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La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.

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par Gérard MPOZENZI
Université du Burundi - Licence en Droit 2003
  

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III.4.4. La portée de l'obligation de coopérer

L'obligation de coopérer se subdivise à une série d'obligations spécifiques à chaque domaine de la coopération. Ces obligations spécifiques sont précisées dans les Statuts, les RPP et au coup par coup, dans les requêtes de ces juridictions et les résolutions du CS des NU468(*).

III.4.4.1. La coopération en matière de preuve

L'obligation de coopérer en matière de preuve s'entend de la préservation de la preuve, de la mise à disposition et de la transmission des éléments de preuve. Elle est visée sans y être limitée aux articles 29 paragraphe 2 et 28 paragraphe 2 des Statuts respectifs du TPIY et du TPIR. Les tribunaux doivent avoir accès au témoignage et à tous les éléments de preuve.

a. La comparution des témoins

Dans l'affaire Blaskic, la chambre d'appel du TPIY s'est intéressée aux destinataires des demandes du Tribunal pour l'ex- Yougoslavie concernant la comparution des témoins. Elle a ainsi distingué deux catégories d'actes469(*).

Pour les actes « qui peuvent exiger la coopération d'instance judiciaire ou d'organes chargés des poursuites de l'Etat où la personne se trouve », la chambre a tranché que le Tribunal international doit s'adresser aux autorités nationales désignées par les lois de coopération, sauf si ces lois en disposent autrement ou s'il s'agit des Etats de l'ex- Yougoslavie. Dans leur cas en effet, la chambre a précisé que passer par les voies officielles risquerait de compromettre les enquêtes du Procureur, aussi celles- ci devront être menées par le Tribunal international lui-même470(*).

Pour les actes, « qui peuvent être exécutés par les personnes privées à qui l'ordonnance ou l'injonction est adressée et qui agit soit d'elle-même soit conjointement avec un enquêteur désigné par le Procureur ou le conseil de la défense », le Tribunal international s'adresse aux autorités nationales compétentes sauf si la législation nationale de l'Etat l'autorise à s'adresser directement à la personne concernée471(*). Ce dernier cas est prévu notamment dans l'arrêté fédéral suisse du 21 décembre 1995, article 23.

Notons à cet égard que la comparution des témoins tout comme l'obtention de la preuve matérielle est influencée par plusieurs facteurs propres aux TPI ad hoc, notamment leur mode de création, la position face aux juridictions nationales en termes de primauté et la place qu'ils réservent à la prise en compte d'intérêts des tiers qu'ils soient étatiques ou privés472(*).

b. L'obtention des éléments de preuve matérielle

Les Statuts et les RPP des Tribunaux internationaux ad hoc font obligation aux Etats de rassembler, protéger et communiquer aux tribunaux les éléments de preuve matériels473(*). Les Etats doivent notamment répondre aux demandes d'information du Procureur portant sur une enquête effectuée au niveau national ou sur une affaire en cours devant le Tribunal international ad hoc. Ils doivent saisir des éléments de preuve, même à titre conservatoire, et prendre toute mesure destinée à empêcher leur destruction474(*).

Les lois nationales d'adaptation des Statuts des deux TPI ad hoc organisent cet aspect de la coopération en prévoyant diverses actions à la demande du Tribunal international. Ainsi, les autorités judiciaires peuvent connaître des documents et autres objets nécessaires aux enquêtes du Tribunal pénal international ad hoc et les lui communiquer475(*). Les autorités compétentes peuvent conduire des enquêtes sur le territoire national en vue de rassembler les preuves pertinentes476(*) ou autoriser des membres du Tribunal international ad hoc à le faire477(*).

Concernant la communication des éléments de preuve, les autorités étatiques peuvent être réticentes à transmettre des documents touchant à la sécurité nationale de l'Etat. Ainsi, la loi de coopération australienne dispose que la requête du Tribunal international ad hoc qui porterait atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'intérêt national de l'Etat ne devrait pas être exécutée478(*).

Néanmoins, ce principe ne peut entraver l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII de la Charte des NU479(*). Par conséquent, les Etats membres des NU, ne sauraient invoquer cet impératif pour se soustraire à leur obligation de coopérer avec les Tribunaux internationaux ad hoc. Ceux- ci ont la possibilité d'aménager des procédures visant à prendre en compte les exigences de l'Etat, surtout lorsqu'il s'avère que celui-ci est de bonne foi, comme l'a souligné la chambre d'appel du TPIY480(*).

III.4.4.2. Coopération en vue d'arrêter et de détenir des suspects et accusés

L'obligation d'arrêter les personnes requises, en les gardant en détention avant leur transfert aux TPI ad hoc est explicitée dans leurss Statuts. Elle est sans cesse réitérée par les résolutions du CS des NU481(*), comme la résolution 978 (1995) du 27 février 1995 dans laquelle le CS des NU insiste sur la nécessité pour les Etats d'arrêter et de mettre en détention les suspects se trouvant sur leur territoire et d'en informer le TPIR. Les Etats membres des NU ont l'obligation d'arrêter même, à titre provisoire, les individus que les Tribunaux internationaux ad hoc désignent conformément aux articles 29, §2 et 28, §2 respectivement des Statuts du TPIY et du TPIR.

Pour exécuter cette obligation et même celles qui découlent des résolutions 827 (1994) et 955 (1995) créant les deux TPI ad hoc, bon nombre de pays ont adopté des législations nationales, en vue de la coopération avec les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc482(*). Ainsi, bon nombre de hauts responsables des crimes internationaux commis sur le territoire de l'ex- Yougoslavie et du Rwanda ont déjà fait l'objet de transfert et jugés devant les deux Tribunaux.

C'est notamment le cas de Jean Paul AKAYESU, ancien bourgmestre de Taba, arrêté en Zambie le 10 octobre 1995 et transféré à Arusha le 26 mai 1996483(*) ; le cas de Théoneste BAGOSORA, ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, arrêté au Cameroun le 9 mars et transféré à Arusha le 23 janvier 1997484(*) ; de Jean Bosco BARAYAGWIZA, arrêté au Cameroun le26 mars 1996 et transféré à Arusha le 19 novembre 1997485(*) ; de Samuel IMANISHIMWE, ancien lieutenant dans les FAR, arrêté au Kenya le 11 août 1997 et transféré le même jour devant le quartier pénitentiaire du TPIR à Arusha486(*) ; de Gratien KABIRIGI, ancien Brigadier général dans les FAR, arrêté et transféré du Kenya à Arusha le 18 juillet 1997487(*) ; de Jean KAMBANDA, ancien Ier ministre du Rwanda, arrêté au Kenya le 18 juillet 1998 et transféré le même jour à Arusha488(*),... ; de Dusko Tadic arrêté et mis en détention provisoire par la RFA le 13 février 1994 et transféré à La Haye le 24 avril 1995489(*) ; de Radovan Karadzic, ancien dirigeant serbe de Bosnie arrêté le 22 juillet 2008 par les services secrets serbes après 13 années passées dans la clandestinité490(*) et transféré, le 30 juillet 2008, au centre de détention du TPIY, à La Haye. Ce dernier est considéré comme le responsable du massacre de 8mille hommes musulmans commis à Srebrenica492(*), etc.

III.4.4.3. Coopération en vue de détenir après procès

Selon l'article 26 du Statut du TPIR,

« Les peines d'emprisonnement sont exécutées au Rwanda ou dans un Etat désigné par le Tribunal international pour le Rwanda sur la liste des Etats qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l'Etat concerné, sous la supervision du Tribunal »

L'article 27 du Statut du TPIY reprend mutatis mutandis la même chose. Le gouvernement rwandais a toujours fait savoir que, d'après ce texte, la première destination des condamnés était le Rwanda493(*). Une prison a d'ailleurs été construite dans le Sud du pays afin de les héberger conformément aux normes établies par les NU. Mais, aucun prisonnier n'a encore été envoyé au Rwanda494(*).

Par ailleurs, le 1er juillet 2007, neuf personnes condamnées définitivement par le TPIR, ont été transférées au Bénin pour y exécuter leur peine en vertu d'un accord entre ce pays et les NU. Parmi eux, figurent l'ancien ministre des finances, Emmanuel NDINDABAHIZI, l'Abbé Athanase SEROMBA et l'un des fondateurs de la célèbre Radiotélévision libre des mille Collines (RTLM), Jean- Bosco BARAYAGWIZA495(*).

Un autre pays africain, le Mali, hébergeait déjà jusqu'en 2007, quinze condamnés dont l'ex- premier ministre du gouvernement intérimaire en place pendant le génocide, Jean KAMBANDA, condamné à la prison à vie. Y figurent aussi l'ancien préfet de KIBUYE, Clément KAYISHEMA, l'ancien maire de TABA, Jean- Paul AKAYESU, l'homme d'affaires, Obed RUZINDANA, l'ancien directeur de l'usine à thé de GISOVU à KIBUYE, Alfred MUSEMA et un leader de la milice en province de GISENYI (Ouest), Omer SERUSHAGO496(*).

* 468 S./Rés./1165 (1998) du 30 avril 1998, art. 4 ; S. /Rés. /1329 du 30 novembre 2000, art. 5 ; S. /Rés. /1431 du 14 août 2002, art. 3 ; S. /Rés. /1503 du 28 août 2003, art. 2 et 3 et S. /Rés. 1534 du 26 mars 2004, art. 1 et 2.

* 469 TPIY, App., Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR108 bis, 29 octobre 1997, p. 40, §55.

* 470 TPIY, App., Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR 108 bis, 29 octobre 1997, p. 40, §55.

* 471 TPIY, App., Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR 108 bis, 29 octobre 1997, p. 42, §55.

* 472 CATALDI (Giuseppe) et DELLA MORTE (Gabriele), « La preuve devant les juridictions pénales internationales », in RUIZ FABRI (Hélène) et SOREL (Jean- Marc) (sous la dir. de), La preuve devant les juridictions pénales internationales, Paris, A. Pédone, 2007, p. 200.

* 473 Statut du TPIY,art.29§2 lit.b et c et celui du TPIR, art.28§2 lit.b et c.

* 474 Statut du TPIY, art. 29 §2 et celui du TPIR, art. 28 §2.

* 475 Loi suédoise, section 9 et 10, loi finlandaise, section 10, loi française, articles 7 et 8.

* 476 Décret britannique, art. 16 ; loi finlandaise section 7.

* 477 Loi allemande, section 4, §4.

* 478 Loi australienne, section 26.

* 479 Charte des NU, art. 2, §7.

* 480 TPIY, App., Tihomir Blaskic, IT-95-14-AR 108 bis, 29 octobre 1997, pp. 51- 52 , §§67- 68.

* 481 S. /Rés. 978 (1995) du 27 février 1995, art. 1 et 2 ; S. /Rés. 1503/2003 du 28 août 2003, art. 2 et 3.

* 482 Notamment : loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du CS des NU ; Arrêté fédéral relatif à la coopération avec les tribunaux chargés de poursuivre les violations graves du DIH, du 21 déc. 1995 (suisse) ; loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 955 du CS des NU; Loi du 22 mars 1996 relative à la reconnaissance du TPIY et du TPIR (Belgique) ; The United Nations (ICTY) order 1996 (N° 716) (United Kingdom) ; The United Nations (ICTR) order 1996 (N°)(United Kingtom) ; ...

* 483 TPIR, le Procureur c. Jean Paul Akayesu, affaire No ICTR-96-4, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.7.

* 484 TPIR, le Procureur c. Théoneste BAGOSORA, affaire No ICTR-96-7, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.75.

* 485TPIR, le Procureur c. Jean Bosco BARAYAGWIZA, affaire No ICTR-97-19, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.129.

* 486TPIR, le Procureur c. Samuel IMANISHIMWE, affaire No ICTR-97-36, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.143.

* 487TPIR, le Procureur c. Gatien KABIRIGI, affaire No ICTR-97-34, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.157.

* 488TPIR, le Procureur c. Jean KAMBANDA, affaire No ICTR-97-23, Fiche technique, Recueil (1995-1997), p.195.

* 489TPIY, Decision in the Matter of a Proposal for a Formal Request for Deferral to the competence of the Tribunal, IT-94-1-D.

* 490 491 L'arrestation de Radovan Karadzic, www.monde-diplomatique.fr/2008-07-226Arrestatio-de-Radovan-Karadzic-, consulté le 22 mars 2010 à 17h00.

* 492 L'arrestation de Radovan Karadzic, www.fr.wikipedia.org/wiki/Radovan_Karadzic, consulté le 22 mars 2010 à 17h 10.

* 493Agence hirondelle, Neuf condamnés du TPIR transférés au Bénin, 1er juillet 2009, p. 1 consulté sur http://fr. hirondellenews. Com/content/view/3123/326, le 3 juillet 2009.

* 494Agence hirondelle, Neuf condamnés du TPIR transférés au Bénin, 1er juillet 2009, p. 1 consulté sur http://fr. hirondellenews. Com/content/view/3123/326, le 3 juillet 2009.

* 495Agence hirondelle, Neuf condamnés du TPIR transférés au Bénin, 1er juillet 2009, p. 2consulté sur http://fr. hirondellenews. Com/content/view/3123/326, le 3 juillet 2009.

* 496 Agence hirondelle, Neuf condamnés du TPIR transférés au Bénin, 1er juillet 2009, p. 2 consulté sur http://fr. hirondellenews. Com/content/view/3123/326, le 3 juillet 2009.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille