Conclusion
Pour un occidental, il est tres difficile d'appréhender
la société indienne d'aujourd'hui. Ë travers l'étude
qui m'a été confiée, j'ai pris conscience de
l'extrême complexité d'un systeme socio-économique dans
lequel les époques semblent se percuter à bien des égards.
Ainsi coexistent un monde figé, quasi-féodal, dans lequel les
relations entre les hommes semblent s'inscrire dans une tradition ancestrale
qui ne permet pas la remise en question, et un monde plus chaotique, oil tout
se bouscule, et dans lequel la soif de vaincre justifie tous les sacrifices
moraux. L'un se nourissant de l'autre pour cro»tre, on peut se poser des
questions quant aux suites de cette cohabitation. L'Union indienne, qui s'est
construite sur les principes d'une démocratie se devant « d'assurer
aux plus faible les mêmes oppportunités qu'au plus fort »,
pour reprendre les paroles de Gandhi, traverse aujourd'hui une crise
d'identité, et si le creusement accéléré des
inégalités entre communautés en est le symptTMme, quelle
en est la cause ? Le gouvernement central, en déléguant ses
responsabilités aux grandes compagnies telles que Marg, n'aurait-il pas
vendu son âme au diable ? C'est vrai, l'Etat manque de liquidités,
et il y a tant à faire. Alors on cherche à attirer la croissance,
à n'importe quel prix. La mise en place des Zones Economiques
Spéciales répond directement à cette
nécessité. Car il faut aller vite. Mais il ne faut pas oublier
que si la recette a si bien fonctionné en Chine, c'est parce-que le
régime politique le permettait. Et si l'on veut que cette recette
fonctionne tout aussi bien dans le cas de l'Inde, il ne s'agira pas d'adapter
le modèle, mais de s'adapter au modéle. C'est bien cette nuance
qui est la source du probléme. Et c'est pourquoi certains diront que
l'on assiste aujourd'hui à l'émergence d'une « dictature
économique », dans laquelle la puissance de frappe monétaire
aurait pris le pas sur le pouvoir politique.
Beaucoup cependant se complaisent dans cette nouvelle
réalité, comme on a pu le voir dans le cadre de l'étude de
Swarnabhoomi.
Ë l'heure actuelle, donc, la responsabilité de
centaines de milliers de petits paysans semble reposer sur les épaules
des compagnies ayant fait le choix de s'installer dans la myriade de ZES qui
parsément le pays. Malgré le fatalisme ambiant, et un profond
laxisme de la part des politiques, l'émergence récente d'une
prise de conscience laisse entrevoir quelques issues possible. Et comme il n'y
a pas de solutions sans problémes, on peut espérer que les
échecs d'aujourd'hui donnent naissance à une impulsion nouvelle,
menée pourquoi pas, par les entreprises à la source de la
contestation. Ë mes yeux, elles seules disposent des moyens
nécessaires à la mise en Ïuvre de grands
chantiers sociaux. Et si l'espoir est permis, c'est parce-que des indices
laissent à penser qu'un sentiment de responsabilité
(mélé de culpabilité) tend à se répandre.
Marg, avec son projet Parivarthan (cf. 2.3.3), en est un bel
exemple. Bien sür, il est fort probable qu'il ne s'agisse là que
d'un outil de publicité, mais on peut envisager que ce type de projets
puisse un jour se concrétiser. Une prise de responsabilité
sociale des entreprises est encore possible.
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