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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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INTRODUCTION

En juin 2002, le gouvernement rend public les condamnations judiciaires prononcées sur la base d'infractions économiques et financières. Résultat : « Depuis 1990, on constate une assez grande stabilité du nombre de condamnations prononcées dans ce domaine qui représentent moins de 1 % de la délinquance sanctionnée par les tribunaux 1(*) ». A première vue, cette délinquance en « col blanc » bénéficierait donc d'un traitement de faveur de la part des tribunaux, en comparaison aux infractions de droit commun, qui elles, sont sévèrement réprimées et dans une proportion plus grande. Une des justifications pouvant être avancées pour relativiser ce faible chiffre est que ces infractions économiques, par définition secrètes et opaques, sont le plus souvent « camouflées » derrière des opérations d'apparences légales, destinées à légitimer l'entrée ou la sortie des flux financiers. Ces manipulations auront pour conséquence d'entraîner de véritables difficultés dans la détection de ces délits, et de fait, rares seront les dossiers qui arriveront dans le bureau d'un juge d'instruction. Ainsi, faute d'avoir pu détecter l'acte délictueux et d'en rapporter les preuves, les auteurs jouiront la plupart du temps d'une totale impunité. Mais cette différence de traitement dans la répression entre infractions de droit commun et infractions économiques et financières, semble importer peu aux yeux du grand public. D'après pierre Lascoumes : « Il existe une euphémisation sociale des transgressions de la criminalité économique » qui « contraste avec la dramatisation d'autres formes de délinquance2(*) ». Force est de constater alors que l'opinion publique n'attache que trop peu d'importance à ces délits financiers, pour en accorder plus à d'autres délits de droit commun, qui eux, font la une des 20 heures. Pourtant, bien que ces actes de criminalités économiques ne fassent pas de victimes directes, l'expérience nous montre qu'ils peuvent être véritablement néfastes pour la société dans son ensemble.

Cette criminalité économique et financière désigne de manière générale « toute forme de criminalité non violente qui a pour conséquence une perte financière»3(*). Cette forme particulière de criminalité couvre ainsi une large gamme d'activités illégales telles que l'abus de biens sociaux, le blanchiment d'argent, la fraude fiscale ou encore la corruption. C'est cette dernière infraction qui retiendra notre attention et il convient donc d'en préciser les contours. D'après Christian de Brie, trois facteurs ont favorisé l'enracinement des pratiques corruptrices dans nos sociétés modernes : « Le triomphe de l'économie néolibérale tout d'abord et son culte de l'argent, seule mesure de la réussite professionnelle et sociale, du succès des vainqueurs de la compétition économique, obtenu par tous les moyens »... « Ensuite, la mondialisation des marchés et l'internationalisation des affaires ont ouvert à la criminalité financière des capacités de développement illimitées sur une terra incognita, juridiquement vierge de toute contrainte »... « Enfin, la privatisation accélérée des services publics a transformé le rôle de l'Etat et des collectivités locales...Des boulevards de la corruption se sont ouverts, dans lesquels les grandes entreprises fournisseurs multicartes de biens et services se sont engouffrées4(*) ». Mais hormis ces causes, qu'en est-il de la définition de la corruption ?

En latin, corrumptio signifie simplement « altération », du verbe corrompere, « rompre », « briser » ce qui était uni et joint ensemble. Quelque chose se fait ou se défait ensemble, entre le corrupteur et le corrompu. Plus précisément, selon le Service Central de Prévention de la Corruption : « La corruption ressemble à un prisme aux multiples facettes, que l'on peut regarder sous divers angles. On peut l'appréhender comme un phénomène social ou sous l'angle des sciences politiques, de la théorie économique et organisationnelle, ou du point de vue du droit pénal et du droit civil5(*) ». La multiplicité d'approches possibles de la corruption, entraîne également une multiplicité de définitions, et démontre dans une certaine mesure la complexité du phénomène. Concept relativement difficile à définir, la corruption englobe des pratiques très diverses et n'est pas abordée de la même manière dans tous les textes juridiques, ou perçue à l'identique selon les cultures. D'après l'organisation non gouvernementale (ONG) Transparency international6(*) (TI), la corruption peut se définir de façon concise afin d'englober toutes les formes de ce fléau. Ainsi, la corruption serait « L'abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées7(*) ». Pour Pierre Lascoumes8(*) chercheur au CNRS, le terme de « corruption » est victime des ambiguïtés du sens commun, et il est aujourd'hui utilisé « comme une notion qui englobe toutes les formes d'abus de fonction ». Selon ce chercheur, « la corruption devient alors synonyme de déviance, sans que la norme par rapport à laquelle on évalue le comportement soit clairement désignée ». L'on retiendra également la définition donnée par l'article 2 de la Convention civile sur la corruption du Conseil de l'Europe qui énonce : « On entend par corruption le fait de solliciter, d'offrir, de donner ou d'accepter, directement ou indirectement, une commission illicite, ou un autre avantage indu qui affecte l'exercice normal d'une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission illicite, ou de l'avantage indu ou de la promesse d'un tel avantage indu ». Enfin, le professeur Michel Veron nous donne une définition plus juridique, affirmant que : « La corruption consiste à rémunérer une personne pour qu'elle accomplisse ou n'accomplisse pas un acte qui relève de sa fonction. Ainsi, il apparaît que l'infraction suppose une collusion entre deux personnes. L'une, le corrupteur, offre ou accepte de rémunérer l'autre personne, le corrompu qui, en échange, promet d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte de sa fonction9(*) ».

Les textes internationaux, aussi bien que notre législation interne, opposent généralement deux types de corruption : la corruption publique et la corruption privée. La première forme implique nécessairement l'intervention d'une personne exerçant une fonction publique, alors que le champ d'application de la seconde, se situe exclusivement entre deux agents privés. C'est cette corruption privée, qui nécessite l'interaction de deux personnes privées qui fera l'objet du développement de notre devoir. En cette matière, il est à noter une avancée considérable due en partie à la transposition de la décision cadre du 22 juillet 2003 dans notre droit positif. L'entrée en vigueur de la loi du 4 juillet 2005 a ainsi totalement remodelée l'infraction de corruption privée, dont les dispositions se trouvent désormais dans le Code pénal10(*). Ainsi, l'article 445-1 qui prévoit la corruption privée active énonce que : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de proposer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles. Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ». L'article 445-2 qui prévoit lui la corruption privée passive déclare qu' : « Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles ». La loi du 4 juillet 2005 a donc redéfini les contours de l'infraction de corruption privée, permettant aux juridictions d'instruction, tout autant qu'à celles de jugements, de mener au mieux leur lutte contre ce phénomène. Toutefois, nonobstant cette avancée législative non négligeable, le combat contre la corruption doit se poursuivre, voire s'intensifier, tout en s'adaptant à ces pratiques en perpétuelles évolutions. Même si certains s'interrogent sur la légitimité d'une telle lutte, à la façon de Colin Leys, qui se demandait il à presque quarante ans : « Ou est le problème de la corruption ? Ce à quoi il répondait, suivant un argument qui n'est pas sans rappeler le discours du sociologue Robert Merton ou du philosophe politique Machiavel, que la corruption a son rôle, voire son utilité11(*) ». Force est de constater que cette légitimité n'est plus à démontrer, et tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour éradiquer ce fléau. Mais au-delà de ces polémiques superfétatoires, se posent d'autres questions, dont une en particulier à laquelle nous nous efforcerons de répondre.

Dans quelle mesure la corruption constitue un risque majeur pour les entreprises et quels sont les moyens de lutte que possèdent les firmes pour mener à bien leur action contre ce phénomène ?

Pour ce faire, nous nous pencherons dans une première partie sur la nécessité de mener cette lutte contre la corruption privée. En raison de l'omniprésence de ce phénomène dans les entités, et les répercussions néfastes qu'il engendre, le législateur a été amené à adopter une attitude ferme face à ces comportements. Cependant, comme nous le verrons dans une deuxième partie, la lutte contre la corruption s'entache de difficultés et de carences, qui bien malgré cette volonté de lutte, ternissent et entravent l'appréhension et la répression du délit.

* 1 INFOSTAT JUSTICE : « La délinquance économique et financière sanctionnée par la justice » ; Bulletin d'information statistique de la direction de l'Administration générale de l'Equipement. Juin 2002, n° 62.

* 2 Pierre Lascoumes : « Les privilèges de la délinquance économique et financière » ; Alternatives économiques n° 65 - Hors série - Le capitalisme ; 3ème trim. 2005.

* 3 Définition de la criminalité économique et financière proposée lors du onzième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale des 18-25 avril 2005, Bangkok (Thaïlande).

www.11uncongress.org

* 4 Christian de Brie : « Les beaux jours de la corruption à la française » ; Le Monde diplomatique, avril 1998, p. 18 et 19.

* 5 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001 ; éd. La documentation Française, p. 10.

* 6 Transparency International est une ONG internationale indépendante et non partisane, vouée à la lutte contre la corruption. Cette ONG promeut le renforcement des « systèmes d'intégrité » à l'échelle nationale et internationale. Depuis sa création en 1993 par Peter Eigen, elle participe à l'identification des mécanismes de la corruption, et à la définition des moyens de lutte.

* 7 Transparency international : « Combattre la corruption » ; éd Karthala, p. 41.

* 8 Pierre Lascoumes : « Corruption » ; Presse de Sciences-Po, 1999, p. 35.

* 9 Michel Veron : « Droit pénal des affaires » ; éd. Armand Colin, Compact, p. 64 et s.

* 10 Avant la loi du 5 juillet 2005, la corruption de salarié était prévue par l'article L. 152-6 du Code du travail. La loi de 2005 a transféré ce délit dans le Code pénal.

* 11 Robert Klitgaard : « Subvertir la corruption » ; Finances et développement - juin 2000 - Volume 37, n° 2.

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