

* 78 Ibid.

* 79 Novethic / Service Central de Prévention de la Corruption : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption. Le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durables des entreprises du CAC 40en 2004 et 2005 ». Septembre 2006.

* 80 Littéralement « souffler dans le sifflet ».

* 81 Les exemples suivants sont directement tirés de l'étude effectuée par le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) et la société Novethic intitulé : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption : le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durable des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 », p 113 et suivantes.

* 82 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2003 ; p. 128.

* 83 Ibid

* 84 Paul Latimer : « Reporting suspicious of money laundering and Whistleblowing : The legal and other implications for intermediaries and their advisers », Journal of financial crime, Volume 10, n° 1.

* 85 Claire Gatinois : « Les salariés français rechignent à dénoncer la corruption dans leur entreprise », Le Monde du 6/06/2007.

* 86 Décision n° 2005-110 pour la société Mc Donalds et décision n°2005-111 pour la société Compagnie Européenne d'Accumulateurs. Pour un résumé de ces décisions voir le site de la CNIL, en particulier http://www.cnil.fr/index.php?id=1832

* 87 Philippe Cohen : « Whistleblowing, la raison l'emportera ». Echanges, juillet 2006, n° 234, p. 44 et 45.

* 88 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2003 ; p. 127.

* 89 Les Echos : « La fraude prospère en entreprise » ; 1er avril 2004.

* 90 PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

* 91 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu » ; éd. Julliard 1995, p. 60.

* 92 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2006 ; éd. La documentation Française, p. 113.

* 93 Ibid, p. 115.

* 94 Noël Pons : « Quand les logiciels « souples » facilitent la fraude ». Audit Interne n° 174 - avril 2005 ; p. 30.

* 95 Ibid, p. 31.

* 96 Noël Pons et Valérie Berche : « Pour une méthodologie d'audit adaptée au conflit d'intérêts » ; Audit Interne n° 182 - décembre 2006, p. 7.

* 97 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2006 : La documentation française, p. 117.

* 98 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2006 : La documentation française, p. 118.

* 99 Noël Pons et Valérie Berche : « Pour une méthodologie d'audit adaptée au conflit d'intérêts » ; Audit Interne n° 182 - décembre 2006, p.8.

* 100 Ibid.

* 101 Il existe cependant des délais de prescription plus long. Tel est le cas notamment pour les délits d'agression sexuelle aggravée sur mineur, de crime ou de torture sur mineur qui se prescrivent sur une durée de vingt ans. La prescription peut également s'étendre sur trente ans pour des actes terroristes. L'imprescriptibilité est accordée aux crimes contre l'humanité, crimes de guerre. Mais il existe aussi des délais de prescription plus court, comme par exemple en matière d'infractions de presse, infractions qui connaissent un délai de trois mois.

* 102 Il convient de signaler sur ce point, que les textes n'incriminent pas la tentative de corruption car l'infraction, comme nous venons de le dire, est consommée du seul fait de la sollicitation ou de l'offre et indépendamment de la suite qui lui sera donnée.

* 103 Le législateur incrimine le délit d'abus de bien sociaux en des termes identiques dans les sociétés à responsabilité limité (SARL) - article L. 241-3, 4° et 5° - et dans les sociétés anonymes (SA) - article L. 242-6, 3° et 4°. Il ressort de ces textes que ce délit suppose la réunion de quatre éléments : un acte d'usage des biens, du crédit ou des pouvoirs, un acte contraire à l'intérêt social, un acte accompli dans un intérêt personnel, un acte accompli de mauvaise foi.

* 104 L'abus de confiance prévu par l'article 314-1 du Code pénal énonce que « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».

* 105 Voir à cet égard la décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 juillet 1993. Il s'agissait en l'espèce d'une dénonciation au parquet par des inspecteurs des impôts agissant dans le cadre de poursuite pour fraude fiscale. La Cour a admis que la prescription ne courait qu'à compter du jour de la découverte de l'abus de bien sociaux, c'est-à-dire le jour de la dénonciation par les services fiscaux.

* 106 Ces critiques émanaient du fait que si un personne commettait un abus de bien sociaux en janvier 2000, et que la découverte des faits délictueux n'intervenait qu'en janvier 2010, alors des poursuites pénales pouvaient être engagées à l'égard de l'auteur de l'acte jusqu'en janvier 2013. En comparaison, lorsqu'un meurtre est commis et que celui-ci est découvert, le délai de prescription commence à courir immédiatement. De fait, il suffit par exemple que le criminel s'expatrie pendant une durée de 10ans, pour qu'à la fin de cette durée il ne puisse plus être poursuivi sur le chef de meurtre. L'écoulement de ces dix années lui assure donc par la suite une totale impunité, ce qui n'est pas le cas en matière d'abus de bien sociaux, d'où l'évocation de l'imprescriptibilité de ce délit.

* 107 Michel Veron : « Droit pénal des affaires » ; Armand Colin, Compact. 6ème édition, p. 68.

* 108 Rapport du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1997 ; éd. La documentation Française, p. 27.

* 109 Loi du 29 janvier 1993, n° 93-122.

* 110 Décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1993, n° 92-316.

* 111 En 2002, seuls trois dossiers ont été transmis au parquet par le SCPC.

* 112 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001 ; éd. La documentation Française, p. 105.

* 113 Ibid, p. 103.

* 114 Daniel Dommel : « Face à la corruption » ; éd. Karthala, p. 110 et 111.

* 115 Voir à cet égard l'enquête du Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) et de la société Novethic intitulé : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption : le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durable des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 », spécialement p. 61 et suiv.

* 116 Ibid, p. 58.

* 117 Octave Gelinier cité par Daniel Dommel dans « La lettre de transparence » ; Lettre d'information de Transparence International (France), novembre 2005, n° 27.

* 118 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu » ; éd. Julliard, p. 81.

* 119 Rapport du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1999 ; éd. La documentation Française, p. 91.

* 120 Rudy Aernoudt : « CORRUPTION A FOISON. Regards sur un phénomène tentaculaire » ; éd. Economie et Innovation, L'Harmattan, Innoval, p. 73.






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams