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L'art du désert - Etude des peintures aborigènes contemporaines du désert central d'Australie dans le contexte de la culture aborigène et du marché de l'art.

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par Amandine Dooms
Université Libre de Bruxelles - Histoire de l'Art et Archéologie. Civilisations non-européennes 2001
  

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Chapitre 4 : Le marché et ses

paradoxes.

4.1 Historique et fonctionnement du marché

4.1.1 Histoire du développement du marché

Dès le début de la colonisation du Désert, les artefacts aborigènes intéressèrent les anthropologues et les collectionneurs. Les objets les plus recherchés étaient souvent très sacrés et difficile d'accès. Parmi ces objets, les plus sacrés sont les Tjurunga, plaquettes de pierre ou de bois gravées12 (Murphy 1998, 263 ; Strelhow 1964, 53). Les Arandas, par exemple, voyant leurs objets sacrés en danger, les ont confiés à T.G.H. Strelhow, un anthropologue du milieu du vingtième siècle, pour qu'il les mette en lieu sûr. Ils sont depuis conservés au Strehlow research center d'Alice Spring, hors d'atteinte des non-initiés. En effet, Strelhow, dont le père étudiait déjà les Aborigènes, a vécu toute sa vie à leur contact et a appris à connaître et à respecter leurs croyances jusqu'à contredire le principe occidental de l'accès pour tous à la connaissance13...Pour les Aborigènes, plus rien n'est à découvrir car les ancêtres ont tout révélé. Seules certaines personnes de valeur14 ont accès à cette connaissance. Le centre Strelhow a reçu la confiance des Aborigènes parce que leur règle de restriction du savoir y est respectée. Seuls les chercheurs qui ont su gagner la confiance de ce peuple peuvent étudier les objets sacrés, et les textes qui les concernent, conservés au centre. Par contre, les

12 Les Arandas pensent que certains ancêtres mythiques et leurs attributs se sont transformés en ces Tjurunga (Strelhow 1964, 53).

13 Bien qu'actuellement en occident, cet accès à la connaissance est limité par des questions d'argent.

14 Les critères qui déterminent la valeur de quelqu'un ne sont évidemment pas les mêmes que les nôtres, on peut penser que la capacité à surmonter les épreuves initiatiques, ainsi que le respect des règles de vie aborigène font partie de ces critères.

informations non-secrètes, dont la très volumineuse correspondance de Strelhow, sont accessibles sans l'intermédiaire des Aborigènes (Communication personnelle par e-mail: Hersey 200215). Mais revenons-en au marché. Un commerce de boomerangs, de boucliers et de lances s'est également rapidement développé (Murphy 1998, 263). Cependant, ce sont les toas qui furent les premiers objets fabriqués pour la vente au début du vingtième siècle. Ils ont donc eu un rôle charnière dans l'histoire du marché ( ILL.22) (cf.p.33) (Caruana 1994, 102-3).

Les Aborigènes étaient néanmoins reconnus comme un peuple sans art en correspondance avec la pensée évolutionniste qui les plaçait au plus bas de l'évolution de l'homme, juste avant les singes(Fison et Howitt cités dans Kuper 1988, 92-4). Les peintures rupestres, connues depuis le dix-neuvième siècle, étaient d'ailleurs attribuées par certains extrémistes aux Grecs ou aux Egyptiens puisqu'il était impensable que ce peuple aborigène si primitif en soit l'origine (Petitjean 2000, 192-3). Vers 1930, l'idée que les objets décorés pouvaient être des objets d'art commença à germer (Morphy 1998, 27).

L'art traditionnel du Désert est, je le rappelle, principalement un art éphémère (les peintures de sable et l'art corporel) ou inamovible (l'art rupestre), il n'est donc pas adapté au fonctionnement du marché occidental autour de l'objet collectable et entreposable.

Parallèlement à la vente de toas (ILL.22), les aquarelles d'Hermannsburg (ILL.29) (cf.p.34) commencèrent à être reconnues et commercialisées. Ces paysages de tradition occidentale furent considérés comme une preuve que les Aborigènes pouvaient adopter la culture occidentale et comme une réussite de la politique d'acculturation (Isaacs 1999, 23). Pendant près de quarante ans, le marché d'art

15 Shane Hersey est un des spécialistes qui travaille au Strelhow research center.

aborigène se limita à ces deux types d'objets et à toute une série d'objets artisanaux (tissus, bols, sacs...)(Caruana 1994, 102). Le début des années soixante-dix vit naître le courant de l'art du Désert. Les tableaux furent très vite vendus à Alice Spring. Mais la diffusion resta restreinte jusqu'au début des années quatre-vingt lorsque les autres centres de production se mirent en route. Le marché se développa alors avec une production et une diffusion croissantes, accompagnées des expositions et des publications toujours plus nombreuses en Australie. Altman estime la croissance du marché à 33% par années entre 1980 et 1987 et plus encore entre 1987 et 1989 ( Altman 1989, 17).

C'est à partir de 1986/87 que les tableaux commencent à être reconnus comme de réelles oeuvres d'art plutôt que comme des objets d'artisanat anthropologique. Une nouvelle branche du marché se développe alors : des galeries d'art reconnues et des maisons de vente aux enchères (principalement Sotheby's) s'intéressent à l'art du Désert (Altman 1989, 17).

Le marché s'est internationalisé notamment par de grandes expositions qui ont joué un rôle primordial dans cette diffusion : principalement Dreamings organisée à l'Asia society Gallery de New-York en 1988 qui fut la première à lancer des débats sérieux sur le statut de l'art de Désert comme un art à part entière et son pendant européen Aratjara: art of the first Australians, organisée par deux artistes contemporains allemands, qui voyagea à Londres, Dusseldorf et Humlebaeck (Danemark) en 1993 et 1994 (Petitjean 2000, 266-7). Les expositions se sont multipliées aux Etats-Unis et en Europe, organisées souvent par des galeristes australiens ou autochtones. Entre autres, le parisien Baudouin Lebon a participé à l'organisation d'une exposition en 2000 à la galerie Commines et à l'Ambassade

australienne et la Galerie Damasquine de Bruxelles projette elle aussi une exposition.

Des galeries spécialisées dans l'art aborigène se sont également ouvertes en Europe et aux Etats-Unis mais malheureusement, le marché reste aussi diversifié qu'il l'est en Australie. On trouve des peintures du Désert dans des galeries réputées aussi bien que dans des magasins d'objets touristiques australiens16 et les tableaux exposés sont loin d'être toujours de qualité (Petitjean 2000, 268). Cette différence de qualité dans la production est une problématique difficile car aucun spécialiste n'a, à ma connaissance, publié une étude consacrée à ce sujet... L'illustration 84, bien qu'elle soit l'oeuvre d'un artiste célèbre est de qualité médiocre : la composition, la disposition des points et les lignes parallèles sont exécutées mollement. Les couleurs sont peu harmonieuses.

4.1.2 Le fonctionnement du marché

Il existe peu d'études du marché d'art aborigène. La plus importante et la plus complète est The Aboriginal Arts and Crafts Industry, Report of the Review Committee (Altman 1989) plus connue sous le nom de "Altman report", étude commandée par le département australien des affaires aborigènes. Malheureusement, cette étude date de 1989 et est dépassée dans certains domaines car, en 13 ans, le marché a évolué.

L'étude la plus récente est The art and craft story mais elle ne se focalise que sur
le fonctionnement de certains centres artistiques17. De plus, tous les volumes de

16 L'Australie et tout ce qui s'y rattache provoquent en effet un certain engouement en Europe depuis une dizaine d'années (Petitjean 2000, 267).

17 Les centres regroupés sous l'organisation Desart.

l'étude n'ont pas encore été publiés. Les deux premiers volumes accessibles traitent en détail du fonctionnement des centres artistiques. Cette étude est basée sur une série de questionnaires qui ont été soumis aux artistes, au personnel et aux dirigeants des centres afin de comprendre leurs activités et leurs buts (Wright & Morphy 2000, 3). Limitée à certains centres artistiques, cette étude est donc moins complète que l'Altman report. J'utilise dans ce chapitre sur du fonctionnement du marché principalement ces deux sources ainsi que les informations orales que j'ai récoltées auprès des galeristes et des spécialistes australiens.

Le marché fonctionne à plusieurs niveaux : les artistes, les centres artistiques, les galeries privées de toutes sortes et les salles de vente aux enchères.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams