Section2
Les Résolutions Onusiennes Relatives au
«Droit de Retour».
La résolution 181 du 29 novembre 1947151
était le certificat de naissance de l'État d'Israël. Cette
résolution prévoyait la création d'un État arabe et
d'un État juif en Palestine, elle n'est pas sans relation avec
différentes facettes du « droit au retour » puisqu'elle
interdit les expropriations de terres des arabes dans l'Etat juif et qu'elle
met toutes les personnes relevant de la juridiction de l'Etat sous la
protection de la loi.
Suite au déplacement massif de la population
palestinienne en 1948, la préoccupation des Nations Unies s'exprime par
la voix de son médiateur envoyé sur place: le comte Bernadotte
qui met le « droit du retour » au centre de ses
préoccupations. Les derniers échos du comte furent transmis le 16
septembre 1948 à l'Assemblée générale, un jour
avant son assassinat par des terroristes israéliens du groupe
Lehi152: « Il est toutefois indéniable qu'aucun
règlement ne serait juste et complet si l'on ne reconnaissait pas aux
réfugiés arabes le droit de retourner dans les lieux, que les
hasards de la guerre et la stratégie des belligérants en
Palestine les avaient contraints à quitter (...) Il convient de
proclamer et de rendre effectif le droit des populations innocentes,
arrachées à leurs foyers par la terreur et les ravages de la
guerre, de retourner chez elles ».
Aussi, a-t-il noté -le comte Bernadotte- dans son
rapport d'étape du 16 Septembre 1948, sous le titre: le «droit au
rapatriement», qu' « Il convient de proclamer et de rendre effectif
le droit des populations innocentes, arrachées à leurs foyers par
la terreur et les ravages de la guerre, de retourner chez elles; il convient
également d'assurer, pour la perte de leurs biens, des
dédommagements suffisants aux personnes qui décideraient de ne
pas regagner leurs foyers»153 .
Il a poursuivi en disant, toujours dans le même rapport:
Il faudra assurer aux « populations arabes déplacées
à la suite des opérations militaires, le droit de rentrer dans
leurs foyers (...).
Ce serait offenser les principes élémentaires
que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à
leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et, de plus,
menacent, de façon permanente, de remplacer les réfugiés
arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles».
151 Autrement connue sous le nom du: Plan de partage de la
Palestine.
152 Nommé par les autorités britanniques: la bande
de Stern.
153 Document ONU A/648, (21 Sept-12 Déc. 1948).
Bernadotte a demandé à l'ONU d'affirmer le
« droit au retour » et non pas l'inventer. Son dernier rapport a
consacré une recommandation, son testament politique, qui est devenu le
noyau de la fameuse résolution 194 des Nations Unies, adoptée par
l'Assemblée générale le 11 Décembre 1948,
décide que les réfugiés qui souhaitent rentrer dans leurs
foyers et vivre en paix avec leurs voisins devraient être
autorisés à le faire le plus tôt possible, et que la
compensation doit être réparée par les gouvernements ou
autorités responsables, en vertu des principes du droit international et
d'équité.
La Résolution 194 de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 11 Décembre 1948 a
été adoptée par 35 voix pour, 15 contre et 8 abstentions ;
et a été réitérée pratiquement à
chaque session de l'Assemblée générale depuis lors.
Par cette résolution, l'Assemblée
générale donne aussi naissance à la Commission de
conciliation pour la Palestine (CCNUP) qui est chargée « de
faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement
économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement
des indemnités ».
Quant au Conseil de sécurité, organe principal
dans le domaine du maintien de la paix, il est toujours resté en retrait
sur cette question. Quasiment silencieux pour les refugiés de 1948, il
ne sortira, et faiblement de sa réserve qu'après la guerre de
1967. Alors, par la résolution 237 de juin 1967, il prie les
israéliens de faciliter le retour des habitants qui se sont enfuis
depuis le déclanchement des hostilités. Quelques mois plus tard,
par la résolution 242 du 22 novembre 1967, le conseil affirme la
nécessité de réaliser un juste règlement du
problème des refugiés, mais il ne va pas plus loin.
Mais jusqu'aux années quatre-vingt, les Nations Unies
ont été marquées par un équilibre politique entre
le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale, souvent réalisé au profit de cette
dernière154.
C'est donc l'Assemblée générale qui,
après avoir voté la résolution 194, se trouve
confrontée à la persistance du problème et même
à son aggravation et se préoccupe de le régler ; elle
réaffirma obstinément que le «droit au retour» persiste
tant que le retour et l'indemnisation n'auront pas eu lieu. De plus, on trouve
une cinquantaine de résolutions allant dans ce sens155, parmi
lesquelles la résolution A/RES/51/129 adoptée en décembre
1996 par l'Assemblée générale, qui affirme que « les
réfugiés arabes de Palestine ont droit à leurs biens et
aux revenus en provenant, conformément aux principes de la justice et de
l'équité ». Et aussi, l'Assemblée « prie le
Secrétaire général de prendre (...) toutes les mesures
appropriées pour protéger et administrer les biens, les avoirs et
les droits de propriété arabes en Israël, et de conserver et
actualiser les registres existants » ; alors que la résolution
3236, votée en 1974, réaffirme « le droit
inaliénable
154 M. Chemillier-Gendreau «Le retour des palestiniens en
exil et le droit international», dans « le droit au retour »
E.SanbarF.Mardam Bey, Actes sud, (2002), p.305.
