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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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B- L'exigence de la compatibilité de la déclaration interprétative avec l'objet et le but du traité

Comme dans le cas des réserves, la compatibilité d'un acte unilatéral relatif à l'interprétation d'une convention avec l'objet et le but du traité, est l'une des exigences fondamentales (c'est le moins que l'on puisse dire) en ce qui concerne la question de l'admissibilité des déclarations interprétatives. Toutefois, l'utilisation du critère de compatibilité diffère selon qu'il s'agit de son appréciation par le juge ou par les parties.

1) Appréciation de la compatibilité des déclarations par le juge international

La question est assez délicate. Pour peu que l'on se pose la question de savoir si une éventuelle intervention du juge international aux fins de l'appréciation du critère de compatibilité peut permettre d'éviter toute incertitude en ce qui concerne le statut des Etats et celui de la convention. Par exemple, si parmi les Etats dont la ratification permettrait l'entrée en vigueur du traité, l'un d'eux fait une déclaration interprétative dont la validité est contestée, l'entrée en vigueur est-elle suspendue jusqu'au moment ou le juge rendra sa décision ? Dans la négative, et la déclaration interprétative est finalement déclarée incompatible, le traité cesse t-il d'être en vigueur ? ou alors est-il considéré ab initio comme n'ayant jamais été en vigueur ?

Si au contraire, la déclaration interprétative est déclarée compatible, quelle est la portée de cette décision à l'égard de l'Etat objectant ? Nous pensons que ce dernier devra reconnaître à l'Etat auteur de la déclaration interprétative la qualité de partie à la convention. Sans que cela implique qu'il doive retirer son objection et accepter d'être lié à cet Etat. Une telle interprétation serait en effet, en contradiction avec le principe fondamental du consentement selon lequel un acte ne peut être opposable à un Etat tant qu'il n'a pas donné son assentiment. Elle aboutirait aussi à priver le Etats du droit de formuler des objections pour des motifs autres que l'incompatibilité avec l'objet et le but du traité, alors que chaque Etat doit pouvoir apprécier la portée d'une

déclaration interprétative en fonction de ses propres intérêts. Même parfaitement valable, une déclaration interprétative peut avoir pour un Etat donné, des conséquences préjudiciables contre lesquelles il doit pouvoir se prémunir.

Ainsi, le recours au juge ne supprimerait pas le chassé croisé entre les Etats parties, ceux qui ont fait les déclarations interprétatives, ceux qui les acceptent et ceux qui les refusent. A moins que l'on accepte (ce qui serait fort dangereux...) dans l'hypothèse des déclarations interprétatives, le principe de l'unanimité qui a été abandonné depuis l'avis consultatif de 1951 relatif aux réserves à la convention sur la prévention des crimes de génocide, il n'est pas possible nous semble-t-il de trouver un système qui évite ces complications dans les relations conventionnelles.

Bien qu'elle apparaisse comme le meilleur moyen d'apprécier de façon objective la validité d'une déclaration interprétative, la solution judiciaire ne permettra pas nous semble-t-il de surmonter tous les obstacles. La raison principale réside dans le fait qu'il n'est pas possible d'isoler la question de la validité des déclarations interprétatives et de la traiter uniquement en tant que telle, comme si la décision prise à ce sujet ne déterminait pas la participation de l'Etat auteur de la déclaration interprétative. Or, si l'admissibilité d'une déclaration interprétative ne relève en elle-même que du domaine juridique, il n'en est pas de même de l'acceptation d'un Etat parmi les parties au traité (ou de son rejet). De nombreuses considérations politiques interviennent. A plus forte raison si cet Etat se propose de faire une déclaration interprétative. C'est cette politisation inéluctable du débat qui complique l'intervention de la cour.

Dans son opinion dissidente de l'arrêt de la Cour internationale de justice du 2 juin 1999 relative à la licéité de l'emploi de la force, le juge KRECA fait valoir que les premières et deuxième « déclarations interprétatives » formulées par les Etats Unis à l'égard de l'article II, sont en réalité des réserves incompatibles avec l'objet et le but de la convention sur le génocide. Plus précisément, les articles II, III, IV de la convention sur le génocide à tout le moins appartiennent au jus cogens. Les normes du jus cogens sont prééminentes ; elles ont donc pour effet de frapper de nullité toute acte, qu'il soit unilatéral ou bilatéral qui n'est pas en conformité avec elles.

Cette conclusion logique, fondée sur la nature impérative ou absolument obligatoire des normes du jus cogens qui expriment dans le domaine normatif les valeurs fondamentales de l'ensemble de la communauté internationale, a notamment été confirmée dans les affaires du plateau continental de la mer du nord. La seule façon d'écarter la sanction de la nullité en ce qui concerne la déclaration interprétative des Etats Unis à l'égard de certaines dispositions de la convention sur le génocide est peut être l'interprétation selon laquelle la nullité ne frappe que les déclarations interprétatives et qu'elle n'a pas d'incidence juridique sur la réserve elle-même.

Cependant, une telle interprétation serait contraire au principe fondamental d'indivisibilité des actes en contradiction avec la norme du jus cogens qui est énoncée au paragraphe 5 de l'article 44 de la convention de Vienne sur le droit des traités.

3) Appréciation de la compatibilité des déclarations interprétatives par les Etats intéressés

La procédure du recours au juge est elle la plus profitable quant à l'obtention d'une éventuelle appréciation objective de la validité des déclarations interprétatives ? Nous sommes bien tentés, sans grand risque de nous tromper, d'affirmer que le consentement des Etats est un moyen certain de donner un contenu réel et pratique au critère de la compatibilité, à condition peut être que ce consentement soit unanime ou majoritaire. Toutefois, il est important de souligner que cette conception ne correspond pas du tout à la réalité. Dans la mesure ou l'acceptation d'une déclaration interprétative ne signifie en aucun cas qu'elle est compatible avec l'objet et le but du traité. Elle lui permet tout simplement d'avoir des effets juridiques. Car, et d'une façon générale, - il faut bien le signaler ici - l'assentiment d'un Etat ne tient toujours pas compte de la validité de la déclaration interprétative, mais très souvent des conséquences que peut avoir pour ses intérêts l'acceptation de la déclaration interprétative proposée. Dans la pratique, un Etat partie n'accepte pas une déclaration interprétative mais l'Etat qui l'émet.

Cette dissociation entre l'acceptation et la validité effective de la déclaration interprétative, met en relief les questions d'unanimité et de majorité, et apparaît aussi bien lorsque le consentement a été unanime ou simplement majoritaire. Mais cela peut sécréter de graves inconvénients car, en établissant que sont compatibles les déclarations interprétatives qui soulèvent les protestations des deux tiers des Etats parties, on affirme à contrario que tout les autres sont compatibles. A notre sens, un tel raisonnement risque de masquer la réalité.

En définitive, l'intervention du juge international ou des Etats intéressés n'étant ni opportune, ni probante, les différentes modalités d'acceptation revêtent une grande importance puisque, suivant le degré de consentement exigé, elles peuvent permettre de conserver au critère de compatibilité une certaine réalité en empêchant la formulation des déclarations interprétatives abusives ou au contraire le réduire à une fiction.

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