INTRODUCTION GENERALE
L'urbanisation est un phénomène universel qui a
connu une accélération particulière dans les pays en voie
de développement et principalement en Afrique. A ce propos, Dominique
Moro (1998) note que la population totale de l'Afrique a plus que triplé
entre 1950 et 1997 pendant que celle des villes a été
multipliée par 11, passant de 22 à 250 millions. Selon les
projections des Nations Unies, plus d'un africain sur deux vivra en ville en
2020. Cette forte urbanisation essentiellement due à un accroissement
naturel soutenu dans les villes (le taux de fécondité demeure
élevé en milieu urbain du fait de la surreprésentation des
jeunes adultes) et à un exode rural massif est source de divers
problèmes de gestion urbaine. En effet, les économies urbaines
offrent désormais de moins en moins d'emplois alors que la demande est
de plus en plus forte. Au début des années 90, le Bureau
International du Travail (BIT) mentionnait que les villes africaines comptaient
9 millions de sans-emploi officiels ; en 1998, le nombre est passé
à 28 millions. Il en résulte un ébranlement des
mécanismes socio- organisationnels. On assiste à la
création de zones d'habitation non structurées (bidonvilles et
zones non loties) en périphérie. Cette consommation de l'espace
résulte à la fois d'extensions illégales (habitat
précaire, bidonvilles construits par les nouveaux habitants), mais
également des formes dominantes d'habitat à l'horizontal. Selon
le rapport du Fond des Nations Unies pour la Population (UNFPA 2010), 72% de la
population urbaine de l'Afrique au sud du Sahara, vit dans des bidonvilles.
Malgré les efforts des pouvoirs publics, les
infrastructures et les équipements en matière d'eau potable et
d'assainissement n'ont pas suivi l'accroissement des villes. On constate une
détérioration du cadre et des conditions de vie des populations.
Pendant que l'accès à l'eau devient problématique, les
déchets s'entassent dans les quartiers nouvellement construits ou non
lotis. La mauvaise gestion de ces déchets, une des principales causes de
pollution dans la quasi-totalité des villes des pays du sud a des
conséquences graves en termes de risques sanitaires (lieu de
reproduction de moustiques, de prolifération de rats), d'impact
environnemental (apparence, odeurs, pollution de l'eau et de l'air), de
toxicité (notamment pour les déchets médicaux et les
métaux lourds), d'impact social (pour les personnes vivant à
proximité, et pour les personnes vivant de la récupération
des déchets) et d'infrastructure (les déchets non
collectés bloquent les canaux et les voies d'accès). Selon
l'Organisation Mondiale
de la Santé (OMS 2007) environ un quart des maladies
affectant l`humanité sont attribuables à l'exposition
prolongée à la pollution environnementale avec en première
ligne les enfants, plus vulnérables que des adultes. Dans les pays en
voie de développement, 25% des décès sont liés aux
facteurs environnementaux comparés à 17% des décès
dans le monde développé. Les maladies répandues ainsi,
comprennent le choléra, la typhoïde, la schistosomiase,
l'hépatite infectieuse et la polio.
Les conséquences de ce phénomène sont
particulièrement visibles au Burkina Faso, pays enclavé
situé au coeur de l'Afrique de l'ouest dont la capitale Ouagadougou a
connu une urbanisation galopante (85% durant la période 1996-2006)
occasionnant l'absorption progressive des petits villages rattachés
à ses arrondissements.
Cet accroissement de la population expose la ville à
des problèmes majeurs de santé, de détérioration de
l'environnement et de gestion des déchets solides liquides et gazeux.
Sur le plan sanitaire, on note que 50% des motifs de consultation dans les
formations sanitaires en 2001 étaient liés essentiellement
à trois pathologies : le paludisme, les infections respiratoires
aigües et les maladies diarrhéiques. La méningite et surtout
le choléra (infection liée au manque d'hygiène publique)
sévissent sous forme d'épidémie.
Pour ce qui concerne les problèmes de gestion des
déchets et de détérioration de l'environnement, sur les
quelques 300 000 tonnes (PSRDO 2009) annuellement générées
par la ville, les services techniques municipaux n'en évacuent qu'un peu
plus de 50 % vers le centre de stockage, dénommé « Centre de
traitement et de Valorisation des Déchets » (CTVD)
créé sur financement Banque Mondiale. Les coûts de
transport et de mise en décharge reviennent excessivement chers et
grèvent dangereusement le budget de la ville.
Les associations de collecte qui se sont regroupées
pour assainir les quartiers se trouvent confrontées à la
nécessité d'agir sans bénéficier de moyens et de
revenus suffisants. Ce phénomène est encore plus visible dans les
quartiers périphériques défavorisés, ayant des
difficultés d'accès aux services de base. Une grande partie de la
population de ces quartiers, compte tenu de sa pauvreté, ne peut
régler la redevance d'enlèvement de ses déchets à
domicile.
A titre illustratif, dans les secteurs n° 20, 21, 22 et
30 de Ouagadougou, les déchets non collectés sont rejetés
de manière sauvage dans les rues, dans les caniveaux, dans d'anciennes
carrières, incinérés par les habitants ou
déversés tels quels comme engrais dans les champs à la
demande d'agriculteurs, entraînant de ce fait une dispersion de
très nombreux sachets plastiques (utilisés comme emballages) et
de divers déchets toxiques comme les piles. Aussi, la mise en
décharge pose de sérieux problèmes environnementaux. Au
Centre de Valorisation et de Traitement des Déchets (CVTD), les
déchets verts et fermentescibles stockés produisent trop de
méthane. L'inquiétude de la mairie est que ce gaz s'enflamme et
que les incendies provoqués, alimentés par l'importante masse de
sachets plastiques et les pneus n'ayant pas été
préalablement triés produisent des fumées toxiques,
difficiles à maîtriser et pouvant entraîner des
conséquences extrêmement graves pour la santé des habitants
et l'environnement urbain. Cet excès de pollution entraîne un
mécontentement des populations, qui, souvent, motivent leur refus
d'adhérer à la filière de collecte et d'en payer la
redevance, menaçant, d'une part, la pérennité du
système et, d'autre part, la cohésion sociale du quartier.
Les processus de décentralisation ont renforcé
les pouvoirs et les responsabilités de la commune de Ouagadougou et
créé une « nouvelle donne » urbaine, qui implique la
mise en place de modes de gestion renouvelés, comme la privatisation de
certains services ou la prise en compte accrue de la société
civile à travers des processus de type « gouvernance ». Les
réformes de gestion des déchets dans cette ville, d'abord
techniques possèdent également une dimension politique forte
puisqu'elles interrogent sur la capacité des municipalités
à contrôler leur territoire et à répondre aux
demandes des acteurs internationaux et gouvernementaux (QUENOT H., 2010). Les
outils de spatialisation de l'information sont dans ce contexte d'une grande
utilité pour les collectivités dans leur quête continue de
trouver des solutions novatrices les plus économiques aux
différents problèmes urbains.
En effet, les technologies spatiales, et de façon plus
particulière les systèmes d'observation de la Terre, constituent
désormais des outils incontournables dans la problématique du
développement durable qui vise à permettre à tout
être humain de satisfaire ses besoins fondamentaux tout en
préservant son environnement. La géomatique, par ses fonctions
fondamentales d'acquisition, de stockage, de traitement, de production et de
diffusion de l'information à référence spatiale, contribue
à la recherche de cette solution globale. Les données à
référence spatiale (DRS) acquises et traitées avec des
méthodes des plus simples
aux plus complexes sur des stations informatiques de plus en
plus puissantes (rapidité, capacité de stockage et traitement)
aident à la prise de décision, à la planification et
à la gestion dans un environnement de résolution de
problème. La planification implique plusieurs décisions prises
à partir de choix qui nécessitent des informations
géographiques. Les SIG rendent possible la représentation d'une
multitude d'informations simultanément et constitue un outil de
visualisation parfait afin de faciliter les interprétations.
Ce mémoire intitulé « SIG et
gestion des déchets à Ouagadougou : Cas du secteur 30 de
l'arrondissement de Bogodogo» s'inscrit dans cette logique. Il
est structuré en deux parties distinctes. La première partie
aborde le contexte, la méthodologie de l'étude, et la
présentation de la filière déchets solide à
Ouagadougou. La deuxième partie quant à elle présente les
étapes d'élaboration d'une base de données
géoreferencée (SIG) sur la gestion des ordures
ménagères au secteur 30 avant de faire une analyse de la gestion
actuelle des déchets avec les outils ainsi mis en place.
PREMIERE PARTIE : PROBLEMATIQUE DE LA GESTION
DES DECHETS SOLIDES A OUAGADOUGOU
La gestion des déchets ménagers n'est pas une
activité récente, cependant, en Europe et plus
particulièrement en France, elle a pris une nouvelle image
récemment avec la disparition des corps de métiers
spécialisés dans la collecte des objets jetés par les
populations urbaines. Ce que S. Barles (2005) nomme l'invention des
déchets urbains est apparu progressivement à mesure que l'objet
jeté n'avait plus de fonction et devenait alors encombrant. Cette partie
est donc consacrée à la justification du problème et
à la définition des objectifs dans un pays dit en
développement dont la protection de l'environnement ne constitue pas une
priorité malgré les efforts accomplis dans ce domaine.
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