155 Résolutions 302, 303 et 309 de 1949, 394 de 1950,
512, 513 et 614 de 1952, 720 A de 1953, 818 de 1954, 916 de 1955, 1018 et 1191
de 1957, 1315 de 1958, 1456 de 1959, 1604 et 1725 de 1961, 1856 de 1962, 1912
de 1963, 2052 de 1965, 2154 de 1966, 2341 de A de 1967, 2452 A, 2452 B, 2535 A
de 1968, 2062 A de 1970, 2792 A de 1971, 2963 A de 1972, 3089 B de 1973, 3331 A
de 1974, 3419 B de 1975, 31/15 A de 1976, 32/90 A de 1977, 33/112 A de 1978,
34/52 A de 1979, 35/13 de 1980, 36/146 F de 1981, 37/120 de 1982, 38/83 A de
1983, 39/99 A de 1984, 40/165 A de 1985, 41/69 A de 1986, 42/69 A de 1987,
43/57 A de 1988, 44/47 A de 1989, 45/73 A de 1990, 46/46 de 1991, 47/69 A de
1992, 48/40 A de 1993, 49/35 A de 1994.
des Palestiniens de retourner à leurs foyers et leurs
propriétés, d'où ils avaient été
déplacés et déracinés ".
Quant aux Palestiniens exilés depuis la guerre de 1967,
l'Assemblée générale a réaffirmé dans la
résolution A/RES/52/59 adoptée en décembre 1997, « le
droit de toutes les personnes déplacées du fait des
hostilités de juin 1967 et des hostilités postérieures de
regagner leurs foyers ou anciens lieux de résidence dans les territoires
occupés par Israël depuis 1967 ".
Le Comité pour l'élimination de la
discrimination raciale a examiné, en mars 1998, le rapport
présenté par Israël. Dans ses conclusions156, le
Comité a clairement réaffirmé dans les termes suivants les
obligations d'Israël quant au «droit au retour» des Palestiniens
: « De nombreux Palestiniens se voient actuellement dénier le droit
de rentrer chez eux et de reprendre possession de leur maison en Israël.
L'État partie devrait donner un haut rang de priorité au
redressement de cette situation. Ceux qui ne peuvent reprendre possession de
leur maison devraient avoir droit à réparation ".
Les récentes (2007) observations du Comité des
Nations Unies sur l'élimination de la discrimination raciale soulignent
la pertinence du paragraphe 11 sur le fait de résoudre la question des
réfugiés palestiniens aujourd'hui. Le Comité a
réitéré sa préoccupation concernant « le
déni du droit de nombreux Palestiniens de revenir et de reprendre
possession de leurs terres en Israël " et a appelé Israël
à « assurer l'égalité de chacun dans le droit de
retour dans son pays et dans la possession de ses biens"157.
§1 La Résolution 194 et le Problème des
Réfugiés.
Le document onusien le plus clair et le plus direct qui
affirme le « droit au retour " des réfugiés palestiniens,
est l'article 11 de la résolution 194 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, ratifiée le 11 Décembre
1948.
Cette résolution énonce dans son paragraphe 11 :
« L'Assemblée générale :
11- Décide qu'il y a lieu de permettre aux
réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le
plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des
indemnités doivent être payées à titre de
compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans
leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des
principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce
dommage doit être réparé par les gouvernements ou
autorités responsables".
Pour certains, et bien que le terme « Droit au Retour "
ne soit nulle part mentionné, c'est par cette résolution qu'est
consacré pour la première fois au plan international « le
droit au retour " des réfugiés palestiniens dans leurs foyers.
156Conclusions du Comité pour
l'élimination de la discrimination raciale : Israel, CERD/C/304/Add.45,
(03/30/1998). 157 Ibid, CERD/C/ISR/CO/13, (2007).
La résolution 194 a proposé deux solutions
distinctes pour les réfugiés palestiniens déplacés
en 1948. D'une part, le retour et l'indemnisation pour les dommages subis, de
l'autre, le non-retour et l'indemnisation pour tous les biens laissés et
dommages subis.
D'ailleurs, la Résolution 194 identifie très
clairement le lieu auquel les réfugiés ont le droit de retourner:
dans leurs foyers, non pas dans leur région de provenance; elle affirme
ensuite que la décision de retour doit être guidée par le
choix individuel de chaque réfugié, et indique le délai
dans lequel doit s'effectuer le retour des réfugiés: le plus
tôt possible. Elle impose aussi l'obligation, à Israël, de
réadmettre les réfugiés. Cette résolution a
été écrite pour s'appliquer à tous les
réfugiés palestiniens. Depuis 1948, l'Assemblé
générale des Nations Unies a rappelé et
réaffirmé chaque année la résolution 194.
L'admission d'Israël au sein de l'ONU était conditionnelle au
respect de la résolution 194; ce qui signifie que l'AG considère
qu'Israël est entièrement responsable de s'assurer que le «
droit de retour » des réfugiés palestiniens soit
correctement exercé.
La résolution194, paragraphe 11, sous-paragraphe 1, par
ses termes exprès, identifie trois droits distincts que les
réfugiés palestiniens ont le droit d'exercer en vertu du droit
international, le retour, la restitution et l'indemnisation. Elle affirme en
outre que les réfugiés qui choisissent de ne pas exercer leur
droit au retour ont droit à la réinstallation et à
recevoir une compensation pour leurs pertes. Le paragraphe 11, le
sous-paragraphe 2, charge la CCNUP de faciliter la mise en oeuvre d'un ensemble
de solutions à la situation des réfugiés ; il s'agit du
rapatriement, de la réinstallation, de l'indemnisation et de la
réhabilitation économique et sociale.
Plusieurs principes sont pertinents pour la mise en oeuvre du
«droit au retour» comme défini dans la résolution 194.
Premièrement, la résolution indique clairement l'endroit exact
où les réfugiés ont le droit de retour (à savoir,
dans leurs foyers). L'historique de la rédaction de cette
disposition158 est instructif, en choisissant le terme « chez
eux » le Secrétariat de l'ONU a déclaré que
l'Assemblée générale a clairement signifié le
retour de chaque réfugié spécifiquement à « sa
maison ou logement et non pas (en général) à sa patrie
»159. L'Assemblée générale a rejeté
les amendements qui on parlés plus généralement « des
zones desquelles ils (les réfugiés) sont venus ».
Deuxièmement, la résolution affirme que le
retour doit être guidé par le choix individuel de chaque
réfugié ; selon le rapport du médiateur de l'ONU,
c'était un "droit inconditionnel" des réfugiés « de
faire un choix libre qui doit être pleinement respecté
»160.
En revoyant l'histoire de rédaction de la
résolution 194, le Secrétariat de l'ONU a déclaré
que le paragraphe 11 "visait de conférer aux réfugiés,
en tant que personnes, le droit d'exercer un libre choix quant à leur
avenir". Le conseiller juridique à la Mission d'enquête
économique de l'ONU
158 Voir à ce sujet, par exemple : UN Doc.
A/AC.25/W.45, «Analysis of paragraph 11 of the General Assembly's
Resolution of 11 December 1948», (15 May 1950), Part One, paragraph 3:
«According to the above interpretation the term «refugees»
applies to all persons, Arabs, Jews and others who have been displaced from
their homes in Palestine. This would include Arabs in Israel who have been
shifted from their normal places of residence».
159 «Analysis of Paragraph 11 of the General Assembly
Resolution of 11 December 1948», United Nations Conciliation Commission
for Palestine, Working Paper Prepared by the U.N. Secretariat, U.N. Doc.
A/AC.25/W.45, (15 May 1950).
160 Voir, «Mediator's Progress
Report», part I («The Mediation Effort»), sect. V
(«Refugees»), subsection 8.
est arrivé à la même conclusion: «Le
verbe «choisir» indique que l'Assemblée générale
suppose que le principe (celui du « droit au retour ») serait
pleinement appliqué et que tous les réfugiés auront le
libre choix quant à savoir s'ils souhaitent ou non rentrer chez eux
»161
Le principe du choix du réfugié a aussi
été incorporé dans le mandat de l'Organisation
Internationale pour les Réfugiés, créée en 1947
pour faciliter les solutions pour les réfugiés de la Seconde
Guerre mondiale en Europe, et serait par la suite devenu un principe clé
des solutions durables aux flux de réfugiés.
Troisièmement, la résolution 194 identifie le
délai pour le retour des réfugiés: "le plus tôt
possible".
Quatrièmement, la même résolution impose
une obligation à Israël d'admettre à nouveau les
réfugiés palestiniens. Le Secrétariat de l'ONU a
estimé qu'Israël était tenu en vertu des dispositions de la
résolution 194 de créer les conditions qui faciliteraient le
retour des réfugiés. Examinant la signification de la phrase qui
stipule que les réfugiés souhaitant rentrer dans leurs foyers
« devraient être autorisées à le faire », le
Secrétariat des Nations Unies a noté que l'injonction a
imposé une obligation « d'assurer le retour en paix des
réfugiés et leur protection contre tous les
éléments qui cherchent à perturber cette paix
»162.
Finalement, l'importance de la résolution 194 (III),
paragraphe 11, est qu'elle nous ramène aux premieres règles qui
constituent les fondements d'une solution basée sur les principes
universels d'égalité et des droits et libertés
fondamentaux.
|