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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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Paragraphe 2. La conventionalité du droit de l'Union européenne, un nouveau terrain de condamnations

En janvier 2011, le service presse de la Cour européenne indiquait qu'environ 960 affaires pendantes concernaient la question de la conventionalité du règlement << Dublin II >>. Ceci en fait objectivement un motif de condamnation important des ordres juridiques des Etats membres du Conseil de l'Europe, également membres de l'Union européenne (A), mais encore de l'ordre juridique de l'Union elle-même (B).

A/ La condamnation d'un ordre juridique interne

A l'origine, une violation indirecte était uniquement reconnue lorsque l'Etat infligeant le traitement prohibé était un Etat tiers à la Convention34. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Dans l'affaire M.S.S., le renvoi litigieux était effectué vers un État parti à la Convention EDH et membre de l'Union européenne, au surplus en application du droit de cette dernière. Les juges strasbourgeois touchaient alors à une problématique récurrente, celle de la conventionalité du règlement << Dublin II >>.

Cet examen de la conventionalité du règlement de 2003 engage les juges strasbourgeois à regarder de plus près la présomption sur lequel il est fondé qui est double. D'une part, la présomption s'appuie sur l'idée que << les États membres [...] respectent tous le principe de non-refoulement >> des demandeurs d'asile vers un pays où ils risquent à nouveau d'être persécutés. D'autre part, le règlement présume que tous les États membres de l'Union << sont considérés comme des pays sûrs par les ressortissants de pays tiers >>35. Le problème qui surgit de ces présomptions c'est l'automaticité c'est-à-dire qu'elles conduisent le premier État à procéder à une réadmission quasi-automatique du demandeur d'asile vers l'État compétent selon le règlement et au nom de la confiance mutuelle36, et ce, indépendamment de savoir si ce dernier respecte ou non les exigences de la Convention.

34 L'arrêt Soering précédemment cité concernait, par exemple, la violation indirecte de l'article 3 de la CEDH par le Royaume Uni qui devait extrader le requérant vers les Etats-Unis d'Amérique où celui-ci aurait subi l'interminable attente dans les couloirs de la mort.

35 Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil de l'Union européenne du 18 février 2003 << établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers >>, repris dans l'arrêt MSS c. Belgique et Grèce, Considérant (2) - § 69.

36 H. Labayle, << Le droit européen de l'asile devant ses juges : précisions ou remise en question ? >> (1), RFDA 2011, p. 273.

Finalement, il s'agissait plus globalement pour les juges de statuer sur le constat d'une contradiction potentielle entre des obligations issues de deux organisations au coude à coude, à savoir, le Conseil de l'Europe et en particulier les obligations issues de la Convention, et l'Union européenne37. L'équilibre était difficile à faire.

La Cour a préféré se positionner quant à la responsabilité de l'Etat partie à la Convention - et en même temps soumis aux exigences du règlement << Dublin II >>, plutôt que de se faire directement l'avocat du droit de l'Union européenne. Ainsi, les juges européens ne remettent pas en cause la présomption favorable à l'Union européenne selon laquelle << l'organisation en question accorde aux droits fondamentaux une protection à tout le moins équivalente à celle assurée par la Convention38 >>. Elle se concentre sur le cas d'espèce, en montrant que la Belgique est sortie du champ d'application de cette présomption.39 Et ce, pour la simple raison que l'Etat en question avait en l'espèce un pouvoir d'appréciation40.

En effet, la Cour rappelle qu'au sein du mécanisme << Dublin II >> existe une clause à l'article 3.2 du Règlement appelée << clause de souveraineté >> en vertu de laquelle << par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement >>.

Dès lors, la Cour en a déduit que << les autorités belges auraient pu, en vertu du règlement, s'abstenir de transférer le requérant si elles avaient considéré que le pays de destination, en l'occurrence la Grèce, ne remplissait pas ses obligations au regard de la Convention41 >>. Elle signifie là que la présomption n'est finalement pas irréfragable puisque une dérogation existe en vertu de l'art 3.2 du Règlement.

Or, il n'était pas difficile en l'espèce de savoir que l'accueil réservé aux demandeurs d'asile en Grèce est scandaleux. L'Europe le sait, ne serait-ce qu'en jetant un oeil sur les multiples condamnations de la Grèce par la Cour EDH42. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) a rendu dix visites en Grèce depuis 1993, et dès 1997 il faisait part de ses préoccupations quant au traitement

37 . Cour EDH, G.C. 10 février 1999, Matthews c. Royaume-Uni, Req. n° 24833/94 ; Cour EDH, G.C. 30 juin 2005, Bosphorus c. Irlande, Req. n° 45036/98

38 Cour EDH, 21 Janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, Req. no 30696/09, § 338.

39 << présomption de protection équivalente ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce >> (§ 340).

40 << un Etat demeure entièrement responsable au regard de la Convention de tous les actes ne relevant pas strictement de ses obligations juridiques internationales, notamment lorsqu'il a exercé un pouvoir d'appréciation >> (§ 338).

41 Cour EDH, 21 Janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, Req. no 30696/09, § 340.

42 Cour EDH, 11 juin 2009, S. D. c. Grèce, Req. n° 53541/07 ; Cour EDH, 26 nov. 2009, Tabesh c. Grèce, Req. n° 8256/07 ; Cour EDH, 22 juillet 2010, A.A. c. Grèce, Req. n° 12186/08

réservé aux étrangers en situation irrégulière placés en centre de rétention43. Ainsi, il y a peu de chances pour que la Belgique n'ait pas eu connaissance du risque réel qui était encouru par le requérant s'il était expulsé vers la Grèce.

Cette jurisprudence est novatrice et dévastatrice. Si la Cour rappelle qu'effectivement elle ne consacre pas le droit de séjourner librement dans un Etat dont on n'est pas ressortissant, elle censure cependant une pratique indécente à l'égard des demandeurs d'asile, tant du point de vue de l'Etat qui viole directement l'article 3 de la Convention du fait de la carence généralisée de son système, que du point de vue de l'Etat qui éloigne un demandeur d'asile vers ledit pays, connu pour ses lacunes.

Cela a des effets sur un certain nombre d'Etats, notamment la France dont le ministre de l'Intérieur et de l'Immigration d'alors, Brice Hortefeux, a annoncé, dans des lettres du 28 février 2011, avoir pris des instructions à destination des préfectures de ne plus procéder à des transferts vers la Grèce « jusqu'à nouvel ordre ».

La bataille n'est pas gagnée, mais des fléchissements face à la jurisprudence de la Cour EDH fleurissent ici et là.

Face à une organisation européenne avec laquelle le Conseil de l'Europe est en pourparlers concernant son adhésion à la Convention, la Grande Chambre semble avoir trouvé un compromis satisfaisant : ne pas condamner frontalement le système des réadmissions « Dublin II », mais dégager un angle permettant de contraindre chaque Etat partie - également membres de l'Union - au respect des exigences conventionnelles sans qu'il ne puisse se cacher derrière d'autres obligations européennes. Il n'en demeure pas moins que la répercussion de cette jurisprudence dans l'ordre juridique de l'Union européenne s'est rapidement manifestée.

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