INTRODUCTION
0.1. Cadre scientifique de l'étude
En milieu forestier tropical, la multiplicité des
espèces et les curieuses morphologies qu'on y rencontre (contrefort,
lianes, regroupement préférentiel des espèces) donnent
généralement l'impression d'une certaine anarchie et d'un
mélange confus d'espèces. Ce qui a pour conséquence, la
difficulté dans la perception des lois qui gouvernent l'organisation de
ces forêts et qui nécessite une connaissance approfondie des
espèces et une maitrise des paramètres environnementaux qui
influencent cette organisation en vue d'amorcer un plan d'aménagement
cohérent relevant d'un grand nombre de mesure (Fournier & Sasson,
1983).
Les débats scientifiques au sujet des processus
déterminant l'organisation spatiale de la diversité
végétale et de l'importance à prendre en compte les
facteurs environnementaux dans la typologie des forêts tropicales denses
se heurtent à des difficultés d'approche méthodologique
qui permettrait, au regard des résultats obtenus une bonne
caractérisation des groupements forestiers.
Ainsi, dans le cadre de l'aménagement durable et de
gestion rationnelle des écosystèmes forestiers tropicaux en
général et des entités mises en réserves en
particulier, il nous a paru opportun par une approche typologique et d'analyses
multivariées des corrélations entre la composition floristique et
les facteurs environnementaux, d'apporter les éléments de base
qui contribueront à soutenir la vision d'une gestion rationnelle
définie par le projet REAFOR et dans laquelle plusieurs organisations
tant nationales (INERA, Université de Kisangani) qu'internationales
(CIFOR, FAO, CIRAD) sont impliquées grâce au financement de
l'Union Européenne.
Il convient de signaler que dans le cadre du projet REAFOR,
l'implantation d'un important dispositif permanent de recherche en
écologie forestière, au regard du caractère intact du
massif forestier dans le territoire d'Ubundu en RDC, justifie notre choix sur
la réserve de Yoko et la forêt de Biaro.
0.2. Généralités sur les
forêts tropicales
Les forêts tropicales se repartissent entre le tropique
du cancer et le tropique du capricorne, dans une bande de plus ou moins
23,5° autours de l'équateur (Chave, 2000). On les retrouve en
Amérique (forêt néotropicale), en Afrique, en Asie et en
Océanie (forêt paléotropicale).
Ces forêts sont définies comme des formations
végétales fermées où les houppiers des arbres se
touchent (Aubreville, 1957 ; Trochain, 1951).
L'existence de ce type de végétation est
étroitement liée aux climats humides et chauds,
caractérisés par une moyenne de température comprise entre
20 et 27° C (Alexandre, 1980).
Ces formations végétales comportent 2 variantes
qui sont dictées par le régime pluviométrique : d'une
part, les forêts denses sempervirentes dont la majorité des arbres
restent feuillies pendant toute l'année et d'autre part, les
forêts denses semi-décidues, où une partie des arbres
perdent plus ou moins totalement leurs feuilles durant les périodes les
plus sèches de l'année (4-6 mois).
Loin d'être une simple juxtaposition d'arbres, ces
forêts sont une combinaison des composantes végétales,
animales, édaphiques et climatiques en perpétuelles interactions
(Guillaumet & Kahn, 1979).
Ce qui fait leur singularité et qui est l'objet de bien
des recherches scientifiques, c'est l'extraordinaire complexité et
diversité des moyens par lesquels les plantes accomplissent leurs
fonctions vitales. Complexité, non seulement dans leur composition
spécifique (Richards 1952), mais aussi par la présence d'une
variété de niches écologiques et d'habitats. Ce qui se
traduit par une hétérogénéité qui
caractérise cet écosystème, expression des multiples
interactions entre les espèces et leur environnement (Longman et Jenik,
1987 ; Puig, 2002 ; Fongnzossié & al. 2008 ; Pascal &
Pélissier 1996).
En Afrique centrale, les situations forestières,
appréciées en termes de surfaces forestières et de
l'état sanitaire des forêts sont différentes selon les
pays. La République démocratique du Congo comprend la
majorité des forêts denses de l'Afrique centrale. Ce qui
correspond à environs 108339 hectares de forêts qui abritent de
nombreuses espèces végétales et animales avec un taux
d'endémisme très élevé, mais avec un taux de
déforestation annuel évalué à - 0,26% (le plus
élevé dans la région) (CIFOR & al. 2007).
Ces formations forestières dynamiques sont
caractérisées à l'état climacique par des essences
arborescentes bien typiques dont certaines présentent de valeur
économique importante. Elle fait partie d'une poignée des pays
dans le monde arborant une biodiversité exceptionnelle, appelée
«méga biodiversité» : Plus de 11000 espèces de
plantes, 409 espèces de mammifères, 1086 espèces
d'oiseaux, 1069 espèces de poissons etc. Les aires
protégées couvrent 10% du territoire national et comprennent 5
sites inscrits au Patrimoine mondial de l'UNESCO (IUCN, 1989). Mais,
Comparativement aux potentialités du pays, l'exploitation
forestière est restée jusqu'ici modeste étant donné
les conditions socio-économiques que traverse le pays. Il est
néanmoins probable que la valorisation des ressources forestières
augmente dans les prochaines années d'autant plus le pays doit faire
face d'une part aux enjeux de développement et d'autre part
résoudre le problème de la population en croissance.
Dans l'optique de la gestion durable de l'environnement, ces
forêts contribuent à l'objectif de préservation de la
biodiversité, des ressources en eau (70% de grand bassin versant du
fleuve Congo), et offrent également d'importantes opportunités
des services environnementaux précieux tels que la séquestration
de carbone.
Ce rôle planétaire se justifie dans le domaine de
l'équilibre écologique du globe car la destruction de
forêts tropicales conduit à l'effet de serre dont
l'humanité se préoccupe (Lomba 2007).
La richesse écologique et économique des
forêts tropicales stimule de nombreuses recherches ayant pour l'objet de
mieux comprendre ses origines, les mécanismes de son maintien et de sa
gestion dans l'optique d'un développement durable.
Ces recherches se sont très vite imposées face
aux menaces économiques et écologiques directement liées
à la disparition rapide de la réserve mondiale de forêts
tropicales (Dupuy, 1989).
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