1.4. Marginalité
Du point de vu étymologique, la marginalité se
définit comme la situation d'un individu ou d'un
groupe d'individus se trouvant en marge de la
société dans laquelle ils vivent. Ce concept s'inscrit dans le
binôme normalité/déviance.
Les définitions attribuées à la
marginalité, sont équivoques et suscitent un intérêt
fondamental. La marginalité revêt donc une double dimension
d'auto-mise à l'écart soit volontaire ou involontaire dans la
société.
· La première est d'ordre à se lier
à la notion de déviance désignant le
phénomène touchant les personnes ayant un comportement qui
s'écarte des règles admises de la société. Les
individus déviants ne sont alors pas vus comme subissant leur
marginalité mais comme acteurs centraux de celle-ci. Howard Becker(1963)
a parlé de « carrière »
13 D.Wrong, over socialised conception of man in
modern sociology, American sociological review, vol.26 no 2, 1961
14 Frédéric, Teulon, Vocabulaire
économique, PUF, #2624 1991, P114
concernant la marginalité qui s'apparente alors
à une sorte de contre-culture et/ou à un contrepouvoir qui peut
prétendre à une centralité nouvelle ou disposition
opposée et volontaire.
? La deuxième renvoie plus à la notion
d'exclusion définie comme la mise à l'écart de certaines
catégories de personnes qui vivent en dehors des conditions d'existence
dans la société identifiée comme normale et qui subissent
donc cette marginalité ;
Le choix d'un recours à la notion de marginalité
dans le cadre de cette étude dans les quartiers populaires dans la zone
métropolitaine de Port-au-Prince, ou en milieu urbain n'est
indépendante des conditions de production de celle-ci.
En effet, cette notion a été forgée pour
les besoins de la réflexion urbaine moderne, afin de comprendre ce qui
n'entre pas dans la norme et identifier ce qui constitue tant un symptôme
social qu'une problématique individuelle. Le diagnostic de
marginalité s'impose à la fois aux marginaux et à leurs
témoins et un lien s'opère car le sentiment de marginalité
vécu après l'individu est entretenu par le regard social qui se
pose sur lui.
Ceci-dit, par bien des aspects, l'on peut être
amené à penser que la marginalité est une notion vague
bien plus qu'un concept car elle englobe des figures sociales diverses,
présentes ou passées.
Nous pensons que, dans des conditions bien précises,
celle-ci est à même de participer à notre réflexion
sur la jeunesse urbaine, dans les quartiers populaires de l'aire
métropolitaine de Port-au-Prince, car comme le note Marc Verniere (1973
:587-605), la marginalité comporte deux idées fondamentales :
1. Son caractère relatif (un phénomène
n'est marginal que par rapport à un autre qui constitue la
référence de base) ;
2. Et le nombre infini de degrés dans cette situation
marginale, plus ou moins éloignée de la limite
normale15 ;
Ces deux dimensions sont très importantes pour nos
recherches étant donné que la première
(sa relativité) établit un lien très clair avec la
définition d'une norme qui est souvent celle des
15 Vernière, Marc, à propos de la
Marginalité, réflexion illustrées par quelques
enquêtes en milieu urbain et suburbains africain, In Cahier
d'études Africaines, no 51,1973, P587-605
dominants et que la deuxième (sa gradation) va nous
permettre de juger de la validité du paradigme de crise de la
jeunesse.
Cependant, la notion de marginalité recouvre des
réalités multiples, renvoyant à des situations qui
semblent difficilement comparables. Les catégories sociales
concernées sont donc aussi nombreuses qu'il y a d'espaces sociaux
différenciés, ce qui rend les choses d'autant plus complexes dans
un milieu urbain en changement constant et accéléré.
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