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La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.

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par Gérard MPOZENZI
Université du Burundi - Licence en Droit 2003
  

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I.4.3. Quid du probable Tribunal spécial pour le Burundi ?

D'entrée de jeu, signalons que plusieurs dénominations sont attribuées à ce probable Tribunal. L'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi du 28 août 2000 parle du Tribunal pénal international pour le Burundi162(*), le Rapport Kalomoh du 11 mars 2005 recommande une « Chambre spéciale intégrée au pouvoir judiciaire burundais 163(*)» tandis que l'Accord cadre entre le gouvernement burundais et l'ONU du 2 novembre 2007 évoque un «Tribunal spécial » pour le Burundi164(*).

Ainsi, parmi les principes et mesures relatifs au génocide, aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité prévus par l'Accord d'Arusha figure la mise en place, par le CS des NU et sur demande du gouvernement de transition, d'une Commission d'enquête judiciaire internationale sur le génocide, les crimes de guerre et autres crimes contre l'humanité165(*). Celle-ci aurait pour mission d'enquêter et d'établir les faits couvrant la période allant de l'indépendance à la date de la signature de l'Accord (le 28 août 2000), de les qualifier, d'établir les responsabilités et de soumettre son rapport au Conseil de sécurité des NU166(*). L'Accord prévoit aussi l'établissement, par le CS des NU et sur demande du gouvernement du Burundi, d'un Tribunal pénal international chargé de juger et punir les coupables au cas où le rapport établirait l'existence de tels actes167(*).

En vue de l'établissement de cette Commission d'enquête judiciaire internationale, une mission d'évaluation a été envoyée au Burundi du 16 au 24 mai 2004 dirigée par Tuliameni Kalomoh168(*). Pour éviter la mise en place de deux Commissions pratiquement identiques fonctionnant parallèlement (une commission nationale de la vérité et de la réconciliation et une Commission d'enquête judiciaire internationale)169(*) la mission a recommandé une approche à deux étapes : la création d'un mécanisme non judicaire de recherche des responsabilités sous forme d'une Commission « Vérité » et la mise en place d'un mécanisme judicaire d'établissement des responsabilités constitué par une Chambre spéciale intégrée au pouvoir judiciaire burundais170(*).

Faisant suite au rapport Kalomoh, le CS des NU a adopté la résolution 1606(2005) du 20 juin 2005 qui prie le Secrétaire général des NU d'engager des négociations avec le gouvernement du Burundi171(*). Le 26 octobre 2005 le gouvernement créa une « Délégation gouvernementale » chargée de négocier avec les NU la mise en place de la Commission nationale vérité et réconciliation172(*), ci-après CVR. Les rencontres de 2006 et de 2007 entre la Délégation gouvernementale et des experts des NU se sont soldées par la mise en place d'un « Comité de pilotage » tripartite (Etat burundais, Nations Unies et la Société civile) chargée de mener des consultations, larges et inclusives de toutes les parties prenantes au processus de justice transitionnelle au Burundi.

Par contre, les deux parties achoppent sur la question des rapports entre la CVR et le Tribunal spécial173(*). Les NU considèrent que le Procureur du Tribunal spécial doit être indépendant et pas limité par les conclusions de la CVR ; il doit pouvoir poursuivre sur base d'informations reçues d'autres sources ou de sa propre initiative tandis que, pour le gouvernement, le Procureur ne devrait enquêter et poursuivre que pour les seuls cas que la CVR aurait qualifiés comme des crimes relevant du droit international et lui transmis pour poursuite pénale.

Le Comité de pilotage dont les travaux ont été lancés le 2 novembre 2007174(*) a rendu son rapport final dont on attend sa publication par le Président de la République du Burundi, ce qui bloque le processus. Le 15 mai 2008 la Communauté internationale rapporte l'absence de progrès dans le processus de justice transitionnelle au Burundi175(*).

Ainsi, la lenteur du processus incite toute personne éprise de justice de s'interroger sur les stratégies à prendre pour que le processus ne soit pas biaisé. En effet, les défis sont majeurs : d'une part, il faut mettre fin à l'impunité et, d'autre part, des personnes clé du gouvernement ( militaires, policiers et responsables politiques) seraient impliqués dans des violations graves du DIH et des droits de l'homme. De toutes les façons, les NU sont beaucoup plus expérimentées que quiconque et devraient, sur base des précédents déjà acquis (notamment au Cambodge, en Sierra Leone, au Liban, Kosovo,...), prendre des mesures appropriées.

Dans les négociations entre les deux parties, on se félicite de la clarification de la question de l'inamnistiabilité du crime de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Mais, selon Pedro Nikken, une vérité établie objectivement mais qui ne serait suivie d'aucune conséquence est extrêmement dangereuse dans le contexte du Burundi ; elle confirmerait le sentiment d'impunité de ceux qui échapperaient à l'action de la justice, les incitant à récidiver176(*).

De l'avis du Conseil national des Bashingantahe, une institution des sages traditionnels au Burundi, le Tribunal spécial pour le Burundi devrait, pour des raisons d'indépendance, d'impartialité et de crédibilité, être de composition mixte majoritairement étrangère. Pour les mêmes raisons le Procureur et le Président du Tribunal devraient être indépendants et de nationalité étrangère. Selon ce Conseil, le statut de la CVR devrait être un statut onusien177(*). Dans la composition de la CVR, les étrangers devraient être plus nombreux que les Burundais à différents niveaux178(*). La composition du Tribunal devrait suivre la même recommandation avec « plus d'insistance sur le plus grand nombre d'étrangers par rapport au Burundais »179(*).

De même, le Conseil propose que seuls les délits mineurs pourraient être l'objet de réconciliation. Toutefois, « les crimes de sang ou les autres grands crimes identifiés par la CVR devraient être transmis au Tribunal spécial avant qu'il ne soit question de réconciliation »180(*) : « la vérité et la justice doivent précéder la réconciliation pour ne pas construire sur le sable mouvant »181(*). Enfin le processus devrait être accéléré pour mettre un terme à l'impunité.

I.5. Les TPI ad hoc et les systèmes juridiques internes

Indépendamment des TPI et aujourd'hui de la CPI, il incombe aux Etats de réprimer les crimes de guerre et d'autres violations graves au droit international humanitaire (DIH). C'est une obligation internationale. Les juridictions étatiques constituent des juridictions de droit commun dans la mise en oeuvre de la responsabilité pénale internationale182(*). En effet, ni les Statuts des TPI ad hoc ni celui de la CPI ne suppriment la compétence pénale des Etats pour réprimer les crimes internationaux sur le plan interne. Selon les articles 9 et 8 respectivement du Statut du TPIY et celui du TPIR, les tribunaux nationaux peuvent poursuivre les auteurs des violations graves du DIH et du génocide.

Sur ce dernier cas, les juridictions nationales peuvent être compétentes sur base de critères classiques de la compétence pénale étatique (I.5.1.) et sur base du principe de la compétence universelle (I.5.2). C'est dans l'optique d'encourager ces tribunaux internes que les TPI ad hoc ont même déjà manifesté la volonté de se dessaisir à leur profit (I.5.3).

* 162 Accord d'Arusha, Protocole I, art.6 §10, 28 août 2000.

* 163Rapport Kalomoh, doc. S/2005/158, 11 mars 2005, §61.

* 164 Accord cadre entre le Gouvernement de la République du Burundi et l'ONU portant création et définition du mandat du Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales sur la Justice de transition au Burundi, 2 novembre 2007, §10.

* 165 Accord d'Arusha, Protocole I, art.6 §10, 28 août 2000.

* 166 Accord d'Arusha, Protocole I, art.6§10, a),b)et c), 28 août 2000.

* 167Accord d'Arusha, Protocole I, art.6§11.

* 168 Rapport Kalomoh, doc. S/2005/158, 11 mars 2005, Introduction, al.3.

* 169 Rapport Kalomoh, doc. S/2005/158, 11 mars 2005, §54.

* 170 Rapport Kalomoh, doc. S/2005/158, 11 mars 2005, §53.

* 171 Résolution du CS des NU, S/Rés./1606 (2005), 20 juin 2005, art.1.

* 172 Compte-rendu de Global Rights pour le Groupe de concertation des ONGs en Justice transitionnelle, état au 24 juillet 2007, §43, p.6.

* 173Compte-rendu de Global Rights pour le Groupe de concertation des ONGs en Justice transitionnelle, état au 24 juillet 2007, §43, p.10.

* 174 Accord cadre entre le Gouvernement de la République du Burundi et l'ONU portant création et définition du mandat du Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales sur la Justice de transition au Burundi, 2 novembre 2007, §14 tel qu'entériné par le Discours du Président de la République lors du lancement des travaux du Comité de pilotage tripartite, Hôtel source du Nil, vendredi 2 mars 2007, p.7.

* 175 Global Rights, Chronologie des faits et événements en rapport avec la justice transitionnelle au Burundi, §67, p.14.

* 176 Rapport de l'envoyé spécial de l'ONU au Burundi en vue d'étudier la possibilité de créer une commission de la vérité pour examiner le problème de l'impunité au Burundi, doc. S/1995/631 du 28 juillet 1995, §18.

* 177 Conseil National des Bashingantahe, Mise sur pied de la Commission vérité et réconciliation et du Tribunal spécial pour le Burundi, propositions du Conseil national des Bashingantahe/Sages traditionnels, Bujumbura, 29 mars 2006, p.2, Consulté sur http://www.grandslacs.net/doc/4068.pdf , le 19 février 2010 à 11h.

* 178 Conseil National des Bashingantahe, Mise sur pied de la Commission vérité et réconciliation et du Tribunal spécial pour le Burundi, propositions du Conseil national des Bashingantahe/Sages traditionnels, Bujumbura, 29 mars 2006, p.3. Consulté sur http://www.grandslacs.net/doc/4068.pdf , le 19 février 2010 à 11h.

* 179 Idem, p.5.

* 180 Idem, p.2.

* 181 Ibidem.

* 182 MUXART (Anne), « Immunité de l'ex- chef d'Etat et compétence universelle : Quelques réflexions à propos de l'affaire Pinochet », Actualité de droit international, déc. 1998, consulté sur http://www. ridi. org/adi, le 10 mars 2009.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius