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La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.

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par Gérard MPOZENZI
Université du Burundi - Licence en Droit 2003
  

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I.3.2.Appréciation

D'après J. Paul BAZELAIRE et Thierry CRETIN, les TPI ad hoc furent sérieusement critiqués par certains partisans de la justice pénale internationale. Ceux- ci les ont présentés comme des institutions d'une justice « partielle » puisque ad hoc ; une justice sélective dans le temps et dans l'espace, alors même que la justice est, par définition, universelle et permanente. Pour eux, l'apparition de la CPI répondait à ces défaillances88(*).

Cependant, les TPI ont été créés en réponse à des événements circonscrits dans le temps et dans l'espace ; et l'expression « ad hoc » l'exprime parfaitement car ad hoc signifie pour cela. Nous disons pour paraphraser (E.) DAVID que si donc les TPI ad hoc sont appelés à disparaître, le droit qu'ils ont établi et appliqué demeure, c'est là l'intérêt juridique de l'événement89(*).

L'analyse approfondie montre que la CPI ne corrige qu'imparfaitement ces reproches formulées à l'encontre des TPI ad hoc90(*).

En premier lieu, la CPI n'est pas universelle. Certains Etats et non des moindres, ne sont pas parties au Statut de Rome de 1998 portant création de la CPI. Parmi eux, figurent deux superpuissances et membres permanents du CS  des NU: les Etats- Unis et la Chine. La Cour n'est pas universelle car elle ne peut que connaître des faits commis sur les territoires des Etats parties.

En deuxième lieu, si la CPI est permanente, elle n'a de compétence que pour l'avenir : elle n'est permanente qu'à compter de son entrée en vigueur (c'est- à- dire en 2002). Ainsi, il existe une contradiction à affirmer, d'un côté, le caractère imprescriptible des crimes relevant de la Cour91(*) et, de l'autre, à ne permettre l'action de la Cour que pour les faits postérieurs à son entrée en vigueur92(*)Quid de tous les génocides et crimes contre l'humanité commis dans un passé récent93(*) ? De même, si un Etat devient partie au Statut de la Cour après l'entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du Statut pour cet Etat94(*).

En troisième lieu, non seulement la Cour n'a pas de compétence rétroactive mais, pendant sept ans après son entrée en vigueur, les Etats peuvent choisir de ne pas laisser les crimes de guerre à sa compétence95(*). C'est la clause d'« opting out» prévue à l'article 124 du Statut de la CPI. Une réflexion profonde nous prouve que l'objectif recherché était d'exempter les nationaux de l'Etat ayant effectué cette déclaration, notamment ses militaires membres d'une force de maintien de la paix de l'ONU, de toute responsabilité pour les crimes de guerre qu'ils commettraient sur le territoire d'un Etat qui aurait ratifié le Statut.

En plus et dans le même ordre d'idée, le CS des NU pourra suspendre une enquête en cours, pendant un an, s'il estime qu'elle peut compromettre une opération de maintien de la paix96(*).

De surcroît, il existe une différence fondamentale entre les TPI ad hoc et la CPI pour ce qui concerne les compétences que l'on peut qualifier de « ratione gentis » (c'est-à-dire en raison de l'Etat considéré). Alors que les TPI ad hoc peuvent exercer leurs compétences vis- à- vis de tout Etat membre des NU, la CPI ne jouit d'un pouvoir analogue que dans la seule hypothèse où le CS des NU l'a saisie d'une situation où ont été commis des crimes relevant de sa compétence ratione materiae.

Rappelons, à toutes fins utiles, que les TPI ad hoc sont des organes subsidiaires du CS puisqu'ils ont été créés par lui97(*) alors que la CPI apparaît comme une organisation internationale propre. Créée par traité, elle jouit d'une personnalité juridique interne et internationale98(*) qui lui permet de conclure un accord de liaison avec l'ONU99(*).

Certes, tout n'est pas noir. La création de la CPI est, assurément, un événement marquant qui s'inscrit dans la logique judiciaire de la lutte contre l'impunité, même si la réticence de nombreux Etats et le refus catégorique des Etats-Unis, de faire partie de son Statut, empêchent encore une véritable révolution du droit international100(*).

I.3.3. Le principe de primauté et de complémentarité

Les TPI ad hoc et la CPI sont des juridictions pénales internationales créées pour juger les auteurs des faits commis sur le territoire d'un ou plusieurs Etats disposant tous d'un système judiciaire. Dès lors que sont créées les juridictions pénales internationales, la question doit alors être tranchée de savoir si la justice pénale internationale a la primauté sur celle nationale ou si elle est simplement complémentaire, subsidiaire101(*).

Dans le cas des TPI ad hoc, le CS des NU n'a pas hésité à proclamer la primauté102(*) alors que les Etats parties au Statut de Rome ont préféré que la Cour soit « complémentaire103(*) » aux juridictions nationales, « faisant ainsi un réel pas en arrière104(*)».

I.3.3.1. Le principe de primauté des TPI ad hoc

La primauté découle directement du fait que les deux TPI ad hoc ont été créés par le CS des NU agissant au titre du chapitre VII de la Charte des NU. Les articles 9 du Statut du TPIY et 8 de celui du TPIR posent le principe que les juridictions nationales et le Tribunal pénal international sont concurremment compétents pour juger les personnes susceptibles de tomber sous le coup des incriminations pour violation du droit humanitaire. Mais, ils ajoutent que « le tribunal international a la primauté sur les juridictions nationales ».

En réalité, les TPI ad hoc n'ont pas un pouvoir exclusif de juger les présumés auteurs des actes prévus dans leurs Statuts mais ils peuvent imposer aux juridictions nationales de se dessaisir à leur profit. La primauté semble mieux adaptée pour assurer l'impartialité qui est une condition indissociable de l'idée de justice105(*). En clair, la primauté est la conséquence directe du mode de création des deux TPI ad hoc sur la base du chapitre VII de la Charte de l'ONU. Ces deux tribunaux ont été créés par le Conseil de sécurité des NU pour contribuer à assurer la paix et la sécurité, le maintien desquelles est la mission première du C.S de l'ONU. Dès lors, les TPI ad hoc bénéficient de la même force contraignante que n'importe laquelle des décisions du Conseil de Sécurité106(*) prises en vertu du chapitre VII de la Charte des NU. En effet, au sujet des mesures prises par le CS des NU, on distingue les recommandations qui n'ont qu'une valeur indicative et les décisions qui sont contraignantes. Les décisions du CS des NU s'imposent donc à tous les Etats membres des NU107(*).C'est notamment le cas des mesures qui peuvent être décidées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des NU108(*).

Quid enfin de la complémentarité de la CPI à la justice pénale étatique ?

I.3.3.2. Le principe de complémentarité de la CPI

Contrairement aux TPI ad hoc, la CPI n'a aucune primauté pour la poursuite et le jugement des auteurs présumés responsables des crimes visés par son Statut. « C'est même l'inverse109(*)». Le Statut est fondé sur un principe de complémentarité de la CPI par rapport aux juridictions nationales110(*). Ce principe, affirmé dès le préambule du Statut, a pour conséquence les questions de recevabilité exposées dans les articles 17, 18 et19.

Concrètement, cela implique que la Cour doit déclarer irrecevable toute affaire portée devant elle par le Procureur de la Cour si elle a donné ou donne lieu à enquête, poursuite ou jugement dans un Etat ayant compétence111(*). Si, toutefois, la procédure engagée par l'Etat semble symbolique ou si elle ne traduit pas l'intention réelle de réprimer les faits en cause, la Cour est alors fondée à en connaître112(*).

Selon Jacques DOMINIQUE, il appartient au Procureur de la CPI, sous le contrôle de la chambre préliminaire, de « démontrer » que l'Etat n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites113(*) car c'est la CPI qui demande à réexaminer l'affaire dont un Etat ayant compétence s'est déjà saisi et/ou jugé. Bien que le texte de l'article 17 §2 prévoit les critères servant à déterminer le manque de volonté ou l'incapacité, un auteur pense que la démonstration risque d'être particulièrement délicate à faire et surtout de provoquer des controverses114(*). Il faudra suivre attentivement les premiers pas de la jurisprudence de la CPI dans ce domaine.

Les dispositions des articles précités du Statut de la CPI « font prévaloir la justice pénale des Etats sur la justice pénale internationale115(*) ». Or le domaine de la justice pénale internationale recueille pourtant l'assentiment de la communauté internationale et représente le symbole de la réprobation universelle des crimes les plus graves. Le principe de la complémentarité ampute aussi la Cour d'une bonne part de sa puissance en la plaçant dans une position de subordination par rapport à la volonté des Etats qui gardent ainsi la main et ne perdent pas la souveraineté116(*). Le professeur Eric DAVID dira que « la Cour en est réduite à jouer un rôle de bouche- trou des carences de la communauté internationale117(*)».

Cet aspect du Statut de la CPI démontre une incohérence fondamentale entre son universalité déclarée et la maîtrise de la situation par les Etats. Actuellement en fonction, la CPI doit certainement gérer cette faiblesse.

Enfin, le passage de la compétence de l'Etat récalcitrant à la compétence de la Cour risque de se révéler délicat et source de tensions majeures. Si la Cour l'emporte, l'Etat sera humilié et si, par contre, l'Etat l'emporte, la Cour sera décrédibilisée118(*). Ce risque est envisagé comme une probabilité au sujet du mandat d'arrêt international du 4 mars 2009 lancé par le Procureur de la Cour contre le président soudanais Omar Al Bashir pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité119(*). Si le président soudanais demeure libre nonobstant le mandat international lancé à son encontre par la Cour, le moment de la perte de la crédibilité de la Cour aura commencé.

I.3.4. L'avenir des TPI ad hoc et de la CPI

Les TPI ad hoc ne sont pas destinés à durer longtemps ; ils doivent disparaître avec les faits pour lesquels ils ont été créés ou, à défaut, à la fin de leurs mandats. En effet, par sa Résolution 1503(2003), le CS des NU a demandé aux deux TPI ad hoc de prendre toutes les mesures en leur pouvoir pour mener à bien les enquêtes d'ici à la fin 2004, achever tous les procès de 1ère instance d'ici à la fin de 2008 et terminer leurs travaux à la fin de 2010 (Stratégies d'achèvement des travaux120(*)).

A bien des égards, cette demande du CS des NU adressée aux deux TPI ad hoc pour achever leurs travaux d'ici 2010 laisse plusieurs questions en suspens. En effet, qu'est ce qui pourra advenir si les deux Tribunaux n'ont qu'une vie limitée et que des personnes sont condamnées à perpétuité ou à de très longues peines de prison ? Qu'adviendra-t-il si le mandat des deux TPI ad hoc vient à expirer d'ici fin 2010 et que le CS refuse de le proroger alors que des procès restent pendants ou que des mandats d'arrêts internationaux auront été décernés contre des personnes portant la plus lourde responsabilité121(*) des crimes qui sont de la compétence des deux TPI ad hoc?

Dans cette situation, il appartiendra, sans doute, au CS des NU, organe créateur des deux TPI ad hoc, de désigner l'organe compétent122(*). A notre sens, rien n'empêche au CS de déférer certaines des compétences des TPI ad hoc à la CPI. Mais, à ce sujet, il faudra ménager les Statuts des TPI ad hoc parce qu'à bien des égards, celui de la CPI « est en deçà de ce qu'avaient réalisé ceux des TPI ad hoc pour l'ex- Yougoslavie et le Rwanda123(*) ».

Dans ce paragraphe, nous analysons également les qualités des TPI ad hoc qui ne doivent cependant occulter leurs quelques défauts. Ceci sera fait comparativement avec la CPI.

* 88 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (T.), op. cit., p.63.

* 89 DAVID (E.), Principes de droit..., op. cit., p. 773.

* 90 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (Thierry), op. cit., p. 63.

* 91 Statut de la CPI, art.29

* 92 Statut de la CPI, art. 11 §1.

* 93 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (T.) ; op.cit., p.64.

* 94 Statut de la CPI, art. 11 §2

* 95 JOINET (Louis), Lutter contre l'impunité , Paris, La découverte, 2002, p.80.

* 96 Statut de la CPI, art. 16.

* 97Voy. la Charte des NU, art. 29.

* 98 Statut de la CPI, art. 4.

* 99 Statut de la CPI, art. 2.

* 100 JOINET (Louis), op. cit. p. 78.

* 101 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (Thierry), op. cit., p.95.

* 102 Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art.8§2 ; art.9 §2.

* 103 Statut de la CPI, préambule, §10.

* 104 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (T.), op. cit., p.95.

* 105 Infra, pp.69-70.

* 106 BAZELAIRE (J. Paul) et CRETIN (Thierry), op. cit, p. 97.

* 107 Charte des NU, art.25.

* 108 Infra, pp.70-71 et pp. 85-86.

* 109 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, op. cit., p. 783.

* 110 Statut de la CPI, préambule, §10 ; Statut de la CPI, art. 1.

* 111Statut de la CPI, art. 17 § 2

* 112 Statut de la CPI, art. 17 §2 et 20 §3

* 113 DOMINIQUE Jacques, « Vers la cour criminelle internationale : Examen du projet de statut de la cour » in Juristes sans frontières, le tribunal pénal international de La Haye : Le droit à l'épreuve de la purification ethnique, Paris, L'Harmattan, 2000, p. 284.

* 114 BAZELAIRE (J. P) et CRETIN (T.), op. cit., p. 98.

* 115 Ibidem.

* 116 BAZELAIRE (J. P) et CRETIN (T.), op. cit., p. 98

* 117 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, op. cit., p. 784.

* 118 KARAGIANNIS, « La multiplication des juridictions internationales: un système anarchique ? » in La Société française pour le droit international, La juridictionnalisation du droit international, 36ème Colloque de Lille, Paris, A. Pédone, 2003, p. 61.

* 119 CPI, « La situation au Soudan », communiqué, La Haye, 4 mars 2009, consulté sur http://www.aidh.org/justice/02enqu-darfour 07a.htm , le 17 février2010.

* 120 S/Rés./1503(2003), Stratégies d'achèvement des travaux, 28 août 2003, art.7.

* 121 La stratégie d'achèvement des travaux des deux TPI vise à concentrer leur action sur la poursuite et le jugement des principaux dirigeants portant la plus lourde responsabilité en déférant devant les juridictions nationales compétentes les accusés de rang intermédiaire ou subalterne. Cf. S/Rés./1503(2003),28 août 2003, préambule, §7.

* 122 DAVID (E.), Eléments de droit pénal international, 3ème partie, op. cit., p. 399.

* 123 BAZELAIRE (J. P.) et CRETIN (T.), op. cit., p. 63.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams