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La réutilisation des données publiques en droit des archives

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par Mylène THISEAU
Université Paris XI, Faculté Jean Monnet - Master 2 Droit du patrimoine culturel 2009
  

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2. Le contenu du document de licence

Ainsi que nous avons pu le voir, si le régime légal pose un principe de liberté « encadrée » de réutilisation des données publiques, il assortit ce principe d'obligations à la charge du licencié. On retrouve ici l'intérêt de la licence, quelle que soit sa forme : le licencié va être aiguillé quant aux usages qu'il pourra faire des données et quant aux mentions qu'il devra faire figurer dans le document publiant les données.

Au cas où il ne respecte pas ses obligations, le régime légal prévoit des sanctions spécifiques qui viendront sanctionner la violation des termes du contrat. Mais ces sanctions sont-elles transposables dans un système régi par des règles dérogatoires ?

a) Droits et obligations du licencié

Le principal droit conféré au licencié est le droit de réutiliser les données dans le cadre défini par la licence. Le document de licence a vocation à préciser les conditions de la réutilisation et à fixer des limites relatives à la durée, au mode de réutilisation et aux précautions à prendre.

Concernant la durée de la licence, ni les textes, ni la doctrine ni la jurisprudence ne définissent dans quelle mesure il est possible d'étendre ou de contenir la période de réutilisation autorisée. Il s'agit donc d'un élément laissé à la libre appréciation de l'administration. De fait, s'agissant d'un contrat de licence, les parties sont libres de fixer une limite de manière extrêmement libre, cette limite pouvant être d'un an, de cinq ans, ou de manière définitive. L'administration prévoit également dans le contrat l'éventuelle possibilité de reconduction du droit à réutilisation. Ce droit à réutilisation est ainsi reconduit automatiquement dans certains établissements tels que la Bibliothèque nationale de France, moyennant le paiement de la redevance au 31 décembre pour une reconduction au 1er janvier par exemple.

De même, aucune limite géographique n'est imposée, et dans la mesure où il s'agit d'une cession de droits, on pourrait imaginer une définition du territoire limité au territoire national ou au territoire international.

Sans doute faut-il comprendre ce désintérêt pour la définition de limites temporelles et géographiques par le fait que la cession est convenue pour un usage spécifiquement déterminé qui défini par lui-même le cadre temporel et géographique.

Obligations découlant de la signature du document de licence

La première obligation du licencié découle des effets du document accordant la licence : sa signature signifiant son accord quant au contenu des dispositions du contrat ou du règlement, le licencié s'engage ainsi à respecter la licence, les textes et documents auxquels renvoie la licence, ainsi que la législation en vigueur, encore que celle-ci ne soit pas développée pour les établissements d'archives. Les licences établies par l'APIE et par Légifrance établissent également une obligation pour le licencié de faire un usage des données qui ne soit pas contraire aux lois et aux règlements, et qui ne porte pas atteinte à l'ordre public et aux bonnes moeurs.

La seconde obligation qui découle des effets produits par la signature de la licence est relative à l'utilisation qui doit être faite par le licencié des données qui lui sont confiées. Celui-ci ne peut en effet utiliser les données pour une finalité autre que celle prévue dans la demande de réutilisation qu'il a adressée à l'administration et qui fonde le droit à réutilisation qui lui a été accordé.

Obligations relatives aux données

L'article 12 de la loi de 1978 fixe quant à lui une obligation générale relative aux données à l'occasion de la réutilisation. Il s'agit d'une obligation particulièrement protectrice de l'intégrité des données, fondée sur leur valeur culturelle et patrimoniale, et qui suppose de ne pas faire une utilisation qui pourrait être comprise par le public comme contraire ou détournée par rapport à l'objectif initial poursuivi par l'établissement d'archives conservant le document, c'est-à-dire un objectif de valorisation du patrimoine culturel de la Nation. L'article 12 est ainsi rédigé : « Sauf accord de l'administration, la réutilisation des informations publiques est soumise à la condition que ces dernières ne soient pas altérées, que leur sens ne soit pas dénaturé et que leurs sources et la date de leur dernière mise à jour soient mentionnées. »

Cette obligation a été largement développée par l'APIE et les Archives nationales : « Toute rediffusion doit respecter l'intégrité des données : elle doit n'en altérer ni le sens, ni la portée, ni l'application. Le licencié veille notamment à ce que la teneur et la portée des données ne soient pas altérées par des retraitements (modification des données, insertion de commentaires sans que ceux-ci puissent être clairement distingués du contenu de l'administration, coupes altérant le sens du texte ou des données). »

En outre, les établissements peuvent subordonner la réutilisation à la condition de la mention de l'origine, du lieu de conservation, de la référence, du titre ainsi que de l'auteur du document dans lequel est inscrite la donnée. On retrouve ce type d'obligation en droit d'auteur afin de préserver le droit à la paternité de l'auteur sur son oeuvre, la seule différence étant que l'établissement d'archives conserve des documents émanant d'autres institutions, telles que les documents produits par les services des présidents de la République. On peut donc considérer que ces établissements fondent cette obligation de mention du lieu de conservation sur leur mission de service public, qui constitue la raison de leur existence.

En complément de ces dispositions protectrices de la « titularité » des documents, le licencié doit encore s'appliquer à respecter les principes régissant la propriété intellectuelle ainsi que les données à caractère personnel, notamment les droits d'auteur qui s'attachent à certaines données, ainsi que la mention de certains noms de personnes physiques. Ainsi, un chercheur qui souhaiterait réutiliser des documents de sondage dans le cadre de sa thèse devrait s'assurer de la suppression des informations d'ordre privé, telles que les coordonnées de la personne. Ce sont là également les principes de l'accès aux documents administratifs de manière générale.

Dans la pratique, les établissements culturels étant libres d'autoriser ou de refuser la réutilisation, il est fort probable que ceux-ci refusent de manière quasi-systématique les demandes qui s'accompagneraient d'un travail de biffage trop important eu égard aux capacités techniques de l'établissement de conservation. C'est d'ailleurs la possibilité qu'offre l'article 13 alinéa 2 quant à l'anonymisation des données.

Obligations relatives à la cession de la licence

Il faut distinguer la cession du droit de réutilisation par l'administration au demandeur, de la cession de la licence par un particulier à un tiers.

L'article 14 du régime légal interdit la cession d'un droit d'exclusivité à toute personne qui présente une demande de réutilisation, « sauf si un tel droit est nécessaire à l'exercice d'une mission de service public ».

On imagine en effet mal les motifs justifiant l'octroi d'un tel privilège, dans la mesure où il relève de la mission même des établissements d'archives de mettre à disposition de tous, sans distinction du type d'utilisateurs, les archives de la Nation. Le fait que l'utilisation soit envisagée dans un but pédagogique ou commercial peut en revanche conduire l'administration à décider d'accorder ou non un droit à réutilisation au profit de celui qui en fait la demande. Mais en aucun cas il ne serait acceptable que le droit d'utiliser une information contenue dans un document librement accessible soit « bloqué » pour les usagers, au motif qu'il a déjà été accordé à titre exclusif à une personne, quelle que soit la légitimité de sa demande.

En outre, on peut s'interroger sur les cas que le législateur a entendu couvrir par l'exception à ce principe pour nécessité du service public. Ces cas semblent assez peu probables, sauf à considérer que le demandeur se soit vu confier une délégation de service public pour l'exercice d'une prestation relevant d'une mission de service public. Par exemple, un tel droit pourrait être accordé si un établissement d'archives décidait, après une mise en concurrence de plusieurs prestataires, de confier la gestion de la diffusion d'une de ses bases d'images à une société privée qui négocierait ensuite directement avec les particuliers la concession d'un droit de réutilisation.

Enfin, les dispositions du document conférant une licence doivent spécifier s'il est accordé au licencié un droit de céder à son tour la licence à des tiers. Pour des raisons de sécurité juridique, il reste préférable de ne pas prévoir de telles dispositions, et de n'accorder qu'un droit personnel et non exclusif.

b) Sanctions

La violation des dispositions en vigueur en matière de réutilisation va entraîner le prononcé de sanctions par l'administration.

La violation des dispositions relatives à la réutilisation

L'article 20 du chapitre III de la loi de 1978 confère à la CADA une compétence pour veiller à l'application des règles du chapitre II. Les articles 18 et 22 viennent compléter cette disposition en donnant compétence à la CADA pour infliger à l'auteur d'une infraction aux prescriptions du chapitre II les sanctions prévues par l'article 18.

Or, les dispositions du chapitre II parmi lesquelles figure l'article 18 prévoyant des sanctions spécifiques en matière de réutilisation ne sont pas applicables aux établissements relevant du régime dérogatoire.

La CADA est donc incompétente pour prononcer les sanctions prévues dans un contrat relevant de dispositions dérogatoires au régime de la loi de 1978. Seul le tribunal administratif pourra demander la mise en application des sanctions prévues aux dispositions du contrat, ou bien prononcer la peine complémentaire ou alternative qu'il jugera adéquate en cas de non paiement par le licencié ou en cas de demande de révocation du contrat émanant du licencié.

Quand peut-on considérer qu'il y a dépassement des droits accordés par la licence ?

Il peut y avoir violation des droits chaque fois qu'il sera constaté un manquement du licencié aux obligations qu'il a acceptées en signant le contrat de licence par exemple. Ainsi, le simple défaut de mention de provenance du document dont a été extraite l'information peut constituer une faute contractuelle du licencié. Il est d'usage que pour ce type de manquements, l'administration adresse un simple avertissement, notamment par voie de mise en demeure à l'administré de réparer son manquement dans un délai déterminé. Si le manquement persiste, l'administration pourra être amenée à demander l'allocation de dommages-intérêts, à moins qu'elle n'ait spécifiquement prévu au contrat une pénalité correspondant à ce type de manquement.

Par ailleurs, il y a également manquement du licencié à ses obligations contractuelles lorsque celui-ci réutilise les données dans un but qu'il n'avait pas initialement annoncé à l'administration, qui ne figure donc pas au contrat et pour lequel l'usager n'a pas de licence valable. C'est le cas par exemple d'une personne qui a obtenu le droit de réutiliser l'image d'un sceau conservé aux Archives nationales afin d'en réaliser une reproduction qui prend la forme d'un support alimentaire, et qui réutilise également l'image de ce sceau pour réaliser une publicité.

La nature et la typologie des sanctions

Quelles sanctions les établissements d'archives peuvent-ils prévoir et quelles sont celles susceptibles d'être réellement appliquées ?

En l'absence de textes applicables, les administrations qui rédigent les documents accordant une licence doivent prévoir des règles spécifiques, soit inspirées de celles posées dans le régime légal, auquel cas il ne leur sera cependant pas possible de faire appel à la CADA, quand bien même les sanctions seraient identiques à celles pouvant être prononcées par la CADA pour des établissements ne relevant pas du régime dérogatoire, soit inspirées des règles applicables en matière de marchés publics, c'est-à-dire un système basé sur l'application de pénalités calculées de manière forfaitaire ou proportionnelle à la gravité du manquement.

La plupart des juristes intéressés à la réutilisation conseillent cependant de calquer le régime dérogatoire sur le régime légal en matière de sanctions, dans la mesure où les règles énoncées par l'article 18 de la loi de 1978 sont relativement bien adaptées aux cas de violations des licences. Cela permet ainsi, en cas de contentieux devant le tribunal administratif compétent, de justifier de sanctions proportionnées aux manquements constatés et d'éviter ainsi toute remise en cause de la légalité des contrats et règlements de licence.

Les sanctions-types prévues par le régime légal se divisent en deux catégories : des sanctions pécuniaires d'une part, et, d'autre part, des sanctions complémentaires privatives de droits, telles que l'interdiction de réutiliser des données pendant une durée déterminée.

Les peines d'amendes sont calculées comme suit16(*) :

 

Montant de l'amende

Montant en cas de récidive

Utilisation à des fins non commerciales

Renvoi au montant de la contravention de 5e classe prévue par l'article 131-13 du Code pénal, soit 1 500 euros

Montant de la contravention de 5e classe doublé, soit 3 000 euros

Utilisation à des fins commerciales

Montant proportionné à la gravité du manquement commis et aux avantages tirés du manquement, maximum 150 000 euros.

Si réitéré dans les 5 années : 300 000 euros maximum (pour les entreprises, possibilité de rabaisser à 5 % du chiffre d'affaires hors taxe)

Ces sanctions viennent donc frapper toute personne qui, soit ne respecterait pas ses engagements contractuels, soit porterait une atteinte grave aux données nécessitant la suspension immédiate du droit à réutilisation et le prononcé de mesures répressives.

En outre, on peut imaginer que le montant de la redevance ne serait pas remboursé, même si le contrat venait à être annulé, dans un souci de réparation du préjudice subi par l'administration.

Après avoir défini les principales règles régissant la réutilisation des données publiques, tantôt en s'appuyant sur les textes légaux et sur les pratiques des établissements relevant du régime légal, tantôt en s'en affranchissant et en développant leurs propres règles, les établissements d'archives vont devoir établir leur politique tarifaire, afin de faire appliquer une redevance spécifique de réutilisation.

* 16 Ces montants sont les montants maximum prévus par les textes législatifs en vigueur.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire