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Organisation de la fonction marketing au sein d'une administration publique: application au ministère des relations extérieures du Cameroun (minrex)

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par Boris D. SOUOP KAMGA
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2 Relations Internationales spécialité Marketing International 2009
  

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Section II : Apports et limites du marketing pour une administration publique

En prélude à l'analyse économique de l'apport et des limites éventuelles de l'implémentation de l'action marketing au sein d'une administration publique, nous envisagerons de mettre en exergue la convergence entre les approches du marketing et les finalités de l'administration publique.

I - Convergence entre approches mercatiques et finalités d'une administration publique

L'idée qui émerge de besoin de mettre en exergue la convergence entre les approches du marketing et les finalités d'une administration publique découle de l'analyse selon laquelle le marketing et l'administration publique ont connu des modifications majeures et tendent à évoluer l'un vers l'autre. De ce qui précède en effet, l'administration publique tend vers un système moderne de management tandis que le marketing s'oriente vers la construction des relations de long terme avec les clients, principaux publics cibles de l'organisation. Il subsiste toutefois des différences idéologiques qui ne peuvent être ignorées si l'on envisage les apports et/ou les limites du marketing pour une administration publique.

A - Rapprochement marketing et de l'administration publique

En réalité, le rapprochement idéologique entre marketing et administration publique n'est pas récent. En 1969, Kotler et Levy indiquaient déjà que le nombre d'organisations ayant recours au marketing est plus élevé que ce que l'on pourrait penser. Bien plus, ajoutaient-ils, ces organisations ont en commun « la place prépondérante que tient pour elles l'image de leurs produits aux yeux des consommateurs et aspirent à des outils capables d'influencer la réponse des consommateurs face à leurs produits »75. Ils illustrent leur propos en prenant l'exemple des universités qui vendent leur organigramme en guise de produit. L'illustration aux consommateurs étant faite par les références aux malades qui reçoivent des soins dans un hôpital. Les outils de marketing que sont l'amélioration de produit, la tarification, la distribution et la communication sont illustrés par les églises qui ont « ajouté une pincée d'activités non religieuses à leurs activités reli-

75 Kotler P., Levy S. J. (1969), op. cit. p12.

gieuses de base pour répondre au besoin de fraternité de certains membres »76. Ces concepts montrent bien que le marketing peut être et est probablement applicable à toutes les organisations et en particulier à l'administration publique. Pourtant, l'administration ne semble pas suffisamment consciente, s'il l'a jamais été, de ce que le marketing y est déjà appliqué ni même de l'applicabilité du marketing en son sein. C'est sans doute pourquoi elle n'a pas élaboré un nouveau marketing qui lui serait propre.

En 1980, Laufer et Burlaud font remarquer que le secteur privé diffère surtout du secteur public en ce qu'il ne tente jamais de modifier radicalement les comportements ou les désirs des consommateurs de façon à réduire au minimum l'impact financier tout en atteignant les objectifs fixés. C'est le cas du développement d'un nouveau produit dont la demande potentielle est facilement prévisible. En revanche, dans le secteur public, l'idée d'un produit n'est pas influencée par le profit. Le produit est souvent érigé comme norme - le port de la ceinture de sécurité -. Dans ce sens, l'administration se trouve très souvent obligée d'emprunter la voie la plus coûteuse pour sensibiliser (ou éduquer) les citoyens au changement radical de comportement et d'habitudes. Le profit de l'entreprise serait le plus à même d'être maximisé selon ce qu'on vient de voir. Or, Laufer et Burlaud expliquent plus loin qu'il faut relativiser. Les contraintes budgétaires obligent aussi le secteur public à prendre en compte les notions de coûts et de bénéfice. Elles constituent des limites pour ne pas envisager de changements d'habitude extrêmement coûteux. Par exemple, la mise en place d'une taxe nutritionnelle sur les aliments les plus riches en calories serait sans doute très bénéfique pour la société. Seulement, elle serait aussi extrêmement coûteuse à mettre en place et ne peut donc pas être envisagée, en tout cas de la façon la plus optimale. Egalement, il faut noter que le marketing n'emprunte pas toujours la voie la moins coûteuse. C'est le cas de l'entreprise IBM qui a, dans un projet très coûteux, cherché à enseigner à ses clients les avantages de l'informatique. De même, l'actualité récente des affaires donne l'exemple l'IPod d'Apple, qui a nécessité un programme intense de campagnes de publicité pour créer la demande. Le marketing et l'administration n'ont donc jamais été totalement opposés. Toutefois, leur rapprochement est, du point de vue de l'administration, lié à la nouvelle donne managériale vers laquelle tendent toutes les administrations publiques : le managérialisme.

76 Idem.

L'introduction du managérialisme au sein de l'administration est le résultat d'une dynamique engagée depuis une dizaine d'années77. Djelic constate que « la managérialisation de la sphère publique est aujourd'hui dans l'air du temps. La réforme de l'Etat semble passer par l'importation et l'appropriation des pratiques et de l'esprit du management - avec promesse à la clef d'une plus grande rationalité et d'une meilleure efficience»78. Autrement dit, « il y a de plus en plus de fonctionnaires qui doivent agir comme des managers, avec des contraintes explicites de performance et autres pratiques du secteur privé »79. Ainsi, l'administration publique est sujette à de nombreuses mutations bien que les produits n'aient pas changé radicalement, il y a eu des mutations profondes qui permettent de déceler, au sens de Hood, quatre grandes tendances dans l'administration publique. Elle :

· cherche à ralentir la croissance des dépenses publiques et du nombre de fonctionnaires.

· évolue vers la privatisation et la quasi-privatisation.

· développe l'automatisation, prioritairement dans le domaine des technologies de l'information, la production et la distribution des services publics.

· se tourne de plus en plus vers l'international pour en tirer des enseignements sur les questions de gestion publique, de conception de politique, de style de décision et de coopération intergouvernementale.

Depuis longtemps déjà, certains éléments de l'approche marketing étaient présents au sein du service public. Cependant, ces éléments marketing étaient marginaux et résidaient dans l'utilisation de techniques spécifiques plutôt que dans une véritable orientation vers le client ou le marché. Mais, depuis près d'une décennie, « les organisations de service public se tournent de plus en plus vers les professionnels du marketing, du fait que le managérialisme prenne le dessus sur l'administration»80. C'est à cet effet que l'administration publique a été rebaptisée management public. D'après Lamb81, plusieurs facteurs expliquent l'intérêt croissant pour le marketing. Le premier est le déclin rapide de la disponibilité des ressources financières par les voies traditionnelles des impôts et taxes.

77 Hood C. (1991), «A public management for all seasons?», in Public administration, 69(1), pp3-19.

78 Djelic M.L. (2004), « L'arrivée du management en France : un retour historique sur les liens entre managérialisme et Etat », in Politiques et management public, 22(2), p1

79 Hood C. (1991), op. cit.

80 Butler P., Collins N. (1995), op cit. p83.

81 Lamb C. W. (1987), op. cit.

Car, et de façon générale, « les contribuables, les législateurs, les employés, les clients, les consuméristes, ainsi que tous les groupes affectés par des actions de l'Etat, commencent à montrer une insatisfaction croissante envers la performance des organisations gouvernementales en retenant leur argent, leur vote, leur participation, et en formulant plutôt des critiques orales »82. En outre, l'administration publique fait face à une concurrence exacerbée, aussi bien de la part des autres services publics que de la part des organisations privées. Enfin, le développement démographique entraîne une baisse du nombre de contribuables, ce qui augmente la dépendance de l'administration publique envers les clients et les charges. De toute évidence, l'une des raisons qui expliqueraient l'intérêt croissant du marketing découle de ce que « les bénéficiaires des services sont non seulement attirés par la consommation de biens matériels, mais aussi par la réalisation de valeurs symboliques, sociales et normatives. Les organisations publiques doivent répondre à ces besoins, non seulement parce que les instances politiques leur demandent de le faire, mais aussi parce qu'elles ont besoin de recevoir un large éventail de choses de la part des bénéficiaires des services, en plus de l'argent, telles que l'information, la coopération et la coproduction, qui sont cruciales pour l'efficacité de l'organisation »83.

Il existe deux courants principaux : le nouveau management public, (NPM84) et la gouvernance démocratique85. Alors que le NPM86 considère le consommateur de biens publics comme un client et recommande une plus grande réactivité face à ses besoins et ses attentes, suivant en cela une logique managériale et économique87, le courant de la gouvernance démocratique met l'accent sur la citoyenneté du consommateur en le transformant en un coproducteur de la politique et des services publics et en un partenaire de l'organisation88. Autrement dit, « l'administration publique moderne entraîne une tension inhérente entre une meilleure réponse aux besoins des citoyens comme des clients et une

82 Lamb C. W. (1987), op. cit. p57.

83 Alford J. (2002), «Defining the client in the public sector: a social-exchange perspective», in Public administration review, 62(3), pp338.

84 New Public Management, NPM ; Dunleavy and Hood 1994; Hood, 1991.

85 Vigoda E. (2002), «From responsiveness to collaboration: governance, citizens, and the next generation of public administration», in Public administration review, 62(5), 527-540.

86 Il est important de noter que l'introduction du concept de NPM ne s'est pas fait dans une logique d'unanimité totale. En effet, le NPM a engendré différentes réactions au sein des professionnels de l'administration publique : Hood (1991, p.4) souligne que « à un extrême, on trouve ceux qui pensent que le NPM est le seul moyen de corriger les erreurs irréversibles et même les banqueroutes morales causées par « l'ancien » management public [...]. A l'autre extrême, se trouvent ceux qui considèrent le NPM comme une destruction gratuite et inculte de plus d'un siècle de travail dans le développement de l'éthique et de la culture de service public distinct.

87 Voir pour cela Clarke J. (2006), «Consumers, clients or citizens? Politics, policy and practice in the reform of social care», in European societies, 8(3), pp423-442.

88 Alford J. (2002), op. cit.

collaboration efficace avec eux en tant que partenaires »89. C'est pourquoi Walsh énonce que « le marketing du secteur public issu de l'accroissement du managérialisme est caractérisé par la croissance du consumérisme, l'adoption du marketing stratégique et l'utilisation de la promotion »90.

Le marketing à but non lucratif traite aussi bien de l'objectif non lucratif que des moyens marketings utilisés pour atteindre cet objectif. La théorie marketing traditionnelle est décrite en termes d'augmentation de la performance et du résultat. Ce qui permet une approche concrète et mesurable des actions devant être réalisées par les sociétés commerciales. Seulement, cela peut également poser des problèmes aux organisations qui ne mesurent pas leur performance selon ce type d'indicateurs. La mesure la plus fréquemment suggérée par le marketing à but non lucratif pour remplacer le profit dans un contexte non lucratif est l'adéquation au regard de quoi les organisations à but non lucratif cherchent à créer la meilleure adéquation possible entre l'utilisation de ses ressources et les besoins de ses consommateurs ou de ses clients. Dans ce sens, le marketing est un moyen d'optimiser cette adéquation, de faire mieux correspondre les ressources disponibles avec les besoins et les volontés des utilisateurs, exactement comme dans n'importe quelle opération commerciale. Quoi qu'il en soit, l'apparition du management moderne -le managérialisme-, dans l'administration publique a fait du marketing « une fonction managériale plus affirmée et moins périphérique »91 au sein de l'administration publique.

B - La nouvelle dynamique du marketing moderne

Si l'on s'en tient à Butler et Collins, « le fait que le marketing raisonne maintenant en terme de relation et non plus seulement au niveau de la transaction correspond tout à fait à la longue tradition de service public de l'administration. »92 Comme nous l'affirmions plus haut, la recherche marketing de la période d'avant la décennie 1950 puisait la plupart de ses idées en économie, ce qui ne rendait pas le marketing très pratique, non seulement pour le secteur public mais aussi pour le secteur privé. Au début de l'ère marketing, - domination du marché -, le point de mire était fixé sur les biens. Or, les produits de l'Administration étant surtout des services, on peut comprendre aisément que les

89 Vigoda E. (2002), op. cit. p527

90 Walsh K. (1994), op. cit. p63.

91 Butler P., Collins N. (1995), «Marketing public sector services: concepts and characteristics», in Journal of marketing management, 11(1-3), p88.

92 Idem p84.

orientations marketing de cette période ne fussent pas présentes dans le secteur public. Mais, le contexte est différent, le marketing a beaucoup évolué et le marketing des services s'est développé comme une partie du marketing.

Avec le marketing de la relation/client, des dimensions comme la confiance et l'engagement jouent un rôle primordial93. Ces deux notions sont aussi conformes à l'Administration que le terme exploiter l'était pour le marketing quelques décennies auparavant. Ainsi, la différence principale entre le marketing d'alors et le marketing d'aujourd'hui concerne le fait que le profit constitue maintenant un indicateur de réussite et non plus une fin en soi, ce qui convient bien au secteur public. Auquel cas, la mission à but non lucratif de l'Administration publique n'est plus un critère rédhibitoire pour le marketing. A ce propos, Butler et Collins relèvent que « pendant que de nombreuses personnes déplorent l'amplification du marketing, considéré comme allant à l'encontre de l'intérêt général sur le long terme et même considéré comme non éthique, d'autres cherchent à mieux le comprendre, à l'appliquer, voire à plaider en sa faveur »94. En tant que tel, le marketing est passé d'une vision des échanges entre acheteur et vendeur comme des événements discrets, à une optique qui considère ces échanges comme des relations continues sur le long terme95 avec les principales parties prenantes de l'organisation considérée. Cependant, on peut penser, et cela se justifierait, que l'absence de concurrence pour l'administration explique sans doute le fait que le marketing n'ait été que très récemment intégré dans la pratique administrative et non pas dès l'avènement du marketing relationnel. En effet, il est difficile d'appréhender le client dans le contexte d'environnement élargi. Car, en l'absence de concurrence et pour rester conforme à la politique gouvernementale et à la règlementation, la marge de manoeuvre de l'administration est assez faible. Il n'y a pas de raison pour qu'elle ait ressenti la nécessité de s'orienter vers le client. De plus, la délivrance des produits du secteur public implique des relations fréquentes entre les administrations et les consommateurs, c'est-à-dire des citoyens avec des niveaux de pouvoir significativement différents. L'évaluation du consommateur ne se fait que de façon post hoc et indirecte. Elle peut aussi nécessiter l'intervention d'un défenseur public. De même, la forme moderne de management public, le managérialisme, n'a pas été appli-

93 Morgan, R.M., Hunt S.D. (1994), «The commitment-trust theory of relationship marketing», in Journal of marketing, 58(3), pp20-38.

94 Butler P., Collins N. (1995), op. cit. p88.

95 Dwyer R.F., Schurr P.H, Oh S. (1987), «Developing buyer-seller relationships», in Journal of marketing, 51(2), pp11-27.

quée dans l'administration dans les années 90 sous sa forme actuelle. Ainsi, le rapprochement du marketing et de l'Administration est le résultat de ces deux événements, le mouvement du marketing vers la relation/client et celui de l'administration vers le managérialisme.

II - Apports et limites du marketing dans l'Administration Publique

Aux termes des travaux de Borden96, « le mix-marketing est un modèle visant à élaborer et mettre en oeuvre des stratégies marketing en exécutant divers facteurs qui permettent d'atteindre en même temps des objectifs liés à l'organisation et ceux liés à ses parties prenantes - les marchés cible - ». Or, dès 1960, McCarthy97 suggère l'idée de l'utilisation de quatre principales variables - Produit, Prix, Promotion et Place - pour la construction du mix marketing au sein d'une organisation. En même temps, le marché cible est, au sens de ses caractéristiques et des objectifs visés, le référant central de la démarche marketing au sein de toute organisation. En tant que tel, et tenant compte de la délicatesse de l'implémentation de la démarche marketing au sein d'une administration publique et plus largement dans le secteur public, nous discuterons de ce que peut représenter le marché cible d'une administration publique ainsi que de l'application des 4P98 au secteur public.

A - Le concept de marché cible pour une administration publique

Un marché cible est « un ensemble d'acheteurs qui partagent les mêmes besoins ou les mêmes caractéristiques que l'entreprise aura décidé de satisfaire »99 et un acheteur est « la personne qui effectue un acte réel d'achat »100. Or, si la littérature sur l'administration utilise une variété de termes pour désigner les acheteurs des services de l'administration publique, - client, consommateur, usager, stakeholder, citoyen, contribuable, ou simplement le public -101, il faut toutefois noter que l'administration publique comporte quatre spécificités qui ne lui font pas appréhender le client de la même manière que la quasi-totalité des entreprises du secteur privé.

96 Borden N. H. (1964) «The concept of the marketing mix», in Journal of Advertising Research, 4(2), pp2-7.

97 McCarthy J. E. (1960), Basic marketing. A managerial approach, Richard D. Irwin, Homewood.

98 C'est le terme consacré pour désigner les quatre variables principales du mix marketing.

99 Kotler et al. (2005), op. cit. p.922.

100 Kotler et al. (2005), op. cit. p.906.

101 Alford J. (2002), «Defining the client in the public sector: a social-exchange perspective», in Public administration review, 62(3), pp337-346.

Premièrement, l'administration publique n'a pas autant besoin du client que l'entreprise privée. Selon Lamb, « l'administration publique est moins exposée au marché puisque qu'elle reçoit une partie de ses revenus de l'Etat et pas seulement directement du client qui achète ses services »102. C'est le cas des universités d'Etat qui sont presque entièrement financées par les taxes et non par les cotisations des étudiants. Ainsi, il sera difficile d'y introduire la notion de client faisant allusion aux étudiants.

Secondement, les clients de la quasi-totalité des services de l'administration publique sont captifs, soit parce qu'il n'y a pas d'offre concurrente - la délivrance de la carte national d'identité relève de la seule compétence l'Etat -, soit parce que la loi les y oblige - le paiement des frais de concours ou l'apposition de timbre fiscal sur les demandes administratives ne relève pas d'un choix optionnel pour le postulant -. A ce propos, Bon et al. constatent que « la plupart des administrations [ont rendu] [...] obligatoire ou indispensable le recours à leurs services. L'usager étant forcé de se soumettre aux conditions qui lui sont faites par cette administration »103. Cette caractéristique du secteur public est en contradiction totale avec le principe de souveraineté du consommateur dans le secteur privé, qui stipule que le client peut décider s'il veut ou non acheter un produit.

Troisièmement, l'entreprise du secteur privé tend à se concentrer sur les segments du marché potentiellement intéressés par son offre alors que, l'administration publique doit se concentrer sur des groupes sociaux à priori peu intéressés voire même opposés. C'est la pertinence même de la notion de service public au sens du rôle de l'Etat.

Enfin, l'administration publique émerge auprès de l'entreprise privée bien plus comme tenant un rôle complémentaire plutôt qu'un rôle de concurrent. En tant que tel, il appartient à l'administration publique d'identifier les citoyens non -ou mal - servis et de développer un mix-marketing qui leur soit favorable et non pas de cibler les segments des consommateurs les plus rentables.

La pertinence de ces caractéristiques distinctives entre administration publique et entreprise privée est telle que l'on pourrait comprendre la réticence de certains auteurs à voir appliquer au secteur public le concept de client. En effet, nombre d'auteurs104 expliquent que cette perspective abaisserait les citoyens au rang de consommateur passif alors

102 Lamb C.W. (1987), «Public sector marketing is different», in Business Horizons, 30(4), pp56-60.

103 Bon J., Delabre A., Nioche J.P. (1977), « Les abus du marketing », in Revue française de gestion, 8(1), p26.

104 Notamment Stewart et Ranson (1988), Swiss (1992), Frederickson (1992), Moe (1994), Pegnato (1997), et Patterson (1998)

qu'ils doivent être des agents actifs au sens de Patterson105. Or, faisant suite à cette réserve, Alford affirme que « la plupart des interactions organisation publique/client diffère des transactions secteur privé/consommateur »106, mais, « la notion d'échange [...] peut être élargie dans un sens accentuant l'importance de la réactivité des administrateurs face à leur public »107.

En faisant une distinction entre citoyen et client, il prétend que la valeur délivrée par l'administration publique est perçue comme une valeur publique par les citoyens et comme une valeur privée par les clients. Cependant, l'expression des souhaits et des préférences concernant les valeurs à offrir et le prix qu'elles doivent coûter n'est généralement possible pour le citoyen que pendant une élection. Ainsi, et selon cette lecture, le citoyen ne se prononce pas seulement sur la valeur publique mais aussi sur la valeur privée. Il en est tout autrement pour le secteur privé où « l'échange est direct en ce sens que l'argent du consommateur est directement relié à la valeur privé qu'ils reçoivent »108. C'est sans doute pourquoi il propose d'élargir le concept d'échange qui domine le secteur privé. Néanmoins, et concernant le marché cible, le marketing peut jouer au moins deux rôles importants.

En premier lieu, le marketing peut aider l'administration publique à identifier le marché cible et à mieux atteindre ses consommateurs d'une part et « permettre une relation ascendante des publics vers les organisations, ce qui induit des prestations plus adaptées et donc une capacité de résistance accrue aux concurrences directes ou indirectes »109. A l'évidence, l'analyse du comportement du consommateur peut apporter une meilleure compréhension du client des services publics. Pourtant l'analyse du marché et du comportement des consommateurs de l'administration publique est souvent inexistante. Traditionnellement, les besoins et les attentes des citoyens sont transmis à l'administration publique seulement via les résultats des élections politiques. Bien sûr, les partis politiques testent à un certain degré leur plan d'actions dans le but de déterminer les réactions potentielles des citoyens. Cependant, ils testent plutôt les idées générales sur une action - souvent perçue négativement -, mais ils ne déterminent pas les caractéristiques

105 Patterson (1998), op. cit.

106 Alford J. (2002), op. cit. p337.

107 Idem.

108 Alford J. (2002), op. cit. p338.

109 Lamarche T. (1998) « Développement du marketing et recomposition du service public », in Sciences de la société, 43, p49.

détaillées d'une réponse à une action neutre. En plus de l'analyse du comportement du consommateur, le feedback continu permis par le marketing peut aider à garder à jour les données concernant l'évolution du consommateur : les organisations privées rassemblent des informations en continu sur l'évolution de l'environnement et sur ses performances. Les organisations à but non lucratif sont moins concentrées sur la collecte d'information vitale concernant les résultats de leurs actions et les événements qui se passent sur le marché.

En second lieu, le marketing peut aider à appréhender le consommateur plus individuellement, sans perdre pour autant l'efficacité de la production de masse. Une bonne segmentation permet dans un premier temps de savoir quels sont les différents types de consommateurs existants. Toutefois, la prise en compte de l'hétérogénéité de la population à travers la segmentation est limitée dans l'administration publique par le fait que tous les citoyens doivent être traités de façon égale par les services publics. Le secteur privé postule qu'on ne peut pas servir tout le monde de la même façon, ce qui n'est pas applicable au sein d'une administration publique car « il est statutairement obligatoire de délivrer un service public sur une base universelle »110. Et même si l'on peut admettre des exceptions à cette posture, il reste que le marketing peut aider à comprendre le citoyen indépendamment du rôle qui est le sien ou du statut qui lui est assigné.

B - L'idée de mix marketing au sein d'une administration publique

Le mix-marketing correspond à l'ensemble des outils stratégiques et opérationnels se rapportant au produit, au prix, à la distribution et à la publicité que l'entreprise peut mettre en oeuvre pour répondre aux demandes du marché cible. Aussi, la mise en oeuvre du mix marketing au sein d'une administration publique suggère l'implémentation des variables principales du mix marketing dans la dite administration.

1) La perception du produit pour une administration publique

C'est à Kotler et als. Que l'on doit la définition la plus globale du concept de produit. Un produit est « tout ce qui peut être offert sur un marché, pour que l'on y porte attention, que l'on cherche à l'acquérir, qu'on en fasse usage ou qu'on le consomme de

110 Walsh (1991), op. cit. p.15.

façon à satisfaire un besoin ou un désir. Sont inclus des objets physiques, des services, des personnes, des lieux, des organisations et des idées. »111.

Le développement de produit se fait rarement au sein de l'administration publique. Les nouveaux produits sont plutôt créés par les hommes politiques ou par une demande forte émanant de la société. Ce processus politique conduit souvent à un test des idées de produit, notamment celles correspondant à des idées pouvant être perçues comme négatives au sein de la société. En tant que tel, le développement d'un nouveau produit par une administration publique est, dans certains cas, l'aboutissement d'une étude de marché globale sur les réactions des citoyens face au nouveau produit.

L'amélioration de produit vient du fait que les consommateurs préfèrent les produits qui offrent la meilleure qualité, la plus grande performance et les meilleurs attributs. Ainsi, l'organisation doit s'employer à améliorer sans cesse ses produits si tant est que la qualité du produit se définit comme « la capacité du produit à remplir ses fonctions, ce qui inclus la durabilité, la solidité, la précision, la facilité de réparation, et d'autres attributs importants »112. Les organisations du secteur public améliorent leurs produits, surtout lorsqu'elles reconnaissent être en situation de concurrence. Les entreprises publiques du secteur de la santé, de l'immobilier ou de l'éducation notamment ont de cette façon améliorée leur offre de service lorsqu'elles se sont retrouvées en concurrence avec les entreprises du même domaine. Mais, même lorsqu'il n'y a pas de concurrence, on voit grandir l'importance de l'amélioration des produits du fait de la demande et des revendications sociales, comme c'est le cas pour les administrations en situation de monopole.

A côté des difficultés rencontrées dans le développement et l'amélioration de produit, une étape essentielle pour l'administration publique est de savoir ce qu'elle vend. Selon Kotler et Levy, une entreprise de cosmétique définit son produit de base comme la beauté, le rêve et non pas le rouge à lèvre ou le maquillage. Une société d'édition considère son produit de base comme étant l'information et non pas les livres. Le secteur public se plaint souvent du désintérêt des citoyens vis-à-vis de son activité ou de ses produits. Or, en suivant l'optique de Levitt, on peut parler de « myopie marketing dans le secteur public suite à l'absence de définition de son coeur de métier »113. Il donne dans son analyse l'exemple du système ferroviaire qui n'aurait pas décliné à cause de la baisse

111 Kotler (2005), op. cit. p918.

112 Idem.

113 Levitt T. (1960), «Marketing myopia», in Harvard business review, 38 (4), 26-44, pp173-81.

de demande des passagers et du fret, demande qui en réalité augmentait, ni même à cause du développement de la voiture ou des autres moyens de transport, mais plutôt de la non satisfaction des usagers. Auquel cas, il y a certainement une demande de service public - qui ne décline que pour des raisons démographiques - non suffisamment satisfaite du faite d'un service public approximatif. C'est pourquoi, les citoyens - ou les clients - insatisfaits auront recours aux services autres que publics ou aux systèmes publics d'autres pays comme c'est le cas des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur camerounaise en quête de mieux être académique dans les pays étrangers. Pour y faire face, Kotler et als suggèrent huit outils correspondant à la dimension produit : la variété, la qualité, le design, les attributs, la marque, l'emballage, les services, et les garanties. Or, leur application dans le secteur public pose quelques problèmes qui émergent comme les limites de l'implémentation de l'action marketing correspondant à la variable produit au sein d'une administration publique.

La première difficulté tient à l'évaluation de la performance qui ne se réduit pas à la seule donnée du profit final - atteint ou espéré - comme il est d'usage dans le secteur privé. Toutefois, que l'on considère l'entreprise publique ou privée, les indicateurs de performance pour les services sont plus difficiles à mettre en place que ceux des biens114. Aussi, pour évaluer sa performance, l'administration publique aura-t-elle généralement recours à trois concepts : l'égalité d'accès, la justice compensatoire et l'équité de marché.

La seconde difficulté tient à la passivité de l'administration publique dans le choix final du produit à délivrer, le politique y jouant un rôle très déterminant. A ce propos, Bon et al. font remarquer que « c'est le niveau politique qui définit les besoins, [...] et détermine ce qui est bon ou mauvais pour le public »115. Ainsi, l'administration publique ne prend pas toujours les décisions, rendant particulièrement difficile le développement de nouveaux produits.

114 En effet, le niveau de satisfaction d'un service dépend de l'interaction avec le client ou le consommateur, qui contribue et détermine la qualité du service. Mais, outre cette difficulté structurelle, le secteur public fera face à une difficulté supplémentaire car « la nature de la performance est intrinsèquement incertaine » (Stewart et Walsh 1994, op. cit. p. 46). Ce qui fait dire si souvent que nombres d'activités se retrouvent dans le secteur public du fait de la complexité factuelle à les évaluer.

115 Bon et al. (1978), op. cit. p302.

2) La perception du prix dans l'administration publique

Le prix est « le montant à payer pour un produit ou un service, ou la somme des valeurs échangées par les consommateurs pour bénéficier de l'acquisition ou de l'usage d'un produit ou d'un service »116. Le prix doit donc être fixé de façon à permettre à l'entreprise d'atteindre ses objectifs financiers tout en correspondant aux réalités du marché et en soutenant le positionnement du produit. Or, pour l'administration publique, le profit réalisé n'est pas nécessairement favorable aux personnes privées alors que, dans le secteur privé, l'adéquation aux réalités du marché est indiquée par le fait que le client est prêt à acheter au prix indiqué. La question du prix trouve là toute sa délicatesse dès lors qu'il s'agit de l'administration publique.

En outre, un prix justement fixé doit pouvoir soutenir le positionnement du produit. Le positionnement correspond à l'image perçue qu'ont les acheteurs potentiels du produit en question, comparativement aux produits concurrents. Si cette notion est plus claire pour ce qui est de l'entreprise privée, elle l'est moins dans le contexte d'une administration publique qui se trouve dans bien de cas dans une situation de monopole. Pour autant, la situation quasi permanente de monopole dans laquelle se trouve l'administration publique, ne lui laisse pas la latitude d'agir à sa guise. Elle doit prendre en considération au moins cinq contraintes récurrentes.

D'abord, l'administration ne peut pas fixer des prix excessifs car alors les conséquences peuvent être fatales pour l'efficacité de cette administration. En l'occurrence, l'administration ne peut pas exiger indéfiniment des impôts élevés. S'il est vrai en effet que les citoyens ne peuvent pas sortir du contrat, ceux-ci peuvent au moins faire des réclamations et/ou manifester contre une telle décision, causant par là même des coûts en dommages préjudiciables pour le service public. Certaines catégories de contribuables peuvent même être amenées à rompre la relation qui les lie à l'administration en délocalisant vers des pays mieux offrant.

Une autre contrainte tient aux attentes du public. Pour l'essentiel, « les citoyens attendent des institutions publiques des services équitables, effectifs et efficaces, qui répondent aux aspirations profondes des électeurs, incluant les usagers, les payeurs, les donateurs, les Hommes politiques, les circonscriptions, les média et le grand public »117. Pourtant, « les fonctions de redistribution des revenus, d'équité, et d'efficacité de la tari-

116 Kotler et als. (2005), op. cit. p918.

117 Lamb (1987), op. cit. p59.

fication sont en général plus importantes au sein d'une administration publique que sa capacité à générer du profit »118. A travers la redistribution des revenus, les personnes aux revenus les plus élevés sont censées financer les revenus les plus faibles. L'équité concerne la relation entre les personnes qui bénéficient d'un service et celles qui le financent. Enfin, « l'objectif d'efficacité de la tarification concerne l'usage de ressources données de façon à ce que la Société en tire un maximum de bénéfice »119. On comprend alors toute la difficulté pour une administration publique à mettre en oeuvre une politique de tarification efficace.

La troisièmement contrainte concerne les aspects financiers à prendre en compte dans les décisions de tarification. Il faut compter sur le bien-être des populations et sur les bénéfices non financiers dont les prix semblent impossibles à estimer. Les meilleurs exemples semblent être les catastrophes naturelles ou les guerres défensives où les prix sont impossibles à déterminer, et quand bien même ils le seraient, cela relèverait du manque d'éthique de le faire. La fonction de tarification du marketing ne peut donc pas être appliquer dans cette situation.

Le fait même que l'administration soit financée par les impôts alors que les services sont fournis gratuitement, peut constituer une source d'influence pour le consommateur. Ce qui constitue une contrainte supplémentaire pour la fixation des prix dans le secteur public. En effet, les produits gratuits sont souvent perçus comme dévalorisant pour le consommateur - la formation dans les institutions publiques par exemple -.

Enfin, la prépondérance du politique dans la sphère administrative est également perceptible dans la fixation des prix. Ce qui constitue une contrainte non moins importante. La décision présidentielle de revalorisation des salaires des personnels civils et militaires émargeant dans le budget de l'Etat est parfaitement illustrative en la matière. L'ensemble des administrations concernées par la solde devrait alors déployer des stratégies innovantes et efficaces - en dépit du contexte particulier marqué par la crise financière mondiale - pour assurer l'exécution optimale de cette décision.

118 Idem.

119 Lamb (1987), op. cit. p59.

3) Le mix de la publicité pour une administration publique

Le mix de la publicité correspond « aux choix de publicité, de force de vente, de promotions des ventes et de relations publiques qu'une entreprise doit faire pour atteindre ses objectifs de publicité et de marketing »120. Or, les perspectives récentes du marketing sont davantage exigeantes pour les organisations car il ne suffit plus de faire de bons produits aux meilleurs prix qui seront distribués plus efficacement, il faut pouvoir communiquer la valeur. Ainsi, pour toute entreprise, bien communiquer est essentiel pour construire et maintenir des relations bénéfiques et durables avec la clientèle. Dans l'administration, l'actualité récente fait état d'initiatives en faveur de la promotion. Une promotion qui s'organise autour de deux cibles majeures : les consommateurs actuels et les contribuables non consommateurs qui paient les services sans en bénéficier directement. Ainsi, communiquer les avantages du système universitaire et donc les avantages liés à l'existence de personnes bien formées au sein de la société peut aider les contribuables à mieux comprendre l'intérêt du paiement des impôts permettant de maintenir un système universitaire de bonne qualité. Butler et Collins parlent de l'émergence d'une activité promotionnelle dans le secteur public en indiquant que « les campagnes de communication informant le public des bénéfices et de la valeur des services publics deviennent de plus en plus importantes »121. On voit bien que le marketing peut contribuer à améliorer l'image négative - qui a tendance à précéder toutes les actions administratives - en expliquant aux citoyens la pertinence des obligations qui leur échoit. Enfin, la particularité de la communication marketing au sein d'une administration publique tient à la récurrence du marketing de crise. La crise étant un événement inattendu à priori incontrôlable et susceptible de nuire au fonctionnement de l'organisation. Toutefois, pour une administration publique, la communication de crise correspond aux efforts réalisés par l'administration pour informer le public des dispositions sécuritaires par rapport à un fait catastrophique ou simplement sur un fait grave. Pour exécuter de façon optimale la communication Kotler et als identifient quatre outils : la publicité, la force de vente, la promotion des ventes et les relations publiques.

Il reste que, la pertinence de l'utilisation de l'outil promotionnel marketing au sein d'une administration publique demeure une gageure. Elle conduit inéluctablement à simplifier les faits graves et complexes dans des discours enjoliveurs ou ayant une intona-

120 Kotler et als. (2005), op. cit. p919.

121 Butler et Collins (1995), op. cit. p.87.

tion d'apaisement sur le fait relaté. En outre, la communication publique ne fait pas toujours sienne l'exigence de neutralité qui caractérise toute communication. Elle est dans bien des cas construite dans une perspective d'image qui fait ombrage au besoin d'information absolu. En l'occurrence, les campagnes de communication menées dans la perspective de la révision constitutionnelle se sont plus concentrées sur la valorisation de l'action de l'exécutif plutôt que sur le contenu - éminemment discursif - du projet de texte. Ensuite on peut envisager la question du coût comme limite de la mise en oeuvre d'une communication efficace au sein d'une administration publique. C'est pourquoi par exemple, si l'on admet que le chef de l'Etat est en tout temps le garant de la souveraineté nationale et demeure une icône de l'image internationale de l'Etat, il reste que, le contribuable n'a de cesse de crier à la dépense excessive de la fortune publique lorsque lui parviennent les informations relatives au coût moyen des dépenses présidentielles. Finalement, tenant compte de la possibilité pour l'action de communication marketing de donner des informations sur les bénéfices d'un service, il est évident qu'il peut influer négativement sur la satisfaction du consommateur sans pour autant contribuer à l'entière satisfaction du bénéficiaire. De cette façon, il devient probablement inutile de former des fonctionnaires à la courtoisie avec les requérants du service public. Car, il serait plus intelligent de simplifier les procédures et réduire le temps nécessaire à l'accomplissement du service. A ce propos, Levitt affirme que « le citoyen déteste de toute façon payer ses impôts et n'aime pas coopérer avec l'Etat pour remplir le formulaire »122.

4) Le mix de la distribution pour une administration publique

La distribution comprend « toutes les activités d'une entreprise visant à rendre le produit ou le service disponible pour les consommateurs ciblés »123. Elle concerne la façon d'acheminer le produit au client et constitue une dimension très importante dans la mesure où un service ne vaut rien si le client ne peut pas en bénéficier. Le défi consiste à trouver le bon équilibre entre le coût et l'augmentation des revenus relatifs à la fonction de distribution. Un plus grand nombre de points de distribution peut accroître le revenu puisque plus de clients potentiels peuvent être atteints. Mais dans le même temps, ces points de distribution supplémentaires sont susceptibles de générer des surcoûts. Si l'on considère l'augmentation de revenus de l'administration comme référentiel d'analyse, on

122 Levitt T (1960), op. cit. p18.

123 Kotler et als. (2005), op. cit. p917.

comprend très vite que pour de nombreux services comme ceux consacrés à la délivrance de passeports, la démultiplication des points de distribution n'augmentent pas nécessairement la demande du service. Toutefois, l'ouverture de ces installations supplémentaires réduit les coûts de transaction du public et peut conduire à une plus grande satisfaction. C'est en cela que l'on peut parler de balance entre le coût et l'augmentation de la satisfaction du client. Néanmoins, la satisfaction et la réduction de coûts ne sont pas nécessairement contradictoires. En effet, Internet offre un canal de distribution qui rend possible l'économie d'argent en même temps que l'augmentation de la satisfaction du client mais, le fait pour le citoyen d'effectuer en ligne les procédures de dédouanement est considéré comme un avantage pour lui et comme un moyen moins coûteux pour l'administration.

La décentralisation et la déconcentration sont des concepts primordiaux pour la distribution. La décentralisation correspond au transfert de pouvoir du gouvernement central aux échelons plus en aval de la hiérarchie administrative et territoriale. Ce transfert peut intervenir de deux manières : d'une part la décentralisation administrative, ou déconcentration qui correspond au « transfert de pouvoir vers les autorités plus basses du gouvernement central, ou vers d'autres autorités locales qui doivent faire remonter les informations au gouvernement central »124 et d'autre part, la décentralisation politique ou démocratique qui correspond à un « transfert d'autorité vers les élus et autres acteurs locaux qui rendent compte à la population »125. Seulement, ces processus ont l'avantage de rapprocher l'administration du client, et l'inconvénient d'être coûteux du fait de la duplication des services qu'ils induisent. D'où la nécessité de bien choisir le niveau de décentralisation et de déconcentration.

La démarche marketing laisse transparaître cinq outils efficaces pour déployer une bonne distribution. Ce sont les canaux, la couverture, l'assortiment, les lieux et le stock. Mais l'application de ces outils au contexte spécifique de l'administration publique est en bute à des difficultés structurelles liées à la complexité de ce champ. En effet, il faut par exemple prendre en compte les aspects de sécurité et de contrôle qui ne facilitent pas la sous-traitance des services administratifs et qui limitent la distribution sur Internet. Ensuite, le lieu de distribution des services administratifs est très souvent contingent aux

124 Ribot, J.C. (2002), «Democratic decentralization of natural resources: Institutionalizing popular participation», in World resources institute, Washington.

125 Regulska J. (1997), «Decentralization or deconcentration: struggle for political power in Poland», in International journal of public administration, 20(3), pp643-680.

secteurs administratifs, c'est-à-dire un secteur défini sur des bases administratives et pas nécessairement sur des considérations de densité de population ou contingent à la disposition des bâtiments existants. Or, modifier la place physique des bâtiments ou les frontières administratives est une tâche plus compliquée à réaliser dans le secteur public que dans le secteur privé.

En fin de compte, l'implémentation de la démarche stratégique marketing au sein d'une administration publique est une perspective certainement louable qui pourrait améliorer son efficacité. Seulement, elle est en bute à des difficultés structurelles liées à la nature complexe de ce champ d'application. Une complexité qui influe sur les apports de l'action marketing et donne naissance à des limites d'exécution permanente. Cependant, l'existence de ces limites structurelles ne pourrait justifier l'inertie administrative que le chef de l'Etat décrie comme la principale gangrène126 de notre Administration publique. Inertie qui sous-tend les résistances fonctionnelles observées à l'exécution des outils marketing dans l'organisation administrative. De cette façon, la faillite127 de l'organisation administrative pourrait être jugulée par l'implémentation de la démarche marketing au sein de toute l'Administration publique. Dans cette perspective, il devient moins question de l'adéquation de la démarche marketing avec la spécificité des organisations publiques que des mécanismes et techniques usuelles pour une meilleure insertion des procédés et procédures du management commercial au sein d'une administration publique. Aussi, envisageons-nous quelques pistes pour la performance administrative du Ministère des relations extérieures du Cameroun par la mise en oeuvre en son sein de la démarche mercatique.

126 Voir en cela, Olinga A. D. (2009), Propos sur l'inertie, Editions CLE, pp 17-25.

127 Le constat de cette faillite découle du discours présidentiel repris par le professeur Alain Didier OLINGA. Voir Olinga A.D. (2009), op. cit. pp17-25.

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