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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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B/ La reconnaissance parcimonieuse des droits sociaux aux demandeurs d'asile

La Cour européenne s'en tient au strict minimum concernant les droits sociaux des demandeurs d'asile. Elle leur accorde ces droits avec parcimonie en s'occupant spécifiquement de l'accueil (1) et de l'accès aux soins (2) des requérants.

1) L'accueil des demandeurs d'asile

C'est avec l'arrêt MSS contre Belgique et Grèce que la Cour a entamé une jurisprudence nouvelle concernant les droits sociaux des demandeurs d'asile, en soulignant l'exceptionnelle gravité des conditions d'accueil réservées à ceux-ci en Grèce. Cela ne l'a pas empêché de rappeler sa jurisprudence classique à savoir les arrêts Chapman185 et Muslim186. Selon ces arrêts, << l'article 3 ne saurait être interprété comme obligeant les Hautes Parties contractantes à garantir un droit au logement à toute personne relevant de leur juridiction [et] il ne saurait non plus être tiré de l'article 3 un devoir général de fournir aux réfugiés une assistance financière pour que ceux-ci puissent maintenir un certain niveau de vie 187 >>.

Cependant, la particularité ici, était encore une fois l'enchevêtrement de fondements protégeant les droits sociaux puisque des obligations découlaient du droit national, lequel appliquait le droit de l'Union européenne. La Cour a ainsi relevé que << l'obligation de fournir un logement et des conditions matérielles décentes aux demandeurs d'asile démunis fait à ce jour partie du droit positif et pèse sur les autorités grecques en vertu des termes mêmes de la législation nationale qui transpose le droit communautaire, à savoir la directive 2003/9 du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres. 188 >> Le reproche qui était fait aux autorités grecques était précisément l'impossibilité pour le requérant de par leur action ou leurs omissions délibérées, de jouir en pratique des droits afin de pourvoir à ses besoins essentiels.

185 Cour EDH, G.C. 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume Uni, Req. n° 27238/95, § 99.

186 Cour EDH, 26 avril 2005, Müslim c. Turquie, no 53566/99, § 85.

187 Cour EDH, 21 Janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, Req. no 30696/09, §249.

188 Ibid. §250

Or, c'est précisément l'impossibilité de jouir des droits contenus dans cette directive communautaire dite << directive Accueil » qui faisait la différence 189 avec d'autres cas notamment l'affaire Müslim190.

L'autre originalité de la situation tenait à la qualité de demandeur d'asile, appartenant à un << groupe de la population particulièrement défavorisé et vulnérable191 », car la protection qui lui revient est alors << spéciale192 ». Pour se justifier la Cour européenne n'hésite pas à se référer à la Convention de Genève et à la directive << Accueil » de l'Union européenne. Cependant, cela soulève une évidence. La Cour européenne n'est pas précurseur en ce domaine. Le consensus193 dont elle fait état s'est construit à ses dépens alors même qu'elle fait figure de grande protectrice des droits humains en Europe. Cette référence à d'autres instruments internationaux n'est donc pas seulement la preuve de l'extension de son champ d'action, mais également l'aveu d'une lacune en ce qui concerne le droit d'asile.

Enfin, les juges ont fait appel à des tiers (Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, H.C.R., organisations non gouvernementales) afin d'avoir une expertise complète sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Grèce. L'affaire dépassait donc le cadre des seules allégations du requérant. Il était ainsi démontré que << la situation décrite par le requérant est un phénomène à grande échelle et correspond à la réalité pour un grand nombre de demandeurs d'asile présentant le même profil que le requérant. 194»

Les juges restent ainsi réservés et les Etats libérés de toute contrainte mais dans la limite de l'acceptable. Toutefois il ne faut pas sous estimer cette jurisprudence, car c'est l'article 3 de la CEDH que la Cour a choisi. Et l'on sait que cet article est au centre du système conventionnel de par son intangibilité, ce qui donne de l'importance à la protection esquissée.

La proportionnalité est donc de mise pour ces garanties en construction. En revanche, concernant les soins des demandeurs d'asile la proportionnalité est tellement stricte qu'il parait presque impossible pour les requérants de s'en prévaloir.

189 Ibid.

190 Cour EDH, 26 avril 2005, Müslim c. Turquie, Req. n° 53566/99.

191 Arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce précité, §251.

192 Ibid.

193 Ibid.

194 Ibid §255

2) Les soins des demandeurs d'asile

Le droit aux soins fait partie intégrante des droits sociaux. Ils semblent même permis de penser qu'il s'agit d'un élément fondamental de ce domaine tant l'accès aux soins peut être vital. Or, c'est précisément ceci qui fait l'objet d'une restriction explicite par la Cour européenne en ce qui concerne les demandeurs d'asile.

C'est dans l'arrêt N. c. Royaume Uni de 2008 que la Cour traite du droit d'être soigné. Or il s'agit d'un renversement d'une jurisprudence de 1997 qui avait établi un lien entre absence d'accès aux traitements médicaux et exposition à un traitement inhumain et dégradant195. C'est donc également à l'inverse du raisonnement qui avait permis, dans l'arrêt M.S.S., de reconnaitre que des conditions d'accueil globalement déplorables violent l'article 3 de la Convention que la Cour a refusé en 2008 de reconnaitre cette violation alors que la requérante ougandaise souffrait du sida. Elle a décidé que << les non nationaux qui sont sous le coup d'un arrêté d'expulsion ne peuvent en principe revendiquer un droit à rester sur le territoire d'un Etat contractant afin de continuer à bénéficier de l'assistance et des services médicaux, sociaux ou autres fournis par l'Etat qui l'expulsent196 ».

En 2008, la Cour n'a finalement pas totalement renversé la jurisprudence antérieure, mais a plutôt renforcé les conditions pour qu'il y ait violation. Selon elle, << l'article 3 ne fait pas obligation à l'Etat contractant de pallier [les] disparités en fournissant des soins de santé gratuits et illimités à tous les étrangers dépourvus du droit de demeurer sur son territoire. Conclure le contraire ferait peser une charge trop lourde pour les Etats contractants197 ». La marge nationale d'appréciation est ici clairement inscrite. L'article 3 de la CEDH ne pourrait ainsi jouer que << dans des cas très exceptionnels198 ». Le caractère << très exceptionnel » ne doit pas manquer d'étonner au regard de la gravité de l'état de la requérante en l'espèce.

Pour la Cour, << le fait qu'en cas d'expulsion de l'Etat contractant le requérant connaitrait une dégradation importante de sa situation, et notamment une réduction significative de son espérance de vie, n'est pas en soi suffisant pour emporter violation de l'article 3199 ». De même ce n'est que dans des cas très exceptionnels que << la décision d'expulser un étranger atteint d'une maladie physique ou mentale grave vers un pays où les moyens de traiter cette maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'Etat contractant est susceptible de soulever

195 Cour EDH, 2 mai 1997, D. c. Royaume Uni, Req. n° 30240/96.

196 Cour EDH, G.C., 27 mai 2008, N. c. Royaume Uni, Req. n° 26565/05, § 42.

197 Ibid.

198 Ibid § 40.

199 Ibid.

une question sous l'angle de l'article 3200 ». Quelles sont alors ces circonstances « très exceptionnelles » ? Les juges répondent qu'il s'agit des cas où « les considérations humanitaires militant contre l'expulsion sont impérieuses201 ».

Dans l'affaire D. contre Royaume Uni de 1997 les juges avaient pris en compte la circonstance que le requérant n'avait dans son pays d'origine aucun parent désireux ou en mesure de s'occuper de lui ou de lui fournir ne fût-ce qu'un toit ou un minimum de nourriture ou de soutien social202. La reconnaissance du droit d'être soigné dans le pays d'accueil est ainsi très aléatoire, nul ne peut ici prétendre connaitre la réponse que les juges pourraient donner à un nouveau cas d'espèce en la matière.

La seule opinion engagée pour la reconnaissance de ce droit envers les étrangers et en particulier les demandeurs d'asile a été donnée à l'occasion de l'affaire B.B. c. Royaume Uni de 1998203. C'est dans une opinion séparée jointe au rapport de la Commission que le juge Cabral Barreto a fait savoir qu'il était anormal qu'un étranger sans titre de séjour ne soit pas assujetti au régime de sécurité sociale. L'affaire en question concernait un demandeur d'asile atteint d'une maladie grave qui l'obligeait à se déplacer régulièrement à l'hôpital. Le juge considérait alors qu' « un étranger gravement malade, qui réside dans un pays dans une sorte de clandestinité sans pouvoir bénéficier pleinement du régime de la protection sociale, se trouve dans une situation qui n'est pas conforme aux exigences de l'article 3 de la Convention ».

On ne peut pas dire que la protection des droits sociaux des demandeurs d'asile est inexistante, cependant la Convention est encore muette à ce sujet et la Cour ne semble pas prête à montrer un engagement franc en ce sens. Le constat qui s'impose est bien celui d'une protection imparfaite mais pas impossible de ces droits sociaux en faveur des demandeurs d'asile.

200 Ibid

201 Ibid

202 Arrêt D. c. Royaume Uni précité, §52.

203 Cour EDH, 7 septembre 1998, B.B. c. Royaume Uni., Req. n° 30930/96.

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