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Gestion des interactions dans un dispositif hybride: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel réduit de l'Alliance française de la Havane

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par Raquel Pollo Gonzalez
Université Stendhal Grenoble 3 - Master 1 sciences du langage 2013
  

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4.4.2- Analyse commentée des messages, des interventions, des productions.

Pour continuer à étudier les interactions qui ont eu lieu tout au long de cette formation, et la gestion qu'en ont fait les tuteurs, nous analyserons de plus près les échanges qui ont eu lieu en ligne, principalement entre les étudiants inscrits à ce cours et leurs professeurs (T1, T2 et T3) et, moins profondément, entre les propres étudiants. Nous nous appuierons maintenant sur un petit corpus de contributions des apprenants59 (40 : productions écrites et messages postés sur les forums), ainsi que des messages de suivi rédigés par les trois tuteurs (50, dont quelques-uns figurent dans les annexes en guise d'exemples). Tous ces textes on été tirés du cours hébergé sur la plateforme, de la leçon 1 à la 4e. Pour observer les contenus, les objectifs, les

59 Comme nous avons dit, le nombre de contributions des apprenants sur la plateforme n'a pas été très élevé et la grand majorité des textes postés par les apprenants constituent des réponses à des consignes (productions écrites ou orales), plutôt que des messages à leurs tuteurs ou leurs autres collègues.

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Le cas du présentiel réduit de l'Alliance française de La Havane.

marques socio-affectives, les destinataires, les émetteurs des messages et des interventions en général, nous ne nous sommes pas livrés à un codage spécifique d'analyse des textes ou du discours. Ceci nous ferait peut-être tirer des conclusions parfois ambigües, qui se cantonneraient exclusivement aux résultats de cette expérience de formation à distance. Mais les éléments que nous avons cherchés à répertorier se rapprochent à d'autres analyses de contenu consultées (De Lièvre et al., 2006, 2009 ; Jeanneau et Ollivier, 2009 ; Quintin 2007, 2008). Afin d'effectuer maintenant une analyse fondamentalement qualitative des interactions, nous avons procédé à une observation des contenus des messages (du texte lui-même) et aussi à l'analyse d'autres (méta) données. Nous y avons puisé des messages (principalement des tuteurs) pour émettre en retour des hypothèses et arriver ainsi à des conclusions sur les pratiques tutorales, mises en oeuvre dans le cadre de cette formation et aussi leurs possibles effets sur les apprenants qui ont suivi le cours sur lequel ce travail porte:

-l'émetteur des messages (tuteurs : T1, T2, T3 ; apprenants : Groupe1, G2, G3)

-le nombre de lignes du message,

-le numéro de Leçon et des tâches concernées, ainsi que leurs consignes respectives

-le type de forum et le fil de discussion en question,

-le nombre d'émoticônes utilisés,

-la mise en forme ou non des messages,

-le nombre de messages proactifs et réactifs,

-l'emploi du vouvoiement et du tutoiement,

-le nombre de phrases visant à motiver les apprenants,

-le nombre de phrases portant sur la technique, la méthodologie,

-le nombre de phrases visant à créer et entretenir le lien social,

-le nombre de phrases portant sur l'organisation (création de binômes, séances présentielles),

-le nombre de phrases portant sur la tâche,

-le nombre de phrases portant sur la langue elle-même,

D'après l'observation des éléments relevés, nous pouvons tout d'abord percevoir une différence assez nette entre les pratiques tutorales des tuteurs des groupes 1, 2 et 3, lorsque nous regardons la fréquence avec laquelle la consigne d'interagir sur la plateforme est présente, à savoir : la demande de communiquer avec le tuteur ou revenir vers lui, de contacter un collègue du groupe, de publier sur un forum, d'écrire/envoyer un message, de poster un travail sur la plateforme, d'aller sur la plateforme pour lire les interventions des tuteurs/ d'autres apprenants du cours, d'actualiser le profil d'usager, de poster leurs photos sur leurs profils, etc.

D'après les traces sur la plateforme, le tuteur du groupe 1, qui a été très proactif (voir 1.2.3), incite constamment les apprenants à entrer en contact avec le tuteur par le biais de la plateforme, soit via le forum, soit via le courriel, mais principalement à travers le forum60. T1, encourage également les apprenants à consulter d'autres matériels/ sites Web61, et à interagir avec leurs camarades. Les messages de T1 sont plutôt longs (à l'une ou l'autre exception près) en langue cible. Dans la plupart de cas, les messages de T1 sont

60 Voir Annexe 16. Messages : 16.1, 16.2, 16.3, 16.4 et 16.5

61 Voir Annexe 16. Message 16.6

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accompagnés d'une petite traduction en langue 1, toujours faite avec une police plus petite, et sans expressions de sentiment62, afin de faire perdre aux apprenants l'habitude/envie de lire la traduction. Dans les messages de T1 destinés à de faux débutants, la présence de l'espagnol est peu fréquente dès le début du cours. L'usage de l'espagnol est encore plus rare dans les messages s'adressant à des apprenants qui se servent du français pour dialoguer avec le tuteur. Il s'agit dans ces cas de ceux qui sont assidus sur la plateforme, et qui font preuve d'une bonne maîtrise de l'outil informatique. Pour eux, une connexion régulière et un accès facile à un poste63 seraient fréquemment disponibles. Pour le tuteur 1, le contact humain en ligne est considéré comme le garant du bon déroulement de la formation et du processus d'apprentissage64 « Cela leur permet de s'approprier de la plateforme, d'interagir de façon réelle, et de communiquer au-delà des objectifs langagiers »65. La grande majorité de ses interventions, soit proactives, soit réactives, constituent un appui psychoaffectif. Elles portent sur l'établissement du lien social, la cohésion du groupe, même si la plupart des questions des apprenants (postées sur les forums d'échanges) visent l'obtention d'une aide technique. Même si la demande de T1 aux apprenants d'interagir avec les autres étudiants du groupe et avec lui-même -principalement via le forum- est systématique, le résultat de cette demande est pour autant moins certain. En dépit de l'intention de T1, il est irréfutable que les apprenants de son groupe (G1) ont interagi très peu sur les forums d'échanges destinés aux contributions non évaluatives, ou sur ceux qui ne concernaient pas le contenu du cours.

Ensuite, le Tuteur 2 a été plutôt motivé et proactif : il a été disponible en ligne avec régularité, et il a offert (tout comme T1) des séances présentielles supplémentaires. Il a envoyé quelques feedbacks des activités dont la correction par le tuteur était facultative, ainsi que des messages sollicitant les contributions de ses apprenants. Il a articulé ses séances de regroupement en présentiel autour des leçons proposées par le cours à travers la plateforme, et il les a centrées sur l'accomplissement des tâches finales. De façon générale, il a encouragé fréquemment ses apprenants et leur a demandé d'aller plus loin, de s'efforcer davantage. Il a donc travaillé sur l'amélioration de l'auto-estime et a beaucoup valorisé le travail accompli (voir 1.2.1C-). D'autre part, il n'a pas toujours incité explicitement les apprenants à entrer en contact avec lui par le biais de la plateforme, mais il a systématiquement transmis l'idée qu'il serait là pour corriger leurs productions66. T2 a donné forme à ses messages : il a modifié la police (couleur, taille, type) qui était donnée par défaut dans logiciel chargé de l'édition des textes (WYSIWYG) et a utilisé des émoticônes67. Il a donc rendu claires ses corrections à ses apprenants: ce qu'ils devaient ajouter ou remplacer par ce qu'il proposait ; ce qu'il fallait supprimer ou dire autrement, pour citer deux exemples. Ce qui n'est pas fréquent chez T2 (comme ne l'est pas chez T3) c'est le nombre de messages/ phrases visant à créer et à entretenir le lien social entre les apprenants68 (voir 1.3.3). Cette absence de soutien communicationnel (voir 1.2.1D-) pourrait être due à son manque d'expérience / formation en tant que tuteur. En fait, T2 avait déclaré dans du questionnaire final que

62 Voir Annexe 16. Messages : 16.1, 16.2, 16.3 et 16.7

63 Voir Annexe 16. Messages : 16.4, 16.2, 16.5 et 16.6

64 Voir Annexe 16. Message 16.7

65 Tiré du questionnaire mené auprès des tuteurs à la fin de la formation, question 5.

66 Voir Annexe 17. Message 17.1

67 Voir Annexe 17. Message 17.1

68 Même si la consigne de l'activité demande aux apprenants de la réaliser à deux, la note n'a pas été affectée pour le fait de ne pas avoir travaillé à deux, et aucun commentaire à ce sujet n'a pas été fait aux apprenants. Voir l'Annexe 17. Message 17.2

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« les échanges entre les apprenants leur permettaient d'agir en situation de communication réelle, ils peuvent s'autocorriger et corriger les autres, cela leur fera avancer sans doute» (voir 1.3.2).

Quant au contenu de ses messages, ils visent à motiver les apprenants : la technique, la langue, la tâche à accomplir, la méthodologie et l'organisation ont tous le même degré d'importance. La formation de T2 (voir 4.1) lui a permis d'assister considérablement les apprenants du point de vue de l'informatique, principalement pendant les séances présentielles (toujours au laboratoire) mais aussi de temps à autre sur la plateforme (par le biais des forums ou de messages). D'après la réponse (4) de T2 au questionnaire final, le tutorat idéal pour ce cours, tel qu'il s'est développé, serait 0,5% de type socio-affectif et 60% technologique. Pourtant, selon le même questionnaire, T2 considère que ses propres interventions ont été surtout « des encouragements, des offres de soutien et des sollicitations de participation ». Par conséquent, ses pratiques tutorales ont eu un caractère plutôt socio-affectif et ensuite pédagogico-intellectuel que technologique. Cependant, T2 (tout comme T1 et T3) avait repéré le besoin d'appui et d'information des apprenants dans ce sens technologique (rappelons la quantité de courriels que l'informaticienne responsable du projet avait reçus et envoyés à propos du fonctionnement de la plateforme et de certains logiciels (voir 4.4.1). De toute façon, il serait difficile de réduire le soutien de T2 (ses pratiques tutorales) à une seule catégorie d'intervention tutorale (Bernatchez, 2003 ; voir 1.2.1).

Le tuteur du groupe 3 (T3), quant à lui, ne s'est pas montré très motivé, et il a été peut-être dépassé par la nouveauté de cette modalité d'enseignement et les fonctionnalités de la plateforme, ainsi que par la surcharge de travail que le tutorat a représenté. Il n'a pas incité les apprenants à interagir69. La seule preuve d'interaction entre pairs (les apprenants de son groupe) -faite par le biais de la plateforme- est visible dans le nombre très réduit de contributions faites en binôme au cours des leçons 1 et 2. À ce sujet, Il pense que les apprenants de cette formation «ne se sont pas détachés de la dynamique traditionnelle et classique où l'élève fait plus de confiance à l'avis d'un professeur qu'à celui de ses camarades »70. Cependant, comme nous l'avons déjà remarqué (voir 1.3), le tuteur ne doit pas se contenter d'attendre que les interactions se produisent, bien au contraire, il doit les provoquer. T3 ne stimule guère les apprenants à entrer en contact avec lui-même71. Ses messages, des feedbacks, étant très peu nombreux et assez brefs, sont surtout centrés sur la tâche que l'apprenant doit faire, et sur la langue elle-même72. En fait, sur le questionnaire mené auprès des tuteurs à la fin de la formation, T3 a coché la compétence disciplinaire (maitrise de contenus) comme la plus importante dont il avait fait preuve en tant que tuteur. Rappelons que tous les apprenants n'ont ni la capacité ni l'aptitude pour le travail autonome et que l'autonomie n'est pas innée. C'est donc le tuteur qui peut la leur apprendre (voir 1.1.4). En même temps, l'isolement qu'un apprenant ressent à distance, dû au fait qu'il doit prendre en charge sa formation, est une cause d'abandon dans ce dispositif hybride comme dans la plupart des FOAD qui ont été mises en oeuvre (1.2). À l'instar de Quintin (voir 1.2), il reviendrait au tuteur de compenser ce déficit socio-affectif. D'ailleurs, quant à l'accompagnement qu'il avait mis en oeuvre, il a déclaré sur le questionnaire avoir été « plutôt réactif, avoir travaillé davantage la langue sur la plateforme et ne pas avoir été disponible en ligne régulièrement ».

69 Voir Annexe 18. Messages 18.2

70 Réponse à la question 9 du questionnaire final.

71 Voir Annexe 18. Messages : 18.1 et 18.2

72 Voir Annexe 18. Messages : 18.1 et 18.2

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D'autre part, ce tuteur ne s'est même pas soucié d'éditer ses textes 73 : il n'a changé ni le type de police, ni la couleur, ni la taille qui apparaissent par défaut, il n'a pratiquement pas utilisé d'émoticônes74, ni de symboles, ou d'autres marques socio-affectives (points d'exclamation, voir 1.3.3). Cela n'a pas trop motivé les apprenants (voir 1.2.4) et priori, cela leur aurait rendu difficile la compréhension des corrections/ feedbacks envoyés: ses apprenants ont dû relire leurs productions, lire les messages-corrections complets que T3 leur avait envoyés et comparer minutieusement les deux textes pour distinguer ce qui a été ajouté, remplacé par T3. À propos de la question portant sur le tutorat idéal pour cette formation, en termes de temps et d'énergie, il a considéré que seulement 20% du tutorat devrait être socio-affectif (il a de surcroît accordé le pourcentage le plus élevé au côté organisationnel-méthodologique du tutorat). Néanmoins, T3 -qui est très peu réactif- a l'habitude d'encourager les apprenants (« bonne continuation », « bon travail »), surtout quand ils ont bien travaillé (« bon travail ! », « en général c'est bien prononcé », « c'est un bon travail », etc.) à chaque fois qu'il corrige/ commente un des travaux faits par ses apprenants (en surbrillance75). Pour T3, les interactions en ligne sont à peine un complément des interactions qui ont lieu pendant les séances présentielles et pas un objectif en soi. La plateforme constituerait pour lui une espèce de banque de données pour travailler en autonomie (à distance), un espace numérique pour héberger une sorte de livre électronique. Il a privilégié les interventions cognitives aux dépens des actions tutorales socio-affectives et motivationnelles.

? En guise de conclusions

Les évolutions dont les indices ont été évoqués sont motivées par les résultats des observations des échanges en ligne (principalement à travers la plateforme), ainsi que par les résultats des enquêtes menées auprès des tuteurs, à la fin de la formation. Nous nous sommes aperçus qu'aucun sentiment communautaire76 n'a véritablement éclot au sein de chaque groupe d'étudiants interagissant exclusivement à distance. Un premier indice de cette hypothèse se situe autour de l'appréciation des échanges presque nuls qui ont eu lieu entres les étudiants de chaque groupe, sur les espaces publiques d'échanges non évaluatifs (forums d'échanges professeur-étudiants). Ensuite, un deuxième indice est inscrit dans l'analyse du volume très réduit d'échanges qui ont eu lieu entre les étudiants, sur les forums destinés aux travaux évaluatifs à faire en binôme. Puis, un autre indice se situe autour des contenus des messages postés sur les forums : ils ont toujours été linaires, adressés au tuteur, la plupart concernait des problèmes techniques ou le contenu du cours, et il n'y a pas eu de questions-réponses entre les propres apprenants77. D'ailleurs, les interactions tuteurs-apprenants qui ont eu lieu en ligne ont été mises à profit par les tuteurs de façon à ce que les apprenants pratiquent la langue ciblée, (même si pour des raisons ergonomiques et pédagogiques, ils recourent à la Langue 1) plutôt que pour « communiquer », pour co-agir.

73 Voir Annexe 18. Messages 18.1 et 18.2

74 Dans la première Leçon, 2 messages : un collectif et un autre individuel en réponse à une étudiante qui avait réagit à la marque socio-affective faite par son tuteur.

75 Voir Annexe 18. Message 18.1

76 Ce que Develotte & Mangenot (2004) préfèrent nommer, « constitution du lien social ».

77 Sauf quelques très peu de cas dans la leçon 3, tâche écrite 2 « Choisir un correspondant sur un site »

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams