2eme Partie - Modalités d'une enquête de
terrain originale
2-1 Une cartographie participative, explications
2-1-1 Intérêt de l'approche
Avant toute chose, il convient de faire le point sur le terme
même de Ç cartographie mentale È, qui n'est en fait
qu'un outil lié à un domaine plus large, la cartographie
participative ou participatory mapping, et qui doit etre absolument
différencié du domaine de la cartographie mentale dans son
sens <<heuristique >>. Il est pourtant courant en
effet de nommer ainsi (<< carte mentale >>) le rendu de
l'expérience que j'ai réalisé à Chennai (Gould,
White, 1974). Pourtant, sous son sens premier, la cartographie mentale ou
heuristique ne s'applique qu'à un type bien précis d'exercice,
qui consiste à dresser en vérité un schéma des
idées, sous diverses formes de diagrammes en arborescence. L'idée
d'une carte heuristique repose sur la représentation des liens
hiérarchiques entre différents concepts, différentes
idées, de facon à les rendre plus explicites. On utilise cette
technique principalement dans la mise en forme de brainstormings,
d'exposés ou de structuration de projets. On peut aussi la rapprocher,
dans une certaine mesure, de la systémique, dans l'apparence graphique
qu'elle peut revêtir. Par conséquent, il est clair que la
cartographie mentale vue sous cet angle ne possède aucun lien avec la
cartographie au sens géographique du terme. Et le même paradoxe
existe en anglais, oü l'on utilise aussi le terme de <<mental
mapping>> indifféremment de celui de <<mind mapping
>>. Nous utiliserons donc malgré tout le terme de carte
mentale, puisqu'il n'existe aucun terme véritablement approprié,
même s'il serait plus exact de parler de carte mémorielle ou
personnelle.
Le participatory mapping, terme que l'on
hésite encore à utiliser en France, reste difficile à
définir tant il recouvre des approches différentes. La
littérature offre par conséquent une grande variété
de définitions et de termes relatifs à cette technique
d'enquête, comme la cartographie communautaire (community
mapping) ou les SIG participatifs (participatory GIS). En
règle générale cependant, la littérature
désigne le participatory mapping comme un terme
général pour la collecte et la représentation
spatialisée, auprès d'un public non-spécialiste, de
données relatives à la perception et à la pratique
d'espaces familiers (Burini, 2008). Le plus souvent, sa réalisation
requiert le concours d'organisations d'appui, notamment des gouvernements, des
ONG, des universitaires ou d'autres acteurs engagés dans le
développement et la planification. Il s'agit donc de représenter
ou plutTMt de faire représenter un type de données qui
d'ordinaire échappent à la sphère des spécialistes,
des politiques et des aménageurs. En ce sens l'optique de l'exercice
vise à une approche de type bottom - up, et s'avère
utile dans une démarche de prise de pouvoir (empowerment) et
d'implication des populations exclues du processus décisionnel qui
impacte pourtant sur leur lieu de vie.
Le participatory mapping invite donc à la
discussion, à la construction d'un consensus, dans le cadre d'une prise
de décision en lien avec les communautés et leurs re ssources.
Simplement, il fait office de consultation. C'est pour toutes ces raisons qu'on
le nomme <<participatif >>.
Les informations recueillies peuvent être ensuite
interprétées et rendues sous forme de représentations
cartographiques qui deviennent un instrument dans la gestion du territoire.
L'intérêt
donc de ce type de cartographie s'exprime à deux
niveaux, en premier lieu comme un produit social qui révèle les
pratiques de construction de la connaissance territoriale d'une
communauté, ensuite comme un moyen de communication en mesure de
conseiller les actions de planification. Par voie de conséquence, le
processus peut influer sur les dynamiques internes d'un groupe social, en
contribuant au renforcement de sa cohésion, et en encourageant ses
membres à s'investir. Les initiatives de cartographie participative
peuvent par ailleurs jouer le rTMle de plaidoyer, dans la mesure oü elles
permettent la mise en évidence de dysfonctionnements, ou la
reconnaissance de territoires ancestraux par exemple dans le cadre de la
fixation de nouvelles frontières. Ainsi ces initiatives jouent un rTMle
d'appui envers les groupes marginalisés dans leur lutte pour la
reconnaissance de leurs droits coutumiers (particulièrement dans le cas
de populations autochtones, pastorales et forestières). La carte devient
alors une alternative à la lutte armée dans le processus
revendicatif.
Pour synthétiser, on peut dire que la cartographie
participative vise principalement à (Corbett2009) : Aider les
communautés isolées politiquement à mettre en forme et
à transmettre leur savoir spatial à des organismes
extérieurs
Permettre aux communautés de conserver et d'archiver un
savoir ancestral local
Aider les communautés à s'impliquer dans la
planification de l'utilisation de leurs terres et la gestion des ressources
Permettre aux populations d'organiser un plaidoyer, comme
Çune Çcontre-cartographieÈ Renforcer le lien social au
sein des communautés, inter -générationel notamment
Et enfin, à traiter les conflits liés aux
ressources
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