Conclusion générale
La présente étude avait pour objectif d'analyser
les impacts de la gestion du TNS sur l'atteinte d'un équilibre entre la
conservation des espèces, le bien être des populations et le
développement à l'échelle locale. Ceci s'est fait à
travers une évaluation de la perception que les différents
acteurs du TNS ont de ces impacts sur la conservation de la
biodiversité, sur la réduction de la pauvreté, sur
l'équité sociale et sur la gouvernance. Les points de vue des
interviewés ont ensuite été associés à nos
observations propres, aux informations que nous avons collectées de la
documentation et aux tendances évolutives des indicateurs issus des
travaux de recherche du groupe Sangha sur les 4 thématiques ou
catégories que nous avons identifiées. Globalement, les impacts
de la gestion du TNS sur les différentes thématiques et par
là, la contribution de cette dernière au développement
durable sont jugés très moyens.
Du point de vue de la conservation, les impacts de la gestion
du TNS sont perceptibles. En effets, les résultats des enquêtes
menées auprès d'un échantillon de 28 personnes ont
montré que 51% des interviewés sont satisfaits de l'impact de la
gestion du TNS sur la conservation. Ce chiffre est certes au dessus de la
moyenne mais pourrait être amélioré. Plusieurs personnes
ont en effet regretté le fait que les mesures de conservation soient
répressives, ne soient pas associées à des
activités de développement local et ne mettent pas plus en avant
le bien être de l'Homme. Cette vision permettrait sans doute de trouver
des solutions aux conflits qui existent entre la population et les animaux du
fait de la destruction des cultures. D'autre part, les travaux de recherche du
Groupe Sangha ont montré que le braconnage et la déforestation
pour des besoins agricoles constituent des menaces qui devraient être
l'objet d'une attention particulière dans la définition des
stratégies de conservation.
Les impacts de la gestion du TNS sur le développement
socio économique sont insuffisants. En effet, seuls, 26% des
interviewés se sont montrés satisfaits des impacts de la gestion
du TNS sur la réduction de la pauvreté. Si tous reconnaissent que
les projets en cours dans les différents segments du TNS ont
généré des emplois, ils pensent que ces emplois restent
précaires en raison de leur caractère temporel et de leur nature
(emplois non qualifiés). Un investissement plus durable de leur point de
vue serait d'investir sur la formation des populations locales qui sont
malheureusement très souvent contraintes d'abandonner les études
au collège à cause de l'absence d'établissements
d'enseignement secondaire dans leur localité et du manque de moyens
nécessaires au financement de la scolarité dans les villes ou
villages offrant cette possibilité. Une attention
particulière devrait être accordée au développement
du tourisme dans tous les segments du TNS, en raison du potentiel existant mais
inexploité par manque d'infrastructures et de moyens financiers. Les
résultats des travaux du groupe Sangha ont confirmé ce constat et
mis en évidence, le fait qu'un accent particulier devrait être mis
sur l'amélioration des services de santé, dont l'importance pour
le développement durable n'est pas sujette à discussion.
Les impacts de la gestion du TNS sur l'équité
sociale ne sont pas sensibles. Si les actions menées par les
différents projets ne favorisent pas forcément les écarts,
elles ne contribuent pas non plus à les réduire. C'est pour cette
raison que seuls 17% de la population se sont montrés satisfaits de la
situation actuelle. Ce pourcentage traduit les inégalités de
chances d'accès à l'emploi, auxquelles sont confrontés les
pygmées et les femmes. Cette situation est certainement liée
à leur manque de qualifications, mais aussi et surtout aux usages
culturels qui considèrent que les femmes ne devraient pas accomplir
certaines tâches, ou que les pygmées sont au service des bantous.
Les travaux du groupe Sangha montrent que les pygmées demeurent
très peu impliqués dans les processus de prise de décision
dans le TNS.
La gouvernance dans le TNS a été jugée
satisfaisante par 19% des interviewés. Si les avancées concernant
la mise en oeuvre de l'accord ont été appréciées,
le fait que certaines actions ne suivent pas a été relevé,
notamment concernant la présence des équipes d'écogardes
des trois pays à la brigade tri nationale de lutte anti braconnage.
D'autre part, le manque d'informations sur les documents de gestion, sur leur
mise en oeuvre est criard chez les personnes interviewées et traduit la
nécessité de mener des campagnes d'information à ce sujet.
L'absence de plans d'aménagement valides au Cameroun et au Congo a
été déplorée, tout comme celle d'un document de
gestion sous régional dont les plans d'aménagement nationaux
seraient une déclinaison. Le manque de transparence sur les budgets mis
à disposition pour la gestion du TNS aussi bien au niveau des
partenaires techniques et financiers que des administrations a
été jugé regrettable. Malgré une
amélioration constatée par les résultats du groupe Sangha
concernant le respect de la loi, l'implication des communautés locales
dans les différents processus de gouvernance reste faible.
Pour améliorer les impacts de la gestion du TNS sur ces
différentes thématiques et par là sa contribution au
développement durable, il serait intéressant d'approfondir cette
étude dans les différents segments nationaux du TNS pour
identifier les disparités entre eux et
élaborer et mettre en oeuvre un plan d'actions en vue
d'établir une certaine homogénéité dans le
paysage.
Une incertitude qui demeure est cependant de savoir s'il est
réellement possible de concilier la conservation et le
développement dans un environnement pauvre comme celui du TNS. Il
faudrait tenir compte du fait que les faiblesses décrites, sont
très souvent une image des réalités au niveau national. La
conservation pourrait-elle de ce fait être à elle seule une
solution à ces problèmes à l'échelle locale ?
Peut-être est-il est encore trop pour que les impacts de la gestion du
TNS sur le développement durable soient réellement perceptibles ?
Autant de questions qui restent pour le moment sans réponses. La
nouvelle dynamique impulsée dans la gestion de ce paysage depuis la
tenue du CTSA en 2010 et l'inscription du TNS comme site du patrimoine mondiale
de l'humanité en 2012 pourraient nous donner une lueur d'espoir de voir
la situation s'améliorer dans un avenir proche.
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