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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

( Télécharger le fichier original )
par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE HASSAN II CASABLANCA-MOHAMMEDIA

FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES ET SOCIALES DE MOHAMMEDIA

Mémoire en vue de l'obtention d'un diplôme de licence fondamentale en Droit public

Sous le thème :

LES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE : REFLEXION SUR LE CAS DE LA GUINEE (CONAKRY)

Réalisé par l'étudiant KOUROUMA Oumar, sous la direction de Monsieur ABDERRAZAK EL ASSER,

Professeur de SOCIOLOGIE POLITIQUE à la FACULTE des SCIENCES JURIDIQUES, ECONOMIQUES et SOCIALES de L'UNIVERSITE HASSAN II- MOHAMMEDIA.

Année académique 2010-2011

Dédicace

A la mémoire de mon cher défunt père...

A mon adorable mère...

A mes inoubliables oncles...

Remerciements

Nous ne saurons introduire ce mémoire sans au préalable louer le Tout Puissant Allah qui nous a permis d'arriver en ce lieu, en nous gardant en bonne santé et en nous permettant, toujours, de franchir avec succès les différentes étapes qui ont jalonné notre parcours de chercheur de savoir.

Ensuite, nos grands remerciements s'adresseront à notre cher père, feu Sidiki Kourouma et à notre adorable mère Mariam Sacko qui, depuis notre naissance n'ont cessé de jouer leur rôle de parents responsables et admirables; leurs éducations, sages paroles et leurs prières nous ont accompagnés durant tout ce temps que nous avons passé loin de notre chaleureuse famille.

Aussi nous voudrions exprimer toutes nos gratitudes et nos sincères reconnaissances pour toute la famille Sacko et particulièrement nos inoubliables oncles Sékou Sacko et Moussa Habib Sacko qui nous ont offert tout ce qu'on pouvait avoir besoin pour réaliser nos rêves tout au long de nos parcours scolaire et académique.

De même nous ne pourrons finir sans remercier ardemment tous nos professeurs des facultés de droit des universités Ibn Tofail et Hassan II et particulièrement notre encadrant Monsieur Abderrazek El Asser qui n'a ménagé aucun effort pour la réussite de ce travail. A cet égard il faut dire que ses conseils, ses jugements et son soutien ont été d'une grande utilité pour la réalisation de ce mémoire.

En fin, grand merci à tous ceux qui, de loin ou de près, ont contribué à la concrétisation de ce travail.

Veillez trouver, ici, l'expression de notre profonde gratitude !

PLAN GENERAL DU MEMOIRE

Dédicace ....2

Remerciements....3

Plan général du mémoire ............................................................4

Sigles et abréviations....6

Introduction général....8

PREMIERE PARTIE : DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE ET HISTORIQUE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE.....................................................................................................15

Chapitre1 : Du cadre théorique et scientifique de la réflexion..............................................................................................17

Chapitre2 : Des expériences sud européenne et latino américaine de démocratisation au contexte africain des pays francophones subsahariens: l'itinéraire d'une vague.53

Chapitre 3 : L'histoire politique de la guinée (Conakry) : héritage colonial et émergence de l'Etat guinéen...............................................83

Conclusion de la première partie...........................................................102

DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE SILLAGE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES...............................................................105

Chapitre1 : Du système politique «fermé» en Guinée (1958 1989).....106

Chapitre2 : Les années 90 ou « l'ouverture » du système politique guinéen : une marche vers l'Etat droit.................................................. 145

Chapitre 3 : Evaluation et analyse critique de l'expérience guinéenne de transition démocratique....................................................................172

Conclusion de la deuxième partie......................................................... 187

Conclusion générale...............................................................................189

Bibliographie-Webographie.....................................................................194

Table des matières.................................................................................198

SIGLES ET ABREVIATONS

FMI : Fonds monétaire international

CMRN : Comité Militaire de Redressement National

BAD : Banque Africaine de Développement

FIDH : Fédération International des Droits de l'Homme

CBG : Compagnie des Bauxites de Guinée

USTG : Union des Syndicats des Travailleurs de Guinée

UFR : Union des Forces Républicaines

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

RPG : Rassemblement du Peuple de Guinée

ONG : Organisation Non Gouvernementale

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

AGFEE : Association des Femmes Enseignantes de l'Elémentaire

URSS : Union des Républiques socialistes soviétiques

USCG : Union des Syndicats Confédérés de Guinée

PDG : Parti Démocratique de Guinée

JRDA : Jeunesse Révolutionnaire Démocratique Africaine

USCG : Union des syndicats confédérés de Guinée

« La démocratie n'est le monopole de quiconque, ni d'aucune ère de civilisation»1(*).

Jean Louis Roy

« Cet acte fondamental (la loi fondamentale de 1990), socle d'une société nouvelle, est certes issu du libre engagement pris par l'armée, le 3 Avril 1984, de faire de la Guinée un Etat respectueux du droit et de la justice dans la liberté »2(*).

Le Général Lansana Conté, président de la république de Guinée.

INTRODUCTION

 « Pour une très large partie du monde, aucune idéologie à prétention universelle n'est actuellement en position de rivaliser avec la démocratie libérale, aucun principe universel de légitimité avec la souveraineté du peuple »3(*). C'est en ces termes que le philosophe, politologue américain, d'origine japonaise Francis Fukuyama annonçait « la fin de l'Histoire »4(*) dans un article publié en 1989 dans la revue the National interest. Cette thèse traduisait un optimisme exacerbé de l'auteur qui signifiait qu'à partir de ce moment la démocratie libérale demeure la seule forme de gouvernement légitime des peuples du monde. C'est cette même eschatologie que le président américain Georges Bush père va brandir sous le couvercle du nouvel ordre mondial : l'économie capitaliste et la démocratie libérale comme norme de fonctionnement du système mondial. Bien que prononcer dans la scène internationale, cette vision uniformisatrice du monde devait modeler tous les systèmes tant dans les pays du Nord que dans le tiers monde où elle s'affirme comme langage d'une double modernisation : politique et économique face à la double crise politique et économique qui engendre des appels internes à une ouverture. C'est dans cette perspective qu'il convient d'inscrire la dynamique de démocratisation en Afrique noire francophone et particulièrement en Guinée.

Partant, sans s'aventurer dans un développement de concepts (qui sera nécessairement effectuer dans le corps du travail)5(*), il convient de s'atteler à cette dure épreuve (selon Platon) qui consiste à définir ce qu'on entendrait par dynamique de transition démocratique dans cette analyse. Pour ce faire nous partons du terme dynamique qui est un mot utiliser pour désigner ce qui est relatif au mouvement. Dans le dictionnaire Larousse 2009, il est l'opposé de ce qui est statique c'est-à-dire qui n'évolue pas, qui n'est pas en mouvement. Quant au mot transition, il désigne le changement ou le passage d'un stade à un autre. La démocratie enfin, fait référence ici à la seule démocratie libérale dominante. De cette précision, nous pourrons dire que cette dynamique des transitions démocratiques, peut être conçue comme « le processus de changement sociopolitique et économique en cour dans la plupart des pays du tiers monde depuis la fin du XXème siècle, visant la construction de nouvel ordre sociétal fondée sur la démocratie libérale et l'économie de marché ». Il s'agit du passage des monocraties fermées à des systèmes ouverts et pluralistes selon le langage libéral. L'Afrique noire francophone et principalement la Guinée n'échapperont pas à ce mouvement géant de transformation globale.

Ce pays, essentiellement visé dans ce travail, est un Etat d'Afrique de l'Ouest, première Nation indépendante en Afrique noire francophone depuis le 2 Octobre 1958. Il a une superficie de 2 545.857 km2 avec une population de 9 644.500 habitants (2006). Il est limité au Nord par le Sénégal, au Nord-est par le Mali, au Nord-ouest par la Guinée Bissau, au Sud par le Libéria et la Sierra Leone, à l'Est par la Côte d'Ivoire et, à l'Ouest il s'ouvre sur l'Océan atlantique.

Comme tous ces pairs d'Afrique noire francophone, la Guinée a connu dans les années 90 les premiers vents de la démocratisation qui ravageait tous les systèmes de partis uniques en place depuis les indépendances. Mais contrairement à la plupart de ces pays, l'ouverture en Guinée avait timidement commencé plutôt sous le régime de parti unique de Sékou Touré (1958-1984) avant que ce régime ne finisse par être raclé le 3 Avril 1984 après la mort du leader de la révolution guinéenne. Cette dernière date marque l'avènement de la seconde république guinéenne sous la direction d'un pouvoir militaire conduit par le général Lansana Conté. Face à des exigences internes et à des pressions internationales surtout des institutions de Breton Woods et de Paris, après l'historique conférence de la Baule, le général Lansana Conté, alors colonel, engagera le pays sur la voie d'une libéralisation économique et politique sans précédent afin de pallier à un bilan économique et politique de son prédécesseur qu'il jugera largement négatif.

De là s'ouvrait une nouvelle page de l'expérience d'autogouvernement en Guinée mais cette fois-ci orientée vers la mise en place d'un modèle de gouvernement politique et économique occidental perçu comme solution à la modernisation politique et à la double crise politique et économique héritée du régime précédent.

Cependant, après vingt quatre ans d'existence, le régime messiaque s'affiche en symbole d'un désespoir qui ne dit pas son nom. Cette expérience très agitée se termina par de nombreux soulèvements dont le point culminant sera atteint en 2007 dans un contexte de fragilité économique et politique totale couronnée par un état de santé dégradant du chef de l'Etat. En rendant l'âme le 23 Décembre 2008, Lansana Conté allait rouvrir la porte à ce que certains appellent une nouvelle phase de transition démocratique et que nous appelons « la suite de la transition avortée depuis les élections présidentielles de 1993 ». Mais ce nouveau départ est encore dirigé par une nouvelle junte militaire venue au pouvoir le 24 Décembre 2008 par un coup d'Etat comme ce fut le cas en 1984. Entre promesse de changement et désir de perpétuer le passé, la nouvelle junte conduite d'abord par le Capitaine Moussa Dadis Camara puis par le général Sékouba Konaté, permettra aux guinéens la mise en place d'une nouvelle constitution en Avril 2010 et l'organisation des premières élections « démocratiques et libres » de Juin à Novembre 2010 sous des pressions internes et internationales très fortes.

Cette présentation du contexte général permet de découvrir tout l'intérêt que révèle ce thème.

Intérêt du sujet :

Pour toute personne qui lit le thème de ce travail, l'une des premières questions qu'elle peut se poser est sans doute : pourquoi choisir d'étudier la Guinée et la démocratisation. A cette question nous répondrons en affirmant que ce sujet révèle pour nous une double importance. En premier lieu, il s'inscrit en droite ligne dans le cadre notre formation universitaire de droit public et particulièrement en sociologie politique ; mais aussi il constitue le préliminaire d'un grand projet postuniversitaire que nous souhaitons réaliser dans le cadre de la philosophie politique. Car la formation qui a été la notre nous a permis de comprendre qu'on ne peut être un bon philosophe de la politique sans être au préalable un bon sociologue de ce fait social, c'est à dire qu'on ne peut donner de solution qu'à un problème dont on aura bien compris. Dans ce sens il faut dire que cette étude occupe une place cruciale dans notre parcours de futur chercheur.

En second lieu, nous sommes face à la thématique de la démocratisation qui reste de nos jours un grand sujet d'actualité dans le monde en général et principalement en Afrique et ce depuis les années 1990. Il s'agit d'un des plus importants champs d'exploration de la jeune science politique africaine et surtout des sciences politiques occidentales. Donc elle fait objet d'un intéressement au sein de la communauté scientifique africaine et africaniste à en croire surtout aux débats et colloques universitaires et politiques qu'elle suscite.

Cependant, si telle est la place de ce thème dans le cadre scientifique général, en Guinée elle est loin d'être le cas. En effet, Ce pays fait face à une véritable sécheresse de productions scientifiques en matière de sciences sociales en général et principalement en sciences politiques. C'est pourquoi donc cette présente réflexion préliminaire est un grand pas en matière d'analyse politique sur ce pays. Car elle devra permettre au lecteur de découvrir et de comprendre comment le phénomène politique moderne se meut dans la société guinéenne. Et aussi elle pourrait servir les dirigeants guinéens dans leur quête de solution aux difficultés sociopolitiques auxquelles se trouve confronté ce pays, dans la mesure où, même si elle ne se donne pas pour objectifs de proposer des remèdes, elle à l'avantage de mettre en exergue les problèmes avec beaucoup plus de clarté. Ce qui peut faciliter la prise de décisions importantes. C'est dans ce sens qu'il est souvent dit d'ailleurs qu'« un problème bien posé est déjà résolu à moitié».Toutefois, comme tout thème scientifique, le notre est aussi à l'origine d'une problématique qui constitue d'ailleurs l'épicentre de cette introduction.

Problématique :

De nos jours la démocratie libérale et son inséparable compagnon qui est l'économie de marché sont devenues le talon d'Achille de tout discours sur le tiers monde et l'Afrique en général et particulièrement sur la Guinée, surtout, si ce discours se voudrait audible. Les conditionnalités d'aide mentionnées de part et d'autre tant par des partenaires Etatiques comme la France, les Etats Unis et les autres puissances occidentales ainsi que les institutions de Breton Woods (FMI et Banque mondiale) s'inscrivent dans la même logique lorsqu'elles visent à instituer cette même démocratie et le capitalisme occidental comme seul moyen de réaliser un développement harmonieux. A ce titre le discours de François Mitterrand à la Baule est illustratif lorsqu'il déclare à propos de la démocratie libérale : « c'est le chemin de la liberté sur lequel vous avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du développement ». Au regard de cette conception nouvelle du rapport entre développement et système politique, la Guinée à l'instar de nombreux pays d'Afrique, baignée dans une fragilité politique et économique hérité de l'échec de l'indépendance, devait sans condition faire face au modèle occidental comme seule remède à ses maux. Cependant cette imposition d'un modèle importé ignorait que l'Afrique et surtout la Guinée avait déjà connu une expérience du pluralisme politique occidental à la veille des indépendances qui se solda par une exacerbation de la division ethnique et régionaliste et qui légitimera plutard le recours au parti unique.

De cette réflexion se dégage le problème de la compatibilité du modèle occidental aux réalités Africaines en général et particulièrement au contexte sociopolitique et économique guinéen et par conséquent se pose la question de savoir si la solution imposée à la Guinée par le Nord ou cette solution face à la face à laquelle elle s'est exposée est véritablement le remède à la crise de modernisation politique et économique de ce pays ?

Ainsi notre objectif dans ce travail sera de chercher à comprendre comment la Guinée, à l'instar de ses pairs du Sud, tente t-il de s'approprier du modèle de gouvernement politique et économique occidental afin de relever le défi de la modernisation politique et de l'autogouvernement. Dans cette logique nous devrons voir la place que tient chaque acteur interne et externe, les actions qui sont poser dans le cadre de se processus agité. Aussi faut-il voir les obstacles qui pourraient être à l'origine de l'échec de cette entreprise.

Hypothèses

Les observations quotidiennes que nous avons effectuées sur le contexte sociopolitique guinéen et les lectures que nous avons réalisées sur la question de la démocratisation en Afrique et surtout en Guinée ont été à l'origine de nombreuses réflexions desquelles nous avions tirées plusieurs hypothèses qui peuvent faire objet de vérifications dans ce travail.

Notre idée de départ est que la démocratisation en tant que transportation des modèles du Nord en Afrique n'a pas été un choix librement fait en Guinée. Car s'il n'est pas exclu que ce peuple ait demandé une ouverture, force est de reconnaitre que cette dernière ne signifiait pas forcément l'implantation d'un système politique et économique intégral occidental. Aussi, le déploiement sans précédent de l'occident et surtout de la France dans ce processus, et ce dans un contexte international de mondialisation des idéaux libéraux et de conquête économique, ne peut être ignoré. Ainsi cette démocratisation n'était-elle pas le fait des puissances libérales et à leur profit ?

De même, le cadre sociopolitique et économique dans lequel se déployait cette démocratie avec ses mesures d'austérité économique était marqué par une fragilité totale héritée de l'ancien régime. Ce qui peut amener à s'interroger si cette démocratisation pouvait-elle aboutir en Guinée dans cette condition? Aussi par sa vulnérabilité, la population n'était-elle pas exclue dès le départ au profit du pouvoir militaire ?

Une vérification de ces hypothèses devra passer la détermination d'une méthode travail à adopter et à une délimitation du champ de travail.

Méthodologie et délimitation du sujet

Recueillir et transmettre du savoir scientifique ne peut se faire que par le biais de canaux. Ainsi, pour ce travail qui n'est pas une recherche de terrain, deux types de méthode ont été employés :

Ø la première relative à la recherche d'information sur le thème s'est essentiellement appuyée sur la recherche documentaire dans des ouvrages pédagogiques et d'articles scientifiques tirés de célèbres revues informatisées essentiellement françaises, mais aussi des revues Africaines, américaines etc... La bibliothèque virtuelle guinéenne (www.webguinee.net) nous a beaucoup servi ainsi que d'autres sites web. Ce recours à l'internet s'explique d'une part par la rareté d'ouvrages de sciences sociales sur ce pays et d'autre part dans le but de rendre nos informations actuelles ;

Ø et le second type de méthode, c'est-à-dire celle employée dans la rédaction du travail, est à la fois descriptif et analytique. Avec la description nous tentons d'exposer la situation et par l'analyse critique nous essayons d'aller au-delà des apparences pour toucher le fond, tenter de dégager ce qui peut être considérée comme loi. Et dans cette logique, les méthodes déductive et comparative devraient jouer un grand rôle. Il s'agit de deux méthodes très apprécier par le professeur Mamadou Gazibo dans ses réflexion en politique comparée. Ainsi chaque partie et sous partie devrait s'achever par une conclusion avant la conclusion générale.

Par ailleurs, il convient de préciser que ce mémoire ne prétend pas épuiser ce thème sur la démocratisation en Guinée, il se contentera d'analyser juste la seconde république (1984-2008) qui est reconnue de tous comme ayant amorcé cette transition démocratique telle annoncée dans la troisième vague. Ce qui ne veut pas dire que nous n'allons pas jeter un coup d'oeil sur la première république (très importante à exposer dans cette analyse) et la troisième république. Aussi faudra t-il souligner que cette réflexion ne vise pas à apporter des solutions, ce que nous considérons comme relevant beaucoup plus de la philosophie politique. Mais nous nous bornerons dans une logique de sociologie politique qui se focalise sur l'analyse du fait politique comme un fait social.

Enonciation du plan

La transition démocratique en Guinée est avant tout un fait social lié à beaucoup d'autres faits sociaux grâce à la loi du déterminisme sociologique. Ceci étant, elle ne peut s'analyser que par la prise en compte de son encrage sociohistorique mais aussi théorique et scientifique. C'est pourquoi dans la première partie de ce travail, nous tenterons d'exposer l'encrage théorico-scientifique et historique des transitions démocratiques après quoi il sera nécessaire d'aborder l'histoire politique de la Guinée en vue de découvrir plus profondément les caractéristiques de l'Etat postcolonial. Grâce à ces instruments théoriques, scientifiques et historiques, nous serons capables d'étudier dans la seconde partie de notre travail, cette transition démocratique guinéenne proprement dite. Mais pour ce faire nous devrons voir d'abord le régime sékouréen en tant que système fermé dont la conséquence sera la démocratie de façade que connaitra la seconde république. Cette partie devra se terminer par une analyse et évaluation critique où nous essayerons de réfléchir sur la nouvelle constitution guinéenne afin de voir si la dialectique de rupture et de la continuité persiste toujours au-delà des beaux discours politiques.

PREMIERE PARTIE :

DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE ET HISTORIQUE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE

« Quand on ne sait pas d'où on vient, on ne saura pas où on va ! »

Proverbe africain.

Dans la tradition, il n'est pas souvent exclu d'entendre que seul le sujet doit être traité, rien que lui. Cependant, parler de la démocratisation en Guinée ne saurait mieux se faire qu'en abordant au primo un ensemble de matières qui déterminent les encrages profonds du thème. C'est bien dans cette logique que cette première partie de notre réflexion est d'une importance capitale.

En effet, lorsque le jeudi 25 Avril 1974 à minuit vingt cinq6(*) le régime portugais du dictateur Marcello Caetano tombait à Lisbonne par un coup d'Etat perpétré par les jeunes officiers du MFA (Mouvement des Forces Armées), le début d'une grande révolution dans l'Histoire de l'Humanité se dessinait. Ce que le célèbre politologue américain Samuel HUNTINGTON appela plutard la troisième vague7(*) allait bouleverser la quasi-totalité des régimes non démocratique du monde. Partant de l'Europe du sud pour atteindre le continent sud américain à la fin des années 70, ce grand vent, comme l'actuelle tempête arabe8(*), soufflera en Asie la même année puis en Europe de l'Est. A l'instar de toutes ces parties du tiers monde, l'Afrique aussi ne ratera pas son tour qui viendra principalement dans les années 90. Pour les Etats d'Afrique noire francophone, c'est la conférence Françafricaine de la Baule du 19 au 21 Juin 1990 qui consacrera l'appel à la démocratie du président français François MITTERAND.

Cette évolution historique de systèmes politiques européens et tiers mondistes ne restera pas en dehors de considération théorique et scientifique tant du côté des politologues que des sociologues et internationalistes. C'est dans ce cadre que des modèles et des instruments théoriques seront élaborés pour rendre intelligible ce phénomène qui traverse la grande partie de la société mondiale.

La Guinée qui n'échappe pas à l'ensemble de ces changements n'est qu'un jeune Etat né d'une colonisation qui détermina même les frontières qu'elle définira comme les siennes. Cette colonisation, loin d'être un simple fait historique, fut un véritable système à la fois administratif et politique qui lèguera au jeune Etat guinéen et à ses nouveaux dirigeants un arsenal de mode de gestion dont la mise en lumière s'avère important.

Ainsi, dans cette partie de notre travail il s'agira essentiellement de développer trois idées maîtresses : en premier lieu le cadre théorique et scientifique (chapitre1), ensuite nous nous intéresserons à l'itinéraire de la troisième vague à travers des expériences d'abord non Africaines qui seront suivies d'un exposé du cas des pays d'Afrique noire francophone (chapitre2); et en dernier, il sera question de se pencher sur l'émergence de l'Etat guinéen en tant qu'héritage du système colonial(chapitre3).

CHAPITRE 1 : DU CADRE THEORIQUE ET SCIENTIFIQUE DE LA REFLEXION

« ...tant il est vrai qu'une spéculation générale sans enquête de terrain est vaine et qu'une enquête de terrain sans cadrage théorique est aveugle »9(*)

R. Rieffel, Sociologie des médias.

D'entrée, il convient de souligner que c'est en s'inscrivant dans la même logique que Rieffel, que ce chapitre a été consacrée. Et comme le dit ALAIN « nos idées sont nos lunettes»10(*), ce sera donc le lieu de mettre en exergue des concepts, des notions et des 11(*)instruments d'analyse théorique devant guider l'évolution de notre travail. Mais avant tout, il conviendra de savoir ce qu'est « une théorie » et « une science ». Pour la première, le dictionnaire Larousse 2009 nous apprend qu'étymologiquement, le terme vient du grec théôria qui signifie action d'observer et se définit comme « un ensemble de théorèmes et de lois systématiquement organisés, soumis à une vérification expérimentale, et qui vise à établir une vérité scientifique ». C'est aussi un « ensemble relativement organisé d'idées et de concepts qui se rapporte à un domaine déterminé ».

Par ailleurs, dans son ouvrage de méthodes des sciences sociales12(*) , Madeleine Grawitz exposait différentes définitions selon des conceptions diverses. Ainsi pour les tenants d'une conception formelle comme Raymond Aron, la théorie est « un système hypothético-déductif constitué par un ensemble de propositions dont les termes sont rigoureusement définis, élaboré à partir d'une conceptualisation de la réalité perçue ou observée ». De sa part Manheim considère qu'une « théorie constituerait un système de croyances, une idéologie » qui varie avec le temps et qui permettrait de comprendre la période qui la suscite. D'autres côtés, se trouve la conception de la théorie explication qui soutient qu'une théorie aide à comprendre une époque.

Quant à la science, il faut reconnaitre qu'elle a fait objet de plusieurs définitions au fil et à mesure de l'évolution de la connaissance humaine. Cependant, nous n'allons nous atteler ici que sur ces acceptions modernes. Ainsi Karl Jasper nous en donne une large définition selon laquelle « la science est la connaissance méthodique dont le contenu, d'une manière contraignante, est à la fois certain et universellement valable ». Dans la même logique le Larousse 2009 sera plus clair en mentionnant que « la science est un ensemble de connaissances relatives à une catégorie de faits, d'objets, ou de phénomènes obéissant à des lois et vérifiables par les méthodes expérimentales ». Ainsi donc en parlant d'un cadre théorique et scientifique de ce sujet, il ne saurait s'agir que de l'ensemble des mécanismes mis en commun pour le rendre intelligible. C'est dans cette optique que nous serons amenés, dans une vision un peu plus large, à identifier les instruments d'analyse des mutations politiques dans le tiers monde en général mais surtout en Afrique avec tout le problème qui peut être lié à leur importation (section2). Mais bien avant cela, il conviendra d'abord de faire la lumière sur l'encrage sémantico-historique du concept de transition (section1).

SECTION1 : DE L'ENCRAGE SEMANTICO-HISTORIQUE DU CONCEPT DE TRANSITION

Pour commencer il faut rappeler que le terme « transition » vient du latin « transitio » qui signifie « passage », et désigne « le passage d'un état de chose à un autre »13(*) ou d'une situation à une autre. Il fut en grande partie utilisé en rhétorique pour désigner « la manière de lier les parties d'un discours ». Ce passage peut être brutal, rapide ou se réaliser progressivement. Toutefois, il faut reconnaitre qu'il n'est pas facile de cerner ce terme car il fait objet d'emploi dans plusieurs domaines, au-delà de celui du politique, notamment celui économique mais aussi épistémologique, philosophique et les sciences de la nature. Mais ici c'est son usage dans les études politiques qui nous intéresse le plus. Ces études politiques entendues dans ce contexte comme sociologie politique, économie politique etc... C'est dans ce sens qu'il nous est rappelé que l'utilisation du terme remonte essentiellement aux travaux de Karl Marx en économie politique et sciences politiques avant de faire objet d'une appropriation plutard (1989) par les analystes des changements démocratiques (la troisième vague). Dans cette présente réflexion, il s'agira donc de retrouver cette origine marxiste du concept (paragraphe1) avant de se pencher sur son emploi actuel dans le cadre d'une conception libérale de la démocratie (paragraphe2).

PARAGRAPHE1 : DU CONCEPT DE TRANSITION : une construction marxiste

Dans son article publié le 7 Janvier 2004 dans la revue multitudes14(*), GUILHOT Nicolas rappelle avec rigueur les origines marxistes d'un usage scientifique du concept de transition. C'est d'ailleurs à ce titre que le professeur Timothée NGAKOUTOU15(*) considère que Karl Marx et Max Weber lui ont donné ses lettres de noblesses dans leur analyse des processus par lesquels la société capitaliste a succédé à celle féodale en Europe. En effet, dans le cadre de son étude des différents modes de production qui ont jalonné l'Histoire de l'Humanité, Marx développe en véritable théorie le concept de transition : d'abord perçu comme le passage d'un système de production à un autre. Cependant, c'est dans la critique de l'Etat bourgeois qu'il sera le plus marquant en parlant du nécessaire passage du système capitaliste au système communiste. C'est delà qu'on peut réellement saisir l'essence de l'usage actuel de ce concept. Mais par la primauté qu'il accorde au facteur économique, cette transition est d'abord économique (I) avant d'être politique (II).

I. DE LA TRANSITION ECONOMIQUE CHEZ MARX :

Dans la logique marxiste, la transition est perçue comme « le passage d'un stade de développement historique à un autre, où le second (socialisme) est déjà présent comme la dynamique concrète de ce passage, et réalise le processus de destruction de l'État ». C'est dans la même logique qu'interviennent les écrits de Gilles DOSTALER qui désigne par transition économique « un état ou une situation qui correspond à certaine forme d'organisation sociale ». D'après DOSTALER, cela implique l'organisation de la production matérielle, de la distribution, des échanges, de la consommation, ainsi que la « nature » des institutions politiques, juridiques, sociales, et les idéologies en cours. Cette combinaison de réalités sociales est ce que Marx appellera mode de production. Ce dernier est une réalité mouvante car animé par la lutte des classes. C'est donc de ce dynamisme que les systèmes infrastructurels parviendront à la véritable finalité qui est le communisme. En définissant donc le communisme comme une finalité du processus d'effondrement du système économique capitaliste, la doctrine marxiste construisait une phase transitoire qui est: le socialisme réel conçu comme un stade historique.

Ainsi, dans sa critique du capitalisme, Marx présente un système d'exploitation de l'homme par l'homme, incapable d'assurer le progrès malgré qu'il ait été à la base de la révolution industrielle. Car ce système, selon lui, ignore que « l'ouvrier produit le capital et le capital produit l'ouvrier ». C'est un système, d'après lui, qui produit ses propres fossoyeurs ; et sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. Donc, au nom d'une certaine eschatologie, le marxisme annonçait une révolution qui devait changer l'ordre du monde. D'où d'ailleurs Rosa Luxembourg écrit : « la révolution est grandiose et tout le reste n'est que connerie16(*)». Cette révolution à la fois économique et politique que l'URSS (Union des républiques Soviétiques Sociales) initia gagnera le monde avec les multiples conversions, selon réalités locales, des systèmes économiques nationaux au socialisme (comme en Guinée, au Sénégal et au Ghana sous les premières républiques pour ne parler que de ceux-ci en Afrique) ou au communisme en Chine, en Corée du sud..... Donc ces changements économiques planétaires portent en eux les traits qui semblent être communs à toutes les transitions : la contestation de l'ordre précédent, la recherche d'un système efficace.

Toutefois, pour toucher notre cible, la transition démocratique, il convient d'exposer l'aspect politique de cette origine marxiste du concept de transition.

II. DU CONCEPT DE TRANSITION POLITIQUE CHEZ MARX

Malgré la place prépondérante que prit le facteur économique dans la pensée de Karl Marx, celui politique n'était pas en reste, pour ne pas dire qu'il ne les séparait pas. Toutefois, le premier devait déterminer le second : tel est d'ailleurs le socle de sa philosophie. A ce titre il écrit : « la structure économique de la société constitue la base concrète sur laquelle s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées ».

La transition politique qui se définit, au sens strict, chez Ana SALDANHA comme « un changement politique contrôlé qui s'opère au sein de certaines sociétés et qui permet le passage d'un système à un autre sans que l'on puisse délimiter le moment précis de rupture17(*) », est donc chez Karl Marx le passage à la société sans Etat qui consacrera la grande libération politique et sociale de l'Homme. Cela devra se faire par le dépérissement de l'Etat. Ainsi un nouvel ordre politique pourra naitre. Cette transition est donc perçue à la fois comme une rupture mais aussi comme une véritable révolution devant libérer l'Homme du poids de tout système de classe source de domination économique et politique.

Cette importante transition des régimes politiques capitalistes a son processus propre reparti en des étapes : la première étant rapide et non pacifique, est la révolution qui devra renverser le pouvoir capitaliste qui n'est autre qu'un appareil d'exploitation de la masse ouvrière ; Cette révolution devra donner naissance au système socialiste comme seconde étape. Ce système étant conçu comme la phase historique constitue la véritable période de transition politique et économique du système capitaliste au communisme. Ce sera le moment du règne de la dictature du prolétariat18(*), de la socialisation des moyens de production et donc du dépérissement de l'Etat. Pour enfin aboutir au communisme. Toutefois, si cette explication part du capitalisme, il faut dire que d'autres phases historiques sont déjà dépassées à savoir: la communauté primitive, le régime esclavagiste, le régime féodal.

C'est dans ce contexte que la révolution bolchevique de 1917 en Russie s'affirmera comme le point de départ de la conversion des systèmes capitalistes en systèmes communistes.

Ainsi, il découle de cette explication que le concept de transition n'est pas une fille de la toute jeune discipline de la science politique occidentale qui est la transitologie mais bien une construction marxiste et approfondie plutard dans la soviétologie. Cela se justifie par l'usage de vocabulaire comme révolution, rupture, changement... ; le souci de remise en cause de l'ancien système conçue contraire au progrès humain .... Mais, après cette découverte, on se demande comment le concept actuel de transition démocratique a-t-elle été construit ? Quel est son contenu ? C'est à ces questions que nous tenterons de répondre dans les lignes qui vont suivre.

PARAGRAPHE 2 : DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE COMME UN RENVERSEMENT DE LA THEORIE MARXISTE

Comment se rendre compte que le concept de transition démocratique tel formulé par les transitologues n'est qu'un renversement de la position des concepts dans les définitions marxistes ? C'est, il est évident, en procédant à une définition du concept de transition démocratique et en dégageant les traits communs qui la lient à la transition communiste chez Marx (II) que nous pourrons le savoir. Toutefois, il conviendra tout d'abord de chercher à savoir ce qu'est la démocratie et vers quelle démocratie transite t-on (I).

I. DE LA NOTION DE DEMOCRATIE

Pour commencer il faut dire que cet exposé sur la notion de démocratie est d'une importance capitale dans ce travail. Car elle est marquée par une complexité avérée par le fait qu'elle est objet d'interrogations multiples tant sur sa définition et que sur son origine (A) mais aussi sur ses conceptions qui sont nombreuses et diverses (B). Cela est dû au fait que de nos jours ou dans le siècle passé, presque tous les régimes se réclament de la démocratie, même si les uns et les autres se qualifient réciproquement d'anti-démocraties. C'est donc ce champ complexe qui mérite d'être mis en lumière afin de savoir dans quelle conception s'inscrit la troisième vague.

A. ESSAI DE DEFINITION ET ORIGINE DE LA DEMOCRATIE

Définir ou retracer l'origine de la démocratie sont deux exercice d'ailleurs épineux, car si étymologiquement on peut savoir d'où elle vient, par contre dans son essence et sa conception générale il n'est pas souvent exclue de dire que tous les peuples presque ont connu une sorte de démocratie (2). Mais avant de toucher cet aspect il conviendra de chercher à savoir ce qu'est la démocratie (1).

1. Essai de définition de la démocratie :

En ce nous nous attèlerons essentiellement à l'étymologie du terme démocratie en s'inscrivant ainsi dans ce que Giovanni SARTORI a appelé « la démocratie étymologique » et telle qu'il l'a développée19(*).

A cet effet, comme il est connu de tous, étymologiquement le terme démocratie vient de l'association de deux vocables grecs : démos qui signifie peuple et Kratos qui veut dire pouvoir. Ainsi la démocratie est elle : « le pouvoir du peuple » ou « le gouvernement du peuple». De cette définition deux interrogations se dégagent : qu'est ce que le peuple et quel est sa relation avec le pouvoir ?

En réponse à la première, il faut savoir, comme l'explique le philosophe italien SARTORI, que le terme démos a connu plusieurs sens même dans l'antiquité grecque qui l'a vu naitre. Il pouvait être ramené à plethos c'est-à-dire plenum, le corps tout entier ; ou aux polloi, la multitude ; ou aux pleiones, la majorité ; ou bien à ochlos, la foule. Ce même terme dans les langues moderne ne correspond pas aussi à un seul sens : en italien, popolo, en français, peuple, et en allemand, Volk, désignent tous « une entité unique » ; cependant en anglais demos fait recours à une notion de pluralité. Si le premier sens nous conduit à penser que peuple fait référence à un « tout organique qui peut s'exprimer par une volonté générale indivisible », dans le second il s'agirait plutôt de parler d'une pluralité de pouvoir donc de « polycratie ». De là notre auteur distingue cinq conceptions du peuple à savoir : le peuple comme le grand nombre, comme une pluralité intégrale ou tous, comme un tout organique, comme une pluralité s'exprimant selon le principe de la majorité absolue et enfin comme une pluralité s'exprimant selon le principe de la majorité relative. Et de toutes ces définitions, il soutient la dernière qui semble être le vrai sens car permettant la coexistence du pouvoir majoritaire avec les minorités. Mais cela étant, une autre question ne pose t-elle pas si l'on veut placer le mot peuple dans le temps ? Dans l'antiquité, le demos correspondait à une communauté d'une polis (Cité-Etat) caractérisée par l'homogénéité de ses composants et sa taille minuscule. Cependant de nos jours, on parle plutôt de megapolis20(*) marqué par l'hétérogénéité de ses membres et de son étendue importante. Cette situation qui aliène l'individu, le déracine et appelle à son intégration sociale, sa socialisation, conduit à l'apparition de la « société de masse » qui est la caractéristique des sociétés actuelles. Ainsi en dépassant le sens premier du demos, on vient au terme « masse» qui fait trait, selon Pierre Duclos, à un double sentiment de dépersonnalisation dans l'uniformité et d'exaltation de puissance communautaire qui guettent l'Homme du XXe siècle21(*).

En outre, la détention du pouvoir par le peuple est une autre question dans la définition étymologique de la démocratie. Elle amène à l'interrogation : « pouvoir du peuple ou pouvoir sur le peuple ?» En effet, le sens étymologique de la démocratie suppose un Kratos du demos ou le pouvoir du peuple. Mais si ce pouvoir peut être nominativement celui du peuple, comment doit -il le rendre effectif ? Cette question est la plus difficile à répondre en matière de définition étymologique. Car le demos de l'antiquité grecque n'était qu'une poignée de la population qui ne trouvait aucune difficulté de se regrouper et de discuter de ses problèmes. Dans les Etats modernes, plus vastes, la solution trouvée est celle de la représentation. Cette conception de la pratique de la démocratie, bien que critiquée par Jean Jacques Rousseau22(*), s'est avérée être la meilleure solution. Toutefois, il faut dire que l'élément en jeu ici est la souveraineté du peuple. Cette dernière peut être confisquée par les représentants qui tirent bien sûr leur légitimité du peuple. Ainsi, il se trouve que l'expression « le pouvoir du peuple » reste dans le cadre nominatif et ce sera celle « du pouvoir sur le peuple » qui régnera dans la pratique. C'est pourquoi, une définition étymologique de la démocratie peut beaucoup peiner à en être sur le terrain. D'où la diversité de conceptions de la même notion. Mais avant de toucher cet aspect de la présente réflexion, il conviendra de porter un regard sur l'histoire de la notion.

2. De l'origine de la démocratie : une démocratie à Athènes

Parler de l'origine de la démocratie est un projet provocateur car on est, dès le départ conscient, de notre incapacité à déterminer le foyer exact d'apparition de cette pratique politique comprise dans son sens étymologique. Cela par le fait que la pratique de la concertation comme mode de gestion d'une société semble avoir été connue par presque tous les peuples à différents moments de l'Histoire plus ou moins identifiés. Chez les mandéen d'Afrique de l'Ouest23(*) par exemple, ce fut un principe de base établi dans l'historique charte de Kourou kan fouga de l'empire du Mali. Aussi, plus loin, les grecs eux même reconnaissaient-ils l'existence de ce qu'ils appelaient démocratie chez les peuples indiens depuis le VIe siècle av. J.-C. Parmi les entités ainsi qualifiées figuraient Vaishali considérée comme la première république. De même que les Etats de Sabarcae et Sambasrai24(*) (actuels Pakistan et Afghanistan ).

Cependant, en tant que terme qualifiant une situation politique, une forme de gouverner les hommes, la démocratie est née en Grèce antique et connue sous la plume d'Hérodote où elle désignait, dans un sens plus large le gouvernement de la Cité par la participation de toutes ses composantes politiques et particulièrement ceux qui ont acquis la qualité de citoyen. Il s'agit principalement là de la « DEMOCRATIE ATHENIENNE  qui est l'une des formes les plus achevées de la démocratie directes et qui semble être plus connue des démocraties antiques.

En effet, la démocratie grecque était apparue comme le résultat d'un ensemble d'expérience politique marquée par des violences et des injustices sociales parfois très cruelles : par exemple l'esclavage, l'exclusion, la tyrannie etc... C'est dans cette logique qu'Ostwald Martin écrit « l'élément démocratique dans le gouvernement athénien aux Ve et IVe siècles avant notre ère n'était pas basé sur l'application consciente ou inconsciente d'une idéologie préconçue, mais sur des réponses à des conditions historiques données»25(*). C'est donc à la recherche d'une certaine liberté et égalité que nait cette forme d'organisation sociale.

Cette démocratie eut ses institutions politiques propres dont les plus connues furent :

ü l'Ecclésia : c'était l'assemblée du peuple athénien ou l'organe le plus important, qui regroupait les quarante milles personnes (40.000bénéficiaires du statut de citoyen). Cependant six milles (6000) citoyens formaient le quorum. Il était la véritable expression de la démocratie directe d'Athènes. Cette importante institution était chargée du vote des lois, le budget, la paix ou la guerre, l'ostracisme26(*), elle tire au sort les bouleutes, les héliastes et les archontes et élit les dix stratèges. Il est l'historique assemblée de l'Agora, avant son transfert au Pnyx. En ce lieu tous les citoyens sont égaux et votent selon la pratique de la main levée ou celui du bulletin secret.

ü La Boulê : ou la représentation des tribus athéniennes, était composée entre 400 à 500 membres selon les reformes. Mis en place par Solon pour la première fois, cette institution aura pour principales fonctions de préparer les propositions de lois des citoyens et l'ordre du jour de l'Ecclésia, de veiller au respect des normes fondamentales par les lois et les décrets de l'Ecclésia. Aussi, elle jouait un rôle judiciaire car elle pouvait être saisie par un citoyen qui constatait qu'une loi n'est pas conforme aux normes supérieures, ou pour une action en justice contre un magistrat. Elle contrôlait aussi la gestion de ces derniers.

ü Les magistrats : ce corps est une institution chargée de hautes fonctions à savoir : le pouvoir exécutif (assuré par les dix stratèges qui sont aussi des commandants d'armée, élus), les hauts pouvoirs judiciaires et religieux (dévolus aux archontes tirés au sort parmi les plus aisés). C'est un organe qui fonctionne de façon collégiale. Ces magistrats font objet d'un contrôle à la fin de leur mandat selon la technique de la reddition des comptes (euthynai).

ü L'Aréopage : il s'agit de l'organe le moins démocratique et le plus aristocratique de toutes celles citées jusque là, c'est un conseil de sage qui est composé d'anciens archontes (qui sont des nobles puissants et riches). Sous Solon il fut investi du pouvoir de recevoir les plaintes des citoyens contre les magistrats. De même, il jouait le rôle de la protection interne et externe de la cité. Par son statut de conseil des sages, l'institution ne rendait compte à aucune autre institution. Enfin, sans être dépositaire de pouvoir politique, cet appareil se charge, en plus de sa prééminence dans la gestion des affaires sacrées, de juger les crimes de sang.

ü L'Héliée : est l'une des principales institutions judiciaires de cette démocratie. Il s'agissait d'un tribunal populaire composé de citoyens au nombre de six milles (6000), âgés au moins de trente ans et tirés au sort pour un mandat d'un an. Ces protecteurs des normes de la cité sont appelés les héliastes. Ils peuvent être saisis par les citoyens pour se prononcer sur la conformité des lois aux normes fondamentales de la Cité, de même qu'ils pouvaient légiférer cette loi s'ils la trouvaient conforme. Partageant ainsi le pouvoir législatif avec l'Ecclésia et la Boulê. Au fil des temps ces fonctions judiciaires s'étendirent touchant les domaines de meurtre, de légitime défense, d'ostracisme, etc...

Au-delà de ce cadre institutionnel, d'autres reformes furent entreprises telle celles réalisée par l'Ephialte qui fit passer le pouvoir de contrôle des magistrats de l'Aréopage à l'Ecclésia pour ainsi rendre ces dernier responsable devant le peuple .

C'est en considérant ce contrôle du peuple sur ses dirigeants et le désir des grecs de mettre en place un système dans l'intérêt du plus grand nombre que certains ne se sont pas empêcher de considérer le régime politique athénien de démocratie. A ce titre, Thucydide affirmait : « du fait que l'État chez nous est administré dans l'intérêt de la masse et non d'une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie. » Notre contemporain Ostwald Martin de l'université de Pennsylvanie va enrichir  cette affirmation en avançant que : « la démocratie athénienne n'était pas une illusion: elle existait vraiment »27(*).

Toutefois, si l'on ne s'oppose pas totalement cette interprétation de la vie démocratique en Grèce antique, il conviendra de bien relativiser cette considération généralement européocentrique et occidentale qui cache les écarts énormes entre ce qui était une démocratie grecque très inégalitaire28(*), aux normes pénales très sévères29(*) et les démocraties libérales actuelles. Mais pour comprendre ce jugement que nous effectuons à la lumière des idées humanistes et politiques actuelles, il conviendra d'exposer les différentes conceptions de la démocratie car même celle grecque n'était pas dépourvue d'une certaine perception des choses.

B. LES CONCEPTIONS DE LA DEMOCRATIE

Comme nous aimons le dire souvent « les concepts sont comme des choses que les Hommes modèlent et adaptent à leur besoins». Si cela peut être une loi, disons que la démocratie nie échappe pas. C'est pourquoi dans cette présente réflexion il sera question d'exposé les différentes conceptions d'un concept qui a beaucoup évolué dans le temps, de l'antiquité à nos jours. Mais bien avant, il faut souligner, sous la houlette des analyses de SARTORRI, qu'il n'y a principalement que deux formes de démocratie : celle directe où « le peuple participe de manière continue à l'exerce direct du pouvoir, alors que celle indirecte ramène à un système de limitation et de contrôle du pouvoir »30(*). La première catégorie appartient en général aux démocraties antiques comme celle de la Grèce antique et le second aux systèmes démocratiques modernes (même si certain avance l'idée de la démocratie semi-directe cette dernière n'est qu'une atténuation de la représentation).

Cela dit, nous évoquerons en premier les conceptions antiques de la démocratie et principalement celle d'Athènes (1), avant de passer aux théories modernes de la démocratie (2)

1. Les conceptions antiques de la démocratie : la conception Athénienne

Cette partie est à ne pas confondre avec celle qui vient d'être développée car ici, il ne s'agit plus d'écrire la structure d'un système mais de dégager les idées qui sous-tendaient chaque construction institutionnelle en Grèce : la théorie de la démocratie chez les grecs.

En effet, dans la Grèce antique, l'idée de démocratie ne correspondait à rien d'autre qu'à ce « système de gouvernement dans lequel les décisions sont prises collectivement »31(*). Cette théorie était fondée sur l'idée d'Isonomie ou l'idée d'égalité devant la loi. Mais c'est surtout une vision littérale de la démocratie où la communauté jouissait d'une prééminence sur l'individu. Dans cette logique l'autogouvernement (en tant que socle de la démocratie) se concevait comme le fait pour le citoyen de se consacrer au service public. Comme le précise Giovanni SARTORRI, chez les grecs, se gouverner soi-même c'est passer sa vie à gouverner. A cet égard, le citoyen devait tout à l'Etat ; il devait accorder une attention particulière à ses activités qu'il devait primer sur les siennes. C'est donc cette vie qui est la vraie vie du citoyen, la vie de la Cité. C'est dans ce sens que Platon écrivait : «  vivre comme il convient que vive l'Homme». De là découlait la signification qu'ils donnaient à la liberté : pour eux l'individu en dehors de la Cité n'avait aucune autre vie digne, sa véritable liberté résidait dans sa soumission inconditionnelle à cette communauté. C'est pour cette raison que nombre de philosophes des temps modernes ne l'ont pas reconnue comme une démocratie. Nous voulons ici parler de Benjamin Constant, d'Alexis de Tocqueville, de Laboulaye dont la pensée se résume dans cette affirmation de Fustel de Coulange : «  c'est donc une erreur singulière parmi toutes les erreurs humaines que d'avoir cru que dans les citées anciennes l'Homme jouissait d'une liberté. Il n'en avait même pas l'idée.... ».

A l'image de ces auteurs certains philosophes n'ont-ils pas condamnés vigoureusement cette démocratie athénienne. C'est bien sûr le cas de Platon qui comparait la masse populaire à un animal esclave de ses passions...., et dont les prétendues discussions ne sont que des disputes opposants des opinions subjectives32(*).

Cette démocratie était donc loin de nos démocraties actuelles en termes de considération de valeurs humaines et de liberté individuelles telles conçues actuellement. Mais cette différence ne saurait être comprise si l'on n'expose pas les idées mères qui fondent ces systèmes.

2. La conception marxiste-léniniste de la démocratie

Construite contre la philosophie du droit de Hegel, la théorie de la démocratie chez Karl Marx fut fondée sur le concept de la « dictature du prolétariat » développée dans le manifeste du parti communiste (1948). Cette dictature qui ne signifie pas une dictature au profit du prolétariat mais plutôt une vraie révolution du prolétariat, l'exercice direct de la force de la part du prolétariat en armes, «le prolétariat organisé en classe dominante »33(*) qui emploierait sa propre force à dissoudre l'Etat et vaincre ses ennemis. C'est dans cette logique qu'il définira la démocratie comme « une association où le développement de chacun est la condition du libre développement de tous »34(*).

En effet, tout comme Hegel, Marx distingue l'Etat de la Société civile, mais contrairement à lui, il considère le premier (qui est politique et droit) comme dépendant de la deuxième car étant le facteur le plus important regroupant les relations économiques. Ce sont ces relations qui déterminent les structures politiques et juridiques. Sur cette idée, Marx projette un régime dans lequel le pouvoir devra appartenir à ceux qui produisent réellement ces relations : la classe ouvrière en tant que base de la société civile. Un gouvernement de cette classe permettrait l'émancipation économique du travail et l'effacement de toute autre structure exploitatrice qu'il considère être l'Etat (surtout l'Etat bourgeois qui n'est autre qu'un appareil d'exploitation de la masse par une minorité de capitalistes). Cette analyse de Marx résultait de son observation de la commune de Paris (Guerre civile en France de 1871) et dénotait de sa vision littérale de la démocratie comme « gouvernement du peuple par le peuple », le refus de tout système de représentation, l'égalité de tous les membres de la société par la suppression des classes. Ce fut la théorie de la « démocratie communiste » qu'il considèrera comme « le régime politique de l'homme dans sa vérité »35(*) car cette «démocratie part de l'homme et fait de l'État l'homme objectivé».

Par ailleurs, il faut dire qu'on ne peut pas parler de la démocratie communiste sans faire trait à Lénine qui occupe une place de choix dans l'élaboration de cette théorie. En effet, sans totalement suivre Marx comme il le prétendait, Lénine aura fait des ajouts à la philosophie marxiste. A cet égard, il partait de l'idée que la démocratie était liée à l'Etat : une variante de ce dernier. Car sa réalisation qui devait passer par trois stades (capitaliste, socialiste et communiste) devait connaitre une période transitoire où devait régner dictature du prolétariat exprimé dans le cadre du parti unique visant à réaliser la révolution par l'élimination des ennemis. Dans cette réflexion, Lénine fit une critique vigoureuse de la démocratie capitaliste qu'il considère inégaliste et exploitatrice de la majorité. Car pour lui tout Etat est un instrument de contrainte donc mauvais en soi et cela lorsque le pouvoir est détenu par une minorité. Donc une démocratie qui en découle ne peut être que mauvaise car elle manipulatrice au profit de cette minorité. Alors que la « dictature du prolétariat, disait-il, c'est-à dire l'organisation de l'avant-garde des opprimés en classe dominante pour mater les oppresseurs, ne peut se borner à un simple élargissement de la démocratie. En même temps qu'un élargissement considérable de la démocratie, devenue pour la première fois démocratie pour les pauvres, démocratie pour le peuple et non pour les riches.....

Ainsi cette démocratie des pauvres n'est dictature que pour les capitalistes oppresseurs. Elle trouvera sa réalisation complète et totale dans le régime communiste en tant que finalité de cette transition.

Delà nous voyons non pas une rupture systématique entre Marx et Lénine mais une continuité qui élargie une même conception de la démocratie plus proche de la démocratie directe mais qui n'exclus pas le facteur représentative comme un passage nécessaire à dépasser. Mais qu'en est-il de la conception libérale tant critiquée ?

3. La conception libérale de la démocratie : la démocratie libérale

A ce tout début, il faut dire que cette conception mérite à plus d'un titre d'être traitée dans ce travail car la philosophie démocratique véhiculée de nos jours vient essentiellement de là.

Pour ce fait, il faut souligner que parler de démocratie libérale demande qu'on définisse les deux vocales : démocratie et libéralisme. Mais puisque le premier est déjà connu, nous avancerons que le libéralisme est conçu dans un langage plus simple, selon SARTORRI, comme « la théorie et la pratique de la liberté individuelle, de la protection des lois et de l'Etat de droits». Cette idéologie, il faut le souligner, vise à restreindre le pouvoir de l'Etat (conçu comme opposé à l'individu) afin d'assurer plus de protection de la personne humaine face à la contrainte Etatique. Le terme d'ailleurs serait apparu entre 1801 et 1811 après deux siècles d'existence de la pratique. Ainsi, démocratie libérale nous amène à la relation entre les deux concepts constituants. En ce lieu Alexis de Tocqueville pense que le véritable critère de distinction entre ces deux (libéralisme et démocratie) est le fait que le premier renvoie à une idée de liberté et le second à celle d'égalité. C'est pour créer une symbiose entre ces deux principes que nait la démocratie libérale. Mais il faut dire que cette coexistence n'est pas toujours facile à en croire à l'interprétation que chacun des concepts se donne l'un de l'autre. A cet égard, il faut révéler que l'égalité telle vue par la démocratie étymologique n'est pas acceptée par le libéralisme qui, selon SARTORRI, favorise grâce à la liberté, l'aristocratie. Cette idée est soutenue par CROCE ET GLADSTONE. Par contre l'égalité en démocratie étymologique, est celle de tous les citoyens (la majorité) dans la gestion de la chose publique tout en privilégiant le collectif sur l'individuel. Elle signifie le refus des aristocraties et le pouvoir du plus grand nombre (les démunis selon Platon). C'est le souci d'éradiquer toute différenciation qui anime la démocratie. Donc, du côté des principes et des valeurs nous décelons ce qui peut être un paradoxe dans la relation entre libéralisme et démocratie : une problématique fondamentale en démocratie libérale.

Cependant, il ne faut pas s'aveugler pour dire qu'il n'y a qu'incompatibilité entre ces deux concepts. En effet en quittant ce monde des principes pour toucher celui de la pratique, il s'annonce que le libéralisme vise une limitation du pouvoir de l'Etat et quant à la démocratie, elle s'occupe beaucoup plus du bien-être et de la participation des masses à l'exercice du pouvoir. Ce qui conduit à un partage des tâches entre Etat et peuple. Delà l'individu requiert deux privilèges : l'un visant la protection de ses libertés et l'autre à la prise en compte de son état social. Ainsi l'existence et la pérennité de la démocratie libérale se jouera entre la prise en charge sans condition de ces deux facteurs. Ce sont ces deux dimensions qui résument presque tout le contenu des droits de l'Homme tels attachés de nos jours à la démocratie libérale.

Par ailleurs, il faut souligner que cette démocratie libérale ne soutient pas un exercice direct du pouvoir par le peuple mais par ces représentants36(*), contrairement à la démocratie étymologique. Ce qui permet, en revenant à notre point de départ, de relativiser ou même réfuter cette universalité des idées démocratiques actuelles. Il s'agit donc d'une démocratie ou une conception de la démocratie qui ne peut réunir toutes les philosophies que renferme cette matière.

C'est pourquoi donc, cette réflexion ne peut être achevée sans une mise au point de la vision de la démocratie libérale qui guide les transitions politiques surtout celle de la troisième vague. Pour ce faire, il faut noter que l'ouvrage du célèbre politologue américain Samuel HUNTINGTON nous offre de grands détails. En effet, cet auteur part de l'idée qu'au XXème siècle la démocratie en tant que forme de gouvernement était définie soit en terme de gouvernement, soit de source d'autorité du gouvernement, soit de buts poursuivis par le gouvernement ou enfin en terme de procédure de constitution du gouvernement. En écartant toute définition par la source d'autorité et les buts, les auteurs de la transitologie s'attèleront à la définition par la procédure. Ce qui permit de concevoir une nouvelle « théorie de la démocratie », selon les mots de Joseph SHUMPETER37(*). D'après cet auteur,  «la méthode démocratique est le système institutionnel aboutissant à des décisions politiques dans lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer (...) à l'issue d'une lutte concurrentiel portant sur les votes du peuple»38(*). A la lumière de cette définition, sera considéré comme régime politique démocratique, tout régime à l'intérieur duquel « les plus hauts dirigeants sont choisis dans le cadre d'élection honnêtes, ouvertes à tous et revenant à date fixe, au cours desquelles les candidats s'affrontent librement pour obtenir le suffrage populaire, et où la quasi-totalité de la population adulte détient le droit de vote »39(*). Ainsi les principes de contestation de participation doivent être respectés, de même les droits politiques et civils observés.

Cependant bien que cette définition procédurale est l'avantage de facilité les analyse par son caractère empirique, elle écarte d'autres visions beaucoup plus normatives telle une définition de la démocratie par les notions de liberté, d'égalité et de fraternité.

Nonobstant, c'est cette définition qui fut retenue par la presque unanimité des auteurs depuis les années 70 car considérée comme pouvant donner des instruments d'analyse concrets et conceptuels.

Delà il devient facile et utile de chercher à savoir ce qu'on entend par transition démocratique dans le cadre de ces études consacrées à la troisième vague.

II. DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE :

Pour commencer cette partie, il faut d'abord définir la transition démocratique (à la lumière des explications données sur les deux termes) comme «l'intervalle entre un régime politique et un autre (O'Donnell et Schmitter, 1986, p.640(*)), ou plus simplement le passage d'un régime « autoritaire » à un régime « démocratique ». Aussi elle peut être appréhendée « comme une situation historique ouverte, une «conjoncture critique» au cours de laquelle la nature et la direction du changement dépend en premier lieu des stratégies politiques adoptées par les divers groupes d'acteurs impliqués dans ce processus ». Elle est dans ce sens caractérisée par l'incertitude avant une consolidation réelle des règles du jeu politique. Il est un concept à la fois fonctionnel et opératoire qui dépeint le déploiement d'un ensemble d'institutions politiques et normatives pour constituer un nouvel ordre Etatique marqué par le libéralisme.

Cela étant, il nous faut souligner que cette définition n'était autre que le renversement du concept de transition communiste. Une démonstration de cette vérité par la mise en exergue des traits communs des deux concepts dans un premier temps (A) nous permettra d'aller chercher les composantes sémantiques de ce concept de transition démocratique qui est l'âme de ce travail (B).

A. LES TRAITS FONDAMENTAUX QUI LIENT LES DEUX CONCEPTS : TRANSITION DEMOCRATIQUE ET TRANSITION COMMUNISTE

Il est évident, à en croire, aux travaux de Guilhot NICOLAS que le concept de transition démocratique n'est qu'une reprise de celui communiste au profit du libéralisme démocratique. A cet titre l'auteur écrivait dans la revue multiples41(*) : « nous voyons là moins une ironie mordante qu'une réutilisation délibérée d'un matériau politique déjà élaboré». Cette affirmation peut se justifier à travers plusieurs idées qu'il est important d'avancer ici : la considération de la transition comme un stade historique de passage né d'une nécessité historique (1), le caractère téléologique des concepts (2), la généralisation d'un mode de production (3).

1. La transition comme un stade historique de passage ressorti d'une nécessité historique

Cette idée était fondamentale dans les explications marxistes du concept de transition. Car pour ce dernier la société bourgeoise inégalitaire devait céder la place à une autre plus égalitaire qui est la société communiste. Cette transformation profonde à la fois économique et politique devrait passer par le socialisme considéré comme une phase transitoire où la culture communiste devrait faire ces premiers pas : le stade préparatoire du dépérissement de l'Etat. Versus, dans la théorie de la transition démocratique, la phase transitionnelle est aussi très considérée. Elle marque la fin de tout régime non démocratique défini sous l'étiquette de régime autoritaire. Un régime Elle pose les jalons d'une nouvelle vie politique tourné vers le libéralisme et conçue comme longtemps attendue par le peuple. Cette la facette messianique de ce phénomène.

2. Le caractère téléologique des concepts

En définissant la téléologie comme la doctrine philosophique selon laquelle toute chose, toute forme a une finalité, nous pourrons affirmer que le caractère téléologique de ces deux concepts renvoie au fait que tout comme le premier, le second assigne au processus une finalité qui est un nouveau système déjà préparé. Il faut donc juste respecter les normes générales qui sont définies comme lois telle que l'engagement et la volonté des dirigeants du processus. En ce lieu il faut dire le marxisme décrivait le communisme comme une sorte de fin de l'Histoire, et de leur côté les transitologues mettent en avant la démocratie occidentale et les régimes occidentaux comme le but ultime des transitions de la troisième vague.

3. La généralisation d'un mode de production

Tous ces traits communs ne sont pas vraiment séparés, ils sont intimement liés. A cet égard, comme nous l'avions dans sa définition, la transition politique n'est pas seulement un phénomène politique mais c'est aussi le changement d'un système économique qui semble être étroitement lié au régime politique proposé. Il s'agit de l'économie libérale ou économie de marché. A l'image de ce système, la théorie marxiste de transition prônait le système de production communiste comme socle du futur régime.

A la lumière de cette explication sommaire nous pouvons donner raison à Guilhot NICOLAS qui a soutenu que le concept de transition démocratique n'est qu'une reprise inversée des travaux de Karl MARX. Ainsi il peut être déduit que ce concept n'a pas un sens unique, mais la somme d'un ensemble d'élément sémantique qu'il convient connaître.

B. LES COMPOSANTES SEMANTIQUES DU CONCEPT DE TRANSITION DEMOCRATIQUE

Comprendre le concept de transition démocratique tel qu'il sera utilisé tout au long de ce travail nécessite que soit traitée la relation entre démocratie et d'autres concepts qui semblent exprimés tout son contenu et ses valeurs. Il s'agit dans un premier temps de la relation entre démocratie et le développement (1) et entre démocratie et droits de l'Homme (2).

1. La démocratie et le développement :

Dans un article publié dans la célèbre revue Persée, MARCHESIN Philippe abordait avec minutie cette relation entre développement et démocratie qui n'a cessé de faire couler assez de salives et d'encres ces dernières années. D'entrée l'auteur souligne d'abord le caractère mythique et polysémique des deux termes qu'il qualifie de «mots-valises». A ce propos Giovanni SARTORRI ne définissait t-il pas la démocratie comme « un nom pompeux de quelque chose qui n'existe pas»42(*) et de son côté  Gilbert Rist, « comparera le développement à « une étoile morte dont on perçoit encore la lumière, même si elle s'est éteinte depuis longtemps et pour toujours »43(*). Mais ce n'est pas cet aspect de l'étude qui intéresse ici, c'est plutôt la question du rapport développement- démocratie, elle nous envoie à celle de la conditionnalité du développement par la démocratie et vice versa. Et à l'image de ces deux aspects de la même question, il ya aussi deux groupes d'auteurs qui donnent deux s'explications dont l'une tend toujours à relativiser l'autre. Ainsi nous partirons de la théorie contestatrice (a) de la théorie dominante et de la théorie de la modernisation avant de retrouver ces deux dernières plus proches dans un second temps(b).

a. La démocratie comme condition du développement : la contestation de la théorie dominante

En ce lieu, il faut dire que cette théorie contestataire de la théorie dominante (ou la théorie des défenseurs de la supériorité des régimes autoritaires dans la promotion du développement) est celle qui soutient que les régimes démocratiques disposent d'une suprématie sur les régimes autoritaires en matière de promotion du développement car les avantages qu'ils procurent sont énormes. C'est dans ce sens que DANI Rodrik écrivait en conclusion d'un travail effectué sur la relation démocratie et croissance économique : «Les institutions démocratiques, tendent à être plus amicales à l'égard du travail (friendly to labor) : elles donnent lieu à des salaires plus élevés et un meilleur partage de la production. En d'autres termes, elles accroissent la capacité de négociation des travailleurs par rapport aux employeurs. Et elles permettent cela sans réduire pour autant la croissance économique dans le long terme (comme cela a été mis en exergue précédemment». Ainsi donc cette supériorité de la démocratie réside : dans sa capacité à maintenir la stabilité sociopolitique nécessaire à la poursuite des activités économique. Sa capacité aussi à résister au choc économique.

Aussi, il faut surtout noter que la démocratie est considérée comme la base de la bonne gouvernance. Cette conception du développement est d'ailleurs très défendue par la banque mondiale. Ainsi dans un travail intitulé the Gouvernance matters44(*), Daniel Kaufman, Aart Kraay et Pablo Zoidon-Lobaton dégageaient les principaux avantages de ce système de gouvernement à savoir : l'établissement et la promotion de la liberté d'expression et aussi l'obligation des gouvernants de rendre des comptes de leur gestion. Aussi ils ajouteront qu'un tel système est aussi marqué par un accroissement du revenu par tête deux fois et demi plus important, une amélioration significative de l'alphabétisation des adultes et une baisse notable de la mortalité infantile45(*). En somme un développement social et culturel au delà de celui économique.

Ainsi en termes de chiffres, l'étude publiée en 2005 par trois (3) autres chercheurs, Morton Halperin, Joseph Siegle et Michael Weinstein45(*), est un véritable témoignage. Dans leur compte rendu, ils affirment que 95% des plus mauvaises performances économiques de ces quarante dernières années ont été réalisées par des pays non démocratiques. Quelques uns de ces pays ont fait l'exception, c'est le cas de la Chine, la Corée du Sud, le Taiwan et le Viêtnam. Mais ces derniers pays n'ont pas connu de crise jusqu'à ces moments, quant à leurs homologues du Maghreb, à savoir la Tunisie et l'Egypte, qui rentrent bien sûr dans ce lot, ils ont plutôt assisté à de véritables révolutions depuis ces depuis de 2011.

Par ailleurs il faut préciser que cette subordination du développement à l'existence de la démocratie est très vivement contestée par certains auteurs et certains hommes politiques surtout tiers mondistes. Comme les défenseurs de la première, ces derniers ont bien sûr leurs arguments non moins pertinents.

b. De la théorie majoritaire à la théorie de la modernisation politique

Ces deux théories qui seront abordées ici ont en commun de s'opposer à la vision ci-dessus. Cela en soutenant pour la première l'absence de relation entre developpement et démocratie et pour le second en conditionnant plutôt l'émergence de la démocratie par l'existence d'un certain niveau de développement.

En effet, selon la première théorie, celle dite majoritaire, les régimes autoritaires ou non démocratique sont supérieurs à ceux démocratiques dans la réalisation du développement économique. Cette infériorité des régimes démocratiques serait due au fait qu'elles sont trop dépensiers car visant une certaine égalisation des conditions de vie. A ce titre Walter Galenson affirme « plus démocratique est un gouvernement, plus grande est la diversion de ressources de l'investissement vers la consommation ». A ce premier argument ne faut-il pas ajouter aussi qu'une démocratie accorde assez de libertés, ce qui ne facilite pas toujours la prise de certaine décision et le choix de certaines politiques qui demanderont forcement des consultations populaires coûteuses en temps et en moyens financiers. C'est qui ferra d'ailleurs dire à Karl de Schweinitz que si les pays les moins développés « doivent croître économiquement, ils doivent limiter la participation dans les affaires politiques ».

A l'image de ces deux auteurs, le grand politologue américain Huntington s'affichera comme l'un des grands défenseurs de cette théorie. Cela sera très visible dans ces écrits des années 60 et 70 et principalement dans son célèbre ouvrage Political Order in Changing Societies où il dégage les avantages du régime autoritaire en matière de développement économique. Ainsi comme arguments, il avance que dans les régimes autoritaires le système de parti unique joue un grand rôle en permettant l'unification de toutes les couches de la société. Aussi, ce régime est marqué par une politique de planification qui lui permet de déterminer des objectifs à long terme et dont la réalisation est dénuée de toute perte de temps (en négociation avec des groupes d'intérêts). Ce sont, selon lui, des régimes centralisateurs donc innovateurs ; ils sont aussi expansionnistes, ce qui peut faciliter l'assimilation des groupes.

Dans le même ordre d'idée, Robert Kaplan accentuera ses réflexions sur une critique même de la démocratie libérale dans les pays en voie de développement. Quant à Amy Chua, elle évoluera dans le même sens en parlant de démocratie de marché comme l'une des causes principales des instabilités politiques dans les pays en développement ; et pour ce fait on ne saurait considérer de tel système comme solution au sous développement.

En s'inscrivant presque dans le même champ de réflexion que la théorie majoritaire, une autre théorie appelée la théorie de la modernisation sera développée. Elle est principalement représentée par Seymour Lipset. Si elle ne prône pas une incompatibilité entre développement et démocratie, elle considère, contrairement à la théorie contestataire, que la condition d'un passage à la démocratie est le développement. Au moins un développement de base pouvant permettre la naissance d'une classe moyenne comme le soutenait très tôt le philosophe grec Aristote.

Toutefois, cette dernière théorie est qualifiée par certains auteurs (comme Timothée NGAKOUTOU) comme européocentrique car excluant toute possibilité d'émergence de la démocratie dans les régions sous-développées du monde comme l'Afrique. Il s'agit d'une réfutation des idées de Maurice Duverger qui affirmait que : « la démocratie pluraliste correspond à un degré élevé d'industrialisation et les zones d'industrialisation sont les grandes zones de démocratie ».

Par ailleurs il faut dire que la démocratie a aussi des liens avec les droits de l'Homme, liens qu'ils convient de développés.

2. La démocratie et les droits de l'homme

C'est en se référent à l'ouvrage de Timothée NGAKOUTOU que nous seront amenés à élucider ce rapport entre démocratie et droits de l'Homme.

En effet, la démocratie telle conçue aujourd'hui sous le libéralisme a pour socle les droits de l'Homme. Cela par le fait qu'un régime ne peut se réclamer démocratique s'il n'est pas capable d'assurer non seulement le respect des droits et libertés fondamentaux de ses citoyens mais aussi la promotion de ces normes. Il s'agit de droits et libertés politiques et civils dont le droit à la vie, à l'égalité, à la liberté de conscience et de religion, de pensée et d'expression ; ainsi que les droits sociaux, culturels et économiques comme le droit au travail, le droit à l'éducation, à la santé, la liberté d'entreprendre etc... L'observation de ces principes fondamentaux du régime démocratique se traduit dans les pratiques par la participation de tous les membres de la société à tous les niveaux de prise de décision et de leur contrôle. Aussi, faut il insister que l'organisation d'élections libres et transparentes avec le suffrage universel est d'une importance capitale. De même la consécration de l'égalité de tous les citoyens devant la loi par la mise en place d'un système judiciaire indépendant. C'est ainsi qu'il ne peut être surprenant aujourd'hui de voir le patron du Fond monétaire international (FMI), Dominique STRAUSS KHAN, devant les juridictions américaines comme le présumé violeur d'une femme de chambre. Ce fut le cas aussi de l'ancien chef d'Etat malien Moussa Touré qui fut jugé et condamné à la prison à perpétuité par les juges maliens avant d'être gracié sous l'approbation du peuple par le biais de son président de la république Alpha Omar Konaré.

Dans ce contexte, l'universalité des droits de l'Homme s'affirme à plus d'un titre. Ce qui fait d'eux des valeurs communes à tous les hommes et donc un patrimoine commun de toute l'humanité.

Cependant, s'il est vrai qu'on ne peut pas nier cette universalité, il convient de préciser que cela n'existe essentiellement qu'au niveau de la reconnaissance des concepts fondamentaux tels celui d'égalité, de justice.... Mais pour ce qui concerne le contenu de ces concepts, il faut dire que tous les peuples n'ont pas obligatoirement les mêmes interprétations car n'ayant pas les mêmes systèmes culturels. D'où la nécessité de revoir la vision actuelle de l'universalité des droits de l'Homme qui n'est qu'une façon pour l'occident d'asservir les autres parties du monde par sa prétention d'uniformiser ces principes. Ce relativisme culturel tant cher à Bertrand BADIE est aussi soutenu par l'anthropologue français Claude LEVI-STRAUSS (le père du structuralisme).

Ainsi, après cette mise au point conceptuelle, nous nous retrouvons situés dans la philosophie libérale qui semble guider l'essentiel des instruments théoriques qui furent développés pour analyser les transitions démocratiques. C'est donc ces instruments d'analyse que nous tenterons de mettre en exergue dans cette section 2, avec leur tas de problèmes épistémologiques.

SECTION 2 : LES INSTRUMENTS THEORIQUES D'ANALYSE DES MUTATIONS POLITIQUES ET LA PROBLEMATIQUE LIEE A LEUR IMPORTATION (EN AFRIQUE)

Comme nous venons de le souligner dans les propos de Rieffel, les travaux de sciences sociales ne peuvent se réaliser sans un cadrage théorique. C'est pour cette raison que dès leurs premiers jours, les politologues des transitions démocratiques ont élaboré un ensemble de schémas en vu de rendre intelligibles ces changements politiques de grandes ampleurs. Pour ce faire, ils partiront de la transitologie démocratique comme moyen d'analyse de la première phase de ce long processus de « métamorphose politique » pour aboutir à la consolidologie comme la seconde phase ou la phase la plus sérieuse (paragraphe1). Dans cette euphorie scientifique, les instruments d'analyse sont conçus et utilisés sur des terrains différents de l'Europe à l'Amérique latine en passant par l'Asie pour atteindre l'Afrique. Mais vu la diversité de ces mondes et les particularités des expériences, surtout dans le monde africain, au delà des traits communs non négligeables qui les lient, il était devenu nécessaire de s'interroger sur la portée épistémologique de ces instruments théoriques (paragraphe2). C'est donc ce que nous essayerons de faire dans les lignes qui vont suivre.

PARAGRAPHE1 : LES GRANDS INSTRUMENTS THEORIQUES D'ANALYSE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES

Lorsque le coup d'envoi était donné par les portugais en 1974, l'un des plus importants mouvements de changements politiques qui fut la troisième vague n'allait pas laisser indifférent, le monde des sciences sociales et particulièrement celui des sciences politiques. Commençant par l'Amérique pour toucher l'Europe, l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie, les écrits politologiques seront très nombreux pour expliquer ce phénomène. C'est dans ce contexte que de nombreux concepts feront objet d'une redéfinition théorique comme nous l'avions déjà signalé plus haut. Dans la même la perspective de nouvelles disciplines vont voir jours en études comparées : il s'agit de la transitologie et de la consolidologie qui tentent de rendre compte des deux phases importantes d'une transition démocratique. Ce sont deux disciplines opposées car la première s'attelant à l'action, une situation moins stable ; et la seconde mettant l'accent sur l'ordre. Dans cette réflexion nous analyserons successivement la transitologie (I) et la consolidologie (II).

I. LA TRANSITOLOGIE DEMOCRATIQUE

Dans cette partie il sera question essentiellement de définir cette discipline à travers son objet, donner sa méthode (A) avant de dégager ses différentes conceptions et les principaux modèles qu'elle a développés (B).

A. DEFINITION ET METHODE DE LA TRANSITOLOGIE

Née sur les ruines de la soviétologie qui avait pour objet d'étude le passage des régimes politiques capitalistes au communisme dont le régime soviétique était le model, la transitologie s'est affichée très tôt comme la sous discipline de la science politique qui cherche non seulement à rendre compte des transitions vers la démocratie libérale mais aussi à élaborer un ensemble de lois générales devant guider ces processus.

C'est dans cette logique qu'elle est définie comme la proto-science (selon les termes de HAGMANN Tobias)46(*) qui a pour objet « le changement des procédures politiques au cours d'une période couvrant l'effacement d'un régime autocratique et les efforts pour implanter une démocratie »47(*). Cet objet ne se limite pas seulement à mettre en exergue des attributs procéduraux mais s'accentue surtout sur leur émergence elle-même, c'est-à-dire cette procédure par laquelle ces nouvelles normes du jeu politique sont produites et acceptées de tous avant qu'elles ne s'érigent en nouvel ordre politique. Dans ce contexte, l'analyse transitologique met l'accent sur l'acteur ou les acteurs dont l'action stratégique est déterminante dans le processus.

En outre, il faut dire que la transitologie est aussi un paradigme48(*) dont les plus grands représentants sont Guillermo O'Donnell, Philippe C. Schmitter, Arendt Lijphart, Juan J. Linz ou Giovanni Sartori. Ces auteurs construisent cette théorie en partageant tous l'idée que les institutions et les normes qui font un régime déterminent les comportements des individus. C'est-à-dire, selon Claus OFFE, la relation entre les institutions et les normes n'est pas unilatérale mais réciproque et cyclique : les agents moraux engendrent les institutions et ces institutions en retour engendrent des agents moraux. Il faut toutefois préciser que cette circularité n'est pas séquentielle mais logique. C'est-à-dire la conséquence des premières actions (la production des institutions) c'est les secondes (la transformation des comportements par ces institutions). Cette idée est en réalité le fondement des théories transitologique et consolidologique. Car les actions de production des institutions par les agents (élites, armée etc.) résident dans la phase de transition et la consolidation n'interviendra qu'avec les influences de ces institutions vont exercer sur les attitudes de ces agents. Ainsi, il en découle que la transitologie est fondée sur l'idée d'une « fonction socialisante des normes49(*)» (Guilhot NICOLAS et Philippe SCHMITTER, p617).

Par ailleurs, la transitologie comme toute construction théorique qui se veut une discipline, emploie un arsenal méthodologique dont le principal est la méthode comparative. Cette idée est soutenue par HAGMANN et GAZIBO. Il s'agit, selon le premier, d'une approche comparative à fort penchant quantitatif par laquelle les transitologues cherchent à démontrer qu'en appliquant des concepts et hypothèses « universels », on peut rendre intelligible une transition démocratique dans un pays non démocratique. Dans ce sens le travail du transitologue sera d'effectuer une observation rigoureuse des expériences passées afin d'informer les acteurs des transitions futures : d'où le caractère excessivement prescriptif de cette théorie. C'est d'ailleurs dans cette logique que la transition espagnole sera utilisée comme modèle. De son côté, Mamadou GAZIBO, politologue nigérien, conçoit que cette méthode très répandue dans les sciences sociales depuis Aristote49(*) jusqu'à Durkheim est très variées selon les modes de son usage par les auteurs. Ainsi pour la transitologie, il parle plus de comparaison binaire telle utilisée dans une étude sur les transitions politiques au Niger et au Bénin. Nonobstant ces idées, il faut signaler que dans cet article qu'il a publié dans la revue internationale de politique comparée, c'est surtout sur les controverses épistémologiques que soulève cette méthode qu'il insiste. Nous reviendrons surt cette question après avoir dégager quelques conceptions et modèles mis en place dans le cadre de cette sous-discipline.

B. LES CONCEPTIONS ET LES MODELS TRANSITOLOGIQUES

Comme le titre l'indique déjà, nous serons amenés ici à mettre en exergue les différentes visions que les auteurs ont de la transitologie ou leur conception de cette matière, et en dernier lieu les principaux modèles qui y servent d'instruments de travail.

1. Les conceptions de la transitologie

Exposer les différentes conceptions de la transitologie ne peut être un travail facile vu le nombre d'auteurs qui y sont intervenus. C'est pourquoi dans ce travail il ne s'agira que de donner les points de vue de quelques auteurs. Cela ne sera autre que leur analyse du phénomène transitologique qui est la démocratisation par la transition. Nous irons, pour ce fait, de la thèse de PRZEWORSKI (a), passer par la réflexion d'O'DONNELL et de SCHMITTER (b), pour terminer par celle de MORLINO (c).

a. La thèse de PZERWORSKI

Cet auteur part de la conception selon laquelle la transition démocratique est une désintégration de régime autoritaire qui prend souvent la forme d'une libéralisation et d'installation d'institutions démocratique. Il soulève comme question fondamentale dans ce processus : le problème de la bonne voie de transition sans qu'il n'y ait violence politique ou économique. En outre, il soutient que la transition démocratique n'aboutit pas forcement à l'instauration de la démocratie d'où il distingue cinq résultats possibles qui se structurent autour du conflit marquant la transition: celui du retour du régime dictatorial précédent par absence de consensus entre les acteurs politiques ; celui de l'adoption par les forces politiques de la démocratie comme voie de sortie de crise ; les cas où malgré les chance de réussite des institutions démocratiques, mais les antidémocratique prennent le dessus ; aussi des cas où l'adoption des institutions démocratiques peut être possible, les acteurs les plus puissants mettent en place d'autres dont l'existence est de courte durée et enfin les cas où les institutions démocratiques mis en place ne peuvent durer qu'avec adaptation.

b. Les idées d'O'DONNELL et de SCHMITTER

La conception qu' O'Donnell et Schmitter développent sur la transition démocratique n'est pas trop différente de celle qui se trouve plus haut. Car, ces deux auteurs insistent dès le départ sut le caractère conflictuel d'une transition démocratique. Cela est dû au fait qu'ils considèrent que pendant cette période d'énormes intérêts individuels se trouvent en jeu et chaque acteur se bat d'abord pour préserver le sien avant de penser à une véritable démocratisation. Au delà de ce premier caractère, ils s'accentuent aussi sur celui de la nature incertain et aléatoire des transitions démocratiques dont la première réussite ne s'affirme qu'avec l'organisation de la première élection pluraliste. Toutefois, ils n'oublient pas de mettre en garde sur un éventuel échec de ce processus qui peut se solder, selon eux, par une dictature pire que celle qui avait précédée la tentative de transition. Dans le même cadre d'analyse s'inscrit Morlino. Mais qu'avance t-il réellement ?

c. La conception de MORLINO

Dans sa thèse, Léonardo MORLINO conçoit que l'objet d'une transition démocratique n'est pas le changement du système politique mais du régime car c'est ce dernier cas qui constitue un changement fondamental d'un régime autoritaire par un régime démocratique qui lui est manifestement différent. Aussi, l'auteur insiste sur le fait qu'un changement à petit pas, étalé sur le temps ne peut être véritablement conséquent ou fondamental mais plutôt, la transition doit être un ensemble de changements graduels et élargis pour constituer un seuil de transition véritable.

En outre, cet auteur ne manque pas de déterminer les modalités de ce changement. Toute transition obéit à l'une de ces voies ou plusieurs. Ainsi, une transition peut être continue ou discontinue (dans le premier cas la transition se réalise de façon graduelle sans que les acteurs ne s'y rendent vraiment compte avant l'émergence d'un régime démocratiquement distinct du premier, par contre dans le second la rupture avec les règles précédentes est brusque et rapide) ; d'origine interne ou externe ; lent ou accéléré ; et enfin violente ou pacifique.

A l'instar de ces différentes conceptions la nouvelle sous discipline de la science politique dispose aussi des modèles.

2. Les modèles d'analyse des transitions politiques

Ces instruments d'analyses découlent des travaux de Léonardo Morlino. Ce dernier essaye de nous présenter deux principaux modèles de transitions dans lesquels on peut intégrer la quasi-totalité des transitions démocratiques. Il s'agit du modèle consensuel de transition (a) et le modèle conflictuel (b).

a. Le modèle consensuel de transition

Comme son nom l'indique déjà, ce modèle se caractérise par l'importance de la négociation qui marque tout le long du processus entre les principaux acteurs politiques. Autrement dit, il s'agit d'une transition concertée qui a eu lieu au moyen d'un accord ou pacte politique entre le régime autoritaire et l'opposition. Ainsi conçu, l'auteur apporte les formes sous lesquelles se déploie de tel modèle. Ce sont essentiellement :

Ø la transformation : elle met en relief l'anticipation par des élites d'un processus démocratique dirigé qui leur permette de se maintenir au pouvoir de manière légitime ou tout au moins de conserver d'importants quotas au pouvoir.

Ø le transfert par la négociation entre les groupes modérés des deux partenaires (opposition et pouvoir sortant) et qui conduit conjointement et selon des rythmes préétablis, le processus de transition.

b. Le modèle conflictuel de transition

Ce modèle de changement politique résulte de l'effondrement du régime autoritaire. Il se caractérise par l'absence des pactes politiques pour réguler la transition et l'existence d'une forte opposition qui a la capacité d'imposer le changement politique aux forces et secteurs politiques du pouvoir et de les substituer. Toutefois, les leaders et acteurs politiques disposent d'une marge de manoeuvre pour conduire le processus beaucoup plus large dans ce modèle que dans le modèle consensuel. Cependant, ce modèle présente certains inconvénients. Les auteurs ont pu remarquer dans les transitions non concertées qu'il existe un haut degré d'incertitude accentué par la présence de fortes oppositions déloyales et des confrontations directes et intenses entre les divers groupes, organisations, partis, factions et intérêts organisés.

Ces cadres analytiques, sans nier le poids des facteurs structurels, sont centrés sur les stratégies des acteurs pour expliquer le type de dénouement que peut adopter une transition vers la démocratie. Si ces facteurs délimitent le jeu des acteurs ou définissent le cadre de leur activité, ils ne sont pas déterminants, car ce sont les facteurs structurants c'est-à-dire l'intervention des leaders et acteurs qui expliquent le résultat final d'un processus de changement politique. En outre, les modalités de la transition déterminent en grande partie les caractéristiques du nouveau régime, c'est-à-dire le type de régime démocratique établi reflète les conditions dans lesquelles s'est déroulé le processus de transition.

Ainsi, en remettant toute critique de cette théorie au paragraphe suivant, il conviendra donc de retenir dans cette partie que la transitologie en tant que nouveau cadre d'analyse apporte de nouveaux concepts et hypothèses à la science politique. A son image, s'érige la consolidologie qui mérite d'être abordée dans les lignes qui vont suivre.

II. LA CONSOLIDOLOGIE DEMOCRATIQUE

Elle est la seconde théorie et sous discipline qui a été mise en place dans le cadre des travaux visant à donner une explication scientifique du passage des régimes autoritaires à la démocratie. Les pères fondateurs de cette théorie sont quasiment les mêmes qui ont donné naissance celle qui précède plus haut. Contrairement à cette dernière qui fait objet d'un consensus plus ou moins affirmée, la consolidologie est une théorie très controversées. Cette controverse que nous toucherons plus loin (dans le paragraphe suivant) tient à une multiplicité de conceptions parfois subjectives de ce qu'on puisse appeler consolidation. Car si par la transition de nouveaux arrangements politiques apparaissent, faut-il encore que ces derniers deviennent la référence des comportements politiques pour qu'on puisse parler d'un succès de la démocratisation ou sa consolidation. Mais comment peut-on vraiment déterminer cette période ?

Pour répondre à cette question de nombreuses analyses ont été réalisées. Dans ce travail il sera juste question d'évoquer quelques unes.

A. LA CONSOLIDOLOGIE selon Guilhot NICOLAS et Philippe C. SCHMITTER

Dans un article publié dans la revue française de science politique50(*), ces deux grands ténors de la consolidologie développaient leur interprétation du concept. A cet effet il part de l'idée que le sens même de la consolidologie est le fait qu'elle soit opposée à la théorie de la modernisation. Ceci par le fait que cette dernière théorie soutient que la nouvelle démocratie instituée n'est autre la « manifestation visible et formelle d'une transformation préalable des habitudes des mentalités et des comportements sociaux, transformation qui n'attendait que sa traduction dans un arrangement politique approprié »51(*). Une telle conception exclut toute idée de stabilisation. Par contre le concept de consolidation selon les deux auteurs signifierait « la phase d'institutionnalisation des formes des nouvelles règles du jeu politique » après avoir été créées dans le cadre de la phase transitoire.

C'est dans ce contexte qu'il considère que l'objet de la consolidologie est donc l'étude du degré d'institutionnalisation de ces nouvelles règles qui définissent le régime et non le régime lui-même. Il s'agit dans ce sens de mesurer l'importance du consensus social autour des nouvelles institutions normatives et procédurales tant au niveau de l'élite qu'au niveau de la masse des citoyens. A côté de cette position, il faut aussi exposer celle de Léonardo Morlino dont les travaux dans ce domaine sont aussi des plus importants.

B. LA CONCEPTION DE LA CONSOLIDOLOGIE CHEZ LEONARDO MORLINO

Cet auteur définit d'abord la consolidation comme « le processus par lequel un régime démocratique est renforcé de telle sorte qu'il persiste dans le temps et soit à même de prévenir ou de résister à d'éventuelles crises 52(*)» ; ou encore « la consolidation pourra être considérée comme la construction de relations (plus ou moins) stables entre les institutions gouvernementales instaurées depuis peu, les structures intermédiaires en voie d'émergence et la société civile elle-même ». Dans ces définitions il ressort que le facteur de stabilité est un élément central dans la conception de la consolidation chez Morlino. Aussi insiste -il sur le rôle déterminant des partis politiques dans ce nouveau processus ou toute la société civile dans son ensemble. Plus loin il identifie deux dimensions de cette consolidation : la légitimation et l'encrage.

La première, avance t-il, signifie le développement d'attitudes positives des citoyens à l'égard des nouvelles institutions par la considération qu'elles constituent le régime approprié. Ou encore comme l'affirme LINZ «la légitimité démocratique repose sur la croyance que, pour un pays donné, à une époque donnée, aucun autre type de régime ne saurait mieux assurer la poursuite et la réalisation des fins collectives53(*)Lorsque de telles idées forment l'essentiel du jugement de la population sur les nouvelles règles du jeu démocratique, nous nous trouvons donc, selon Morlino, dans la consolidation du régime. Et c'est ce nouveau processus qu'étudie la consolidologie.

Quant au second, c'est-à-dire l'encrage, il signifie que les nouvelle institutions prennent corps et s'érigent en véritables instruments de représentation de la société civile ou de la population en général. Dans cette perspective l'auteur met l'accent sur la combinaison des actions de groupes de pression et des partis politiques. Cette action peut être soit sur la dépendance ou l'indépendance de ces deux catégories d'acteurs de la consolidation. Ils auront la lourde tache de contrôler et de coordonner, à défaut d'une forte présence Etatique, l'action des citoyens pour leur participation encadrée à la réussite du processus.

Par ailleurs, dans ce travail très riche, Morlino, développement des modèles d'analyse à la suite de son étude des expériences sud européennes. Ainsi, il distingue entre :

Ø une consolidation par l'Etat : où la légitimité a été acquise dès le départ et le poids des groupes d'opposition est faible. On y parle de légitimité incluse comme ce fut le cas au Portugal ;

Ø une consolidation par les élites : dans ce cadre bien que la consolidation soit incluse, il se trouve qu'il y ait une carence de partis bien organisés, alors les élites prennent la charge de promouvoir la légitimité des nouvelles institutions, par exemple le cas Espagnol ;

Ø une consolidation par partis : cette situation a lieu lorsque la consolidation intervient dans un contexte de faible légitimité du pouvoir transitionnel ou une situation de légitimité excluse ou limitée , c'est donc les partis politique qui deviennent les moyens de canalisation du peuple pour le faire accepter les nouvelles règles de la vie politique. Ce fut ainsi le cas en Italie.

L'étude de Morlino débouche sur la conclusion suivante : « la consolidation peut s'accompagner d'une faible légitimité. Lorsqu'il en est ainsi, cependant, un solide ancrage est nécessaire. Mais une consolidation réussie entraîne à son tour une légitimation de plus en plus inclusive. Il s'ensuit qu'un fort ancrage devient superflu et ses coûts de plus en plus évidents et insupportables. La route est ouverte à la crise. Se trouve ainsi élucidé le rapport apparemment illogique entre consolidation et crise ».54(*)

Par ailleurs, un exposé des conceptions de la consolidologie qui omet l'une de ces figures marquantes, en la personne d'O'Donnell, aurait manqué une des idées clef qui structurent la sous-discipline. C'est pourquoi il convient de terminer se cette présente réflexion par ce grand politologue.

C. LA THESE O'DONNELLIENNE DE LA CONSOLIDOLOGIE

En écrivant en 199655(*) «la démocratie n'est pas seulement un régime politique polyarchique mais également une relation particulière entre l'État et les citoyens, et entre les citoyens eux-mêmes, sous une sorte de gouverne de loi qui garantit la citoyenneté politique, mais aussi la citoyenneté civile et un réseau complet de responsabilité », Guillermo O'DONNELL présentait sa vision de la consolidologie essentiellement basée sur le concept d'Etat de droit ou l'Etat légal. Selon l'auteur, la légalité formelle consacrée par les nouvelles normes démocratiques n'est pas suffisante, elle doit se traduire dans les principales caractéristiques de l'Etat de droit qui est l'Etat légal démocratique. Ces caractéristiques sont : le respecter des libertés politiques et des garanties de la polyarchie ; le respect des droits civils de toute la population ; établir des réseaux de responsabilité qui assujettissent tous les agents au contrôle adéquat et légalement établi de la légalité de leurs gestes. Donc c'est selon le degré d'observation de ces principes que la consolidation devra être mesurée d'après l'auteur. D'où il affirme : « plus l'État légal prend de l'importance comme État de droit démocratique, plus il encourage l'indépendance et la force de la société, plus la démocratie est consolidée dans le sens de sa capacité à durer ».

Au-delà de ces conceptions essentiellement axées sur le facteur politique, il faut souligner, pour terminer, que la consolidation d'un régime peut aussi être déterminée à travers le degré d'ouverture économique consacrée après la phase transitoire. C'est du moins l'idée qu'avance Diane Ethier. Et pour ce fait, le système de développement économique visé est celui d'une économie de marché.

A la lumière de cet exposé non exhaustif sur les principales théories de la nouvelle analyse du phénomène de transformation d'une bonne partie du monde en démocratie libérale, il ressort que tous ces instruments « scientifiques » sont guidés comme nous l'avions déjà souligné par une seule idéologie : le libéralisme démocratique, et donc un seul modèle idéalisé : la démocratie et l'économie libérale. Ainsi toute partie du monde ou toute société qui serait en dehors de ce cercle se trouve dans l'autoritarisme généralement conçu comme opposé aux valeurs humaines. Mais puisque nous sommes en science et conscient que tous les peuples du monde sont régis par la loi de la différence, et encore particulièrement les voies suivies par les pays étant marquées de spécificités, la question qui se poserait est celle de savoir si ces constructions « scientifiques sont vraiment applicables dans toutes les analyses et partout ? Une réponse à cette question devra nous conduire à placer ces donner théorique sous la lumière de la critique épistémologique.

PARAGRAPHE 2 : LES SCHEMAS D'ANALYSE A L'EPREUVE DES CONTROVERSES EPISTEMOLOGIQUES

Dans son cours de sociologie politique, le professeur El Asser ne cessait d'insister sur le caractère herméneutique des sciences sociales et par ricochet le problème épistémologique que cela engendrait sur la base de la question de l'objectivité voire la scientificité de certaines données provenant de ces sciences. A cet égard il convient de rappeler qu'une science est dite herméneutique lorsqu'elle use essentiellement de l'interprétation pour rendre intelligible son objet. Et de sa part l'épistémologie est définie, selon le Larousse 2009, comme « une partie de la philosophie qui étudie l'histoire, les méthodes et les principes des sciences». Cela dit, les controverses épistémologiques dans le cadre de ce travail ne peut être que l'ensemble des problèmes de validité que soulèvent ces sous disciplines tant par rapport aux concepts qu'elles utilisent que du côté des méthodes employées. Ainsi dans cette réflexion, il s'agira de s'interroger dans un premier temps sur la réalité scientifique de la formulation des concepts et sur la question de leur exportabilité (I) et en second lieu nous toucherons la méthode comparative fortement employée : la comparabilité des cas (II).

I. DE LA CRITIQUE DES CONCEPTS TRANSITOLOGIQUES ET CONSOLIDOLOGIQUES

Telle indiquée plus haut, cette critique consistera à voir plus au fond la scientificité de la formulation des concepts (A) employés par les spécialistes de ces sous disciplines après quoi leur exportabilité sera questionnée (B).

A. DE LA SCIENTIFICITE DE LA FORMULATION DE DES CONCEPTS

D'entrée, il convient de préciser que cette critique n'est autre qu'une manière de mesuré jusqu'en où les concepts formulés sont fruit de l'objectivité. De même les principales problématiques qu'ils soulèvent lorsqu'ils sont utilisés.

Cela dit, nous partons d'abord du concept de transition telle analysée par Guilhot NICOLAS dans son article cité plus haut, publié dans la revue « multitudes ». Cet auteur s'emploie à dénoncer le caractère téléologique de ce concept qui pour lui était déjà formulé dans le cadre du marxisme avant que la science politique occidentale n'en fait une propriété. Et dans ce contexte, loin d'être un instrument d'explication ou d'une description scientifique, il est plutôt un schéma régulateur, un modèle qui sert au jugement des régimes postcommunistes ou « l'acteur du procès qu'il désigne »56(*). Cette réalité montre à plus d'un titre que le concept est apparu dans le cadre de la guerre froide où il ne trouve son sens que lorsque tu l'oppose au terme autoritarisme. De ce fait, il devient un instrument de guerre idéologique même dans son emploi actuel. Et pour ce fait, une conception de la démocratie a été élaborée se résumant en un ensemble de mécanismes procéduraux et institutionnels: comme les élections, des partis politiques.

Dans cette critique, l'auteur tente tout simplement de montrer le poids de l'idéologie dans les soit disant constructions scientifiques des transitologues.

Ensuite, nous arrivons au concept de consolidation qui a fait objet d'une véritable étude critique par Philippe SHMITTER et Guilhot NICOLAS (ci-dessus). Dans leur analyse les deux auteurs soutiennent que le concept de consolidologie est véritablement problématique, nous dirons plus problématique que celui de transition. En effet, ce concept en soit même est une tautologie car il désigne un processus et est en même temps le résultat de ce processus. Mais même là aussi, il y a un autre problème. C'est celui de savoir à quel moment peut-on considérer un régime comme « consolidé » ou stable? Les réponses à cette question sont sujet d'énormes subjectivités. Ceci par le fait que le critère « universellement» établi est celui de la conformité des agissements des acteurs « significatifs » ou « majeurs » aux nouvelles règles établies. Mais jusqu'en où peut - on apprécier cette conformité ? Et qui sont ces acteurs principaux significatifs ? Là, certains évoquent les partis politiques mais souvent au moment où le rôle de ces derniers se trouve minimisé. Cette considération accordée aux partis exclut parfois les mouvements sociaux.

Un autre problème qui est cette fois-ci beaucoup plus sérieux tient à la relation entre la démocratie et le concept de consolidation. En effet, si l'on a bien compris le sens de ce concept, il renvoie à un système à un atteint la limite de sa perfection : « le régime consolidé ». Cependant l'une des caractéristiques d'un régime démocratique est le fait qu'il reste changeable et adaptable à l'évolution de la société. Ainsi le peuple dispose du pouvoir de demander des réformes à chaque fois. Par contre le concept de consolidation amène à considérer toute demande de réforme comme une demande de « déconsolidation ». De là, une règle fondamentale de la démocratie se trouve faussée. Mais cet obstacle n'est pas illogique car il tient au statut épistémologique même de la sous discipline. Car ce statut épistémologique est celui d'une théorie classique qui a toujours considéré les institutions politiques comme des facteurs d'ordre et de stabilité ; et les changements démocratiques comme des dangers.

Toutefois, conscient qu'on ne pourra dégager ici toutes les reproches faites à ces concepts, il convient tout simplement de donner raison au professeur El Asser et de reconnaitre que la construction théorique en sciences sociales n'est jamais exemptée de telle observation car très influencée par l'idéologique et les considérations généraliste. Mais alors qu'en est-il de l'exportabilité de ces concepts ?

B. DE L'EXPORTABILITE DE CES CONCEPTS

Parler de l'exportabilité de ces concepts renvoie à un vieux débat : celui de l'universalité de ces concepts. A cet égard, il faut dire que cette question est bien abordée par Mamoudou GAZIBO dans un article qu'il a publié dans la revue internationale de politique comparée57(*). Dans cette réflexion, le professeur GAZIBO expose deux positions dans le cadre de la politique comparée : celle de SCHMITTER et de Lynn KARL d'une part et celle de Valérie BUNCE. La première soutient l'universalité de ces concepts en soulignant qu'on ne peut se cramponner dans des carapaces conceptuelles. Par contre la seconde propose de tenir compte des spécificités culturelles de chaque partie du monde. Cette dernière idée est aussi défendue par Bertrand BADIE dans son ouvrage sur le développement politique où il révèle le caractère implicitement ethnocentrique de cette entreprise d'universalisation de concept aux origines externes aux réalités des pays de transposition.

Dans le cadre de cette analyse, nous devons souligner que cette question est vraiment cruciale pour pouvoir déterminer la valider des thèses transitologiques et consolidologiques. Car avec les démonstrations faites plus haut, il a été clairement établi que c'est la philosophie et l'idéologie libérales qui guident l'élaboration de l'essentielle des concepts présent ici. Comment expliquer alors le fait politique africain par exemple avec des instruments idéologiques opposés à certains fondements culturels africains comme le collectivisme social et la primauté du tous sur le moi dans ces sociétés.

Toutefois, pour conclure son analyse, GAZIBO ne retient aucune de ces positions, mais propose plutôt la médiane car d'après lui, si les spécificités sont bien des réalités qu'on ne peut nier, il est important pourtant de reconnaitre qu'il y a des traits communs qu'on peut trouver à des situations généralement similaires : par exemple l'existence des partis unique en Afrique après les indépendances et jusqu'aux années 90.

A l'instar de la question de l'exportabilité, une autre se pose mais cette fois ci touchant à la grande méthode dominante des études transitologiques et consolidologiques, c'est la question de la comparabilité des cas.

II. DE LA QUESTION DE LA COMPARABILITE des cas : la méthode en question

Pourquoi s'interroger sur la comparabilité des cas ? Cette question nous renvoie à cette méthode largement utilisée par les sciences transitologique et consolidologique : la méthode comparative. Sur cette méthode Giovanni SARTORI avance que : « «l'important est de retenir que comparer, c'est à la fois assimiler et différencier par rapport à un critère». Si cette définition est acceptable selon les mots du professeur GAZIBO, elle peut cependant soulever d'énormes problèmes. Deux principaux peuvent être dégagés ici : le premier est le fait qu'elle peut soumette des situations de transitions parfois fortement différentes de deux pays à la même « loi » et sur la base de critère essentiellement tiré de sa « philosophie conductrice » qui est l'idéologie libérale. C'est ainsi que la transition Espagnole fut érigée en modèle et des normes de ce modèle seront appliquées à des Etats non Européens ayant des conditions géographiques et sociopolitiques différentes de celles de l'Espagne. De telle comparaison n'est pas sans conséquence sur les conclusions qui seront teintées de jugement de valeurs. Cela s'est avéré vrai dans les analyses comparatives effectuées entre les démocratisations en Afrique et les situations des traditions démocratiques libérales d'Europe.

En outre, nous pouvons relever comme second problème, le critère de comparaison. Ce dernier se trouve souvent préétabli en faveur des systèmes conçus comme modèles. Cela étant les expressions utilisées pour rendre compte de la réalité des autres systèmes non démocratiques au sens libéral du terme sont dépourvues d'objectivité.

Au terme de ce premier chapitre essentiellement consacré à la mise en lumière de concepts dont la connaissance est nécessaire à la compréhension du reste de ce travail, nous pouvons en déduire de la complexité du cadre théorique par le fait qu'il ne renferme que des idées marquées d'un grand relativisme et d'une grande diversité. Ce fut aussi lieu de comprendre l'importance du jugement de valeur qui caractérise les sciences sociales dont la plupart des prétendus « instruments scientifiques d'analyse de fait social » se trouvent fondés sur des idéologies. Cela a pu être démontré à plus d'un titre avec cette question de transition démocratique qui ne vise que l'uni-polarisation du monde sous le toit de l'occident. Néanmoins, c'est avec ces instruments que nous serons bien sûr conduits à mener ce travail en les appliquant aux différentes réalités qui seront illustrées ici.

A cet égard, il conviendra de partir de quelques expériences illustratives de transitions démocratiques puis exposer le contexte sous régional, ce qui nous permettra de mieux cerner les grandes lois qui président à ces changements. C'est donc cette démonstration que nous ferrons dans les lignes qui vont suivre.

CHAPITRE2 : DES EXPERIENCES SUD EUROPEENNE ET LATINO-AMERICAINE DE DEMOCRATISATION AU CONTEXTE AFRICAIN DES PAYS FRANCOPHONES SUBSAHARIENS : l'itinéraire d'une vague

En la qualifiant « d'évènement le plus important de la politique mondiale du vingtième siècle»58(*), Samuel HUNTINGON ne dévoilait t-il pas le vrai visage de l'un des mouvements les plus importants de changement politique que le monde ait connu : « la troisième vague » comme il l'appela. Ce « vent de liberté », comme il fut désigné par ses partisans, que nous appelons nous, «  vent de libéralisation du monde », allait partir de l'Europe du sud pour rejoindre l'Amérique latine avant de faire basculer les régimes communistes d'Europe de l'Est, les «dictatures » d'Asie  et les régimes à partis uniques d'Afrique vers le modèle démocratique libéral qui allait devenir l'idéal de forme de gouvernement dans le monde. Il faut souligner en ce lieu que la guerre froide s'estompait et la victoire occidentale s'affirmait. Si de nombreux pays dans le monde y ont participé de gré ou de force, cependant, tout n'a pas réalisé les résultats escomptés. D'où les meilleures expériences seront parfois érigées en instruments d'analyse et même en modèle tel le cas Espagnol et tant d'autres cas. C'est de ces expériences qu'il fallait tirer des leçons pour en faire des lois de conduites pour les situations en cours.

Ainsi dans cette analyse, nous ne nous hasarderons pas à exposer la situation de chaque région du monde (à part l'Afrique), c'est-à-dire qu'il ne s'agira pas ici de la véritable itinéraire, mais nous tenterons juste d'évoquer quelques expériences-modèles hors du continent africain (Section1) après quoi nous nous pencherons sur la démocratisation dans les pays d'Afrique noire francophone (section2).

SECTION1 : DES PAYS SUD EUROPEEN ET LATINO-AMERICAIN DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

Comme avancer plus haut, cette partie de notre réflexion sera consacrée à deux expériences-modèles de transitions en Europe du sud et en Amérique latine. Ce sera en premier lieu l'expérience Espagnole (paragraphe1) et en second lieu celle Chilienne (paragraphe2). Avant de passer, il conviendrait de souligner que le choix de ces deux expériences parmi tant d'autres n'est pas fortuit. En effet, pour la première, elle a fait l'objet d'une très grande attention dans la littérature transitologique par le degré de réussite qu'elle a affiché : « d'une dictature, on n'est passé à une démocratie authentique» et consolidée. Quant à la seconde, elle est connue aujourd'hui comme un modèle de réussite dans la région latino-américaine. Son parcourt, bien que spéciale, révèle des traits de ressemblance avec le cas guinéen qui est objet de se travail car il s'agit de la réussite d'un pays tiers mondiste ayant connu la colonisation et un régime «fermé».

PARAGRAPHE 1 : L'EXPERIENCE SUD EUROPEENNE DE DEMOCRATISATION: le modèle espagnol

L'Espagne est un pays d'Europe du sud qui occupe la partie la plus grande de la péninsule ibérique. Elle est limitée au sud et à l'Est par la méditerranée, à l'Ouest et au Nord-ouest par l'océan atlantique et le Portugal, au Nord par la France. Ce pays qui compte de nos jours les 49millions d'habitants a été entre le XVème et le XVIème siècle une puissance coloniale dans le monde. Après la guerre civile de 1936-1939, vint au pouvoir le régime dictatorial du général Franco. C'est la fin de ce régime et l'ouverture politique qui suivit qu'on qualifie de transition démocratique espagnole autrement dit « la Transition démocratique espagnole (en espagnol, Transición Española) désigne le processus correspondant au remplacement progressif du franquisme par un régime démocratique »59(*). Cette transition qui s'étend de 1975 ou la mort du général Franco jusqu'à l'arrivée au pouvoir du parti socialiste ouvrier espagnol de Felipe Gonzalez en 1982 : première alternance politique, sera considérée comme un modèle dans le monde. Sans prétendre réaliser une analyse détaillée sur cette expérience, nous mettrons juste en exergue les grands traits qui en font une exemplarité dans la littérature transitologique (I) après quoi il faudra exposer quelques critiques apportées (II).

I. UNE TRANSITION EXEMPLAIRE ERIGEE EN MODELE DE TRANSITION

En lui attribuant un caractère exemplaire et en l'érigeant en modèle de transition démocratique, les auteurs transitologues ne s'étaient surement pas trompés sur la réalité de la démocratisation espagnole. En effet plusieurs axes permettent d'expliquer la particularité exemplaire de la transition espagnole :

· au primo il faut avancer le fait que cette transition a constitué une rupture ou une alternative aux voies antérieures de passage d'un régime de dictature ou fermé à un régime démocratique. Car dans le passé le principe connu était celui d'une révolution qui réalisait une rupture brutale et donnait naissance à un balayage total du système précédent pour établir un nouveau système politique et même économique et parfois avec de nouveaux acteurs politiques (c'est le par exemple des révolutions française et américaine). Par contre la transition démocratique espagnole sera marquée par son caractère graduel, négocié et consensuel entre les anciens détenteurs du pouvoir et les autres acteurs politiques et sociaux longtemps écartés du pouvoir. Cela permit donc de conduire la transition sans contestation majeur, avec le maintien des anciennes institutions tout en changeant juste leur rôle et leur formes ;

· et Secondo, la primauté de la réconciliation, du progrès et de la modernisation dans les esprits des acteurs politiques espagnols fut donc un grand apport de cette expérience espagnole aux autres cas de transition qui étaient en cours dans le reste du monde surtout en Amérique latine. Cette sagesse dans la conduite de la transition espagnole s'expliquait dans les analyses transitologiques par la maturée de l'élite espagnole plus préoccupée par le retard que leur pays avait accusé dans son développement par rapport à leurs voisins européens, mais aussi par le fait qu'ils ne supportaient plus leur isolement du reste de cette Europe de l'Ouest qui construisait son marché commun. D'où pour eux la nécessité se posait de fermer et oublier définitivement la page sombre de leur histoire marquée par la dictature et les guerres civiles. Aussi ils devaient reconnaitre que le franquisme n'a pas fait que du mal mais aussi du bien. Au lieu donc de perdre leur temps sur un passé qui n'allait plus se refaire, il fallait chercher à développer le pays et répondre aux besoins fondamentaux des populations.

Ce passage exceptionnel des espagnols à la démocratie se matérialisera par la constitution de 1978 qui est restée en vigueur jusqu'à nos jours. Cette constitution mit en place un régime de monarchie constitutionnelle avec un Etat social démocratique, consacra le pluralisme politique et accorda une grande autonomie aux régions espagnoles. Aussi, on y trouve un roi avec des pouvoirs politique et symbolique, un président du gouvernement comme chef de l'exécutif et parlement avec deux chambres.

Ce succès politique sera couronné par une réussite économique entre 1975 et 2007 qui fit parler de « miracle économique espagnol». C'est donc dans ce contexte que le parcourt espagnol fut considéré comme un modèle duquel pouvaient être déduit des lois applicables aux autres Etats. Toutefois, tel n'est pas l'avis de tous les auteurs car bien que réussie, l'expérience espagnoles n'a pas manqué d'être critiquée.

II. LES CRITIQUES DE L'EXPERIENCE ESPAGNOLE

Aucune oeuvre humaine quelle que soit sa construction n'est exemptée de critiques, sinon comment songer à appliquer cette règle à un cas espagnol qui fait apparaitre ce pays aujourd'hui comme une démocratie authentique. C'est bien sûr cette règle qui veut que les choses ne soient pas vues juste dans leur apparence et ou dans leur description officielle qui sera appliquée au cas espagnol par d'une part les historiens et d'autre part les politologues. Ces différents points de vue sont développés dans un important article publié par Christian Demange60(*).

Dans cet article l'auteur souligne la critique de l'expérience espagnole tient au fait que la mystification de cette transition tant par les discours officiels que par ceux des médias eut pour conséquences le jet dans l'oubliette de l'histoire, des crimes commis sous la dictature franquiste à l'encontre du peuple et de tous les opposants, mais aussi la minimisation des luttes séparatistes.

Pour la première question, il s'agit d'un enterrement de la mémoire historique espagnole car lorsque l'on applique les concepts actuels de droits de l'homme à cette période, il se révèle sans doute le caractère antidémocratique d'un régime sur la base de laquelle la nouvelle identité espagnole a été fondée. Pour mener à bien leur transition les leaders espagnols de l'époque avaient jugé nécessaire de faire un saut sur le passé. Par ce fait, les combattants espagnols de la liberté (ceux qui se sont battus contre le fascisme) n'ont plus été réhabilités, les camps de concentration, les prisons de femmes, les bataillons disciplinaires de travailleurs.... furent ainsi méconnus de la jeune génération et laisser sans aucun jugement. C'est pourquoi depuis quelques années des mouvements sociaux représentant des familles de victimes ont commencé à réclamer justice. Il s'agit d'un passage à la démocratie qui semble saper la démocratie elle-même. La conséquence véritable de ces réclamations est la déconstruction du mythe fondateur de la réussite espagnole et les grands symboles qui unissent ce pays.

A cela, il faut ajouter les luttes incessantes d'indépendance ou d'une plus grande autonomie qui met ce pays en face d'un déchirement politique dont l'issue pourrait être son morcèlement. A ce titre, l'exemple des séparatistes basques de l'ETA reste marquant.

Cette situation conduit à s'interroger sur le niveau de consolidation de cette démocratie mais aussi à remettre en cause la fameuse thèse du consensus et de la négociation.

Nonobstant ces différentes tractations auxquelles aucun pays n'échappe aujourd'hui, l'Espagne reste l'objet d'une imitation surtout dans la plupart des pays du tiers monde particulièrement les pays d'Amérique latine : Argentine, l'Uruguay, le Chili mais aussi certains pays d'Europe de l'Est comme la Roumanie, la Russie etc....

Par ailleurs, si ces pays se sont inspirés du cas espagnols, ils ne manqueront pas de spécificités. C'est ainsi que dans le sous continent latino-américain l'expérience Chilienne sera aussi riche en terme d'objet d'étude d'où son étude dans les lignes qui vont suivre.

PARAGRAPHE2 : L'AMERIQUE LATINE DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE : l'exemple chilien

D'entrée, il convient de rappeler que le chili est un pays tricontinental c'est-à-dire ayant des portions de territoire sur trois continents à savoir : le continent latino-américain (qui a la plus grande partie, ce qui fait du pays un Etat d'Amérique latine), le continent antarctique et le contient océanique. Ce pays qui a pour capitale Santiago, est le plus développé du sous continent et le plus imprégné de la culture européenne61(*).

Après le coup d'Etat du 11 septembre 1973 qui renversa le président Salvador Allende, le Chili devait connaitre une nouvelle vie politique qui sera marquée par une dictature militaire fondée sur le libéralisme économique et dirigée par Augusto Pinochet. Ce dernier après avoir gouverné son pays d'une main de fer pendant plus de quinze ans décide d'organiser en 1988 un plébiscite pour reconduire son mandat pour huit nouvelles années. Comme résultat du plébiscite, le oui obtient 44, 01% et le non, soutenu par la coalition des opposants au régime, aura 55, 99%. Cet échec sera à l'origine d'une transition démocratique dont il convient d'évoquer brièvement les étapes (I) et la phase de sa consolidation (II).

I. LES ETAPES DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE CHILIENNE

En ce lieu il faut citer principalement deux étapes : le dépassement du passé dictatorial (A) et le revirement des partis de droite et de l'armée (B).

A. LE DEPASSEMENT DU PASSE DICTATORIAL : LA JUSTICE ET LA RECONCILIATION

Tout comme les espagnoles, les chiliens ont réalisé leur transition politique dans un climat de négociation, de consensus et de dialogue entre les principaux acteurs de la vie politique : la junte sortante, les partis politiques de gauche et de droite, les présidents civils démocratiquement élus et la société civile. Mais toutefois, au-delà de cet aspect, les chiliens ne se sont pas totalement tus sur les exactions commises par le régime militaire. Malgré qu'avant son départ le chef de la junte, Pinochet, ait mis en place en 1989 des instruments juridiques pour contrecarrer l'ouverture démocratique ainsi que les éventuelles condamnations qu'ils pouvaient faire objet avec ses partisans, les nouveaux hommes politiques de la transition ont désamorcé prudemment ces bombes. Ainsi après l'arrestation de Pinochet à Londres en 1990 et l'arrivée au pouvoir du président Patricio Aylwin lors de la première élection démocratique en 1989, les conceptions de ce passé très favorables à Pinochet commencèrent a changé. Une coopération devait s'ouvrir entre l'armée et la société civile. C'est dans ce contexte que sera mis en place en 1999, de la «Table pour le dialogue sur les droits de l'Homme»62(*) par le ministre de la défense Edmundo Perez Yom avec l'accord du président de la république et du Sénat. Cette table ronde visait donc à trouver un consensus sur les droits de l'Homme entre les militaires et le reste de la société. C'est pourquoi seront réunis autour de cette table, les représentants de l'armée et certains avocats des droits de l'Homme, excluant ainsi les partis politiques. Par cette table ronde régie par la règle de la confidentialité, les chiliens parvinrent tous à condamner leur antagonisme dans le passé afin de miser sur un avenir fonder sur le respect mutuel. Ceci amena les militaires à reconnaitre les violations de droits de l'Homme par la signature de documents. Ce qui facilita la résolution et la poursuite des cas n'ont encore traités. Même si cela ne permit le jugement de tous les crimes et violations de droits de l'Homme un grand pas était réalisé dans la réconciliation entre les chiliens et leur armée. Toutefois malgré cette évolution l'armée et les partis de droite restaient encore attachés au mythe de Pinochet avant de changer plutard.

B. LE REVIREMENT DE L'ARMEE ET DES PARTIS DE DROITE

Malgré touts les accusations horribles dont il faisait objet et son départ du pouvoir, Pinochet n'avait pas toujours été dictateur pour tous les chiliens. Ces exploits étaient toujours cités : tel que les progrès économiques que son pays avait connu dans les années 1977 jusqu'aux années 1980 : le miracle chilien. Mais ces éloges fondés sur une vie politique fermée seront oubliés lorsque la nouvelle donne politique la demandera. C'est ce qui semble se passé en 2004 lorsqu'un document intitulé « l'armée chilienne : la fin d'une vision, est publié par l'armée et où le général Juan Emilio Cheyre déclare : « l'armée chilienne a pris la dure mais irréversible décision et moralement inacceptable d'un passé »63(*). Cette grande décision lourde de sens annonçait la fin de plusieurs dizaine d'année de soutient de l'armée au général Pinochet. Dans le même contexte était publié un rapport sur la torture et les mauvais traitements effectué dans les prisons sous la dictature par une commission nationale mis en place par conformément aux décisions prises à la « Table de dialogue ».

A l'instar de l'armée, les partis de droite qui avaient longtemps soutenu le Général optèrent pour le revirement tant dans leur discours (demande de révision de la constitution, de jugements de tous ceux qui ont commis un crime etc...) que dans leurs idéologie (la rupture avec le pinochetisme : ultralibéralisme économique, moins de liberté etc...). Cc qui aboutit en 2005 à d'importants amendements de la constitution de 1980  par le Sénat : la réduction de six ans à quatre ans du mandat présidentiel, l'élimination du statut de sénateurs à vie et de sénateurs désignés, les commandants de forces armées et de la gendarmerie peuvent être changés par le pouvoir civil etc....

Ces changements fondamentaux devraient conduire à une unification idéologique et politique de tous les acteurs politiques en Chili tournés vers la démocratie libérale et les droits de l'Homme, afin de donner naissance à des comportements dignes d'un Etat démocratique. Marquant par ce fait la fin de probable de la transition, la Chili devait rentrer dans la phase de la consolidation.

II. LACONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE CHILIENNE

C'est dans l'esprit des progrès réalisés dans la transition que la consolidation va s'annoncer. Cette dernière, il faut le rappeler, signifie que les conduites des acteurs politiques et des citoyens soient déterminées par les institutions démocratiques (juridiques et politiques) mis en place. C'est elle qui se clôtura par les élections du 15 Janvier 2006 qui donneront gagnante la première femme présidente de ce pays. La réussite de ces élections et la personne qu'elles ont amenée à la magistrature suprême dénotaient de la maturité politique des chiliens. Cela s'explique par le fait que le choix d'une femme dans un pays aussi conservateur que le Chili est signe d'une rationalité politique. En plus cette femme de la seconde génération des victimes de la dictature, cela veut dire que la page est vraiment tournée.

Toute cette évolution sera couronnée par la mort du chef militaire (Pinochet) le 10 Décembre 2006. Ce qui permit aux chiliens de mettre son régime à l'oubliette. Cependant les actions ne cessent pas de en faveur de la réhabilitation des victimes. C'est ainsi que la journée du 30 Août de chaque année été décrétée pour commémorer la mémoire des disparus de la dictature.

La considération du Chili comme une démocratie n'est pas un discours fortuit en ce jour car la toute dernière élection en 2010 redonnait le pouvoir à la droite. Ce qui signifie quelque part que les dissensions semblent être en partie enterrées et l'alternance démocratique est pratiquée.

Toutefois au-delà de tous ces progrès qu'on ne saurait nier, il faut reconnaitre qu'une démocratie n'est pas une construction d'un jour, c'est pourquoi d'ailleurs le concept de consolidation fait objet de vive critique car prétendant à annoncer la fin d'un processus qui concerne pourtant l'éternité. Les démocraties se font et se refont tous les jours. Cela dit, il faut reconnaitre que la transition en Chili, tout comme, celle espagnole, crée un état d'esprit forgé sur l'oubli du passé (la socialisation). Mais si la démocratie voudrait dire aussi justice, l'authenticité démocratique de ce régime est en cause car incapables d'assumer son passé. Cela peut être une source de crise sociale et un blocus à la fin de la consolidation. C'est pourquoi dans ce pays aujourd'hui certaines familles de victimes du régime militaire continuent toujours de demander justice.

En conclusion de cette section, nous retenir que malgré leur spécificité, les transitions espagnole et chilienne ont en commun d'être conduites par des élites murs et soucieux du développement de leur Etat que de s'attarder sur le passé. Ce passé dont ils n'ont plus le désir de retrouver à en croire à leur détermination à renforcer leurs institutions démocratiques. Il ne s'agit plus pour eux de se lancer à la recherche d'une justice mécanique mais d'une unification des enfants d'une même nation.

Par ailleurs, la considération de ces expériences comme des modèles exportables peut être à l'origine d'un autre problème qui touche la portée épistémologique des instruments d'analyse transitologiques. Car bien qu'il y ait des traits généraux communs à toutes les situations de transitions, les particularités liées à l'histoire profonde des peuples et à la maturité des élites, à la culture restent des facteurs à ne jamais négliger. Ceci étant, une bonne compréhension du cas guinéen demanderait un exposé du contexte régional des pays d'Afrique noire francophone.

SECTION 2 : L'AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE EN TRANSITION POUR LA DEMOCRATIE

« Le capitalisme », au départ, c'est d'abord une « mise en communauté », une mise en contact des membres disjoints de l'Humanité.

Fourquet (1989)

La troisième vague n'était pas seulement une vague pour l'Europe du sud, de l'Est et l'Amérique latine mais aussi pour l'Afrique. En effet, la prétention de l'occident de soumettre tout le monde entier à un même système sonnait comme un coup de clairon dont l'Afrique n'échappera pas au vent dans les années 90. .Prêts ou pas, volontaires ou contraints tous les Etats d'Afrique à peine sortis du statut de territoire d'empire colonial , criblés par les instabilités, longtemps encouragés dans une logique de partis uniques comme moyen de développement, devaient se lancer dans une modernisation politique emballée dans l'enveloppe de la démocratisation. Pour les Etats d'Afrique noire francophone, la conférence de la Baule du 20 Juin 1990 allait réveiller les autocrates et raviver les contestations politiques et sociales internes au point qu'on a pu parler de « printemps Africain » comme l'actuel « printemps arabe ». Il s'agit là d'une phase importante de l'histoire politique moderne des peuples africains. Son analyse nécessite, dans les normes, qu'elle soit entièrement considérée en soit comme un thème. Mais ce n'est pas ce que nous serons amenés à faire ici, car cette analyse très brève sur la démocratisation en Afrique se voudra spécifier au cas des pays francophones d'Afrique noire. C'est dans cette masse que s'insère la Guinée. Aussi il faut dire qu'elle ne concernera que de grands axes allant des origines ou facteurs déclencheurs d'un évènement, en passant par ces enjeux (paragraphe1) pour aboutir aux formes sous lesquelles elle s'est déployée et les limites à cette entreprise (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : LES CAUSES ET LES ENJEUX DE CE RENOUVEAU POLITIQUE

C'est en comparant un peu la vague de démocratisation en Afrique noire francophone dans les années 90 à l'actuel « printemps arabe » qu'il devient facile de la saisir. En effet, comme nous pouvons nous rendre compte à travers cette affirmation d'Almeida-Tojor (1993) : « de même qu'au tournant des années 60, l'accession à l'indépendance semblait être un préalable à tout développement, trente ans plutard, la démocratisation apparait indispensable au redressement économique et social», les transitions démocratiques en Afrique résultait d'un changement plus ou moins radical de la conception du rapport entre développement et système politique. Ce changement de vue plus ou moins radical qui allait bouleverser tous les systèmes politiques africains francophones était le fait de facteurs, d'abord, externes mais surtout internes (I). En outre, l'ampleur de ces transitions laissait entrevoir l'importance des enjeux(II) qui les structuraient et dont il est important de mettre en exergue.

I. LES CAUSES DE CES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES

Si dans son analyse des causes des transitions démocratiques en Afrique noires francophones, le professeur camerounais Timothée Ngakoutou met l'accent sur les facteurs internes comme déclencheurs du retournement des régimes à parti unique, nous prenons le contre pieds sans prétendre réfuter totalement sa thèse. C'est en ce sens que nous considérons que les passages à la démocratie en Afrique noire francophone comme partout d'ailleurs dans le monde sont d'abord inspirées par le changement intervenus dans les relations internationales de l'Est et de l'Ouest ou la fin de la guerre froide. Cette dernière sera suivie, pour ces pays, par le discours de la Baule et les conditionnalités démocratiques qui furent de véritables moyens de pression. Ceci étant, nous exposerons les sources externes (A) dans un premier et ensuite nous passerons facteurs internes (B).

A. LE NOUVEL ORDRE INTERNATIONAL ET SES CONSEQUENCES SUR LES RELATIONS NORD-SUD

C'est l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev en Union Soviétique qui marqua le début de la fin de la guerre froide (1) et le changement du discours des puissances occidentales face à leurs anciennes colonies d'où celui de Mitterrand à la Baule (2) pour les pays d'Afrique noire francophone. De là les coopérations avec ces Etats et les aides qui leurs sont octroyées par le Nord sont soumises à de multiples contraintes (3).

1. L'arrivée au pouvoir de GORBATCHEV en Union Soviétique

En effet, lorsque les indépendances étaient atteintes dans les années 60, les africains croyaient s'être libérés du Nord. Cependant, au même moment, le continent devenait un centre stratégique des relations internationales à cause de ces ressources et donc étroitement liée au reste du monde. C'est ainsi que pendant la guerre froide qui mit en conflit le monde occidental et le monde communiste, l'Afrique sera objet d'un nouveau morcellement entre les deux blocs. Bien que ce disant neutres et non alignés, certains pays africains avaient choisi l'Est (la Guinée ayant rompu avec la France, le Ghana, le Benin etc...) et d'autre restaient au solde de l'Ouest (le Sénégal, la Côte d'Ivoire etc...). Cette situation créait une dépendance, idéologiquement (le marxisme-léninisme et le libéralisme) et institutionnellement des systèmes politiques et économiques des tuteurs du Nord. Aussi la vision que ces tuteurs avaient partis uniques était celle d'instrument de développement (thèse défendue par des auteurs comme Samuel Huntington). De là nous constatons, comme le note Francis Akindés, que les relations entre le Nord et le Sud sont guidées par deux logiques : « celle de bloc et la logique de l'idéologie de l'optimisation des conditions politiques nécessaires au développement»64(*). Dans ce contexte les régimes Africains en général et surtout ceux de l'Afrique noire francophone ne se rendirent pas compte de leur retard et des coûts de leur gestion calamiteuse (les dettes accumulées, la corruption et le clientélisme).

C'est dans cette atmosphère qu'intervinrent les changements en Union Soviétique lorsqu'un certain Mikhaïl Gorbatchev prend la tête du parti communiste de l'Union Soviétique en 1985. Il publie deux ans plutard aux Etats Unis son livre intitulé : la Perestroïka : New thinking for our country and the world. Comme son titre l'indique, ce livre donnait la nouvelle vision à la fois du monde et du système soviétique du nouveau leader et par cela prévoyait: les bouleversements importants que le monde allait connaitre. Ainsi la nouvelle théorie qui devait conduire les actions de l'Union Soviétique dans le monde devrait être celle de la coexistence pacifique, l'intérêt des deux blocs d'abandonner la course aux armements qui n'était qu'un gaspillage économiques, la reconnaissance que la nouvelle puissance mondiale était celle des richesses économiques et technologiques et non plus des armements lourds. Cette nouvelle donne fit découvrir à la puissance soviétique sa vulnérabilité. A ce titre Chevardnadzé (1991, p115) écrit : «ayant vaincu l'inertie des représentations habituelles, nous avons découvert que la possession d'un arsenal nucléaire démesuré n'offrait pas à l'Etat (soviétique) une défense sûre, mais qu'au contraire elle l'affaiblissait....». Par ce faire, les deux blocs commencèrent une nouvelle ère fondée sur le principe de la coexistence pacifique comme règle fondamentale des relations internationales et de ce fait l'Afrique qui était l'un des lieux des confrontations va perdre son importance d'où la perte des béquilles idéologiques et le début du démantèlement des régimes monopartistes (Francis Akindés, 1996). Sans perdurer dans le soutient aux régimes autocratiques africains, l'occident, sorti victorieux de la confrontation Est-Ouest, devrait les appelés à l'adoptions des valeurs politiques et économiques occidentales érigées en conditions du véritables développement.

C'est ce discours qui sera véhiculé à la baule en 1990 par François Mitterrand.

2. Le discours de la BAULE de François MITTERAND

Dans son mémoire réalisé à l'institut de science politique de Lyon en 1994, Félix François Lissouk essaye de décortiquer les grandes idées que véhiculait ce discours historiques de François Mitterrand devant les dirigeants africains le 20 Juin 1990.

En s'exclamant : « enfin, on respire, enfin on espère, parce que la démocratie est un principe universel. Mais il ne faut pas oublier les différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs. Il est impossible de proposer un système tout fait», et en enchainant : «  lorsque je dis démocratie, lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c'est la seule façon de parvenir à un état d'équilibre au moment où apparant la nécessité d'une plus grande liberté, j'ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure : voilà le schéma dont nous disposons »65(*), François Mitterrand réaffirmait dans un discours ambigu (universalité de la démocratie, particularité, et proposition d'un modèle purement occidental) les nouvelles orientations que devaient prendre les relations qui devait lier son pays aux Etats Africains francophones.

En effet, comme pouvons le comprendre, il s'agissait tout d'abord d'exhorter voire d'ordonner les Etats africains à prendre le chemin de la démocratie, car pour lui c'était la meilleure voie ou la seule pour ces derniers de se développer. A ce titre il affirme : « puis-je me permettre de vous dire que c'est la direction qu'il faut suivre. Je vous parle comme un citoyen du monde à d'autres citoyens du monde : c'est le chemin de la liberté sur lequel vous avancerez en même temps que vous avancerez sur le chemin du développement. On pourrait d'ailleurs inverser la formule : c'est en prenant la route du développement que vous serez engagés sur la route de la démocratie». Aussi, il n'est pas question de n'importe quelle démocratie car d'autres conceptions avaient elles existées dans les démocraties populaires d'Afrique (en Guinée par exemple) mais plutôt de la démocratie représentative et multipartiste.

Comme portée, ce discours devrait permettre la mise en place dans les pays africains de régimes politique légitime c'est-à-dire devant acquérir l'assentiment de tout le corps social et surtout des principaux acteurs politiques. Ce qui signifiait que les leaders africains devaient ouvrir la porte de la scène politique à tous ceux qui ont été longtemps écartés comme opposants. De même instaurer comme principe la consultation du peuple dans les prises de décision.

A cela il faut ajouter la nécessité du partage du pouvoir qui découlait de ce discours par l'incitation à rejeter les partis uniques afin que tous les citoyens se sentent concernés par la gestion de la chose publique.

Toutefois il faut dire que si l'historique allocution de Mitterrand a fait naitre un grand espoir chez les partisans de la démocratie dans ces pays, elle n'était pas moins la manifestation d'une politique hypocrite du faire-semblant français qui a toujours marqué l'ancien Françafrique. C'est bien ce que le professeur Ngakoutou tente d'expliquer lorsqu'il écrit : « le grand paradoxe de ces pressions externes, jouant dans le contexte des démocratisations africaines, s'est ainsi souvent matérialisé par l'abstention des puissances tutélaires qui ont laissé se dérouler des rapports de forces en attendant de voir qui en sortirait vainqueur, quitte à couvrir des fraudes introduites dans les processus électoraux quand le bénéficiaires paraissait le plus apte à maintenir ou à rétablir la paix civile».

Par ailleurs, s'ils ont accepté plutard de s'engager, les dirigeants africains avaient manifesté dès le départ leur désaccord et surtout le fait qu'ils ne soient pas encore prêts. A ce propos le dirigeant zaïrois, Mobutu s'exprimait en ces termes : « le multipartisme n'est pas à l'ordre du jour», et que le parti unique (le MPR ou le mouvement populaire révolutionnaire) « n'est ni de gauche ni de droite ni du centre mais authentique». Cette même réaction sera aussi celle du président ivoirien.

Enfin même si ce discours devrait source de réussite pour les peuples d'Afrique son échec était déjà consommé. Nonobstant, les conditionnalités telles employées par les institutions de Breton woods et d'autres bailleurs de fonds comme l'Etat français allaient venir renforcer l'appel ambigu de la France.

3. Les conditionnalités démocratiques

Pour débuter, il faut définir d'abord la conditionnalité comme une : « liaison juridique faite entre l'octroi d'un avantage et le respect par le destinataire d'un comportement ou d'une obligation»66(*). Ensuite nous nous posons la question de savoir comment cette logique se réalisa t-elle dans la démocratisation en Afrique ?

En effet, lorsqu'il affirmait en 1990 à la Baule : « la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté »67(*), François Mitterrand, président de la France, signifiait par là que l'accès des pays africains aux aides financières et autres de la France ne se ferra qu'avec le respect de certaines normes de la démocratie et de la gestion rationnelle économique.

Cette même idée sera reprise par les autres bailleurs de fonds institutions internationales et Etats occidentaux. Ainsi le FMI (ou fond monétaire international) sera le premier à rentre le concept effectif en déterminant en 1979 un ensemble de conditions propres à lui, en plus des obligations juridiques qui peuvent être liées à tout contrat, que tous ses débiteurs devront respecter afin de pouvoir rembourser ses dettes. Ces conditions étaient donc contenues dans ce document qu'il a appelé « Guidelines on conditionnality ». Il s'agissait par exemple pour un pays qui voulait bénéficier des fonds de l'institution de se lancer dans la libéralisation de son économie. Par ce fait ces fonds allaient être versés tranche par tranche au fil et à mesure que le pays évoluait dans cette libéralisation.

Ce sera la règle que vont établir aussi l'Union européenne, la Grande Bretagne, le Canada, les Etats Unis et la Banque mondiale dans l'octroi de prêt aux pays du tiers monde parmi lesquels figurent en bonne place ceux d'Afrique noire.

Si ces conditionnalités furent au départ purement économiques, elles changeront de cap en 1990 pour devenir essentiellement politiques et centrées sur l'ambiguë notion de Bonne Gouvernance ou les traits de qualification des bons élèves de l'occident.

C'est dans ce contexte que les institutions de Breton woods seront mandatées, selon les termes68(*) du prix Nobel d'économie et vice président de la Banque Mondiale, Joseph E. Stieglitz, de mettre en oeuvre l'idéologie du libre marché telle développée en Grande Bretagne et aux Etats Unis sous respectivement les gouvernements Tchatcher et Reagan. Ainsi tous les prêts sont accordés à condition que les Etats s'attèlent à mieux pratiquer la démocratie, les principes de droits de l'Homme qui sont conçus à cet égard comme des préalable au développement d'un pays. A ce titre cette affirmation de l'ancien directeur du FMI est illustrative : « la démocratie participative, cette grande conquête du XXème siècle sur le colonialisme, le totalitarisme et le copinage, peut optimiser l'efficacité d'une politique économique bien conçue».

Dans le même esprit seront conduits les accords de partenariat signés entre la Communauté Européenne et les pays de l'ACP (Afrique- Caraïbe et pacifique) et particulièrement la troisième convention (Lomé III) de 1985. Cette dernière sera renforcée par Lomé IV signée en 1990 et révisée en 1995, elle aura pour objectif  de « renforcer la dimension politique, établir une articulation entre développement et droits de l'Homme, renforcer l'appui à l'ajustement structurel. Elle introduit les conditionnalités (économiques et politiques) et les sanctions». Ainsi la lutte contre la corruption sera donc au centre des conditions.

Quant à la position française, elle restera toujours obscure en la matière car toujours, elle n'a cessé de soutenir les dictatures en Afrique. A ce propos, Francis Akindés avance : « s'il n'existe plus d'ombre d'un doute sur l'implication de la France dans le déclenchement et la poursuite du processus démocratique en cours en Afrique subsaharienne francophone, il est par contre difficile de dégager la ligne politique qu'elle s'est fixée pour accompagner le mouvement »69(*). Il poursuivra en notant que la France avait assisté militairement Mobutu à le rétablir en 1991 alors que ce dernier continuait à bloquer le processus démocratique.

C'est donc en ce lieu qu'il faut rappeler que loin de répondre aux besoins de bon gouvernement des Africains, ces conditionnalités ont été à l'origine de la remise en cause de la souveraineté de ces Etats qui se sont vus en grande partie ôter de leur pouvoir de décision mais aussi l'endettement résultant de l'échec de ces politiques allait être la cause de nombreuses troubles internes car c'est dans le même cadre que les fameux plans d'ajustement structurels ont été proposés et institués (à analyser plutard).

Par ailleurs, il faut rappeler que ces pressions extérieures n'ont pas été à elles seules déclencheuses de la démocratisation en Afrique noire francophone, mais aussi des problèmes internes étaient là.

B. LES CAUSES INTERNES DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES EN AFRIQUE

L'étude des facteurs internes à l'origine du départ des régimes de parti unique en Afrique subsaharienne francophone est d'une importance capitale. Car à ne croire qu'à la littérature qui précède, on pourrait facilement penser que les africains en eux-mêmes se fiers de vivre dans des régimes minés parfois par les intérêts personnels et la privation de libertés fondamentales. Tel n'est pas le cas. C'est pourquoi Ngakoutou tente dans son ouvrage précité, de mettre l'accent sur ces facteurs internes. Aussi cette présente analyse pourra permettre de toucher le rôle joué par les principaux acteurs politiques en Afrique dans ces transitions. Ces acteurs sont essentiellement les syndicats, les étudiants, la diaspora, le peuple, les barreaux, les partis, les groupements de femmes, les médias....

Cela dit, il convient de rappeler que les soulèvements populaires qui ont conduit à l'ouverture politico-économique en Afrique noire francophone étaient le fruit une double crise : celle économique qui a abouti à l'ajustement structurel (1) et la crise de légitimité ou politique (2).

1. La faillite des économies et les plans d`ajustement structurel

« L'étau s'est resserré autour du tiers monde en général et en particulier l'Afrique»(1996). C'est par ces mots que Francis Akindés introduisait son analyse de cette grande crise qui a marqué les pays Africains en général et particulièrement ceux francophones. En effet, comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, après la crise pétrolière des années 70 et les appels du tiers monde d'équilibrer la balance des échanges entre le Nord et le Sud, les Etats d'Afrique comme, à l'instar de leur pairs du reste du Sud, ont bénéficié dans un laxisme financier d'un afflux de capitaux étrangers sans précédent. Cette assistance empoisonnée du Nord se soldera par une faillite profonde de ces systèmes économiques mal conçus. A cela il faut ajouter la flambée des cours matières premières.

Cette situation alarmante sera l'occasion idéale saisie par les pays riches et leurs institutions financières (Banque mondiale et FMI) de venir imposer les « plans de sortie de crise » ou plans d'ajustement structurel. Ces plans visaient : la privatisation, la dévaluation, la compression de la consommation interne, la promotion des exportations, l'équilibre budgétaire. Criblés de dette, en état de lourd déficit budgétaire, avec une politique économique inadéquate, les Etats Africains devaient s'engager dans une nouvelle voie de mise sous tutelle de leur souveraineté économique et politique qui ne sera sans conséquences sur la vie des populations.

En effet, les nouvelles mesures prises vont entrainer : une forte réduction des ressources due à l'exportation, de la stagnation voire la baisse importante du flux des ressources externes, des mesures d'austérités (comme le cas actuellement en Grèce), le nombre de Pays les moins avancés dans le monde passant de 31 à 42 avec 28 pays africains. Cette détérioration de la situation macroéconomique aggrava aussi le chômage surtout dans les grandes villes. D'où, presque partout en Afrique les contestations populaires grandirent, les peuples réclament la démocratie c'est-à-dire plus de liberté, la justice sociale, l'amélioration des conditions de travail.

La résistance partit principalement des syndicats. Ces derniers longtemps subordonnés au parti-Etat après les luttes d'indépendance se voient se décomposer en de petites corporations autonomes, chacune désirant affronter le pouvoir politique pour faire valoir ces intérêts. Au Sénégal et en Côte d'ivoire, ces groupuscules très remontées se multiplièrent. Après les syndicats vinrent les mouvements d'étudiants. C'est dans ce contexte que Bourdieu affirme que ces étudiants qui sont les « dominés de la classe dominante » s'offrent aussi le droit de demander des comptes à l'Etat. En effet, se sentant laissés pour compte par le pouvoir central, les milieux universitaires, enseignants et étudiants ont développé une certaine conscience autonome encrée dans une certaine méfiance face au gouvernement. Ce qui leur permit donc de jouer un rôle important dans ces changements. Rappelons a ce propos que ce sont les étudiants qui ont poussé le président Senghor a adopté plutôt en 1974 le multipartisme intégral au Sénégal. A ces deux couches importantes, il faut ajouter le reste de la population ainsi que la société civile, épris de liberté mais aussi souffrants du coût des inflations. Ce sont toutes ces colères qui serviront de pions d'entrée des oppositions longtemps cantonner à l'extérieur qui interviendront pour participer à la transition tant attendue.

Malgré les répressions, les grognes restaient non maitrisables. Ce qui dénotait de la crise de légitimité de l'Etat.

2. La crise de légitimité de l'Etat

Dépouiller de ces facultés politique et juridique sur le plan international, l'Etat africain est de plus en plus exposé aux révoltes internes. Ce qui spolie à plus d'un titre son existence. Face au premier cas les Etats sont tous simplement remplacés dans leur rôle d'élaboration de politiques générales devant prévoir les besoins primaux des populations. Car, avec les plans d'ajustement structurel les grandes orientations et les objectifs déjà définis depuis l'extérieur et « le bon élève n'a seulement qu'à les mettre en oeuvre au profit de l'enseignant (les bailleurs de fonds) ».

La perte des entreprises nationales et la réduction croissante du nombre de fonctionnaires de l'Etat, le non paiement des salaires de ces derniers pendant de long moment expliquait cette absence de la maitrise de la vie nationale par l'Etat. Dans ce dernier, il se révèle que les pays francophones d'Afrique noire n'ayant aucune faculté d'émettre leur propre monnaie, ne pouvait imprimer des billets supplémentaires pour payer des salaires.

Pire est l'occupation de certaines instances administratives et gouvernementales africaines par des experts venus du Nord. Ces étrangers venus occupés de postes-clefs dans les institutions remettaient en cause ce qui avait été consacré comme une manifestation de souveraineté. En effet, lorsqu'ils avaient accédé à l'indépendance les Etats africains indigénisèrent l'ensemble des poste jusque là détenus par les administrateurs coloniaux. Ainsi cette désindigénisation imposée par le Nord ne pouvait qu'apparaitre comme un retour en arrière : le néocolonialisme.

C'est donc cet Etat épuisé qui devait se lancer dans le marathon de la transition. Faut-il dire que ce parcours était déjà obstrué d'avance ? Si nous ne répondrons pas rapidement par la positive, nous proposons l'examen des enjeux de cette démocratisation.

II. LES ENJEUX DE CES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES

Passer à la démocratie n'est pas chose simple car les étapes à franchir sont importantes. D'énormes défis que nous considérons ici comme enjeux et dont il faut relever, pointent toujours à l'horizon. Bien que nombreux ces enjeux, nous n'évoquerons que quelques uns, à savoir : le défi de la culture démocratique (A), de la gouvernance (B).

A. LE DEFI DE LA CULTURE DEMOCRATIQUE

Comme nous avons déjà donné les idées essentielles sur la notion de démocratie plus haut, il s'agira cette fois ci de chercher à la comprendre comme une culture surtout dans l'esprit dans lequel elle est véhiculée aujourd'hui. En effet nous partons d'abord du concept de culture tel défini par la déclaration de Mondiacult comme « l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuel et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et croyances70(*)».

Lorsqu'on applique donc cette définition à la notion de démocratie il y ressort que cette dernière n'est pas une simple somme de techniques mécaniquement agencées comme l'action de voter ou les semblants de consécration du multipartisme que nous connaissons en Afrique. C'est vraiment une culture. Et selon les mots du professeur Timothée Ngakoutou, cette culture est celle des droits de l'Homme. C'est de là qu'il plaide pour une reconnaissance de l'universalité de ces droits innés à la nature humaine.

Cette culture démocratique qui réside donc dans la reconnaissance et le respect des droits de l'Homme vise à protéger chaque individu de la tyrannie du groupe mais aussi à accepter les différences culturelles qui marquent les nations. Dans cet esprit, la culture démocratique s'affirme comme une culture du multiculturalisme. Aussi en parlant de culture démocratique comme culture des droits de l'Homme nous faisons allusion à ces droits politiques et civils mais aussi des droits économiques et sociaux qui doivent guider la conduite d'une nation démocratique. Ces droits bien que naturels, car innés en la nature humaine, sont aussi construits en tant que données culturelles. Cette construction est donc le fait des Femmes et des hommes qui aspirent à ces valeurs. En ce sens, cette démocratie demande liberté, éducation et réflexion, car elle implique une série de choix et de décisions.

En outre la démocratie dans cette logique s'annonce comme un ensemble de comportements devant être développés et adaptés à l'évolution de la société. Ces comportements sont ceux de la critique de soi et l'acceptation de celle d'autrui, le sens de l'écoute, le respect des principes fondamentaux de justice et de liberté.

Elle impliquera aussi la proclamation et la reconnaissance des droits de la femme tels développés par les nombreuses conventions auxquelles ces pays sont parties. Il s'agit notamment de la convention de 1962 sur le consentement au mariage, la déclaration de 1967 sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

C'est donc un mariage avec ces valeurs que doivent réaliser ces Etats. Bien que conscients du fait que toute ces valeurs ne sont pas si étrangères à leur tradition mais la dimension individualiste dans laquelle elles s'inscrivent de nos jours ne facilite pas leur encrage dans ces passés essentiellement communautaristes.

Par ailleurs, il convient de noter que le défi culturel se prolonge dans un autre champ très important qui est la gouvernance.

B. LA QUESTION DE LA GOUVERNANCE COMME ENJEUX DE LA DEMOCRATISATION

Il ya encore 50 ans c'est-à-dire dans les années 60, le bon gouvernement ne se déterminait qu'en terme de performance économique quel que soit parfois le coût humain. Cependant ces vingt dernières années la question a changé de cap, tout véritable développement devra se fonder sur le respect des principes démocratiques en atténuant les coûts politique et social. Ce principe s'est imposé comme norme première de qualification de la meilleure gestion de la chose publique. Car c'est seulement de là que réside la légitimité et l'efficacité. Il s'agit essentiellement de la notion de la Bonne gouvernance.

En effet cette notion qui est étymologiquement très ancienne est réapparue dans les années 80 et 90 dans le cadre du néolibéralisme anglo-saxon visant à trouver un terrain d'entente entre le politique et l'économique mais surtout à limiter voir supprimer l'interventionnisme excessif de l'Etat sur le marché économique (plus de privatisation et moins de public) en vue d'une gestion rationnelle, transparente et responsable des richesses nationales. Cela devra impliquer une forte participation des citoyens aux différents niveaux de prise de décision aussi leur contrôle de l'exécution de ces décisions.

Ainsi très tôt les institutions de Breton woods vont s'en approprier pour les inclure dans les conditionnalités de coopérations avec les Etats du tiers monde. C'est dans ce contexte que cette notion fut considérée par ces derniers comme une nouvelle forme d'impérialisme et d'ingérence dans leurs affaires. Cependant, la démocratie devenant la condition de tout développement harmonieux et durable, inscrite comme talon d'Achille de cette notion de bonne gouvernance, demande pour sa réalisation que cette dernière notion soit vraiment prise en compte. D'où un autre pont que les Etats candidats à la démocratie devront traverser.

Toutefois au delà de ces défis, un constat se pointe à l'horizon sur le contenu réel de ce qu'on qualifie d'enjeux de la démocratisation en Afrique. Ce constat nous pousse à nous interroger si ces concepts dont l'universalité est tant défendue par des auteurs comme le professeur Ngakoutou, ne sont pas tout simplement le fruit d'un universalisme occidental qui s'inscrit dans la fameuse eschatologie de Fukuyama et qui tente d'uniformiser le monde ? Relever ces défis constitue t-il pour ces pays la voie à l'accès au bien être dont la recherche sous tend ces changements ? Les pères des indépendances, théoriciens des partis uniques n'avaient ils pas raison lorsqu'ils pensaient que leur construction étaient plus adaptées aux contextes africains. C'est donc à ces questions qu'il conviendra de répondre dans les lignes qui vont suivre mais bien avant, il sera nécessaire d'exposer la réponse des Etats d'Afrique noire francophones aux demandes de la Baule et indirectement des Bailleurs de fonds. Il s'agira donc des formes et des limites de ces transitions démocratiques.

PARAGRAPHE 2 : LES FORMES ET LES LIMITES DE CETTE DEMOCRATISATION

« La démocratie doit avoir des racines nationales, elle ne saurait être importée, vendue ou achetée. Elle ne peut être imposée de l'extérieur. Le peuple de chaque nation doit prendre en main son destin et façonner le type de gouvernement adapté à ses aspirations nationales ».

« La démocratie si-elle est son choix -doit se nourrir, si nécessaire, du sang, de la sueur et des larmes des citoyens d'une nation »71(*).

Jean Pierre Le Bouder

Après le fameux discours de la Baule le 20 Juin 1990, les chefs d'Etas africains entre refus et acceptation, se sont mis rapidement à la tache pour convertir leur système en démocratie. Par la multiplicité des voies qui furent suivies pour atteindre le même objectif, les formes des transitions (I) seront aussi diverses. Mais si ce fait ne dénotait que des différences de contexte propre à chaque Etat, que dire de cette autre différence qui sépare le monde de la provenance du système à instaurer et les réalités sociopolitiques et économiques des terres de destination. Ce qui débouche inéluctable sur l'idée des limites à l'acclimatation démocratique en Afrique noire francophone (II).

I. LES FORMES DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES

Ici, nous entendrons par formes des transitons démocratiques les différentes réactions politiques aux injonctions externes et internes de démocratisation des régimes à parti unique d'Afrique. Autrement dit, les diverses procédures de sortie de l'autoritarisme. A cet égard, il faut dire que si certains pays ont procédé par voie de conférence nationale (A), d'autres l'éviteront pour privilégier la négociation et l'octroi (B). A ces deux formes il faut ajouter celle des transitions retardées (C) et enfin les transitions par coup d'Etat (E).

A. LA TRANSITION PAR VOIE DE CONFERENCE NATIONAL

La conférence national est définie par O'Donnell et Schmitter (1986, p.37) comme : « accord explicite, quoique pas toujours explicité ou justifier publiquement, entre un ensemble choisi d'acteurs. Accord qui tente de définir ou mieux de redéfinir les règles qui gouverne l'exercice du pouvoir sur la base de garanties mutuelles concernant les intérêts vitaux de ceux qui adhèrent au pacte. Avec au coeur du pacte, un compromis négocié au terme duquel les acteurs acceptent de ne pas porter atteinte à l'autonomie d'organisation et aux intérêts vitaux des autres». Il s'agit d'une instance qui se veut souveraine et porteuse d'une légitimité populaire. Elle est constituée de forces vives, commence par la suspension de la constitution et l'écartement l'ancien président ou sa destitution à la tête de l'Etat, ensuite un premier ministre est nommé pour conduire la transition. Elle nécessite une classe politique mure et volontairement engagée, qui puisse contrôler ces discours dans les débats afin de ne pas voir les discussions débouchées sur des affrontements violents ou leur blocage par le pouvoir sortant. Il faut aussi que cette classe d'élites soit imprégnée des valeurs politiques traditionnelles et modernes afin de les combiner le mieux.

Pour le cas d'Afrique noire francophone, c'est le Benin, premier à s'être engagé dans la transition, qui donna l'exemple le plus réussi de cette forme. Elle sera suivi dans le courant des années 90 et 1991 par le Gabon, le Congo, le Niger, le Togo, le Zaïre, et plutard en 1993 par le Tchad. Contrairement au cas béninois, apaisé, souveraine, et achevé dans un climat de détente, les autres expériences seront marquées par des violences (Zaïre et Togo), l'absence de souveraineté (Gabon), le caractère ritualisé, bourré de règlement de comptes puis suivis de troubles (Niger et Congo).

B. LA VOIE DE L'EVITEMENT DE CONFERENCE NATIONALE

Cette forme de transition qui consiste à feinter ingénieusement tout forum politique que l'on considère l'issue incertaine, se solde par un changement court-circuité par le pouvoir en place qui engage un dialogue avec les partenaires sociaux et politiques pour déterminer la procédure de sorite du régime fermé pour celui démocratique. Cela intervient dans une situation où le pouvoir est poussé jusqu'au dos sans porte de sortie. Sans se laisser faire, le pouvoir cherche une certaine légitimité politique dans un contexte où l'opposition se trouve divisée et donc affaiblie.

En outre il faut dire que la démocratisation par évitement de la conférence nationale peut avoir deux conséquences : soit qu'elle aboutit à l'expression d'une volonté de démocratisation mais dans la prudence vue les enjeux en ce moment ; ou soit qu'elle soit un simple ruse du pouvoir en place afin de construire de nouveaux instruments de domination.

De nombreux pays avaient suivi cette voie : c'est le cas de la Côte d'Ivoire en 1990 où des élections précipitées furent organisées, aussi du Burkina Faso et Cameroun où des conférences dites respectivement de réconciliation nationale et tripartite furent réalisées sous le contrôle des pouvoir politique. La Guinée suivra aussi la même voit lorsque le président profitera de la division de l'opposition pour ce maintenir au pouvoir.

C. LA FORME DES TRANSITONS RETARDEES

Cette modalité de transition intervient en général dans des contextes où le processus se trouve pris en otage par les anciens ténors du pouvoir. Elle peut facilement se réaliser dans le cadre d'une transition négociée où après une première manifestation de volonté de réformes, les chefs autoritaires bloquent ou ralentissement la poursuite de ces réformes et s'accaparent à nouveau de l'appareil d'Etat. Et de ce fait, « les luttes continuent et se prolongent ». Toutefois, il faut dire que malgré la durée certaine de ces transitions retardées arrivent à se réaliser surtout lorsque l'opposition réussie à se réorganiser et à retrouver sa force.

A titre d'exemple de ces formes de transition nous avons le cas en Tanzanie ou au Kenya.

D. LA VOIE DE LA TRANSITION PAR COUP D'ETAT

Selon le lexique des termes juridiques (2005 ; p184) le coup d'Etat est l': « action de force contre les pouvoirs publics exécutée par une partie des gouvernants ou bien des agents subordonnés, notamment des militaires (putsch ou pronunciamiento) et qui vise à renverser le régime établi (exceptionnellement à le défendre : les coups d'Etat en « chaine » du Directoire pour rétablir l'harmonie, souvent rompue, entre les pouvoirs publics)». Il s'agit là donc, d'un changement plus rapide et violent qui peut ou non se terminer par l'instauration de la démocratie.

Toutefois, plusieurs cas de figures ont permis la mise en place de régime démocratique aujourd'hui en voie de consolidation. Le Mali d'Amadou Toumani Touré en est un exemple, le Bénin, la Guinée avec le général Sékouba Konaté en 2010 sont aussi des illustrations.

En somme, bien qu'empruntant le chemin de la démocratisation de manière différente et variée, une seule conclusion peut être tirée pour le moment de ces parcours : c'est le fait que ce chemin est épineux, gorgé de difficultés. Cela s'explique par ces traits presque communs à tous ces Etats : la faiblesse des alternances, les élections toujours sabotées et truquées mais aussi l'importance des violences qui les suivent (par exemples le tout dernier cas Ivoirien en début 2011 où on a assisté à une guerre civile ; la situation guinéenne où la guerre a été évitée de justesse), les restrictions de libertés fondamentales des citoyens comme la liberté de la presse etc....

Face donc à cette situation, un observateur attentif se doit de chercher des raisons rationnelles et objectives. Il s'agit donc de reconnaitre que la démocratisation en Afrique a belle et bien des limites qu'il convient de savoir d'où ce (II).

II. LES LIMITES A L'ACCLIMATATION DEMOCRATIQUE EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE

A regarder aujourd'hui le continent africain en général et plus particulièrement l'Afrique subsaharienne, nous pouvons dire que la démocratisation a connu un grand progrès. Cela s'explique par le nombre de plus en plus croissant d'Etats qui consacrent depuis quelques années des alternances politiques de plus en plus régulières comme c'est le cas au Mali ou au Ghana. Aussi des rapports d'organisations internationales placent certains d'entre eux parmi les pays du monde qui connaissent un indice de développement humain vraiment confortable. C'est l'exemple des îles Maurice, du Botswana. D'autres aussi connaissent des progrès économiques remarquables. Tel est du Rwanda, de l'Angola, de la Guinée équatoriale, du Sénégal etc... En outre, presque dans tous les pays se diffusent les nouveaux moyens de communication qui sont les radios, les chaines de télévision et surtout l'internet. Bien que leur accès soit limité et leur action très surveillée, ces nouveaux acteurs de la vie démocratiques jouent aujourd'hui un grand rôle dans la promotion et la concrétisation de la démocratie Africaine. Sans oublier les actions de l'Union Africaine en la matière.

Toutefois, au-delà de toutes ces performances non négligeables, d'énormes blocus ralentissent encore les processus d'ouverture politique lancée il ya maintenant plus de deux dizaines d'années. Ces obstacles sont nombreux et variés. Cependant il conviendra de s'atteler à ceux que nous appelons ici les fondamentaux qui sont essentiellement culturels: la question de l'incompatibilité de certaines réalités socioculturelles africaines avec la démocratie libérale (A) et l'Absence de culture politique Africaine (pensées politiques) (B).

A. LA QUESTION DE L'INCOMPATIBILITE DE CERTAINES REALITES SOCIOCULTURELLES AFRICAINES avec la démocratie libérale

Dans les apparences, les pays d'Afrique en général et particulièrement ceux d'Afrique noire francophone sont vraiment en voie de démocratisation. Une telle affirmation peut être sans doute la conclusion d'une observation qu'on fait des institutions politiques et juridiques de ces pays mais surtout sur les beaux discours que peuvent tenir les dirigeants. Cependant dans la pratique, les comportements s'annoncent contraires aux principes dégagés par les textes et que les institutions symbolisent. Cette contradiction n'est pas le fait d'un hasard car elle a ses racines dans l'opposition des idées fondatrices des sociétés (occidentales) qui ont engendré ces systèmes et celles des sociétés (Africaine) qui tentent de s'en approprier. Ces contradictions s'articulent autours de ces points essentiellement : celle entre l'individualisme démocratique et l'esprit communautaire et le problème lié à la persistance de certaine conception du pouvoir.

Concernant le premier problème, il est crucial, car elle touche les bases mêmes des deux mondes. Plus haut nous avions souligné que la démocratie était une culture. Mais aussi l'Afrique est le monde d'une autre culture. Pour la première culture ou la culture démocratique, elle est fondée sur la philosophie individualiste elle-même fondée sur celle de sujet. La philosophie du sujet humaniste qui privilégie l'individu sur tout. Il est le début et la fin. Aussi elle renvoie à l'idée d'individu et d'institutions sociopolitiques chargées de conforter cette idée et de la réaliser. Ces institutions oeuvrent donc afin de consacrer au plus haut sommet de la sphère sociétale les libertés de l'individu et c'est de là qu'elles tirent leur légitimité. Mais cette culture suppose que cet individu soit maitre de sa parole et de son esprit critique. C'est la symbiose de ces deux instances qui ont fondé les habitus démocratiques qui se traduisent par la pratique du droit à la différence, l'acceptation des débats contradictoires, la reconnaissance et la défense des droits de l'Homme.

C'est donc ce culte de l'individu qui a aboutit à la mise en oeuvre de principe de séparation de pouvoir au profit de l'individu, de protection de l'intérêt individuel.

A établir un parallèle entre cette philosophie et celle qui sous-tend les actions politique et la socialisation dans les sociétés africaines, nous décelons une opposition des principes de base. En effet, dans la culture démocratique occidentale on consacre un culte de l'individu par contre la culture africaine ce dernier n'existe que par rapport à sa communauté, son groupe social. Ainsi ces intérêts ne sauraient primer sur ceux de la communauté.

Cette conception, dès le départ, du rapport de l'Homme avec la société dans la pensée africaine est à l'origine du droit africain pour lequel les droits du peuple sont au dessus des droits de l'individu ou droits de l'homme. C'est pourquoi la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine tentait de réunir ces deux types de droits qui sont conçus par certains auteurs comme contradictoire... C'est le cas de Francis Akindés.

Il apparait, donc, sans doute que l'Afrique à sa propre conception des droits de l'homme qui est désormais plus tournée vers les peuples que vers les individus, car en Afrique, la vie communautaire est l'origine et le fondement de la civilisation et des rapport sociaux de toues natures.

Ainsi, il devient facile de comprendre que le non respect de certains principes démocratiques n'est pas un fait isolé mais la manifestation d'un état d'esprit, une philosophie des choses. Il est évident qu'avec de telle pensée des droits de l'homme tels avancés dans la philosophie libérale ne pourront être facilement pris en compte en Afrique et par conséquent la démocratie qui les matérialise trouvera difficilement son accomplissement.

Par ailleurs, il faut préciser que cette contradiction ne saurait être l'expression du refus de reconnaitre l'universalité des droits de l'homme car, pour nous, si les concepts fondamentaux qui régissent cette notion sont communs à tous les peuples du monde tel que le concept de justice, force est de reconnaitre que les peuples n'en ont pas les mêmes interprétations. Loin d'être une source de conflit de cultures, nous pensons que cela devrait être perçu comme la manifestation concrète de leur différence. Différence qui devait être respectée par la reconnaissance du droit à l'adaptation de ces concepts par chaque peuple. C'est d'ailleurs dans ce sens que le président chinois Hu Jin Tao s'adressait aux français en soulignant que la Chine ne méconnaissait pas l'existence des droits de l'homme mais elle doit les adapter.

A l'instar de cette première contradiction, il faut dire que certaines conceptions du pouvoir, qui ne sont pas forcement propres à l'Afrique mais qui y sont déjà présentes, sont de véritables obstructions à la démocratisation.

Pour mieux les aborder il faut recourir travaux réalisés par les anthropologues Africains ou non sur les sociétés précoloniales africaines. Grâce à ces travaux les sociologues politologues se sont rendu compte qu'il y a bien une étroite relation entre les autoritarismes actuels en Afrique et la conception précoloniale du pouvoir mais aussi de l'homme.

En effet, selon les études effectuées par le philosophe béninois Basile Kossou (1981 :92) sur les royaumes du Dahomey (actuel Benin), les institutions monarchiques étaient agencées de sorte que le Roi ne rendait compte de ses actes à aucun vivant sauf aux ancêtres et par ce fait il jouissait d'un pouvoir énorme et sacré. Il disposait d'un pouvoir de contrôle et de commandement sur toutes les autres institutions de la société. C'est dans cet esprit que Béhanzin (Roi de Dahomey) obligea un jour le Bokonon (le devin) à recommencer la consultation du par ce que le premier message délivré par les ancêtres et les dieux contrecarrait ses desseins et ses projets de guerres.

Delà, il ressort aussi que même sur la structure religieuse qui était sensée limiter son pouvoir, il les coiffait toutes. Aussi, du point de vue de la valeur humaine, il faut dire que les sociétés Africaines ne font pas exception à la règle que connurent presque toutes les autres sociétés antiques. Ainsi en Afrique il n'était pas exclu de voir se réalisés des sacrifices humains pour implorer l'aide des dieux et épargner toute la société d'un cataclysme. Cela montre encore que la survie de la société passait devant celle de l'individu. Plus loin certains rois faisaient les mêmes sacrifices pour conserver leur pouvoir. De même à leur mort, ils devaient être accompagnés de tout ce qui pouvait leur permettre une vie royale dans l'au-delà : c'est le cas de ses femmes, de ses esclaves et de certaines ces richesses. Selon le même auteur, les cérémonies des rois d'Abomey devraient durer plusieurs jours contrairement au commun des gens et ils pouvaient être accompagnés d'au moins par quarante une personnes.

Par cette considération surnaturelle de la personne du roi, il restait le seul détenteur des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. En fin, il avait droit de vie et de mort sur ses sujets. Ces pratiques peuvent être identifiées depuis l'Egypte antique sous les pharaons.

En outre, cette vision du pouvoir ne dissociait pas la détention des richesses où de l'essentiel de ces richesses par le seul maitre qui a un pouvoir absolu sur tous les biens. En ce sens, Francis Akindés rentre dans l'impensée des africains pour citer ce proverbe : « les chèvres broutent là où elles sont attachées». Il part plus loin pour toucher par exemple les langues Fon et Ewé respectivement du Benin et du Togo. Dans la première l'expression Dou-gan et dans la seconde Dou-fia se traduisent tous étymologiquement « manger le pouvoir » et signifient accéder au pouvoir. De là, il se déduit que tout ce qui est mangé ne peut être partagé et par conséquent le pouvoir et tout ce qui lui est lié devient la propriété du détenteur de ce pouvoir. C'est cette pratique que Jean Bayart a appelé « politique du ventre ».

De telles idées ont pu marquer les pouvoirs de partis uniques qui sont issus des indépendances. Ainsi Mobutu appelait à une authenticité qui faisait de lui un empereur. Aussi les présidents guinéen et malien étaient appelés Famas (ou chef selon la tradition).

Par ailleurs, il faut dire que ces habitus n'étaient pas seulement une imitation d'une Afrique précoloniale mais aussi d'une époque coloniale qui contribuera fortement à la construction de ces fléaux ou à leur fortification : c'est le cas de la corruption et le clientélisme qui en découlent.

La persistance de l'ensemble de ces facteurs ne peut que retarder voire freiner l'évolution démocratique des Africains en général et surtout des pays d'Afrique noire francophone. Toutefois, le vrai problème semble n'être pas là car l'occident qui réclame cette démocratie ne peut se détacher de son passé qui était aussi régi par les mêmes formes d'idées et de pratiques. Ce vrai problème parait être donc la question de culture politique proprement africaine à laquelle devrait être adaptée la démocratie.

B. L'ABSENCE DE CULTURE POLITIQUE AFRICAINE : ou les idées politiques

De prime abord, il faut souligner que cette présente réflexion est l'une des plus importantes car, comme Akindés, nous sommes de ceux qui pensent que la « construction d'un système politique jouissant d'une autonomie plus ou moins réelle passe d'abord par la mise en place d'un véritable «système idéologique » qui s'incère dans l'universel. Ce système d'idées d'une importance capitale est le levier qui permet une adaptation des grands principes de droits naturels aux nécessités locales dans l'élaboration des règles qui commanderont les rapports sociaux. Et par cette action il parvient à situer la souveraineté nationale sur tous les intérêts individuels et détermine les contours de la nation en posant les principes clef qui la fonde. C'est lui qui devra dégager les valeurs qui font la spécificité de la nation.

Il faut dire que ces idées vont au-delà de la seule sphère politique et touchent tous les aspects de la vie sociétale. Elles sont puisées de l'histoire et s'enrichissent au fil du temps avec des emprunts non exclus qui sont faits des autres peuples.

Pour l'Afrique, si une analyse de l'histoire nous a permis de découvrir que toutes les valeurs issues du passé ne sont plus adaptées à l'actualité, cependant il ne faut pas oublier que ce même passé est bourré d'énormes richesses intellectuelles qui devaient nous permettre de construire aujourd'hui un système d'idées auquel les valeurs universelles véhiculées par les droits de l'homme pouvaient s'insérer. A cet égard de nombreuses réflexions on été menées dans ce sens malgré qu'elles ne font pas objet d'usage par les classes dirigeantes en Afrique. Ainsi dans sa thèse de doctorat (université Michel Montaigne-Bordeaux3) Mamadou N'diaye développait la thèse de la tradition démocratique africaine soutenue par de nombreux ténors de la pensée politique contemporaine en Afrique. C'est l'exemple de Cheikh Anta Diop, père fondateur de l'Egyptologie moderne, qui pense qu'en considérant le jeu de l'équilibre des pouvoirs comme un principe fondamental d'un système démocratique, l'Afrique reste et demeure une origine de la démocratie. A cet égard il faut rappeler que dans les sociétés traditionnelles africaines, contrairement à ceux qu'avance la plupart des anthropologues, les chefs n'étaient pas aussi libres qu'on puisse le croire car il devait toujours obéir aux ordres de la gérontocratie ou le conseil des anciens. Ce dernier devait être composé de personnes ayant acquis une grande sagesse, capables de se prémunir contre toute forme de corruption. Aussi dans la société mandingue (Royaume du Mali en Afrique de l'Ouest) par exemple, le griot, bien que très fidèle au roi ne s'empêchait pas de lui dire la vérité car investie de se pouvoir non pas par le chef mais par les normes de la société. Donc ne tirant pas sa légitimité d'une nomination du chef, était un véritable contre-pouvoir. Non loin de là se trouve les écrits de Léopold Sédar Senghor pour qui cette question de démocratie n'est pas seulement un problème de procédure institutionnelle mais c'est aussi et surtout une question de vertus, celles de l'honnête homme qui caractérise par un sens élevé de l'honneur, la maîtrise de soi et l'hospitalité. Et ce sont ces traits qui faisaient d'un homme Roi dans le Royaume du Sine Saloum. Dans ce royaume la sagesse, la connaissance de la tradition étaient les marques principales du chef et par ce fait les populations étaient rassurés de n'être pas gouvernés par un Bandit.

Dans la même logique Malick N'diaye revendique la paternité de la démocratie lorsqu'il écrivait en 1996 : « Si l'on fait de notre République moderne une création du colon, c'est qu'on a pas compris le processus qui lui a donné naissance en l'absence même du colon! Sans la colonisation et bien avant les Français de 1789, nous avons eu une République ou tout au moins l'égalité des conditions caractéristiques d'une société démocratique (Tocqueville), ainsi que nous en trouvons des exemples pertinents chez les Lebu et les Tukulöör»72(*).

En plus de ces idées, il faut rappeler que le constitutionnalisme en tant que pratique politique n'est pas étranger à l'Afrique car, guidés par un grand sens du dialogue, les Africains se sont souvent mis ensemble pour établir des contrats devant régir leurs rapports entre eux. C'est dans ce sens que l'éminent historien Africain Joseph Kizerbo citait l'exemple du Royaume musulman d'Ousmane Dan Fodio de Sokoto (1754-1817) mais bien avant ce dernier il y avait l'empire du Mali (qui regroupe l'actuelle Guinée, le Sénégal, le Mali....) qui, au XIIIème siècle, instituera l'historique charte de Kouroukan Fouga qui est considérée d'ailleurs par la plupart des auteurs contemporains comme la première déclaration de droits humains. Ce fut une véritable constitution au sens du droit constitutionnel moderne.

Au regard de toutes ces données, il ressort que les pays d'Afrique disposent d'une richesse intellectuelle abondante en matière de pensées politiques et dont la mobilisation est indispensable afin de rendre les notions fondamentales de valeurs humaines facilement perceptibles aux populations qui croient (comme certains intellectuels) que ces valeurs n'appartiennent qu'à l'occident.

Aujourd'hui si tous ces pays ventent les réussites japonaise et chinoise, c'est par ce que ces peuples ont pu construire une modernité sur des valeurs antiques.

Donc pour nous, la raison fondamentale de l'échec des démocratisations ou de leur ralentissement résulte du fait qu'elles se sont introduites dans un monde où les systèmes de valeurs ont été abandonnés. Ces systèmes de valeurs tels dégagés par les idées traditionnelles évoquées plus haut devraient être les clefs de la socialisation dans ces pays. Ce qui pouvait nous conduire à parler d'autonomie politique.

Toutefois, si « évoluer, c'est relever les défis de la vie... » (Edouard Chevardnadzé, 1991 ; p.45) ces Etats africains ont encore à s'employer avec plus de détermination pour relever le défis de la démocratisation au-delà de tout ce qu'ils ont consacré pour le moment comme progrès.

Pour conclure donc ce chapitre sur les expériences il faut tout d'abord dire qu'il a été d'une grande utilité car ayant permis de donner une vue d'ensemble du phénomène en étude. En appliquant les instruments théoriques de la transitologie à ces expériences nous sommes arrivées à comprendre que les voies de réalisation de la démocratie ne sont pas uniformes malgré la présence de traits communs qu'on ne saurait ignorer. Cependant la voie de la négociation et du dialogue à sembler être toujours la meilleure même si elle a parfois l'inconvénient d'omettre la question d'une justice sociale que d'autres pourront toujours revendiquer.

Ainsi doté de moyens nécessaires pour la comparaison de cas, nous devons entamer sitôt l'expérience guinéenne qui est objet de ce travail. Mais vu que cela concerne directement l'Etat guinéen, il conviendra pour ce faire de savoir comment cet Etat est apparu. Ce qui nous permettra de tisser un lien de causalité entre certaines réalités du présent et le passé.

CHAPITRE 3 : L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE (Conakry) : héritage colonial et émergence de l'Etat guinéen

Le titre de ce chapitre peut être provocateur. Car il n'est pas vraiment exclu de se demander pourquoi parler de l'histoire politique de la Guinée au beau milieu de ce travail et non pas dans l'introduction. S'il est vrai que nous ne réfutons pas en bloc de telle pensée, nous pensons cependant que les idées n'ont de sens que dans le contexte dans lequel elles sont exprimées. Et pour ce chapitre il s'agit de rendre notre travail plus cohérent dans l'enchainement de son contenu : car, comme souligné plus haut, le présent a toujours ses germes dans le passé.

Cela dit il convient de rappeler que la Guinée a été depuis l'époque précoloniale le foyer de grands peuplements et de grands empires et royaumes. Ce fut d'abord les Baga et les Nalous qui s'installèrent au VIIème siècle ; puis au XIème siècle ce fut le tour des Jalonkés. C'est à la suite que vinrent les peulhs et les mandingues entre XVIème et le XVIIIème siècle apportant avec eux l'Islam. Cependant durant tout ce temps les peuples forestiers seront toujours présents dans la région forestière de la Guinée. Chacun de ses groupes formera soit un empire ou un royaume. Ainsi les Baga et Nalous fonderont les royaumes de la basse côte, au Fouta Djallon où vécut le royaume théocratique peulh, en haute guinée exista l'empire Wassoulou de l'Almamy Samory Touré et enfin dans les régions forestières vécurent des chefs comme Kissi Kaba Keita et N'Zébéla Togba. Mais avant ces entités moins vastes, la Guinée connut le très ancien empire du Ghana (du VIIIème jusqu'au Xème siècle après J.C), ensuite vint l'empire du Mali de Soundjata Keita qui durera du XIIIème siècle jusqu'au XVème siècle.

Durant donc des siècles les royaumes et les empires se succédaient, développant au fil du temps de fructueuses relations commerciales, intellectuelles et religieuses avec l'Afrique du Nord et les commerçants musulmans de l'Est. Mais Bientôt ces structures vont être bouleversées avec l'arrivée des européens d'abord pacifiquement puis par la violence. Et, après de longues luttes avec les résistants africains, ils finirent par triompher vers la fin XIXème siècle et imposèrent donc le système colonial duquel est née l'Etat guinéen.

Dans cette présente réflexion, nous n'allons pas rentrer dans la période précoloniale, mais nous partirons de la pénétration coloniale en Guinée et la constitution de la colonie française de Guinée (Section1) pour aboutir l'Emerge de l'Etat à travers le transfert du pouvoir colonial (Section2).

SECTION 1 : DE LA PENETRATION COLONIALE A LA CREATION DE LA GUINEE FRANÇAISE

C'est au nom d'une mission d'évangélisation que fut ordonnée par le pape Alexandre VI Borgia (1431-1503) que la conquête de l'Afrique par, principalement le Portugal (puissance mondiale de l'époque avec l'Espagne). A cet argument s'ajouteront plutard ceux de la recherche scientifique et du commerce avant de se solder par la conquête politique qui mobilisera toutes les puissances coloniales européennes : française, anglaise, hollandaise, allemande et italienne en plus des deux premières déjà citées. La Guinée située sur les terres côtières sera très tôt envahie par les impérialistes (paragraphe1) avant de rester pendant plus d'un demi-siècle une colonie française (paragraphe2).

PARAGRAPHE1 : LES IMPERIALISTES A LA CONQUETE DE LA GUINEE

La conquête de la Guinée ne s'est pas faite d'un seul coup c'est-à-dire par la seule voie violente car, avant cette dernière, le pays connut d'abord la présence de nombreux explorateurs ayant des buts différents : le commerce, l'évangélisation, la recherche scientifique. C'est donc ces voyageurs qui préparèrent le terrain aux conquérants grâces aux importantes informations qu'ils fournirent.

Dans cet ordre il faut cités d'abord le portugais Nuno Tristao qui atteint la rivière Rio de Nunez à laquelle il donna son nom. Il fut cité dans une chronique de 1453. La découverte de cette rivière fut d'une importance capitale car elle ouvrait la voie aux riches terres côtières guinéennes et à la route de la région du Fouta Djallon. Ensuite vinrent les anglais le Major Peddie et le Capitaine Campbell à la tête d'une expédition en 1816 pour découvrir la route du Fouta sous la délégation de leur pays. C'est à la suite que le Français Mollien partit du Kayor au Sénégal, traversa le Boundou pour atteindre le Fouta Djallon en visitant Timbo. Il sera suivi à partir de 1827 par René Caillé qui alla de Kakandé, passa par Boké puis Labé en 1828 pour continuer vers Tombouctou, ville qu'il cherchait coûte que coûte à voir. Mais c'est Olivier de Sanderval qui vint réellement en Guinée en vue d'obtenir des avantages pour la France. C'est ainsi qu'il réussit la signature d'un traité en 1881 avec l'Almamy du Fouta Karamoko Alpha pour la construction d'un chemin de fer par la France. En somme, tous ces voyages vont plutard ouvrir la porte à la véritable occupation par la force qui sera réellement engagée par la France après élimination de ces concurrents déjà en place depuis plusieurs années.

En effet, en tant que principale puissance mondiale de l'époque, le Portugal fut le premier à atterrir sur les côtes guinéennes. Il y installa très tôt des comptoirs pour le commerce portant essentiellement sur l'épice, l'huile de palme, l'Ivoire, l'or, les esclaves avec les populations autochtones Baga et landouma. Cette présence portugaise restera marquante grâce aux noms qu'ils donnèrent aux principaux cours de la côte tels que le Rio Nuñez, le Rio pongo, la Cap Verga...). Aussi des noms de famille portugais furent portés par certaines familles. C'est le cas des Gomez, des Fernandez de Guinée.

L'expansion coloniale portugaise sera rapidement freinée dans les territoires de l'actuel Guinée Bissau avec l'arrivée de nouvelles puissances coloniales : d'abord les britanniques puis les français. Les premiers ne s'attarderont pas sur les côtes guinéennes mais continueront vers le sud où ils se concentreront et donneront naissance à l'actuel Sierra Léone. Quant aux français futurs maitres de la Guinée, supplanteront toutes les autres puissances coloniales en moins de quarante ans.

A cet égard avant de se donner la propriété des territoires guinéens, la France dut affronter d'énormes résistances.

Commençant par la basse côte, les français y ont affronté les hostilités du chef nalou musulman Dina Salifou. Mais ce ne fut très important car déjà, avant leur arrivée, des rivalités intestines étaient très présentes. C'est ce qui facilita l'arrestation de Dina Salifou qui fut déporté au Sénégal en 1900, où il mourût.

Au Fouta par contre, les français découvrirent une société très organisée et stratifiée. Ils y pénètrent grâce au premier voyage de l'explorateur français Olivier de Sanderval en 1880 qui prépara la future conquête en nouant de bonnes relations avec les chefs et les populations. C'est à la suite que la France envahit le Fouta Djallon, après avoir définitivement écarté les anglais. Elle combattit l'Almamy Bocar Biro avec le soutient de l'armée de Sanderval une partie des notables et le vainquit en 1896. Le Fouta tombait ainsi sous la domination française. Partant, la France ne va pas s'arrêter là, elle continuera vers le Nord pour s'attaquer au royaume toucouleur d'El hadj Omar Tall et à l'empire Wassoulou de l'Almamy (chef musulman) Samory Touré.

Avec ce dernier, la résistance dura plusieurs années. Après avoir mis en déroute plusieurs fois les troupes françaises notamment en 1882 et en 1885, l'Almamy Samory Touré sera affaiblit successivement avec les attaques répétées des français de 1891 jusqu'en 1898 où il fut arrêté à Guéléma en Côte d'Ivoire, il fut fait prisonnier et déporté au Gabon où il mourût le 2 Juin 1900. Dans la région forestière la résistance ne prendra pas assez de temps. Elle fut réellement le fait de Kissi Kaba Keita et de N'Zébéla Togba Pivi.

Après avoir ainsi supprimé la quasi-totalité des opposants à sa puissance la France décrétera la Guinée comme colonie française en établissant ses frontières avec les autres colonies.

PARAGRAPHE2 : LA PROCLAMATION DE LA COLONIE : organisation et fonctionnement

Comme résultat de ces conquêtes menées depuis plusieurs années, la France obtint une région plus ou moins pacifiée sur laquelle elle devait établir ces droits de propriété. Cette région par la suite devrait obtenir le statut de colonie indépendante de Guinée (I) avec son organisation et son fonctionnement (II).

I. LA PROCLAMATION DE LA COLONIE INDEPENDANTE DE GUINEE : la Guinée française

C'est par un décret du 17 Décembre 1891 que la colonie des Rivières du Sud devint la colonie indépendante de Guinée (à ne pas confondre avec la Guinée indépendante de 1958) sous l'initiative de son premier Gouverneur Dr Noël Ballay. Cependant avant cette date, la colonie de Guinée appelée encore Rivières du Sud était sous le contrôle d'un commandement particulier institué à Gorée au Sénégal par le décret du 20 février 1859. Ce commandement devait veiller sur les établissements commerciaux français et le respect des traités conclus avec les autochtones.

En 1882, un décret du 12 Octobre attribut la qualité de colonie française aux rivières du Sud, tout en les gardant sous la dépendance du Sénégal. Le Dr Bayol sera le lieutenant- gouverneur, assurant sa direction avec de large pouvoir dépassant le cadre des rivières du sud pour toucher tout le littoral jusqu'au Gabon.

Le 1er Août 1889, la colonie des Rivières du sud, constituées des établissements français de la Côte d'or et du golfe de Benin obtint son autonomie face à l'administration centrale du Sénégal.

C'est après ce périple que le résultat plus haut sera atteint. Mais les frontières ne seront définies qu'en 1899 et reconnues par plusieurs textes internationaux tels que :

Ø l'arrangement du 21 décembre 1885 avec l'Allemagne qui renonce à ses prétentions sur les territoires situés entre le Rio Nunez et la Mellacorée ;

Ø la Convention du 12 mai 1886 avec le Portugal fixant les limites de la Guinée Portugaise et de la Guinée Française et reconnaissant notre protectorat sur le Fouta ;

Ø la Convention franco-britannique du 10 août 1889, complétée par celles du 26 juin 1891 et du 24 janvier 1895, fixant la délimitation avec la Sierra-Leone ;

Ø la Convention du 8 avril 1904 avec l'Angleterre cédant les îles de Los à la France ;

Ø le traité franco-libérien du 13 janvier 1911 délimitant la frontière.73(*)

Ainsi constituée, cette colonie devrait rentrer dans la Fédération Occidentale française et devenir un « territoire français d'outre-mer » par la constitution du 7 Octobre 1946.

Mais comment cette colonie était-elle organisée et comment fonctionnait-elle ?

II. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COLONIE FRANCAISE DE GUINNEE

La Guinée française était l'une des six colonies françaises d'AOF (Afrique occidentale française) dont la capitale fut Dakar où résidait le ministère des colonies créé en 1894. Dans tout cet espace colonial français, le système d'organisation et de fonctionnement était presque le même partout : une forte centralisation du pouvoir de décision marquait la hiérarchisation administrative, la quasi- exclusion des indigènes ou autochtones est présente. L'exploitation massive, la persistance de la traite et les inégalités entre citoyens français et africains faisaient le fonctionnement de cette administration. En somme il s'agissait d'une administration directe avec une politique d'assimilation. Ainsi après avoir fait la lumière sur l'organisation administrative de la colonie (A) nous tenterons d évoquer son fonctionnement (B).

A. L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE LA COLONIE DE GUINEE

La colonie française de Guinée eut pour capitale Conakry. Son organisation est pyramidale et fortement hiérarchisée.

A la tête de cette hiérarchie se trouvait un gouverneur de colonie établit dans la capitale. Placé sous l'autorité du gouverneur général des colonies (AOF à Dakar), il était le représentant et le dépositaire des pouvoir de la république. C'est le chef de toute l'administration de la colonie (justice, finance, enseignement, santé et police de maintient de l'ordre...). De ce fait il est compétent de prendre des décrets, de nouer des relations diplomatiques avec les pays voisins, d'interner les rebelles et expulser les étrangers etc.... Il faut dire que le gouverneur se fait assister d'un conseil composé de notables européens et Africains chargés de rôle essentiellement consultatif. La Guinée connaitra vingt deux gouverneurs jusqu'en 1956.

Après le gouverneur de la colonie venaient les fonctionnaires et agents de l'administration de subdivision. Ces derniers sont appelés administrateurs de la colonie et on les classifie en deux groupes selon le découpage administratif. Les premiers sont les chefs de cercles ou les circonscriptions et les seconds s'occupent des subdivisions en tant que chefs de subdivision. Les chefs de cercles représentent le gouverneur et sont à leur tour représentés dans les divisions par les chefs de division.

Ces fonctionnaires ont tous les pouvoirs dans leurs localités. Ces larges compétences touchent essentiellement : le maintient de l'ordre en tant chef de milice, la justice, le recensement et la perception de l'impôt, les travaux de constructions de routes, de bâtiments et chemins de fer. Il est le premier des européens et le représentant des indigènes. En somme il faut dire que rien ne se fait sans lui son autorisation ou son aide.

Dans ces niveaux s'incèrent les hauts fonctionnaires français dont le nombre en Guinée ne dépassait pas les cinq cent. Ils occupent les bureaux des secrétariats ou les inspections etc...

Subordonnés aux administrateurs, les chefs de cantons se trouvent dans l'un des plus petits découpages territoriaux à savoir le canton qui regroupera plusieurs villages. Ces chefs de cantons sont choisis par les administrateurs parmi les notables africains selon leur utilité et leur influence et ont essentiellement une fonction d'exécution. Leur nombre diminuera dans le cercle de Kissidougou de façon. Ainsi nous aurons 60 en 1918, 44 en 1938, 36 en 1957.

Ainsi constituée, on se demande comment cette structure fonctionna t-elle en Guinée ?

B. LE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION COLONIALE

Parler du fonctionnement de l'administration vise à mettre l'accent sur deux cadres relationnels à savoir : la relation des autorités administratives entre elles mais aussi et surtout leurs relations avec les administrés. Tous concourent à mieux réaliser la colonisation !

Dans le premier cas la relation était purement celle d'une administration extrêmement centralisée guidée par le jacobinisme français. Chaque autorité administrative étaient soient un roi en son royaume même s'il devait rendre compte de ces actes. Les directives du chef hiérarchiques devaient être exécutées sans conditions, surtout pour les cadres subalternes africains dont la permanence de fonction était étroitement liée à leur obéissance.

Du côté des relations de l'administration avec les administrés, une mise au point est importante à faire : c'est le fait qu'il y ait deux catégories juridiques d'administrés, les premiers étant des citoyens français soumis au code civils et aux juridictions françaises et les seconds sont des sujets ou les indigènes non citoyens qui sont soumis au droit coutumier pour ce qui concerne leur statut personnel. Cette différence de régimes juridiques n'est pas sans conséquence sur le traitement qui leur est réservé par l'administration. Ainsi tant disque les citoyens français jouissaient de tous les respects et privilèges, les sujets africains étaient par contre soumis à une exploitation cruelles manifestée par diverses prestations : les impôts en nature (dix jours par ans), les travaux de constructions de route et de chemin de fer. Si certains étaient au moins mal rémunérés, les abus qui en étaient liés étaient sévères : c'est le cas des travaux forcés, des corvées. Beaucoup seront ainsi enrôlés dans les milices et armées coloniales, transformés en transporteurs, serviteurs et main d'oeuvres dans une Guinée où l'agriculture coloniale (banane, caoutchouc, café et cacao) a prospéré. Ce statut d'indigénat qui était règlementé par le code de l'indigénat ne favorisait que les quelques cadres subalternes. Ce système autoritaire dispose en plus d'une machine de mise en oeuvre forcée des décisions qui est la force armée et les milices qui sèment la terreur sur les colonisés. C'est d'ailleurs ce qui va favoriser la politique d'assimilation au-delà des écoles.

Si cette colonisation n'eut pas seulement que des conséquences négatives (telles que la découverte d'autre culture et savoir faire par exemple par les africains), ce sont pourtant ces conséquences (négatives) qui seront les plus dominantes. Car ce système sans se limiter au pillage des ressources, à l'humiliation et à l'exploitation des populations, va transmettre et renforcer de valeurs incompatibles à une gestion responsable : ce furent la corruption, le clientélisme, le goût du luxe qui consiste à se faire passer pour le maitre, l'autoritarisme et la répression administrative ainsi que le caractère sévère des lois pénales.

Le poids de cette situation va conduire les populations à se révolter et à demander le transfert du pouvoir colonial c'est-à-dire le départ du colonisateur en tant que force de domination politique et économique. Révolte qui favorisera l'émergence du nouvel Etat.

SECTION2 : DU TRANSFERT DU POUVOIR COLONIAL A L'ETAT HERITE

Face à la montée des révoltes et la prise de conscience de l'élite africaine de Guinée, le colonisateur français n'eut d'autres choix que de leur remettre le pouvoir. Et les pressions exercées évolueront des simples revendications sociales et professionnelles à celle de l'indépendance entière. Dans ce contexte historique, nous tenterons de rappeler les causes et les acteurs de ce transfert (paragraphe1) après quoi il sera important de dégager les caractéristiques de l'Etat Africain qui en est issu (paragraphe2).

PARAGRAPHE1 : LE TRANSFERT DU POUVOIR A L'ELITE LOCALE : CAUSES ET ACTEURS

Comme penseront la plupart des auteurs, la colonisation portait en elle ces propres moyens de destruction. Cette affirmation est d'autant vraie que les causes du transfert du pouvoir aux africains sont inhérentes au système lui-même. Mais aussi, il faut noter que ce transfert ne s'est pas fait de manière mécanique, elle suivra des séquences selon l'importance des actions des principaux acteurs. Ces actions que nous considérons ici comme ayant été, essentiellement, les facteurs à la base de l'accession à l'indépendance, furent d'abord d'ordre social (I) avant de se politiser (II).

I. LES REVENDICATIONS SOCIALES EN GUINEE ou le ROLE DES ACTEURS SOCIAUX

La contestation sociale en Guinée a été essentiellement le fait des ouvriers, organisés au sein de groupes syndicaux, mais le rôle des paysans sera aussi déterminant.

En effet si depuis 1884 la classe ouvrière française a obtenu le droit de grève, pour les guinéens il va falloir d'énormes luttes. Ces luttes commencent en 1906 car jusqu'à cette période n'étaient règlementés que le recrutement et le contrat de travail. Cette grève fut déclenchée par les ouvriers des chemins de fer et durera un mois. Ces travailleurs se sont révoltés contre les mauvais traitements et l'insuffisance de nourriture.

Bien que cette première action fût sévèrement réprimée, les mouvements continueront en 1909, en 1912, 1918. En Avril 1920, ils deviennent plus sérieux avec une insurrection qui se produit dans l'entreprise Morosini dans la ville de Mamou et dans la plupart des maisons coloniales.

Toutefois, durant toute cette période, les ouvriers vont rester sans structure réelle. Cette situation changera à la fin de la seconde guerre mondiale lorsque la France accorda le droit de constitution de syndicats. C'est ainsi que les fonctionnaires, les salariés du secteur privé et les artisans vont créer les premiers syndicats d'abord autonomes puis confédérés. Ce sont : l'union des syndicats confédérés de Guinée (U.S.C.G) qui fut la première et la plus puissante ; ensuite le C.F.T.C qui vient en second lieu et regroupe les ouvriers des entreprises minières ; et enfin le syndicat autonome des cheminots.

Ainsi instituées, ces nouvelles forces sociales vont exercer d'énormes pressions directement sur l'administration coloniale et indirectement sur la métropole. Pour ce faire, héritant d'une condition de travail et de vie en décadence74(*) après la seconde guerre mondiale, les salariés guinéens vont entreprendre un vaste mouvement de contestation. En effet, tout part avec les cheminots du 10 octobre 1947 au 19 mars 1948. Ce fut l'une des grèves les plus importantes par la durée et la victoire qui s'ensuivit. Mais en Juin 1950, une autre grève d'une plus grande envergure eut lieu sous la direction du plus grand mouvement syndical : l'U.S.C.G. Elle conduit à l'arrestation des principaux leaders (Sékou Touré, Lamine Fofana, Papa N'diaye et Faber Raymond). Toutefois le résultat sera important car en plus de la libération de ces leaders, une augmentation de salaire eut lieu passant de 120 francs à 160 avec la réinsertion des salariés licenciés. Par ces actions dont nous ne pourront tout citer ici le syndicalisme guinéen se révéla défenseur des intérêts du peuples guinéen et africain. Il permettra ainsi d'obtenir du colonisateur un ensemble de droits et amélioration, bien que mitigée, des conditions de vie des travailleurs. Dans le même contexte, l'élite guinéenne va développer une capacité de lutte par son organisation et sa discipline. Et d'ailleurs que son leader incontournable Sékou Touré va fonder l'hebdomadaire des travailleurs en 1952.

En outre, à côté du mouvement syndical, les soulèvements de paysans seront d'une très grande importance.

En effet, depuis, l'implantation de l'administration coloniale en Guinée, cette couche de la population est soumise à d'atroces exploitations par les administrateurs coloniaux et surtout des chefs de cantons. Ils subissent en grande partie le travail forcé ou travail pour les chefs de cantons qui sont les notables sans perception de salaire. Cette pratique est encore plus importante au Fouta et dans la région forestière où la stratification de la société semble être encore beaucoup rigide. Ainsi lorsqu'ils obtenaient des paysans le poulet à 30francs, ils le revendaient sur le marché à 150francs et les oeufs achetés à 1 francs étaient revendus à 5francs.75(*)

Ces chefs de cantons très favorables à une colonisation qui leur laissent les mains libres sont à la base de la corruption même des inspecteurs et préleveurs d'impôts. Ce qui accrut les abus. C'est pourquoi la réaction fut sans précédent, des révoltes aux exodes en passant par la dissimulation des biens. D'où dès 1911, certains s'attaqueront aux chefs de cantons et bruleront les champs dans les régions de la basse Guinée et de la Guinée forestière. De même les régions de Kouroussa et de Fouta en connaitront. Pour cette dernière ce furent les Coniagui. Leur insurrection sera encore plus importante en 1945 lorsqu'il devait fournir l'essentiel des efforts de guerre.

Cependant, le caractère inorganisé de leur mouvement les rendra longtemps vulnérables. Ce qui leur poussera à être les premiers supporters du PDG (le Parti Démocratique de Guinée) en 1947 et 1949 alors que ce parti était encore rejeté de tous.

La présence des femmes dans ces revendications n'est pas à oubliée.

Par ailleurs renforcés dans leurs actions sociales, les guinéens vont très tôt changer de contenu et de visées de leurs réclamations. Ils penchent pour la libération politique du pays d'où l'intervention des partis politiques.

II. DE LA POLITISATION DE LA CONTESTATION A LA DECLARATION DE L'INDEPENDANCE : le rôle des partis politiques

Parler de la phase politique des revendications anticolonialistes en Guinée ne peut se faire qu'en faisant recourt au rôle joué par les partis politiques dans cette lutte. Cependant s'il est vrai que ce rôle des partis politiques dans la conquête de l'indépendance en Guinée fut déterminant, force est de reconnaitre que leur action sera à l'origine de la plus grande division des guinéens tel nous le connaissons aujourd'hui. Nonobstant cette adversité, de grands efforts seront fournis pour rendre la contestation nationale. Pour donc aborder cette phase cruciale de l'histoire de la Guinée, il conviendra de distinguer deux périodes : celle de la libération dans la division ou l'émergence des premières formations politiques (A) et la période de la cherche d'une dimension nationale à la lutte (B). Cette dernière période est incarnée par l'historique PDG (Parti démocratique de Guinée).

A. L'EMERGENCE DES PREMIERES FORMATIONS POLITIQUES GUINEENNES : la libération dans la division

D'entrée, il faut dire que c'est sur des bases tribalistes, ethnocentriques et régionalistes que les premiers partis politiques ou nous dirons associations à caractère politique sont nées en Guinée et ce avant 1945. Elles sont abordées dans une analyse de sociologie politique par l'américaine Schachter Morgenthau76(*). Dans ces travaux, elle énumère quatre groupements politiques provenant chacun d'une région naturelle du pays. En premier lieu, l'Amical Gilbert-Vieillard mis en place par les intellectuels peuls de l'école normale William-Ponty. C'était la plus importante et le mieux organisé des groupements régionaux dès le début. Ce groupement sera beaucoup plus proche de l'administrateur colonial avec l'aide de qui il réalisera de nombreuses victoires aux élections notamment en 1945, 1947 et 1953. Ensuite venait le groupement mandingue qui, au départ n'était qu'une simple représentation de la haute Guinée avec à sa tête un enseignant lettré musulman du nom de lamine Ibrahima Kaba. C'est cette association qui sera remplacé plutard par l'Union mandé créée par Sékou Touré, Kéita koumadian, Sinkoun kaba et Framoï Bérété. A ces deux, il faudra ajouter les associations de la Guinée forestière et de la basse côte.

Durant les huit premières années d'élection en Guinée (1947-1953), les affrontements entre ces formations régionales ne vont pas cesser. Les unes accusant les autres de collaborer avec le colonisateur. Bien qu'il puisse arriver parfois qu'elles s'unissent (comme ce fut le cas par exemple en 1945 où les représentants des trois dernières régions citées plus haut s'unirent pour battre le candidat peul qui avait accueilli plus de voix au premier tour)77(*), ces unions étaient cependant éphémères car, elles étaient divisionnistes et ne concernaient que la période des élections. Aussi il faut dire que les attaques verbales racistes étaient une règle du jeu politique. A ce titre l'A.G.V rappela les victoires peulhs contre les autres groupes ethniques lors des guerres précoloniales. De même les autres les reprocheront toujours leur engagement du côté du colonisateur. Ce qu'ils (les membres de l'AGV) appelaient : « Allons prudemment».

Dans ce contexte de morcellement et de quête de privilèges, les partis politiques ne purent réellement influencer l'administration coloniale qui fut au contraire renforcée par le jeu de la division pour régner car chaque député guinéen qui gagnait n'était qu'un ennemi des autres.

C'est dans cette situation que certains leaders pris conscience de la nécessité de nationaliser la lutte.

B. LA RECHERCHE D'UNE DIMENSION NATIONALE A LA PROCLAMATION DE L'INDEPENDANCE : la création de l'Etat guinéen

En effet, prenant conscience de la limite des actions régionalistes face à la persistance de la domination coloniale, certains guinéens chercheront à se retrouver dans un grand parti, un mouvement commun pour une Nation et un Etat communs. Ce fut, selon nous, le début de l'existence de la véritable Guinée.

C'est cette idée qui sera à la base de la nouvelle lutte pour l'indépendance. Cette nouvelle lutte sera incarnée par le PDG (Parti Démocratique de Guinée).

Le PDG en Guinée fut une section du RDA (Rassemblement Démocratique Africaine), le plus grand parti panafricaniste constitué à l'initiative du député et futur président ivoirien Houphouët Boigny en Octobre 1946 à Bamako. Il a été officiellement constitué en Mai 1947 en remplaçant le Parti Progressiste de Guinée (le PPG) de Kéita Madeira. Ce dernier avec certains de ses amis participeront au rassemblement constituant du RDA et c'est à leur retour qu'il décide de mettre en place un parti national.

Le but de ce parti tel consigné dans les tomes de Sékou Touré78(*) était donc d' : « unir, dans des organismes démocratiques et unitaires géographiquement définis, dans des hommes et des femmes de toute race, de toute religion, autour d'un programme commun pour une action commune.

Cependant, la maladie du régionalisme et les oppressions de l'administration vont très tôt ralentir l'élan que prit le parti. A ces facteurs il faut aussi ajouter les idées que véhiculait le parti par sa dénonciation vigoureuse de la colonisation et des chefferies traditionnelles qui lui sont fidèles. De même «la plupart des diplômés guinéens de William-Ponty, désireux de tirer immédiatement profit de l'introduction des élections en Guinée, restèrent en dehors79(*)». Seules quelques poignées de progressistes y resteront.

Mais cette situation devrait changer en 1951 lorsque le syndicaliste Sékou Touré fut choisi pour devenir candidat du parti à aux élections législatives. Delà, le parti se lança dans la conquête du pouvoir jusqu'à 1957.

Mais pour doter le parti de moyens efficaces il fallu l'inscrire dans l'activisme syndical, dont l'U.S.T.G (Union Syndicale des Travailleurs de Guinée) sera le fer de lance. Alors leader syndical et membres de la direction du parti, Sékou Touré lance, avec l'aide de guinéens de la Côte D'Ivoire, une lutte énergique contre la livraison obligatoire de produits agricoles en région forestière. Ils protesteront aussi contre la lenteur que prenait l'adoption du code du travail. Ces mouvements se poursuivront en 1952, et 1953. En cette dernière année il fut organisé la plus importante grève qui dura 66 jours et se termina par la victoire des syndicalistes. A partir de là, le pouvoir colonial commença a redouté le mouvement susceptible de le défaire. Car la puissance de l'action syndicale à viser politique se dégageait. Il est désigné secrétaire général du parti le chef syndicaliste Sékou Touré. Ce qui complètera le mariage du parti avec le syndicat pour des objectifs beaucoup plus politiques. Cette réalité est illustrée par ce propos de Sékou Touré quelques années plutard : «faire l'histoire du mouvement syndical africain, c'est écrire une véritable histoire de la lutte des peuples d'Afrique»80(*).

Ainsi, le poids du mouvement était devenu si important surtout par son organisation à l'intérieur du pays qu'on pouvait parler d'une seconde administration.

Grâce à cette structure et sa discipline, le parti allait affronter la décisive année de 1956 où la loi-cadre pour les territoires d'outre-mer dite loi-cadre Deferre, fut votée par le parlement français. Cette loi annonçait la création de conseil de gouvernement dans les territoires d'Outre-mer. Elle marquait une étape importante dans l'évolution des colonies françaises en général mais particulièrement de la Guinée. En même tant une nouvelle piste de tension s'ouvrait car les partis politiques devraient s'affronter. D'une part le PDG-R parfois avec plus de violences. Le PDG-R.D.A contre son principal adversaire, le BAG (le Bloc Africain de Guinée).

Si en 1956, les deux partis obtinrent des sièges à l'Assemblée française : deux pour le PDG-RDA et un pour le BAG, les choses vont aller plus vite pour ce premier lorsqu'il remportera une écrasante victoire en 1957 à l'Assemblée territoriale (56 sièges sur 60). Ce qui donne au puissant parti le pouvoir de former le premier gouvernement guinéen dont le vice président fut Sékou Touré et le président restait le gouverneur français J. Ramadier. C'était un très grand pas dans le transfert du pouvoir colonial à l'élite locale. Mais bien avant cette date, il faut dire que d'énormes affrontements auront déjà lieu, faisant de nombreuses victimes entre les partisans des deux partis. Nonobstant, le PDG profitera de sa présence au pouvoir pour préparer le terrain de l'indépendance en prenant des mesures importantes telle que la suppression de la chefferie traditionnelle et leur remplacement par une administration au sens républicain du terme. Ainsi le nouveau vice président tentait de forger une nation guinéenne en éliminant les traces du régionalisme.

C'est bien dans ce dessein que la majorité des guinéens déjà membres du PDG feront face à l'historique référendum gaulliste proposé en 1958 aux colonies françaises qui vivaient depuis quelques années auparavant une certaine autonomie.

En effet, en Mais 1958 la IVème république disparaissait en France et le général De gaulle venait au pouvoir. Dans le même contexte un débat houleux avait lieu entre les partisans de quatre idées maitresses sur l'avenir des colonies : au primo se trouve les partisans de l'indépendance immédiate, ensuite ceux qui soutiennent d'une confédération d'États indépendants composée de la France et d'un groupement d'États africains doté d'un exécutif fédéral (Léopold Sédar Senghor, Sékou Touré) ; puis les partisans d'une communauté de type fédéral avec des rapports inégalitaires entre la France et les membres africains jouissant d'une autonomie interne (F. Houphouët-Boigny). C'est cette dernière proposition qui sera choisie par le général De gaulle et pour laquelle il ferra campagne dans les colonies.

A cet égard, contrairement à toutes les autres colonies, la Guinée, désireuse de prendre en main son destin, ferra le choix de dire « non » à cette proposition française. Elle optera pour une indépendance immédiate sans pour autant prétendre rompre ces liens politiques et économiques avec la France. C'est en ce sens que le père de l'indépendance, Sékou Touré, déclarait le 25 Août 1958 lors du passage du général De Gaulle : « Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l'esclavage (...) ; nous ne renoncerons jamais (...) à l'indépendance (...). Notre coeur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents nous font choisir (...) l'interdépendance et la liberté dans cette union (avec la France) plutôt que de nous définir sans la France et contre la France».

Cette décision sera matérialisée par le vote du 28 Septembre 1958 où il aura 1 136 324 bulletins pour le Non et 56 981 pour le Oui.

Par cet acte, la Guinée rentrait une fois encore dans l'histoire, la première colonie française d'Afrique noire à avoir son indépendance. De là, naissait enfin l'Etat guinéen. Mais quels sont les traits fondamentaux de cet Etat à peine né ? C'est à cette question que nous tenterons de répondre.

PARAGRAPHE 2 : DE L'ETAT HERITE : LES CARACTERISTIQUES DE L'ETAT POST- COLONIAL EN GUINEE

Le 23 novembre 1958 dans un discours sous titré «  La nécessaire reconversion », le nouveau président guinéen, Sékou Touré signalait : « si, en Guinée, le pouvoir colonial a été définitivement supprimé, si la conquête de l'Indépendance guinéenne est une manifestation de l'inévitable évolution de l'histoire, les méfaits du colonialisme n'en sont pas pour autant détruits et c'est bien à une décolonisation intégrale que nous devons nous consacrer..... » De cette affirmation nous nous rendons compte à plus d'un titre que la colonisation était aussi un transfert de comportement et de pratique. C'est pourquoi l'Etat qui peut en être issu ne peut être dépourvu de tous ses caractéristiques. Cependant, tel n'est pas forcément l'avis de tous les auteurs, surtout ceux qui ont développé et soutenu certaines théories de qualification de l'Etat postcolonial. Il s'agit de la théorie de politique du ventre et celle de l'Etat néo patrimonial. La plupart de ces auteurs vont chercher des explications dans l'Afrique précoloniale.

Cela dit, nous citerons, sans les analyser au fond, Certains de ces traits que nous considérons essentiels tant sur le plan politique qu'économique. Ce qui devra nous conduire à percevoir le nouvel Etat comme un Etat importé (I), un Etat néo-patrimonial (II) et un Etat autoritaire (III)

I. UN ETAT IMPORTE : ou la question de l'Etat-nation

Penser que l'Etat issu des indépendances est un Etat importé ne veut pas dire que ce concept d'Etat est étranger à l'Afrique. Loin de là. Mais il s'agit singulièrement du type d'Etat que la colonisation a poussé les africains à construire bon gré mal gré : l'Etat-nation européen.

En effet, l'Etat-nation qui est un concept essentiellement européen suppose la construction d'une entité politico-juridique (Etat) comme l'incarnation d'une réalité sociopolitique unifiée où les tous les membres se sentent liées par une conscience unique et historique (Nation). Il s'agit de la question de Nation. Cette dernière selon une conception volontariste française regrouperait sur un même territoire des personnes ayant en commun des intérêts et désirant vivre sous le même toit. A ces facteurs subjectifs s'ajoutent d'autres facteurs objectifs liés à leur histoire, leur culture etc...... Quant à la conception objective, elle se limite aux facteurs objectifs cités et propres à une communauté.

Ceci étant, il est bien connu de tous que l'Etat postcolonial est apparu sur les frontières tracées auparavant par le colonisateur au profit de ces intérêts (selon l'étendue de son pouvoir impérial). Par ce fait, de nombreux peuples se sont retrouvés de part et d'autres des frontières ainsi établies. Ils seront éparpillés et forcés de redémarrer une nouvelle cohabitation avec des peuples qu'ils ont parfois combattus. L'exemple des peulhs et des populations de la Basse côte en est une illustration en Guinée. En effet les premiers combattront pendant plusieurs années les second pour leur islamisation et ces derniers ne se soumettront jamais, préférant parfois l'émigration.

Toutefois, comme nous l'avions observé dans le cas guinéen, les luttes pour l'indépendance ont forgé un certain nationalisme par lequel la plupart des africains commenceront à se déterminer comme appartenant tous à un territoire commun bien qu'établi par les colonisateurs. C'est d'ailleurs au nom de tel idéal que l'existence des partis uniques se justifiait. Cependant toutes ces tentatives sont restées très limitées à en croire aux conflits interethniques qui en ont issus : tels au Rwanda.

En outre, comme le souligne Roger-Gérard Schwartzenberg, la question d'Etat-nation en Afrique et partout dans le tiers monde reposait essentiellement sur la question de nation. Cette dernière implique la recherche d'une identité nationale. Cette quête dans le tiers monde est définie par W.E. Mülhmann comme un : « processus d'action collective, porter par le désir de restaurer une conscience de groupe, compromise à l'irruption d'une culture étrangère (dite) supérieure»81(*). Le corollaire de cette quête d'identité est la recherche d'une unité nationale.

Ainsi, il ressort que cet Etat n'est pas originairement Africain. C'est pourquoi, il se trouve confronté à d'énorme problème lié aux revendications de spécificités régionalistes, des conflits séparatistes et surtout politiques.

Toutefois, des travaux réalisés ces dernières années par certains auteurs africains comme MWATYILA TSHIYEMBE, tentent de reconstruire une théorie africaine de l'Etat Africain à partir des entités politique de l'Afrique précoloniale. Il s'agit de la théorie de l'Etat multinational ou fédéral qui a marqué toute l'Afrique précoloniale. L'un des exemples les plus réussi fut sans doute l'Empire du Mali qui était régi par une charte qui réunissait un ensemble de royaumes ayant conclu du pacte de vivre en ensemble. Héritant cette tradition, la république du Mali connait une très grande stabilité dans sa partie sud. Par contre la guinée qui regroupent plusieurs nations tente bien que mal à se trouver une véritable nation.

Ainsi « mal parti »82(*), l'Etat postcolonial en Afrique comme partout dans le tiers monde va s'ériger en Etat néo-patrimonial.

II. UN ETAT NEO-PATRIMONIAL

Dans son ouvrage consacré au développement politique, Bertrand Badie tente d'expliquer cette théorie du néo-patrimonialisme en tant que caractéristique des Etats postcolonial du tiers monde.

En effet, dans son analyse, il part de l'idée que le système néo-patrimonial est régi par certaines catégories wébériennes. C'est ce qui conduit d'ailleurs Eisenstadt à le concevoir comme étant issu des modèles traditionnels de domination patrimoniale dans lesquels le prince assurait un contrôle total de la direction administrative des institutions. Ce faisant il choisissait discrétionnairement les agents, déterminait leur hiérarchique et fixait seul et souverainement les orientations.

Il s'agit donc de société où le prince se positionne comme le centre du pouvoir. Ce qui conduit logiquement à « un modèle de domination personnalisée »83(*) essentiellement orienté vers la protection et le maintien de l'élite installée au pouvoir. C'est pourquoi ces détenteurs du pouvoir mettront en place toutes politiques possibles pour freiner l'accès de la rêne politique à d'autres prétendants.

En outre, fermant ainsi le cadre politique, les dirigeants s'accaparent aussi des ressources économiques. Dans cette logique, le développement économique est encouragé mais fortement contrôlé et dirigé dans un sens de recherche de légitimité. Les ressources sont le plus mobilisées pour assurer ce dessein. Et par cette pratique, l'élite au pouvoir s'enrichit fortement au détriment du reste de la population. Ce qui donne lieu à des pratiques de l'Etat de politique de ventre. Cette théorie est largement développée et défendue par Jean Bayart.

Delà il ressort que le néo-patrimonialisme dégage l'idée d'une considération du pouvoir comme un patrimoine pour son détenteur. Il dispose un droit absolu sur lui et tout ce qui lui est dérivé, et fait tout pour les conserver.

Cette facette n'est pas la seule qui caractérise ce système. Il y a aussi la présence des réseaux clientélistes qui mine toute chance de réaliser une gestion rationnelle. Il s'agit en ce lieu du prolongement de la pratique néo-patrimonialiste. Il (le clientélisme) suppose l'absence de véritables représentations entre le centre et les périphéries. Ce qui conduit à l'établissement de relation directe entre les dirigeants et les gouvernés. Ce rapport est appelé : «le clientélisme». Il est défini par J.F Médard comme un : « rapport de dépendance personnelle non lié à la parenté mais à un échange réciproque de faveurs entre deux personnes, le patron et le client qui partage des ressources inégales». Si cette forme de relation semble être un principe de fonctionnement des régimes postcoloniaux, elle est aussi très présente dans les systèmes du Nord la corruption qui s'ensuit n'est que sa matérialisation.

Enfin comme derniers traits du système néo-patrimonial, nous avons, les résistances communautaires, le caractère segmenté de la société civile et la dépendance de celle-ci à l'égard du pouvoir central.

Toutefois, des auteurs comme MWATYILA TSHIYEMBE réfutent cette théorie d'Etat néo patrimonial et d'Etat de politique de ventre comme étant liées à la culture précoloniale africaine. A cet égard, il avance l'idée selon laquelle ni l'Etat postcolonial ni l'Etat précolonial africain n'a connu la bureaucratie au sens wébérien du terme c'est-à-dire que ces étaient ont été tous marqués par l'absence au coeur de l'Etat d'un pouvoir fondé sur le « savoir-faire techniques » de gestion des rouages administratifs et opposable au pouvoir politique détenu par les élus. Ensuite le mode production en Afrique (précoloniale) reposait sur une économie de subsistance et non d'accumulation. Et enfin dans cette économie, la propriété de la terre était par le principe de bien public inaliénable et donc les chefs n'étaient pas propriétaire de terre. C'est donc à la lumière de ces arguments que l'auteur soutient que ces pratiques sont en grande partie des lègue de la colonisation. En s'appuyant de l'affirmation de Sékou Touré (cité plus haut) et ce que nous avons pu comprendre du fonctionnement du système colonial, nous pourront sans doute nous inscrire dans la même logique sans pourtant nier l'irresponsabilité de certains dirigeants africains.

Par ailleurs, il apparait souvent que toutes ces pratiques mentionnées déjà facilitées par le caractère autoritaire de ces systèmes hérités.

III. UN ETAT AUTORITAIRE

Développer l'idée selon laquelle les Etats postcoloniaux sont des Etats autoritaires demande que soit d'abord mis en exergue le concept d'autoritarisme. A cet effet, il faut dire que ce concept a été longtemps l'objet de définitions simplistes. Dans un premier temps, il est étroitement lié au sous développement (Almond et Shils) ensuite il qualifie le mode de gestion dans les régimes qui sont candidats à la démocratisation (transitologie). Ou encore, selon d'autre c'est lorsque le pouvoir est géré sans la masse. Une telle conception exclurait sans remord les dictatures populaires du XXème siècle en Europe et dans le tiers monde. C'est pourquoi donc il convient de recourir à la conception donnée par Linz, bien que cette conception soit moins précise. Selon cet auteur, l'autoritarisme désigne la situation d'un Etat où le pluralisme politique est limité. C'est donc ce « critère de pluralisme limité »84(*) qui est capital. Cette limitation du pluralisme politique ne signifie autre que l'absence totale ou la quasi-absence de contre pouvoir. Elle se traduit par une supériorité des sources politiques sur tous les autres, des tensions entre centres et périphéries, l'absence de structuration de réseaux de solidarités horizontales ou la restriction de leur faculté d'action. Ces régimes peuvent être des démocraties populaires ou des régimes à parti unique si la sorite du système colonial s'est réalisé sous l'impulsion d'une quête d'identité nationale. Aussi le facteur des répressions sanglantes par le refus de toutes contestations marque beaucoup ce système.

Dans le contexte africain, force est de reconnaitre que l'autoritarisme qui a marqué les Etats issus de la colonisation ne peut être éloigné de la pratique administrative qui a existé sous ce système et qui a formé les futurs dirigeants et cadre africains. Bien que des auteurs comme Francis Akindés tentent de démontrer que c'est un phénomène culturel inhérent au monde politique africain de l'ère précoloniale, force est de reconnaitre que la méthode d'administration directe et d'assimilation qu'employait l'administration coloniale française avait forgé un état de terreur et de surestimation de l'administrateur. Nonobstant, il convient de ne pas se laisser aller dans cette logique d'accusation perpétuelle car il faut reconnaitre que le désir de sauvegarder leur pouvoir conduisait certains gouvernants à user de tous les moyens possibles selon une option Machiavélique.

A la lumière de cette analyse, nous pouvons réaffirmer encore que ce chapitre est d'une importance capitale. Car elle nous aura permis d'éclairer un passé qui semble se poursuivre dans le présent. Ce fut le moment de révéler que l'Etat guinéen, à l'instar de ces pairs d'Afrique, est le fruit de la colonisation. Aussi, nous sommes arrivés à toucher les origines profondes de la modernisation politique en Guinée ainsi que les principes et les nomes qui guident son évolution : les conflits interethniques, la recherche d'une identité et d'une unité nationales. Facteurs manquant jusqu'à l'accession à l'indépendance, l'Etat issu de la colonisation devait porter ses séquelles. Ainsi né, l'Etat guinéen devra rentrer dans une nouvelle phase de son histoire : la phase postcoloniale. Mais avant de passer il faut se demander quelle conclusion peut-on tirer de cette première partie du travail.

CONCLUSION de la première partie

Cette première partie aura été longue. Nécessaire. A en croire à tout ce qui y est dégagé comme instruments nécessaires à une étude véritable de la démocratisation en Guinée.

En effet, nous sommes partis de la mise en exergue des instruments conceptuels qui structure cette analyse. En ce lieu nous avons été conduits à percer l'inexpliqué qui fonde le concept de transition démocratique. Ainsi il peut y être retenu que ce concept est un emprunt fait à Marx, même s'il ne dit pas son nom. Aussi celui de démocratie a fait objet d'une redéfinition par les transitologue pour ne retenir qu'une notion fortement fonctionnelle et processuelle et immergée dans l'idéologie libérale. Ce qui nous a permis de comprendre que la démocratisation n'était que la réponse de l'occident à l'eschatologie de Fukuyama sur la fin de l'Histoire, en ce sens qu'elle vise à mondialiser cette vision occidentale de la démocratie. C'est par la suite que fut abordée la question des instruments théorique d'analyse des transitions démocratiques qui sont la transitologie et la consolidologie. Ces deux sous disciplines ou paradigmes de la science politique ont permis de rendre intelligibles ces mutations politiques. Cependant, elles restent objet d'énormes controverses épistémologiques. Cela fut justifié par le fait que les concepts utilisés par ces sous disciplines sont soumis à de nombreuses définitions ou tentative de redéfinitions. De même la dernière (la consolidologie) semble s'inscrire dans une démarche qui annonce la fin de la démocratisation comme si un pays pouvait atteindre un niveau définitif de démocratisation. Cela enlève à cette dernière son caractère d'idéal. Aussi l'usage de ces instruments dans des parties du monde où ils n'ont pas été construits, au nom, d'une certaine universalité présente le risque de fortes erreurs dans les études.

Evoluant, nous avons tenté de voir certaines expériences, en allant des modèles espagnole et chilien pour arriver au cas des pays d'Afrique noire francophone. Ceci nous permit dans une étude comparative de comprendre que les transitions politiques négociées ont toujours conduit à de grande stabilité politique et à une véritable consolidation. Cependant cette stabilité se trouvait menacée dans certains pays comme l'Espagne où la justice due aux victimes du régime dictatoriale n'a pas été réellement rendue. D'où cette démocratie semble être partie sur une base antidémocratique. Si dans ces premiers une percée semble être réalisée, nous avons constaté que pour les pays d'Afrique noire d'énormes efforts restaient à faire afin pouvoir relever ce grand défi. Cependant cela ne saurait se faire par simple imitation des autres, le mimétisme institutionnel comme le note Edouard Chevarnadzé (1991 : 45) : «il ne s'agit pas de mimétisme, de conformisme, d'adaptation timorée aux circonstances ni, enfin, de «souplesse de l'échines» mais d'un but au nom duquel il faut procéder à une révision implacable de ses propres vues et convictions». Mais ces Etats devaient revoir leur système d'idées (cadre idéologique) qui reste encore très vide.

Grâce à ces idées reçues sur les différentes expériences une réflexion sur le cas guinéen devait s'annoncer fructueuse. Mais cela devait passer par une connaissance de l'histoire de ce pays. Histoire qui semble conditionnée l'ère de la démocratisation.

En somme, nous dirons que les instruments théoriques et historiques sont réunis pour tenter de répondre à la question suivante : quelle analyse descriptico-analytique peut-on faire sur l'expérience guinéenne de démocratisation ?

C'est à cette interrogation qu'il conviendra d'apporter quelques éléments de réponses dans la seconde partie de ce mémoire.

DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE SILLAGE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES.

....La liberté est une ascèse......

Edgard Pisani

En Guinée, c'est après l'historique « Non » du 28 Septembre 1958 que naquit première république. Par cet acte courageux, les guinéens donnaient naissance au premier Etat indépendant d'Afrique noire francophone. Mais au-delà de tout cela, c'était un appelle à la liberté et à la restauration de la dignité humaine. Ces deux principes qui fondent toute entité démocratique s'affichaient désormais à l'horizon du nouvel itinéraire de ce peuple comme lumière devant le conduire. Ainsi, il s'annonçait que la démocratisation en tant que quête de liberté, de justice et de bien être n'est pas un fait nouveau dans ce pays. Toutefois il faut reconnaitre que dans les années 90, cette démocratie ne concernait plus toute démocratie mais un modèle bien défini tel déclaré par Mitterrand à la Baule. Mais réaliser cet idéal est un parcours jalonné d'épines comme nous le fait comprendre l'affirmation d'Edgard Pisani. Cela est d'autant vrai que sous la première république, le peuple de Guinée paiera cher le coût de son choix de l'autodétermination. Cette république transformée en une dictature populaire révolutionnaire dura plus de deux décennies, avant de disparaitre en 1984 avec celui qui l'incarna le plus : le président Ahmed Sékou Touré. C'est face aux conséquences de ce régime et le contexte international obligeant que la Guinée emprunta le nouveau chemin de la démocratie libérale dans les années 90.

Ceci étant, il convient de souligner que cette présente analyse vise à décrire avant toute évaluation critique (chapitre3) le parcours guinéen vers la réalisation de cette nouvelle démocratie (chapitre2). Mais avant il sera important de se pencher d'abord sur la première république guinéen (chapitre1) afin de rendre compte de la logique qui fonde toute transition démocratique : le passage d'un régime fermé vers un régime ouvert.

CHAPITRE1 : DU SYSTEME POLITIQUE «FERME» EN GUINEE (1958-1989)

« Le courage coûte cher : mais à terme, seul le courage paie »85(*)

Jean Suret-Canale.

En accédant à l'indépendance le 2 Octobre 1958, la Guinée prenait en main son destin. Cette dernière expression n'est pas vide de contenu, en ce sens qu'elle signifiait « faire face aux grands défis ». Ces grands défis auxquels le jeune Etat devait faire face étaient à la fois internes et externes. Sur le plan interne, se dressait la question de l'autogouvernement qui se traduit en défi de gouvernement politique, de gestion administrative, de développement socioéconomique et culturel mais surtout de révolution des mentalités (au sens d'un changement des mentalités). Et, sur le plan externe, le jeune Etat se donnait le devoir d'entreprendre la décolonisation de toute l'Afrique. C'est en ce sens, qu'Ahmed Sékou Touré déclarait que l'indépendance de la Guinée ne pouvait être effective que si toute l'Afrique l'était aussi. Ainsi, relever ces défis demandaient l'intervention d'acteurs multiples et la réalisation diverses actions. Ces dernières devaient être évaluées à la disparition du régime à partir de 1984 : le bilan. (Section1).

Cette dernière date qui est précisément le 26 Mars 1984 marquait le décès du premier président de la première république, Sékou Touré; et ouvrait une longue page de transition (Section2) dirigée par l'armée qui vint au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat en Avril 1984.

Tout comme les vingt-six ans de la première république, la période de la transition ne sera pas encore une véritable ouverture. C'est pourquoi dans ce premier chapitre, nous serons conduits à exposer ces deux périodes importantes qui semblent avoir conditionnée la démocratisation en Guinée.

Mais avant d'entamer cette analyse, il conviendra de préciser que l'usage du terme « fermé » entre guillemet répond à la nécessité d'objectivité qui doit encadrer la conduite de ce travail. Car, dans la littérature courante des auteurs occidentaux, de nombreux termes sont utilisés dans les études et mais dans une logique très subjectiviste comme cela est dénoncé par Akindés. Ainsi ces termes « fermé » « dictature » ou autre visent tout simplement à opposer les systèmes occidentaux, meilleur, aux autres systèmes dits médiocres. Cependant, si l'on change de camp, c'est-à dire du côté des démocraties populaires, ces régimes sont aussi des démocraties et les systèmes occidentaux y sont perçus comme des systèmes d'exploitation.

Nonobstant, ces derniers systèmes restent les modèles de références dans cette présente étude.

SECTION1 : LA PREMIERE REPUBLIQUE : DES ACTEURS ET UN BILAN

La vie politique de la Guinée sous la première république a été l'une des plus agitées du continent. Cela était d'autant prévisible au regard du contexte national et international qui prévalaient. Parler de cette vie politique ne peut se faire que par la mise en exergue des principaux acteurs qui l'ont marquée par leurs actions (paragraphe1). Une telle analyse ne peut être complète que par une mise en lumière du bilan de ces actions (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : DES ACTEURS DANS LA NOUVELLE REPUBLIQUE : le parti- Etat guinéen et son idéologie  (le PDG)

Les acteurs d'une vie politique peuvent être conçus comme ces institutions politiques ou non qui interagissent dans cette sphère. La présence de ces acteurs, il faut le dire, résulte de leur capacité à influencer sur la conduite de cet espace. En s'inscrivant dans cette logique, nous pouvons avancer d'embler que le seul et principal acteur de la vie politique guinéenne sous la première république ne pouvait être que le parti unique ou le parti-Etat. Si de telle considération se révèle restrictive, elle a pourtant le mérite de caractériser ce régime qui fusionna toutes les institutions de l'Etat (gouvernement, administration, peuple....) dans un seul corps : le parti.

En affirmant que le parti était « la pensée collective du peuple» et ceci à « son niveau le plus élevé et dans sa forme la plus complète », aussi qu'il était le« dépositaire et le gardien de la volonté du peuple », Sékou Touré définissait en quelques mots ce qui devait être le parti-Etat guinéen, le PDG ou parti démocratique guinéen. Mais pour mieux connaitre ce parti, il convient de le présenter en premier lieu (I) avant de toucher l'idéologie qui le guide (II).

I. PRESENTATION DU PARTI

Bien que nous ayons donné déjà quelques idées sur le parti dans le cadre des luttes de libération, il convient de souligner cette première ne concernait qu'un parti politique parmi tant d'autres, par contre la présente réflexion vise à parler d'une autre étape de sa vie c'est-à dire entant qu'instrument de gouvernement dans le nouvel Etat. C'est pourquoi nous n'allons plus revenir à son histoire et à son évolution d'avant l'indépendance mais il s'agira d'évoquer ses transformations après le 2 Octobre 1958 (A), et, sa structure, ses fonctions et son fonctionnement (B).

A. LES TRANSFORMATIONS DU PDG APRES LE 2 OCTOBRE 1958 :

A la proclamation de l'indépendance, le PDG, se présentait comme la seule force politique légitimement représentative de tout le peuple de Guinée. Cette idée sera à la base de tous les changements qui interviendront dans son statut.

En revenant un peu en arrière, à la veille du 28 Septembre 1958, se tenait du 7 au 8 Juin 1958 le 4ème congrès du parti qui devait poser les jalons de ces réformes qu'il allait connaitre. Comme décision retenue dans ce congrès, nous pouvons citer la proclamation de la prééminence du parti sur tout l'Etat colonial encore présent et sur toute sa structure administrative. Ce congrès sera suivi d'un 5ème en 1959 à Conakry. Ce dernier congrès se fixera comme objectif de renforcer le pouvoir et l'autorité du parti afin de consacrer sa suprématie. Cet objectif sera en partie atteint lors du 8ème congrès qui se tiendra aussi à Conakry le 2 Octobre 1967. C'est au cours de ce rassemblement que le parti mettra en place le pouvoir révolutionnaire local et le centre d'éducation révolutionnaire. Il est aussi créé un comité central du parti coiffé par le Bureau du Parti. Dans le même contexte, tous les mouvements périphériques sont intégrés au parti. Ce sont la JRDA (la jeunesse révolutionnaire démocratique africaine, la CNTG (la Confédération nationale des travailleurs de Guinée) et le Mouvement des Femmes. Enfin le secrétaire général est en même tant président de la république (malgré les oppositions face à ce cumul de fonction), désigné Responsable suprême de la révolution. Le dernier de ces congrès s'est tenu en 1983 à Conakry. Il consacra à un degré véritable le statut de Parti-Etat. Et c'est lors de ce congrès, le dernier bien sûr, que le président, secrétaire général du parti, critiqua les cadres du parti avant de souligner que le rôle du Parti était de « de socialiser véritablement les moyens de production et non de les étatiser»86(*).

Cela dit, il convient d'exposer la structure et les fonctions du parti.

B. LA STRUCTURE, LE FONCTIONNEMENT ET LES FONCTIONS

D'après R. Schachter Morgenthau, la bonne organisation du PDG en Guinée, lui a permis de brader toutes les barrières que posaient l'administration coloniale et les chefs traditionnels. Ainsi décrite, cette structure connaitra une forte évolution au fil à mesure que le parti devenait important. Cependant, certaines lignes de base resteront toujours maintenues. Ainsi selon Maurice Jeanjean l'organisation du parti était effectuée de la manière suivante :

· 3 organismes de base :

o au niveau du quartier, du village, de l'unité de production, se trouve le Comité de base du Parti.

o au niveau de l'arrondissement, on parle de la Section

o au niveau de la région, la Fédération

· 8 instances de décision

o au niveau du Comité de base :

§ l'assemblée générale hebdomadaire

o au niveau de la section :

§ la Conférence de la Section

§ le Congrès de la Section

o au niveau de la Fédération :

§ la Conférence fédérale

§ le Congrès fédéral

o au niveau de la Nation :

§ le Conseil National de la Révolution

§ le Congrès national

§ le Comité central

· 4 organismes dirigeants :

o le Bureau du Comité de base 10 membres, élu pour 1 an

o le Comité directeur de la Section 13 membres dont le commandant d'arrondissement, élu pour 2 ans

o le Bureau fédéral de 10 membres dont le Gouverneur de Région, élu pour 3 ans

o le BPN de 7 membres, élu pour 4 ans

La structure ainsi connue, on se demande comment elle fonctionne ?

Pour répondre à cette question, il convient de se référer à l'article publié par Bernard Charles dans la revue française de science politique en 196287(*).

En effet, la logique de fonctionnement du PDG, est que les organismes de décisions produisent des décisions sur la base du principe de l'Unanimité et à défaut sur celui de la majorité. Ces décisions sont mises en oeuvres par les instances dirigeantes ou les organes exécutifs. Ces organes s'identifient par leur caractère collégial.

Dans la pensée révolutionnaire du parti, les organes de base constituent le sommet du pouvoir en matière d'initiative, de décision et de contrôle. C'est pour cette raison d'ailleurs que Sékou Touré déclarait à la mairie de Paris, à l'occasion du rétablissement des relations franco-guinéennes, que la « Guinée était une démocratie plus avancée que certaine démocratie en Europe». Dans la même pensée de fonctionnement la direction nationale du parti constitue l'échelon de base sur lequel s'exerce le contrôle de tous les autres échelons. Ainsi les structures du parti ont le double caractère : « horizontal, incarné par les organismes de base ; vertical, incarné par les organismes de direction.

Ainsi, le Bureau politique national (BPN) se trouve investi de la fonction de mise en application des politiques arrêtées par la conférence et contrôle leur exécution par les organes d'exécution d'hiérarchie inférieure qui l'adressent un rapport de leurs activités. Ces instances inférieures reçoivent des délégations du BPN. Ces délégations sont souvent composées d'inspecteurs, de députés, d'ambassadeurs etc....C'est à la suite de ces missions qu'une liste est établit par le BPN pour récompenser les organismes ayant réalisé de bon résultat.

En outre il faut souligner que deux principes importants guident le fonctionnement du parti. Ce sont : le centralisme démocratique et la dictature et la discipline. Pour ce premier, il est conçu par Sékou Touré comme «l'acceptation obligatoire des décisions prises par les organismes supérieurs»88(*). Il s'agit d'un principe intangible de fonctionnement du PDG car ce parti qui s'identifie au peuple se doit d'être organisé et proche du peuple. Et pour cela, de tel principe est d'une très grande importance car il permet de maintenir le contact avec la masse militante et de diriger son action. Il est démocratique pour deux raisons : d'une part par le fait que toutes les décisions émanent des instances de décision qui regroupes tous les militants à tous les niveaux et d'autre part par ce que les dirigeants sont élus directement par les militants.

Pour le second principe, la dictature et la discipline, corolaires du premier principe, un parti aussi structuré que PDG demande une grande discipline de ces membres du sommet à la base. Et pour ce faire des sanctions y sont mises en place allant du blâme (simple ou public) à la suspension temporaire, la destitution de fonction ou l'exclusion. L'incapacité provisoire peut être parfois prononcée contre une personne pour détournement, vol, trahison, déviationnisme. Parfois les sanctions peuvent très sévères touchant la peine capitale comme en Septembre 1959 dans la ville de Kindia.

Si tel est le fonctionnement de la structure, il faut dire que cela résulte de l'attribution d'un ensemble de compétence qu'il convient d'évoquer.

A cet effet, notre auteur Bernard Charles écrivait «  le parti était le moteur et le cerveau du nouvel Etat» et à Sékou Touré de l'enrichir en affirmant qu'il concentre en ses mains tous les « pouvoirs politique, judiciaire, administratif, économique et technique ». De ces propos on peut rapidement mesurer l'étendue et l'importance des compétences de cette institution. Elle semble être le socle du système. Mais pour mieux saisir ce qui peut être sa fonction, il faut voir cet extrait de discours de Sékou  dans lequel il avance que « donner un sens juridique à l'action du PDG aboutirait, en la subordonnant à la loi, non seulement à priver notre Parti de la prééminence qu'il exerce sur l'ensemble des activités de la nation, mais également à lui retirer la vocation populaire et son efficacité pratique. Il n'appartient pas à l'Etat d'assumer la responsabilité du Parti, mais bien au contraire c'est au Parti que revient la fonction de diriger l'Etat selon les intérêts et la volonté du Peuple »89(*)

De là, il se dégage l'idée selon laquelle le parti n'est autre qu'une organisation de la nation et au-delà e toute autre force politique. Toutes les impulsions part du peuple à travers les organismes de base pour arriver plutard au BPN. Ce dernier est chargé de traduire ces impulsions en décisions qui sont exécutées par la structure administrative de l'Etat. Ainsi, aucune distinction n'est établie entre le parti et l'administration de l'Etat ou l'Etat tout court. C'est pourquoi plus loin il soulignera qu'aucune distinction ne peut être tolérée entre l'Etat et le Parti car si le premier a la pleine compétence d'édicter les valeurs, l'organisation, la direction et le contrôle de ces valeurs sont du ressort du second. Cette norme sera réellement consacrée par la constitution de 1982

Ainsi établi dans ses fonctions, nous devons dégager aussitôt la nature et l'idéologie du PDG.

II. L'IDEOLOGIE ET LA NATURE DU PARTI

Nous exposerons ici, en premier lieu, l'idéologie (A) qui devra nous conduire à mieux cerner la nature du parti (B).

A. L'IDEOLOGIE DU PARTI

Selon le Larousse 2009, l'idéologie est un : «ensemble plus ou moins systématisé de croyances, d'idées, de doctrines influant sur le comportement individuel ou collectif.» Et pour les marxistes c'est la «représentation de la réalité propre à une classe sociale, estimée véridique par celle-ci, mais en réalité dépendante de la place que cette classe occupe dans le mode de production et de son rôle dans la lutte des classe ».

Cela dit, nous nous posons la question de savoir quelle était l'idéologie du Parti Démocratique Guinéen ?

D'apparence beaucoup pourront dire que le PDG était idéologiquement d'obédience marxiste. Cependant, lorsqu'on creuse les analyses plus au fond, il s'annoncera que même si l'usage de vocabulaires marxistes était fréquent dans les discours des dirigeant de ce parti, son idéologie était spéciale en ce sens que les divergences et les différences étaient de conceptions étaient nombreuses. Mais aussi par le fait que Sékou a toujours prétendu construire quelque de purement africain.

En effet, il n'était pas souvent exclu d'entendre dans les discours tenus par Sékou Touré des termes comme : éduquer les masses, inspirations progressistes, l'opportunisme, force motrice, le parti révolutionnaire, les masses laborieuses, la mobilisation des camarades etc.....

Cependant en dépit de ce champ sémantique essentiellement marxiste, Sékou Touré avait toujours insisté sur leur différence avec le marxisme authentique.

Ainsi, il partira d'abord de la négation du matérialisme dialectique qui, selon lui aboutit à l'athéisme, or le peuple guinéen est fortement croyant, étroitement ancré dans les valeurs islamiques depuis plusieurs siècles. Au Fouta par exemple nous avons assisté au royaume théocratique peulh, dans le pays mandingue, l'Almamy Samory Touré fut un djihadiste. Les villes de Tombouctou et de Kankan seront des villes saintes. Donc ce marxiste ne pouvait avoir sa place en Guinée. Partant, il redéfinira, la question des rapports de production. Chez les marxistes, l'exploitation est celle d'une catégorie productive par rapport à une autre; par contre chez Sékou, « l'exploitation n'est conçu que dans le rapport entre la production et la répartition ». Dans cette lancée, il soulignera que la collectivisation des moyens de production ne peut se poser dans une Afrique où la terre a toujours été un bien commun. C'est dans ce cadre qu'il rejette tout aboutissement de la société guinéenne à une société communiste. A ce propos il précise : «nous sommes beaucoup plus soucieux de parvenir rapidement à notre totale émancipation.... que soucieux d'adapter nos conditions et nos réalités à tel ou tel système politique»90(*).

En outre, la question de la lutte des classe n'est différemment traitée que les précédentes. En ce lieu, Sékou déclare : « II n'existe qu'une seule et même classe, celle des dépossédés »92(*). C'est-à-dire que si l'on devait de lutte en Afrique, elle ne serait pas entre différentes couches de la société africaine, mais entre colonisateurs et colonisés. Et par conséquent, on ne saurait concevoir une paysannerie comme moteur de la révolution comme cela est le cas dans les pays industrialisés. En même temps, le dépérissement de l'Etat ne rentre pas dans sa philosophie des choses car pour lui ce dernier assure de grandes fonctions sociales en ce moment assuré par son appareil de terrain qui est le parti. Cet Etat devra évoluer et se perfectionner en s'adaptant au progrès de la société.

Nonobstant, il ne faut jamais écarter l'idée selon laquelle Sékou avait été fortement influencé par le marxisme surtout pendant sa lutte syndicale. Aussi il sera membre du GEC (groupe d'études communistes) de Guinée et affilié au parti communiste français pendant ses fonctions de député. Toutefois, il ressort de cette analyse que s'il a trouvé dans le marxiste les moyens d'organisation et de déploiement pragmatique et réaliste d'une lutte, il s'écarte beaucoup plus de son cadre philosophique et doctrinaire. C'est ce qui lui ferra dire que si dans le marxisme : « les principes d'organisation, de démocratie et de contrôle etc... trouvent parfaitement les moyens de s'adapter aux conditions présentes de l'Afrique », il ne saurait être question de « s'enfermer dans une philosophie abstraites».

En somme, nous pouvons affirmer sans aucun doute que l'idéologie du PDG ne pouvait être autre qu'une « africanisation du marxisme ». C'est aussi le point de vue Bernard Charles pour qui le parti s'inspire de Karl Marx pour enfin plonger dans les authenticités africaines, « le souci de rendre à l'homme d'Afrique sa véritable personnalité ». D'où il affirmera : « Ce retour à des sources proprement africaines prend alors la forme d'un appel à « l'esprit communaucratique » de l'Afrique traditionnelle, à la solidarité qui en était la marque». Cette connaissance du Parti par son idéologie ne peut que faciliter la détermination de nature.

B. LA NATURE DU PARTI

Dès ses débuts, le Parti Démocratique de Guinée s'est refusé d'être un parti ethnique ou régionaliste, il s'est donné la tache de regrouper tous les guinéens dans un même corps politique enfin de pouvoir mieux réaliser l'indépendance. C'est qui ferra de lui un parti de masse regroupant tout le peuple, ce fut le parti unique par le quel la révolution devrait se réaliser : un parti révolutionnaire. Ce sont ces traits qui constituent sa nature et dont il convient d'analyser. Mais avant de commencer, il faut rappeler que le caractère de parti-Etat ne sera plus traité ici car nous l'avions déjà évoqué dans le fonctionnement.

v Un parti de masse : parti du peuple,

Contrairement au parti de masse en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) ou en Allemagne de l'Est, qui ne regroupait qu'une minorité de la population, le PDG en Guinéen reconnaissait comme membre du parti tous les guinéens. C'est dans ce sens que Sékou avançait que : «tout guinéen est obligatoirement membre du Parti ». « Notre idéologie, nous l'apprenons à nos enfants dès le plus jeune âge. Un guinéen de 8 ans est capable de vous l'expliquer»93(*). C'est dans ce contexte qu'en 1959 le parti compta plus de 800.00094(*) membres, soit 30% de la population guinéenne. Il ne s'agissait donc pas de parti d'élite, mais un parti qui unit toutes les couches d'une nation pour un but bien défini.

De même le système fonctionnement qui connait des rassemblements de foule géante dénote de cette nature de parti de masse que fut le PDG. Mais érigé en parti-Etat, on ne pouvait être que membre ou contre le peuple. C'est ce qui faisait de lui le parti le parti unique.

v Le parti unique

Ce caractère du parti n'est pas difficile à comprendre à partir du moment où le peuple s'y retrouve. Aussi, indiquera son secrétaire général à un journaliste Danois en 1960, le parti unique en Guinée n'est pas comme ceux d'Europe car l'unité dont il est question n'est pas imposée de la tête mais une unité construite d'en bas par la volonté des guinéens d'unifier leur combat contre le colonialisme et leur désir de construire une Nation. Pour cela ils se sont tous retrouvée au sein de la même structure. Et avec l'absence de classe dans la société, il n'y a aucun intérêt de créer une opposition. Sinon la constitution en vigueur (article 40, 1960) consacre la liberté d'association. Mais personne ne se sent dans cette nécessité de se situer en dehors du peuple en action.

En outre, ce caractère fait objet de multiples justifications parmi lesquelles la nécessité d'une unité nationale, le sous-développement qui ne serait pas favorable au multipartisme (cette thèse a été défendue par des auteurs comme Huntington), le dynamisme révolutionnaire. Cette dernière raison, fait du parti, appareil pour la révolution.

v Un parti révolutionnaire

A cet égard, le secrétaire général du parti avait pris soin de souligner, au sujet de certains militants, que la révolution ne signifie pas « révolte ou violence verbale ou violence pratique » mais « un changement qualitatif d'une situation donnée. C'est le passage d'un état inférieur à un supérieure »96(*). C'est donc en ce sens qu'il convient de comprendre de caractère du parti unique guinéen. Cependant cela ne veut pas que la violence est exclue de son champ de bataille. Il est l'incarnation du peuple en révolution permanente pour arracher le pays du carcan de la colonisation. Une révolution qui commencé lorsque la nation fit partir le pouvoir colonial en 1958. Cela plaçait la Guinée dans une situation de supériorité par rapport aux Etats coloniaux. Mais cette révolution n'est pas seulement guinéenne mais africaine aussi : le but du parti étant la décolonisation totale du continent.

Personne ne saurait l'incarner d'après le parti, même si on sait qu'en réalité c'est son secrétaire général qui l'incarne. En tant que parti révolutionnaire, son action touche tous les domaines et ne parle qu'en terme de TOUT d'où son caractère totalitaire.

A la lumière de cette description qui a tenté de mettre en exergue à la fois l'ossature du parti et les idées qui le guide, il peut être retenu que ce parti est bien le fruit de l'histoire de ce pays. Il s'inscrit dans une conception propre du politique qui essaie de joindre africanité et idée moderne. Cela lui a permis d'asseoir une forte légitimité, le conduisant d'ailleurs à se considérer en démocratie authentique. Bien que cette originalité théorique soit un succès pour l'autodétermination politique, beaucoup d'autres faiblesses peuvent être relevé : telle que l'omniprésence du premier leader du parti dont la pensée semble être la plus dominante. Toutefois, pour mieux approfondir notre analyse critique, il conviendra de se pencher sur le Bilan des vingt six ans de la première république.

PARAGRAPHE 2 : LE BILAN D'UN «PASSAGE AGITE»

En accédant à l'indépendance le 2 Octobre 1958, la Guinée, par le biais de sa jeune élite, s'engageait à prendre en main son destin. Cependant, cela se faisait dans un climat interne et international bouillonnant. En effet, sur le plan national, cette indépendance annonçait un très grand espoir pour le peuple qui se disait sorti de la colonisation et partait pour une nouvelle ère de liberté et de développement. A l'extérieur, le jeune Etat se lançait dans un monde marqué par la confrontation entre l'Est et l'Ouest et dont tout petit pays pouvait payer le prix. Aussi son indépendance signifiait la rupture avec la France, son ex-puissance coloniale qui s'est vue lancée un défi. De même le défi d'honorer tout le continent noir face auquel elle se présentait comme une voie de sortie de la colonisation. Dans cette atmosphère, des actions seront entreprises. Mais en dépit de toute réussite, les échecs et les dérives ne seront pas aussi absents. C'est dans cet esprit dialectique qu'il conviendra d'exposer le bilan de la première république. Ainsi, nous partirons du cadre interne (I) pour terminer sur le plan international (II).

I. LE BILAN SUR LE PLAN INTERNE

L'analyse du bilan interne de la première république est d'une importance capitale car pour nous c'est l'épicentre de toute réflexion qui doit porter sur ce passé de la Guinée. Par lui, on peut déterminer si vrai ou faux la révolution tant annoncée fut une. Pour ce faire nous aborderons en premier lieu le domaine politico-institutionnel (A) et dans un second temps celui économique et socioculturel (B). Dans chacun de ces domaines nous relèverons les réalisations en termes de réussite ou de projet entrepris avant de toucher aux échecs et dérives qui en ont suivi.

A. DANS LE DOMAINE POLITICO-INSTITUTIONNEL

Au premier abord, il faut dire que les actes et les actions posés sur le plan politico-institutionnel sous la première république ont varié selon les périodes. C'est dans ce sens que quelqu'un notait dans son mémoire qu'il ne faut pas voir seulement le caractère dictatorial de ce régime mais plutôt les contextes à la base de ces transformations. Car selon lui le régime n'a commencé à se durcir qu'à partir des années 62 et 63. Si une telle affirmation présente le risque de conduire à un déterminisme irresponsabilisant, elle a pourtant le mérite de faciliter la compréhension des faits.

Cela dit, cette analyse devra nous conduire successivement à traiter les réalisations (1) avant de dégager les échecs et les dérives qui s'en ont suivi (2).

1. Les réalisations sur le plan politico-institutionnel

En croire à la détermination qui conduit à l'indépendance guinéenne, il n'est pas difficile de dégager les actions qui furent entreprises dans le domaine politico-institutionnel dans ce pays pour rendre réelle la révolution. Par leur diversité, nous pourrons les situer dans le cadre constitutionnel, sur le plan juridictionnel et dans la vie politique.

v Le cadre constitutionnel :

En effet, dans le cadre constitutionnel, il faut dire que la Guinée sous la première république a connu deux constitutions : la première est celle du 12 Novembre 1958. Cette constitution consacrait un régime présidentiel avec d'énorme pouvoir pour le président de la république. A ce propos Bernard. Charles écrit : « les rédacteurs ont pris au système américain tout ce qui permettait une concentration des pouvoir entre les mains du président, mais en rejetant tous les garde-fous pour empêcher, en théorie, un régime fort de devenir dictatorial »96(*). Bien qu'en accordant assez de pouvoir au président, cette constitution selon Maurice Jeanjean s'inscrivait dans la lignée des constitutions démocratiques du monde car se conformant aux principes démocratiques universels, affirmant l'adhésion de la Guinée à la charte des Nations Unies, à la Déclaration universelle des droits de l'Homme, sans oublier d'exprimer la volonté de ce pays à construire les Etats Unis d'Afrique.

Selon toujours l'auteur, cette constitution était subdivisée en deux principales partie : la première déterminait l'organisation de l'Etat (les grandes institutions comme le président, l'assemblée nationale, la justice et l'administration de l'Etat etc...) et la seconde les libertés publiques (liberté de pensée, liberté d'association....). Elle posera d'ailleurs le principe de l'Etat qui est « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple »97(*).

La seconde constitution sera celle du 14 Mai 1982. Cette constitution sera à l'origine d'énormes changements dans la vie politique guinéenne. Mais il faut souligner qu'elle-même fût le fruit de l'évolution du contexte. En effet, après vingt ans d'existence fortement marquée par de nombreuses agitations, le parti unique guinéen se disait avoir atteint « le stade avancé de démocratie populaire». Cette idée devait se traduire dans de nouvelles institutions politiques et juridiques. C'est dans ce cadre que la nouvelle constitution, tout en gardant certains des droits et libertés fondamentaux consacrés auparavant en 1958, va proclamer ou explicité certaines nouvelles normes : telles que l'égalité entre l'homme et la femme, le devoir de travailler. De toutes ces nouveautés, certaines seront plus saillantes: il s'agit de la suppression du droit d'association qui ne sera que la conséquence de la consécration de l'absence de distinction, même formelle, entre l'Etat et le Parti unique. Cela est justifié par le fait que c'est le parti qui a fondé l'État dont est née la nation guinéenne, c'est pourquoi, Il lui revient de l'organiser, de le diriger et de le contrôler " en assumant réellement toutes les fonctions en tant que parti-État et en oeuvrant à la réalisation du peuple-État " (IIe Constitution, Préambule). Ainsi le parti-Etat était fondé alors que la constitution précédente était muette sur l'existence de ce parti en tant grande force de tout le peuple.

v Sur le plan juridictionnel

En affirmant en « La justice est l'un des reflets les plus fidèles de tout régime politique donné. Ainsi, à tout régime, sa conception de la justice»98(*), Sékou Touré dégageait la vision que le Parti se faisait de la question de la justice.

Sur le plan institutionnel, cette vision s'est traduite en décision et institutions. En effet, avant la consécration de la justice par le titre de la constitution de 1958, des mesures furent prises en 1957 pour supprimer les juridictions traditionnelles et unifier système normatif c'est-à-dire pour qu'une même loi s'applique sur tout le territoire à tous les citoyens. Ces réformes se poursuivront juste après l'accession à l'indépendance. C'est ainsi que sera créé le 15 Octobre 1958 une cour d'appel, et par la suite un Tribunal suprême de cassation afin de garantir les droits des citoyens car les jugements sont rendus par des magistrats qualifiés. A ces instances modernes de justice, il faut ajouter la juridiction d'exception qui est la haute cour de justice mise en place le 20 Avril 1959. Cette haute cour est composée de ministres et présidée par le président de l'assemblée nationale.

En outre d'autres juridictions furent créées comme le tribunal spécial pour les délits économiques (1966), la direction de la police économique au sein du ministère de la défense nationale et de la sécurité.

A l'instar de ces institutions certains textes furent mis en place et allant dans le sens de la démocratie et la modernisation selon Maurice Jeanjean, c'est le cas : du code du travail de 1960, le code de la sécurité sociale (la même année), la loi sur l'interdiction du racisme (1963), la protection de l'enfant naturel (1961), l'interdiction de la polygamie et la règlementation du divorce (1968). Aussi en 1972, un décret est pris pour créer des services pénitenciers et établir des normes sur la protection des prisonniers. Toutefois le changement de constitution que connaitra le pays en 1982 se répercutera sur le domaine juridique et c'est ainsi que les instances juridictionnelles précitées seront remplacées par des juridictions populaires telles annoncées par le président Sékou depuis 1972.

A l'image, de ce cadre politico-institutionnel bien agencé théoriquement, la sphère de la vie politique sera aussi marquée par des actes et actions.

v Dans le cadre de la vie politique :

A la lumière de l'évolution du cadre constitutionnel, peut aussi se dessiner celle de la vie politique. D'un régime présidentiel, le système guinéen va passer progressivement à une « république populaire révolutionnaire » où toutes les institutions allaient être à la solde du parti unique. Cette évolution déterminera le fonctionnement de la vie politique.

En effet, la vie politique sous la première république en Guinée s'est progressivement fermée au nom d'une quête d'union national. Cela est parti dès le lendemain de l'accession à l'indépendance. Cette période exceptionnelle a été saisie par le PDG pour approcher et phagocyter les autres partis. C'est ainsi que les Barry Diawadou, Barry III de l'ancien Bloc Africain furent respectivement nommés ministre de l'enseignement et Secrétaire d'Etat. Par ce fait, l'essentiel de la population se trouvait regrouper dans le même mouvement. C'est pourquoi sans s'aventurer loin ; la vie politique sera celle du parti unique. Ce dernier se voit donc régi par le principe de l'unanimité. Toutefois en les absorbant, on avait permis à tous les partis de garder leur doctrine au nom de la liberté d'opinion et d'expression. Dans le même contexte, le pouvoir était appelé à « incarner et à exprimer la morale du pays » (telle développer par le parti).

Cette couleur de la vie politique laissait voir une atmosphère d'unité et de démocratie comme le souhaitaient les dirigeants quand ils s'exprimaient.

Cependant dans la réalité plusieurs défaillances seront enregistrées. Elles peuvent bien sûr conduire à modérer une vision trop positive de ce régime. Pour justifier cette affirmation, il conviendra de se pencher sur les échecs et les dérives sous la première république.

2. Les échecs et les dérives politico-institutionnels du régime

Ce présent moment de notre réflexion est d'une très grande importance. Car il s'agit de révéler les facteurs par lesquels se sont dégagées les faiblesses et les limites des pouvoirs politiques de la première république dans le cadre politico-institutionnel. Cependant il n'est pas facile de le réaliser car lorsqu'on se plonge dans le tas de littérature consacrée à cette partie, écrite ou non par des Guinéens, on se perd par le manque d'objectivité qui marque les ouvrages et article : le combat de communication entre partisans et opposants au système et à son leader. Mais pour le besoin du travail académique, nous serons amenés à transcender ce climat pour nous placer en « scientifique ». Pour ce faire plusieurs axes sont à toucher :

v Le centralisme politique du régime :

Comme nous l'avions vu avec l'escalade de la vie constitutionnelle, le régime guinéen a été longtemps marqué par une forte concentration des pouvoirs de décisions. Bien que cela soit justifier par les dirigeants comme répondant à la nécessité d'unifier les guinéens et d'assurer le développement, justification qu'on ne peut écarter en bloc, elle présentait le risque de conduire à une fermeture du système ou de l'espace aux restent de la classe politique. C'est à dire à un autoritarisme. Cela s'affirmera trop tôt lorsque, avant la constitution de 1958, l'assemblée générale confiait tout le plein pouvoir au gouvernement dont désignait comme chef de l'Etat Sékou Touré. Cette récupération du pouvoir s'accroitra au fil à mesure que le pays va faire face aux perturbations d'ordre interne et externes. En ce lieu, la plupart des auteurs s'accordent sur le fait que c'est après les agressions portugaises de1970 que le pouvoir se concentra encore plus. Cependant avant cette période, les libertés joliment consacrées par la constitution vont commencer à être restreintes au nom des besoins de la révolution. C'est ainsi, selon Ibrahima Baba kaké, qu'un décret du 27 Janvier 1959 va organiser la suppression de la liberté de la presse. Ce qui conduira à l'interdiction du quotidien « Guinée Matin » en 1959. Seul l'hebdomadaire du parti « Liberté » ou Horoya sera autorisée99(*). Dans le même contexte, l'auteur critique le concept d'unanimisme que chantait le parti. Unanimisme qui conduira à la suppression de toutes formes d'opposition considérée comme contre révolutionnaire. Le centralisme conduit donc à restreindre le champ des débat voire le supprimer.

Une autre facette du centralisme politique, fut la mystification de la personnalité du chef de l'Etat. Ce dernier est considéré comme l'un des trois piliers100(*) indissociable, invincibles et indestructibles du système. Il est le père de la Nation, le stratège président et le serviteur suprême du peuple. Ces qualificatifs laissaient entrevoir la consécration d'un culte de la personnalité. Ce qui peut bien sûr conduire de nombreuses dérives.

Mais il faut dire que ce centralisme sera couronné par l'adoption de la constitution de 1982 qui fusionnera totalement le Parti et l'Etat. Le président devenait à la fois chef de l'Etat et de gouvernement et en même temps secrétaire général du parti.

Ainsi en annonçant la victoire du parti par son progrès dans la réalisation d'une démocratie populaire, le premier proclamait en même l'échec du premier chemin qu'il avait choisi : une démocratie pluraliste et ouverte.

Mais qu'en est-il de la sphère de la justice et des droits et libertés fondamentaux ?

v La justice révolutionnaire et les restrictions de droits et de libertés fondamentaux

Dans son ouvrage sur Sékou Touré, Maurice Jeanjean s'attèlera à dénoncer le caractère fictif des droits et libertés fondamentaux consacrés par les différentes constitutions que connaitra son régime. Car pour lui il ne s'agissait pas seulement d'établir de beaux textes mais il faut les appliquer et offrir les moyens de leur application. Cependant, selon toujours l'auteur, lorsque les libertés étaient proclamées, elles sont suivies d'un arsenal de normes juridiques restrictives dégagées dans le code pénal ou dans des textes spécifiques. Ainsi plusieurs textes ne limitaient-ils des libertés individuelles comme la liberté de circulation : c'est le cas des déplacements (exodes rurales) qui ne pouvaient être effectués qu'en informant l'officier de police qui en est chargé du contrôle. Aussi les sorties du pays doivent recueillir l'approbation du président de la république.

Dans le domaine de la justice les principes de protections des citoyens tel que le droit de disposer d'un avocat était très contrôler par le fait que toutes les professions libérales avaient été d'abord fonctionnarisées avant d'être supprimées.

La transformation des juridictions ordinaires et pénales en tribunaux révolutionnaires en 1982 ouvrait une fois encore la porte à d'autres exactions contre les dits « contre-révolutionnaires ».

Le comble de toutes ces violation de droits de l'Homme sera réalisé dans à la suite des nombreux complots qui ont chaque fois conduit à des arrestations et la fuite de guinées vers l'extérieur.

v Les complots sous la première république :

Dire que les complots sous la première république étaient tous faux est en soi faux, de même qu'on ne peut nier que des injustices énormes furent commises à l'encontre de gens innocents d'une part et d'autre à l'encontre de personnes bien que coupables mais subissant des sanctions disproportionnelles par rapport à l'infraction commise.

Ces complots qui seront très nombreux pour ne pas dire permanents, seront le fait de plusieurs catégories d'acteurs : le gouvernement français à travers ses agents secrets (les aveux de Jean Foccart, le Monsieur de l'Afrique), les opposants guinéens en exils, les opposants à l'intérieur et les concurrents au pouvoir, et certains pays limitrophes. Toutefois, exclusion n'est pas faite à la grande possibilité que le gouvernement guinéen soit plus lui-même l'auteur. Ainsi plusieurs cas de complots seront enregistrés durant les vingt quatre ans d'existence du régime.

Tout commence par le complot dit des « agents du colonialisme et des intellectuels tarés » le 20 Avril 1960 moins de deux ans après l'accession à l'indépendance. Ce complot aurait été fomaté par la France avec le concours des gouvernements sénégalais et Ivoirien. Il visait à provoquer un soulèvement contre le pouvoir dans le Fouta Djallon où il y avait des opposants aux régimes (Maurice Jeanjean). Il conduit à la condamnation à mort de sept guinéens, l'emprisonnement d'un français qui sera libéré plutard.

Le second complot est désigné sous le nom de « complot des enseignants et des intellectuels marxistes tarés » en Novembre 1961. Ce complot qui mettait à plat les dirigeants du syndicat des enseignants eut pour raison la revendication par ces derniers du respect de la promesse qui leur avait fait par le gouvernement de revaloriser leur salaire et leur statut. En plus ils demandaient aussi le maintient des enseignants français et refusait de fusionner leur syndicat dans le plus grand syndicat déjà sous le contrôle du gouvernement (la Confédération nationale des travailleurs de Guinée ou CNTG). Cela leur a valu de lourde condamnation après « un simulacre de jugement » selon Maurice Jeanjean, dix ans de prison pour Koumandian Keita et Ray Autra et trois ans pour le célèbre historien guinéen Djibril Tamsir Niane. Cet événement eut des répercutions importantes dans le milieu scolaire et universitaire car très tôt et pour la première des manifestations seront organisées par les enseignants, étudiants et les élèves pour protester contre l'arrestation de leurs collègues. Mais ces manifestations seront réprimées par la milice révolutionnaire. Et conduira à la dissolution du parti Africain pour l'indépendance (un parti marxiste) qui critiquait Sékou d'avoir choisi le neutralisme à l'alignement sur Moscou.

Le troisième complot appelé « complot des commerçants » fut orchestré en 1965 avec l'aide du président ivoirien, de la France (Jean Foccart) et d'un riche commerçant guinéen Mamadi Touré qui voulut créer son parti. Il sera condamné avec deux de ces cocomploteurs. Des incidents diplomatiques en naitront entre les trois pays, la Côte D'ivoire soutenant d'ailleurs les opposants guinéens du Front de libération nationale de Guinée. Le 4ème complot dit «des officiers félons et des politiciens véreux» aura lieu en 1969 touchant réellement l'armée dans un contexte où les meilleurs alliés de la Guinée à savoir le Mali et le Ghana voyaient présidents déchus par les militaires.

Le 22 Novembre 1970 intervint l'éminent complot dit de « la cinquième colonne » par le débarquement portugais. Cette invasion de la Guinée associait le Portugal et des dissidents guinéens de l'extérieur. Mais les conséquences seront désastreuses. En terme bilan des victimes il n'y a pas de chiffres clairs là-dessus. Les chiffres publiés par le tribunal révolutionnaire suprême sont les suivants :

· à la peine capitale 61 personnes dont 21 par contumace

· aux travaux forcés à perpétuité 66 personnes

· à l'expulsion de Guinée 16 personnes, en majorité des femmes101(*)

Cependant d'autres chiffres plus importants sont publiés par des chercheurs et victimes. Ainsi dans son ouvrage intitulé, la vérité du ministre, Abdoulaye Diallo donne, quant à lui, les chiffres suivants : 255 personnes arrêtées parmi les hauts cadres, les ministres et les hommes d'affaire et 125 tuées et estime à 5.000 le nombre des personnes arrêtées. L'association de promotion des droits de l'Homme dresse un bilan des personnes arrêtées entre novembre 1970 et septembre 1971, qui aboutit à 338 personnes arrêtées et 113 tuées102(*). Camara Kaba 41103(*) avance le nombre de 12 000 cadres arrêtés 35, et Line Gagnon, dans le cadre du programme MBA de l'Université de Laval au Canada, parle de 10 000 à 30 000 disparus.

En dernier lieu, il faut signaler le complot dit « complot peulh » en 1976 qui vit Diallo Telli condamné à mort avec ces compagnons au dit complot. Cette fois ci c'était une ethnie qui était mis en cause. Selon Maurice Jeanjean, cela pouvait être lié au fait que depuis les débuts du multipartisme en Guinée, c'est au sein de cette ethnie que les véritables opposants à Sékou Touré s'étaient affichés. Nonobstant, il faut dire le mal de se régime aura touché toute la Guinée.

Au-delà de ces cas cités, d'autres complots ou actes s'apparentant ont eu lieu mais nous ne pourrons tout citer ici. Il s'agit tout simplement de comprendre que le régime qui semblait faire l'unanimité de tous les guinéens connaissait de sanglantes oppositions. L'importance de ces agitations sera à l'origine de la décimation d'une partie de l'élite guinéenne ce qui à plus d'un titre était le reflet d'un échec dans la vie politique. Il sera symbolisé parle sinistre camp BOIRO connu du monde avec ces diverses pratiques de torture et mauvaises détentions (c'est le cas de la diète noire).

Si cela était brièvement le bilan sur le plan politico-institutionnel qu'en était-il du domaine économique.

B. DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE ET SOCIOCULTUREL

Là encore, les actes et les actions volontaristes n'ont pas manqués. Cependant face aux difficultés contextuelles internes et externes les résultats escomptés ne seront ne pas toujours atteints. D'énormes échecs et dérives seront donc enregistrés en dépit de toutes les initiatives. Ainsi nous exposerons d'abord les réalisations dans le cadre économique et socioculturel (1) avant d'aborder les échecs et dérives (2).

1. Les réalisations sur le plan économique et socioculturel

Si la recherche de l'indépendance politique était primordiale pour le pouvoir guinéen sous la première république, il reconnaissait cependant que cette dernière ne pouvait être effective que lorsqu'elle était accompagnée d'une indépendance économique, sociale et culturelle. C'est dans ce sens qu'interviendront ces différentes réalisations :

v Sur le plan économique :

Les politiques de développement économique mis en place en Guinée sous la première république furent essentiellement influencées sur le plan interne par le désir de réaliser une indépendance économique et sur le plan externe par la rupture que le pays consomma avec la France. Ces réalités déterminèrent une orientation économique vers le « socialisme africaine »

C'est par la création le 1er Mai 1960 de la monnaie guinéenne appelé le « Syli» ou « éléphant » en langue malinké que le pays son pas vers la mise en place d'un système économique. La première phase de ce marathon, est appelée par les auteurs « l'expérience guinéenne ». Elle commença par l'élimination des symboles du commerce colonial dit « commerce de traite » basé sur les exportations par la Guinée de ressources naturelles contre les produits manufacturés. Cette élimination des trusts coloniaux d'import-export est consacrée par la nationalisation des banques et la création des comptoirs guinéens de commerce intérieur (pour les en gros) et de commerce extérieur. Cela permettait d'écarter le système d'exploitation colonial où le flux de commerce privé cachait la misère du peuple.

Il s'ensuivra la mise en place d'un plan triennal  (1960-1963) qui visait essentiellement la mise en place des équipements nécessaires au développement. C'est dans ce cadre que seront réalisés : la construction de l'Imprimerie Nationale « Patrice Lumumba » (avec l'aide la de République Démocratique Allemande), l'agrandissement de l'aéroport de Conakry, la construction de l'Institut Polytechnique, la construction d'un grand stade moderne de 25.000 places à Conakry (avec l'aide de l'U.R.S.S.). Ce dernier est le seul que le pays dispose jusqu'à ce jour. Ce plan sera financé à hauteur de 38, milliard de dollar par des fonds internes et essentiellement avec l'aide de pays qui ont accepté la Guinée après sa rupture (politique, économique et culturelle) avec la France. Ce furent le Ghana, l'Allemagne de l'Est, l'URSS, et les Etats Unis d'Amérique. Dans ce plan plusieurs petites unités industrielles (les conserveries et les usines de jus de fuit) furent mis en place et des bâtiments et réalisations coloniaux.

Ensuite vint le plan septennal de 1964 à 1970. Ce plan vise le développement de la production centré sur les ressources propres de la Guinée. Pour ce faire, il faudra développer l'agriculture qui devra ravitailler les industries. Cette agriculture portera sur diverses cultures commerciales et non, comme : le café, le cacao, le palmier à huile, le riz, le thé, le tabac, la banane, les fruits (orange, mangue, ananas etc...). Dans le cadre de ce cadre de ce plan, certains chiffres montrant les progrès sont à avancer : 25.000 tonnes d'arachides, 20.000104(*) tonnes de palmiers à huile. Presque dans chaque région fut expérimentée une culture selon le climat. Ce septennat prévu aussi le développement de l'élevage surtout en moyenne Guinée et en haute Guinée.

Pour le domaine industriel de nombreuses usines vont naitre grâce au plan septennal. A cet égard on peut citer entre autres : une saurisserie et un nouvel abattoir à Conakry (1961 et 1962), frigorifique du Port de Conakry (capacité 300 tonnes), la conserverie de viande et de légumes de Mamou, l'Entreprise national de briqueterie et céramique de Kobaya (briques et tuiles), industrie de cigarette et d'allumettes de Sonfonia, l'usine de sciage et de contreplaqués de N'Zérékoré, une tôlerie d'aluminium avec la firme américaine Harvey etc.... Pour alimenter ces usines, il fallait construire des sources d'énergie. C'est ainsi que furent réalisés le barrage de kinkon en moyenne Guinée, un barrage à Sérédou près de Macenta en région forestière.

Sur le plan minier, il faut dire que la Guinée est un pays vastement riche et appelé à ce titre « scandale géologique ». Ces principales ressources minières sont : la bauxite, le fer, le diamant, l'or  etc.... L'exploitation de ces ressources sous la première république sera réalisée par des sociétés comme la société nationale d'exploitation du diamant mis en place en 1961 avec une capacité qui atteignait 300.000 carat, la société de Bauxite de Midi, la société internationale de Fria.

Cette description de la situation économique laisse à croire que le succès était total. Ce qu'il faut toute de suite écarter car, au-delà des efforts non négligeables qui ont été fournis, les interrogations peuvent se dégager sur le comment ces décisions prises ont été mises en oeuvre et qu'en est-il des résultats des plans et des dérives découlantes ? C'est à ces questions qu'il faudra répondre dans une analyse critique, mais bien avant il faut se pencher sur les réalisations socioculturelles.

v Sur le plan socioculturel

Si dans tous les domaines les autorités de la première république ont laissé des traces, sans doute c'est sur le plan socioculturel qu'elles peuvent être encore plus visibles. En effet, comme dans la plupart des pays d'Afrique noire, le grand parti (PDG) qui conduit à l'indépendance s'est présenté dès le départ comme l'instrument de la construction de la future nation guinéenne. Pour ce faire le parti s'engagea à lutter contre le régionalisme, l'ethnocentrisme, et les chefferies traditionnelles qui accentuaient les inégalités par les exploitations. Cette même politique a continué durant toute la première république avec bien sûr des limites qu'on ne peut négliger (à traiter dans les critiques). Ainsi, une loi consacrait l'interdiction du racisme en 1963. En plus des mesures législatives, des émissions radiophoniques s'inscriront dans ce cadre ainsi que des manifestations publiques. Le brassage entre les tendances ethniques deviendra encore plus important avec le développement des grandes villes.

Sur la condition féminine, le parti fit un grand par rapport à de nombreux pays dans le monde à cette époque. Cela s'explique par les grands changements qui ont été introduits dans le statut de la femme entre 1962 et 1968. A ce titre, l'âge au mariage fut fixé à 17 ans, la nécessité du consentement mutuel au mariage fut établie, le divorce remplaça la répudiation, la monogamie, la dot, les conditions de travail furent définies.

Aussi l'importance accordée à la femme s'est manifesté par la place qui lui fut accordée dans les instances politiques et syndicales. Ainsi on pouvait compter 3000 élues en 1968 dans les organismes du parti, 10% furent dans le Bureau politique national du parti105(*), certaines seront ministres, gouverneurs, ambassadrices etc..... Elles manifestèrent parfois pour faire changer certaines décisions gouvernementales : ce fut le en 1964 et en Août 1977. Cette dernière manifestation conduira à l'ouverture du petit commerce jusque là contrôlé par l'Etat et la suppression de la milice économique.

L'émancipation de la femme fut accompagnée par celle de l'enfant grâce à la loi sur la protection de l'enfant naturel en 1961.

Ø Dans le domaine culturel, l'action du régime fut encore considérable au delà des dérives qui ne peuvent être ignorées. Cela en ce sens qu'en se considérant révolutionnaire, il était conscient que cette révolution ne pouvait se réaliser que par un changement de mentalité. Changement qui ne pouvait se faire que par une prise en charge de la sphère culturelle. C'est ce qui sortira d'un discours du président lorsqu'il affirmait : «dans un régime révolutionnaire comme le nôtre, les recherches artistiques n'admettent pas d'autres références fondamentales que la Révolution elle-même ... L'Information a pour objet de valoriser les créations du Peuple ... Une valeur méconnue par le Peuple n'en est pas une106(*)»(1968). Ainsi était établie la relation étroite entre l'Etat et la culture. Cette relation sera consacrée réellement dans le cadre de la révolution culturelle socialiste que le parti décréta le 2 Août 1968. Cette révolution culturelle devait permettre : « la transformation de l'art et de la culture dans leur contenu et leur forme, et leur mise au service des grandes masses populaires, l'éducation de la classe du peuple dans les idées du socialisme et l'élévation de leur niveau de formation scientifique, technique, afin de conditionner leur productivité ».

Ainsi, cette nouvelle orientation devait trouver sa mise en oeuvre dans la vie du peuple. Et pour ce faire le domaine de l'enseignement passait en premier lieu. Mais avant cette date, la Guinée comme tous ses pairs ouest africains, enseignait le français comme langue de formation. Cependant, dans le cadre de la révolution culturelle et après sa rupture avec la France, les langues locales allaient connaitre une revalorisation. Dans chaque région, l'enseignement est réalisé dans la principale langue (en soussou, peulh, en malinké et dans les langues de la forêt). Aussi les CER ou collège d'enseignement révolutionnaire sont créés. L'objectif de ces CER est déterminer par Sékou Touré en ces termes : « on ne va plus à l'école pour savoir lire et écrire seulement, on y va d'abord pour connaître un métier et c'est dans l'apprentissage de ce métier qu'on apprendra à lire et à écrire». Il s'agira d'une véritable révolution : mettre les formations en relation avec les besoin et les réalités. Selon cette politique, chaque enfant de 5 à 8 ans consacre une demi-journée au travail et pour l'enfant de 13 à 16 ans trois demi-journées. Cette pratique a d'ailleurs été proposée dans l'ouvrage de René Dumont aux africains qui laissaient leur élites s'accoutumer à la faciliter et aux jeux en les écartant des travaux extrascolaires.

Certains progrès réalisés par le régime sont dégagés par le sociologue guinéen Oumar Touré qui écrit sur son site (www.oumartoure.com) que le taux de scolarisation passa de 11 à 32% pour les jeunes en 1984, et pour ceux de plus de vingt- quatre ans au niveau des études supérieures nous avons 5%. Aussi deux universités sont crées : c'est l'université Julis Nyerere de Kankan et l'université Gamal Abdel Nasser de Conakry. En plus de ces universités, des instituts comme l'institut d'Agronomie de Faranah furent construits et une quarantaine de facultés. La mise en oeuvre de la nouvelle orientation culturelle se manifeste aussi dans le domaine de la cinématographie et de la photographie par la création successive : le 2 juillet 1973 de la Régie nationale Syli Photo et le 27 juillet 1974 une entreprise nationale de production de films, Sily-Film. (- Une entreprise nationale de distribution de films Syli-Cinéma).

En outre la religion du régime avec le monde religieux (islam, christianisme et animisme) ont varié dans le temps et selon la religion. Avec l'animisme, le parti prit des mesures pour l'affaiblir ou le supprimer car considéré comme irrationnel. Le christianisme considéré comme supportant les opposants coloniaux fut en général un adversaire jusqu'au départ des archevêques européens pour être remplacés par des guinéens. En dernier lieu l'islam en grande partie la religion revendiquée par le pouvoir comme partie intégrante de la culture et du système de pensée. Cela se justifie par les nombreuses déclarations du secrétaire général du parti par lesquelles il refuse le marxisme scientifique comme idéologie car considéré comme athée. De même ces relations avec le monde arabo-musulman en témoigneront.

Toutefois, au delà de cette facette généralement positive que nous venons de décrire, une autre n'existe-t-elle pas et permettant de relativiser cette première. C'est ce qu'il faut voir dans les lignes qui vont suivre.

2. Les échecs et les dérives économiques et socioculturel du régime

Dans cette présente analyse critique, nous suivront la même comme celle ci haute c'est-à-dire partir du cadre économique pour terminer par le socioculturel.

v Les échecs et les dérives économiques

Lorsque Sékou Touré déclarait en Décembre 1961 : «les paysans stigmatisent et la forme et les méthodes employées pour les astreindre à un travail qu'ils ne considèrent pas autrement que comme du travail forcé»107(*), il reconnaissait par ces termes que les politiques employées en matière économique avait laissé des séquelles que le peuple ne supportait plus.

Cet échec s'expliquait en premier lieu par la nature du système économique adopté. Ce n'était autre que le socialisme économique que la Guinée avait mis en place sous l'impulsion de l'Est qui restait son véritable créancier. Ce système n'étant pas adapté à la situation socioculturelle a conduit rapidement le peuple a manifesté son mécontentement.

Cette inadaptation s'explique dans le domaine agricole par exemple par l'usage de tracteurs sans pièces de rechange et de connaissance suffisante pour leur utilisation. Dans le même secteur, l'échec pouvait aussi être identifié par l'accroissement de l'importation de riz qui ne cessait pas d'augmenter. La baisse des productions agricoles sera significative: par exemple l'exportation de bananes qui s'élève en 1972 au quart de leur valeur de 1964.

De même la création de la monnaie guinéenne fut un acte de souveraineté économique. Cependant très tôt cette monnaie va sombrer dans l'inflation et la dévaluation. Cela pour plusieurs raisons tel que le caractère anticipé de la création de cette monnaie. Toute monnaie devant tirer sa force de l'importance de la réserve d'or que le pays dispose ou de l'importance de son développement économique, la Guinée mettait en place sa monnaie sans remplir aucune de ces conditions. De plus cette monnaie ferra objet d'un sabotage tant sur le plan interne qu'externe. Sur le plan interne, l'exportation clandestine de produits a conduit à des fuites de capitaux et sur le plan externe les services secrets français fabriqueront des faux billets pour augmenter la masse monétaire afin de faciliter l'inflation (les archives de Jean Foccart : la Françafrique). C'est dans cette situation que le syli sera créé comme nouvelle monnaie en Octobre 1972. A cette occasion Sékou Touré ferra le compte rendu de l'évolution de l'inflation passant de 10milliards en 1960 à 12.350 milliards en 1963 jusqu'à 38 milliard en 1972.

Sur le plan budgétaire beaucoup de défaillance peuvent être soulignées notamment le manque de transparence dans les statistiques où les vrais chiffres sont généralement cachés. Aussi l'absence d'examen des réalisations jusqu'en 1968. Malgré la mise en place d'un ministère du contrôle financier, ce dernier sera le plus souvent bloqué par les ténors du régime surtout après la publication d'un rapport qui faisait état des malversations des administrations inférieures.

Dans le domaine commercial, les dérives sont considérables. Dès ses débuts, le régime s'engagea dans une étatisation du commerce. Cette nationalisation se réalisera parallèlement avec l'existence d'entreprises privées. Mais la porte du commerce privé sera fermé en 1975 avec la suppression des marchés hebdomadaires dans les villages jusqu'en 1979 où ils sont rouverts avec des conditions.

Tous ces ratés sont couronnés par la dette que le régime laisse derrière : cette dernière est estimée en 1984 à 1.570millions de dollars. A cela il faut ajouter la dépendance galopante du pays de l'extérieur. Elle ferra objet d'une analyse plutard. Toutefois avant de passer il convient d'analyser les limites des politiques socioculturelles.

v Les limites des politiques socioculturelles

S'il est vrai que les efforts dans ce domaine ont été manifestes, force est de reconnaitre que les limites remontant jusqu'à nos jours sont notables.

En effet, comme exposé plus haut, l'idéal du PDG était donc de faire disparaitre le régionalisme, l'ethnocentrisme, cependant ces mentalités sont toujours restées et souvent les positions du gouvernement lui même étaient ambiguës et contradictoires car tout en dénonçant ces racismes, il parlera de « complot peulh en 1976. De même certaines recherches sur l'appartenance de cadre ont montré que les cadres malinké furent les plus nombreux de l'administration (plus de 45%), ensuite venait les soussous, les forestiers et enfin les peulh. Cet usage de l'ethnie dans la lutte politique et son utilisation dans le néopatriminialisme fut aussi connu sous la première république lorsqu'on sait que l'essentiel des personnages qui formaient l'entourage du président était de sa famille directe ou indirecte. Ce fut le cas de Siaka Touré, d'Ismaïl Touré, Lansana Diané par exemple et tant d'autres.

Toujours sur le plan social, la pauvreté que le régime lègue est important. Même si dans ce sens aucune statistique fiable n'est retrouvée, beaucoup de réalités laissent voir que la principale raison pourrait être une mauvaise répartition des rares ressources qui était présentes. Cela s'explique par les pratiques clandestines de commerce par les privilégiés et les cadres du régime, les pots de vin qui n'ont jamais cessé malgré les mesures dures prises par le régime contre ces pratiques. L'insatisfaction des besoins fondamentaux restait réelle lorsque le pays est classé en 1988-1990 parmi les pays moins avancés avant une moyenne inférieure à la norme des ces pays, l'espérance de vie étant 58ans, l'accès de la population rurale à l'eau très faible avec 24% seulement, le taux de scolarisation au primaire et au secondaire étant 22% et pour les adultes 24%. (PNUD : programme des Nations Unies pour le Développement). Sans oublier le PNB qui était se tournait autour des 440 dollars (1990).

En somme les lègues en matière de déchirement social et de pauvreté ne seront pas négligeables à la fin de ce régime.

En matière culturelle, malgré les renommées que le pays put connaitre en tant que porte flambeau de la culture africaine à travers ses troupes de danse et de ballet, il faut dire sur le plan interne d'énorme faillites restaient encore là.

Au primo pouvait être indexé le contrôle du système culturel par le régime. Le besoin de réaliser un totalitarisme complet conduit à mettre sous la direction du seul acteur de la vie publique (parti) le système de penser devant conduire la société. Si cela en soi n'est pas mal car étant une nécessité pour toute société autogouvernante. Cependant lorsque l'usage de ce cadre idéologique vise à favoriser certains groupes au profit des autres c'est-à-dire asseoir mieux un pouvoir au profit de ces détenteur, nous sommes en face d'un instrument d'exploitation des masses. Et cela pouvait bien être décelé dans la tendance du parti unique à supprimer toute contradiction et par cela bloquer la liberté d'opinion qui est pourtant la clef de toute réussite culturelle. Dans le domaine de l'enseignement, il faut ajouter au conflit qui exista entre le milieu intellectuel et le pouvoir illustré par les deux complots de 1960 et de 1961 ainsi que les manifestations des élèves et étudiants. Aussi la fuite des intellectuels pour rejoindre la métropole et les pays limitrophes étaient aussi d'autres signes de l'échec de la politique d'éducation. A ceci, il faudrait ajouter le caractère improvisé et mal préparé de la politique d'enseignement dans les langues nationales (Maurice Jeanjean). Cette dernière politique fut pourtant appréciée par beaucoup d'auteurs car elle eût le mérite de poser le problème108(*), celui de l'autonomie de l'enseignement en Afrique. Toutefois, elle échouera pour plusieurs raisons comme le manque d'engagement de la part des acteurs et partenaires.

Ainsi, le terrain culturel connut le même sort que tous les autres secteurs dans lesquels intervint le pouvoir c'est-à-dire marqué par un monopole incontestable de l'Etat.

Si tel est l'existence interne du régime, il convient de se pencher ses rapports avec l'extérieur avant de faire une véritable conclusion sur son passage.

II. LE BILAN SUR LE PLAN INTERNATIONAL

S'il est d'un domaine la Guinée fut le plus enviée sous la première république c'est sans doute dans les relations internationales incarnées par les actes et les entreprises par son président Ahmed Sékou Touré. Ces relations vont de la sphère africaine pour toucher le reste du monde où celles qu'elle aura avec son ancienne puissance coloniale sera réellement particulière. Dans toutes ces relations, il faut dire que la dialectique des effets positifs et négatifs sera toujours là. Partant, nous exposerons d'une part les rapports entre la Guinée, l'Afrique et l'ancienne puissance coloniale : la France (A); et d'autre part nous pencherons sur ces relations avec le reste du monde notamment le monde socialiste communiste, le monde arabe et les Etats Unis et le monde occidental (B).

A. LES RAPPORTS DE LA GUINEE AVEC L'AFRIQUE ET LA France

L'indépendance guinéenne aux yeux de la plupart des africains était la consécration de la dignité noire perdue pendant plusieurs siècles d'esclavage et de colonisation, de même pour la Guinée, dire « non ! » a la France n'était pas seulement l'affaire d'une petite entité qu'elle était mais le point départ de la libération de tout un continent. Cependant cette effervescence n'était pas perçue de la même manière partout car quittant la communauté proposée par la France elle devait faire face à deux oppositions, celle de certains Etats africains satellites de la France et celle de sa future rupture avec cette dernière.

Pour cette présente réflexion, nous essayerons d'exposer les relations africaines (1) de la Guinée avant de toucher celles entretiendra avec l'ancienne métropole (2)

1. Les relations Africaines de la Guinée : une Championne du panafricanisme

En affirmant le 2 Octobre 1958 : «le choix guinéen dépassait le cadre territorial de la jeune république et devait servir de tremplin au développement des pays d'Afrique Noire toute entière, la liberté de la Guinée ne prenant son sens qu'en débordant les limites étroites du pays »109(*), Ahmed Sékou Touré consacrait un principe qui allait être l'une des normes fondamentales de la conduite extérieure de la Guinée en Afrique. C'était la vision guinéenne de son indépendance face à l'Afrique : construire l'unité politique du continent. Cela sera d'ailleurs établi dans le préambule de toutes ses deux constituions à savoir celle de 1958 et celle de 1982 où elle affirme sa volonté de créer les Etats Unis d'Afrique. L'article 34 de la première constitution stipule : «la République peut conclure avec tout Etat Africain des accords d'association ou de communauté, comprenant un abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l'Unité Africaine»110(*). Cet idéal de construire l'Unité africaine s'affirma en premier lieu dans le cadre de l'union Ghana-Guinée mise en place le 1er Mai 1959 par les deux Etats pour constituer la base du futur Etat fédéral Africain. Ils seront rejoints le 24 Décembre 1960 par le Mali. C'est cette union qui donnera naissance au groupe de Casablanca ou la groupe des progressistes. Ce groupe voulait la création de l'Etat fédéral africain. Mais n'ayant pas obtenu les Etats Unis d'Afrique en Mai 1963 à Addis Abéba, à cause de l'opposition du groupe des modérés dont Houphouët Boigny, la Guinée demandera à travers Sékou Touré demandera qu'une organisation soit mise en place. Et c'est ainsi que cette dernière va apparaitre comme le fruit d'un compromis entre les deux groupes.

En outre il faut dire que le panafricanisme guinéen fut aussi la lutte pour la décolonisation de toute l'Afrique. A cet égard la Guinée fut le foyer d'accueil des nombreux mouvements anticolonialistes ou mouvements de libération pour l'indépendance. Entre autres nous pourrons cités : le mouvement dirigé par Amilcar Cabral pour la libération de la Guinée Bissau et de Cap-Vert, des mouvements Angolais de libération nationale, des membres du congrès Africain d'Afrique du sud, l'anticolonialiste camerounais Félix Roland Moumié. Son soutient au mouvement de libération en Algérien et sa ferme condamnation de la mise à mort de Patrice Lumumba en 1960.

Cependant ces actions n'iront pas sans engendrer des oppositions parfois dures de la part d'autres Etats Africains. Ce sera le cas réellement pour la Côte D'Ivoire et le Sénégal pour ne pas dire la grande partie des membres de la communauté française mise en place par De Gaulle avec l'aide d'Houphouët Boigny. Ces deux premiers pays accueillent et soutiennent les oppositions guinéennes sur leur territoire. C'est dans ce contexte qu'intervint le complot « petit Touré » qui, d'après les autorités guinéennes devrait être soutenu par le Côte d'Ivoire. Plus important sera le refus de ce pays d'accorder l'usage de son territoire par les guinéens pour rétablir Nkrumah déchu par les militaires de son pays. Cette opposition est peint par Ameillon lorsqu'il écrivait «le Président de la Côte d'Ivoire, Houphouët-Boigny, qui mit autant sinon plus d'ardeur que de Gaulle à vouloir écraser le pays qui, s'il réussissait, entrainerait le sien dans l'Indépendance». Toutefois, ces hostilités prendront fin en 1978 avec l'aide du président libérien Tubman lors de la conférence de Monrovia.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ces engagements du régime en Afrique, lui coûteront financièrement chers. Cela fait parti d'ailleurs des critiques qu'Ameillon lui adresse.

Mais qu'en était-il de ses relations avec la France ?

2. Les relations Guinéo-françaises sous la première république

En ce lieu, il faut dire que les relations entre les deux Etats ont été parmi les plus agitées que le régime touréen connut.

En déclarant le 2 Octobre 1958 :« la France n'a pas à rougir de " l'oeuvre accomplie ici avec les Africains (...). L'indépendance est à la disposition de la Guinée, elle peut la prendre en disant " non " (...), la métropole n'y fera pas obstacle »111(*), le général De Gaulle n'avait pas encore dévoilé la vraie position de la France face cette position guinéenne. Car de peur de ne pas voir les autres colonies suivre le pas de la Guinée, la métropole s'apprêtait à saboter cette indépendance dans toutes les voies.

Cependant dès le début, la Guinée signifiait que son indépendance n'était pas synonyme d'une rupture totale avec la France, mais une coopération entre des peuples égaux. C'est dans ce sens que Sékou Touré soulignait en 1958 « ...nous ne voulons pas nous déterminer sans la France ou contre la France.... »112(*). C'est pourquoi dès la proclamation de son indépendance la Guinée enverra un message télégraphique à Paris afin que celui-ci la reconnaisse. Cependant cette reconnaissance n'intervint plutard qu'au 7 Janvier 1959 après la signature de trois protocoles d'accord de coopération dans trois domaines : la monnaie, l'assistance technique et le domaine culturel. Ces protocoles seront suivis d'un échange d'ambassadeurs le 21 et 23 Janvier 1959.

Mais ces protocoles ne seront que partiellement mis en oeuvre. C'est ainsi qu'en 1960, la Guinée sortira de la zone franc pour créer sa propre monnaie. Cette décision sera suivie de la nationalisation de Banques jusque là détenues par les français. Et en retour la France bloquera les pensions de 40.000 pensionnés guinéens.

Les aggravations de la discorde interviendront en 1959-1960 lorsque la Guinée découvre que les services spéciaux français sont impliqués dans un complot contre sa sécurité par utilisation des territoires ivoiriens et sénégalais.

En novembre 1965, la relation diplomatique sera totalement rompue. Cette coupure va durer jusqu'au 14 juillet 1975 où l'ouverture intervint. Cette ouverture est amorcée un an plutôt en 1974 après l'élection présidentielle française, et sera menée à terme en huit ans : échange d'ambassadeurs (1976), règlement du contentieux financier (1977), visite officielle du président Giscard d'Estaing à Conakry, accords de coopération (1979), visite officielle de Sékou Touré à Paris (1982).

De part et d'autre les conséquences qui seront présentes. Pour la France en perdant la Guinée, elle perdait des intérêts économiques et une parcelle d'influence. Quant à la Guinée, elle connaitra des répercussions économiques car la France étant dans le passé une alliée économique importante. Sa place dans les importations en Guinée passa rapidement du 10ème rang en 1970 au 2ème en 1978 avant d'occuper le premier rang en 1982. Pendant cette rupture l'assistance française aux oppositions guinéennes va perturber la vie politique et la stabilité du pays.

Toutefois les désaccords franco-guinéens n'empêcheront la Guinée à se trouver des alliés dans d'autre partie du monde. Ces partenaires seront à la fois des deux blocs Est et Ouest et aussi des Etats arabes d'Afrique et d'Asie.

B. LE RESTE DU MONDE : L'EST, L'OUEST ET LE MONDE ARABE.

Face au refus de coopération de la France, la Guinée se fraya son propre chemin : le neutralisme en relations internationales. C'est au nom de cette définition de ses relations avec le reste du monde que la Guinée établit de nombreux accords avec les deux grands blocs en guerre froide (1) et plutard le monde arabe (2).

1. Les relations de la Guinée avec les deux blocs : communiste et capitaliste

En se donnant une vision du comment agir sur la scène internationale en périodes de pleine guerre froide où la lutte idéologique assaille le monde, la Guinée va tisser des relations non exemptées de perturbations avec les communistes et les Etats capitalistes.

En effet, avec les premiers les rapprochements s'entameront très tôt. Dès son accession à l'indépendance la Guinée sera vite reconnu par les pays socialistes et communistes qui sont l'Union soviétique et ses satellites ainsi que la Chine, le Cuba, l'Allemagne de l'Est etc.... Cet acte politique sera accompagné de nombreuses aides économiques, et culturelles. Ainsi des chiffres publiés par les américains permettent de voir l'importance de ces aides : « 440 millions de dollars de 1958 à 1980. Ce qui faisait de la Guinée le sixième des bénéficiaires africains. Quant aux accords bilatéraux, la Guinée en signa près de 300 avec eux contre seulement 126 avec les États capitalistes. De 1959 à 1970, le nombre de boursiers envoyés dans les mêmes pays a été de plusieurs centaines chaque année, soit de 40 à 60 p. 100 des étudiants envoyés à l'étranger. Pour les années 1978-1982, la moyenne tourne autour du millier. Mais c'est surtout dans le domaine des armements que l'aide sera aussi importante »113(*). Cependant l'assistance de ces pays à la Guinée en matière agricole sera considérable : ce sera des tracteurs ainsi que des engrais.

En plus les missions ministérielles entre les Etats socialistes et la Guinée seront trois fois plus fortes qu'avec les pays capitalistes. Cependant ces relations n'ont pas parfois manquées de conflits. Car avant de s'engager définitivement dans une amitié avec ces Etats Sékou Touré agira d'abord avec prudence. Il refusa de s'approprier de leur idéologie qu'il considérait incompatible à la culture du peuple guinéen. C'est pourquoi il fit expulser l'ambassadeur soviétique en 1961 en raison de son implication dans le complot dit « des enseignants ». Cet ambassadeur était accusé de vouloir endoctriner des jeunes guinéens et cfaire des sabotages économiques. Cette incidence sera résolue une semaine plutard en 1962. De même il interdira l'aéroport de Conakry aux avions soviétiques à destination de Cuba lors de la crise de missiles. Il justifiait cette position en affirmant que «les révolutions ne sauraient s'importer ni s'exporter».

Face au monde occidental, la Guinée appliqua le même neutralisme, mais les relations seront pas plus intenses qu'avec les Etats de l'Est. Dans ce bloc Ouest, la Guinée recevra de nombreuses aides à la fois alimentaire et financière de la part des Etats Unis qui se placeront d'ailleurs en deuxième position derrière l'URSS. Ces aides s'élèveront à hauteur de 140milliards de Dollars114(*) entre 1958 -1980 d'où la Guinée devenait le sixième pays bénéficiaire d'aide américaine sur le continent et les entreprises américaines prendront une part importante dans l'exploitation de la bauxite en Guinée. Les incidences avec ce pays seront moindres. Toutefois certains guinéen comme Diallo Telli sera arrêtés pour coopération avec la CIA contre la Guinée. Aussi malentendus eurent lieu : tel en 1961, les américains fermeront leur centre culturel à cause des répressions du régime, expulsion du " corps de la paix " en 1966. Malgré tous ces incidents les relations entre les deux resteront toujours. Ce que témoignera la visite du chef de l'Etat guinéen à Washington en 1979.

En somme, s'il est vrai que le neutralisme guinéen fut une véritable expression du non alignement en relations internationales, il faut pourtant dire qu'il ne la pas permis d'échapper à l'influence des deux blocs. L'influence de l'Est se manifestera dans l'usage même de la scène politique fait de rassemblement populaire et des discours à connotation socialiste voire communiste. Cependant, du côté américain, on réussira à faire éviter une immersion totale de la Guinée dans le camp soviétique et parfois on créera même des dissensions entre les deux amis d'alors. Delà la question se pose même sur l'indépendance de la Guinée qui restait de plus en plus dépendant. Toutefois, nous pouvons en tirer comme leçon le fait que ce pays ait pu se donner un chemin moins synonyme de subordination que le fait de se rallier à un camp.

2. Les relations avec le monde arabo-musulman

Si au début de son existence la religion n'occupait une place si importante, vers le milieu et la fin de la première république ses autorités s'orienteront de plus en plus vers l'affirmation d'une identité africaine musulmane. Cette réorientation idéologique, se manifestera dans les relations extérieures qu'entreprendra le pays à partir des années 70 notamment avec le monde arabe en Afrique du Nord ainsi qu'au Moyen Orient. Mais il faut aussi cette réorientation pas seulement des finalités religieuses, car elles seront aussi économiques et politique.

C'est ce qui sera dégagera des aides de ces Etats arabes qui s'élèveront à hauteur de 604,6 millions de dollars (1973-1980). Il s'ensuivra de la construction de la mosquée Fayçal de Conakry (la plus grande mosquée de la Guinée) par les marocains à l'aide de fonds de l'Arabie Saoudite. Dans le même cadre la Libye offrira à la Guinée sa première chaine de télévision en 1979. Il ne faut pas aussi oublier les échanges cultuels qui sont effectués entre ces pays notamment en matière d'enseignement islamique.

En outre, nommé président du comité islamique des bon offices, le président guinéen Sékou Touré jouera un grand rôle dans la résolution du conflit Irano-irakien. De même avant sa mort il entreprendra de réconcilier le Maroc et l'Algérie sur la question du Sahara Occidental.

Finalement comme le note Oumar Touré, la Guinée s'était était revenue sur la scène internationale avec encore plus d'éclat nouant des relations avec toutes les parties du monde. Mais il faut dire que cette importante représentation dans la sphère internationale n'a pas empêché le pays d'avoir difficultés socioéconomiques et politiques.

A la lumière de cette analyse sur la première république, nous pouvons affirmer à l'image d'Ali Badara Sylla, que le bilan ce régime est « le bilan positif d'un échec ». Cela par le fait qu'il réussit à innover, à réaliser un réaménagement nouveau de la société guinéenne, a propulsé ou tenter de propulser cadre nouveaux des idées. Le volontarisme incontestable qui marqua ce régime dans son dessein de construire une identité guinéenne et Africaine sans quoi toute autodétermination reste impossible. Cependant, force est de reconnaitre que le prix à payer pour atteindre ce stade de liberté est lourd, d'autant lourd que les victimes guinéennes ou non seront nombreuses, un totalitarisme affirmé sur tous les plans, une dictature de la masse. Mais aussi une prise en otage du système par parfois une minorité. Ces constats que nous dégageons seront d'ailleurs le point vue du président de cette première république lorsqu`il déclarait : « la Révolution est la résultante d'une prise de conscience d'un passé et d'un présent lourds de conséquences, doublée d'une autre prise de conscience d'un avenir radieux que l'on peut atteindre, à condition d'agir ».Delà nous comprenons qu'il ne s'agit pas seulement de faire l'histoire mais il faut aussi savoir y tirer d'importantes leçons sur les échecs et les réussites pour construire l'avenir. Est-ce que cela fut-elle le cas de la Guinée qui au lendemain de la mort de Sékou va entamer une réorientation de la vie politique sur un bilan qui ne fut à la hauteur des attentes du peuple de Guinée de 1958 ? Pour répondre à cette question il conviendra de se pencher sur la phase de la démocratisation en Guinée. Mais avant de rentrer dans cette phase, il conviendra de savoir comment le régime de la première république a disparu et qu'en fut-il de la période transitoire vers la démocratisation ?

SECTION2 : LA FIN DU PREMIER REGIME ET LES DEBUTS DU REGNE MILITAIRE : une transition ?

Après vingt quatre ans à la tête de la Guinée, le régime de démocratie populaire devait obéir à la loi oméga115(*). Cela intervint à la mort de Sékou Touré en 1984. Cette disparition du responsable suprême de la révolution allait conduire à l'arrivée au pouvoir des militaires et marquer la fin de la première république et tout son arsenal systémique (paragraphe1). Dès cette prise de pouvoir, les militaires annoncèrent la transition en édictant certaines mesures comme prémisses d'une éventuelle ouverture (paragraphe2). En ce lieu il faut dire que le régime d'ouverture n'est pas encore là. Il s'agit donc d'une période spéciale entre ouverture et système fermé. Elle est d'autant importante que la réussite de la future transition est à sa solde. D'où la nécessité cette présente réflexion.

PARAGRAPHE 1 : LA MORT DE SEKOU TOURE ET L'AVENEMENT DU POUVOIR MILITAIRE

Dans ce paragraphe transitoire il s'agira de parler de deux évènements importants dans l'histoire politique moderne de la Guinée : la mort de Sékou et le conteste national et international dans lequel elle intervient (I) et la prise de pouvoir anticonstitutionnelle des militaires et les raisons qu'ils évoquent (II).

I. LA MORT D'AHMED SEKOU TOURE : un contexte politique important :

Narrer tout simplement la mort de Sékou Touré ne peut avoir de grands impacts sur ce travail. Mais l'inscrire dans un contexte national et international qui l'a précéda est important.

Ainsi, il faut dire que c'est dans un contexte de réorientation de la politique interne et externe de la Guinée qu'intervint la mort de Sékou Touré. En effet après dix neuf ans d'existence, le régime guinéen s'était rendu compte des limites des politiques collectivistes et socialistes qui avaient été entreprises depuis les débuts du régime. Si d'une part ils proclamaient que le régime était à un stade avancé de démocratie populaire116(*), les autorités guinéennes étaient aussi conscientes des pertes des prix lourds que le peuple avait payé, de la faillite économique donc d'une nécessité de faire mieux. C'est ce qui poussa le président à lancée une grande offensive diplomatique à travers le monde à la suite des rétablissements des relations avec la France et les Etats voisins longtemps hostiles. Ce retour de plus en plus fort sur la scène internationale était la manifestation d'une certaine ouverture, bien sûr contrôlée, mais devant permettre une relance de l'économie guinéenne par le retour des investisseurs de toute part. Aussi, sur le plan politique interne, de massive libération de prisonniers avait commencé. Cette politique était pour les dirigeants guinéens la réaffirmation du « neutralisme positif » qui prouvait que la Guinée n'était ni un pays de l'Est ni de l'Ouest mais un Etat indépendant d'Afrique qui compte traiter les relations d'égal à égal avec les autres Etat. Dans la même atmosphère, la Guinée se préparait à accueillir le XXème somme de l'Organisation de l'Unité Africaine dont a été membre fondateur. En ce sens plusieurs auteurs s'accordent sur le fait que la transition en Guinée était entamée, mais vers le renforcement de l'ancien régime ou un autre régime, rien ne déterminait.

C'est donc dans ce contexte d'ouverture politique et économique que le président Sékou Touré rendit l'âme aux Etats Unis à Cleveland le 26 Mars 1984 à 21H GMT.

Mais qu'advint t-il au régime établi depuis vingt six ans de révolution ?

II. LA PRISE DU POUVOIR PAR L'ÁRMEE : pour quelle raison ?

La prise du pouvoir par l'armée guinéenne intervint dans un contexte de lutte de succession à la tête de l'Etat des anciens ténors du régime de Sékou Touré.

En effet, à l'annonce de la mort de ce dernier le 26 Mars 1984, les membres du comité central du tout puissant parti (PDG) se réunir pour nommer le chef de l'Etat par intérim conformément à la constitution en vigueur : ce fut le premier ministre Louis Lansana Béavogui. A ce titre, ce dernier devait présider les funérailles et veiller à la mise en application des clauses de la constitution relative à la vacance de pouvoir : « l'organisation de l'élection d'un nouveau d'un président dans les quarante cinq jours qui suivent le décès de l'ancien président».

Après des obsèques impressionnantes de celui qui est considéré par la plupart des personnes comme l'une des grandes figures de la cause Noire, de l'islam africain, de l'émancipation du peuple de Guinée (sans oublier que d'autre le qualifie de tyran), les choses allaient vite changer dans la conduite politique de L'Etat. Car, pendant que les PDGistes se battent entre eux pour le pouvoir, les militaire allaient les surprendre en annonçant le 3 Avril à 2heures à la radio « la Voix de la révolution » : la prise du pouvoir par l'armée avec à sa tête le colonel Lansana Conté ! Et proclamèrent la deuxième république !

Cette déclaration sera suivie d'une liesse de joie dans les rues de Conakry et dans certaines grandes villes du pays ainsi qu'à l'extérieur où se trouve plus d'un million et demi de guinéens ayant fuit le premier régime. Cet évènement devait annoncer l'ouverture d'une nouvelle ère dépourvue des contraintes révolutionnaires.

Ce coup d'Etat sera justifié par les militaires par le besoin de « sauver le peuple de la guerre civile». Dans le même ordre de discours, le nouveau pouvoir allait condamner fermement l'ancien régime en ces termes : « au départ, un groupe d'hommes se rend maître du pays et des richesses de son sous-sol : l'or, les diamants, la bauxite pillés directement ou par compagnies minières interposées. Alors que ces hommes vivent dans l'opulence, le pays est laissé l'abandon. Les discours détournent la population des réalités. Durant 26 années, la politique remplace la production ... La fermeture des frontières, l'isolement économique du pays, permettent de maintenir à un cours artificiel très supérieur à sa valeur réelle la monnaie nationale», et poursuivra en affirmant « Un homme ne peut diriger à lui tout seul un grand pays comme le nôtre ».

Cette entrée fracassante en jeu et la recherche de légitimité va ouvrir la porte à une période transition dirigée par le comité militaire de redressement national (CMRN) dont les premières décisions, fort radicales, sont d'une importance capitale dans cette analyse.

PARAGRAPHE 2 : LA PERIODE TRANSITOIRE A LA DEMOCRATISATION : quel départ ?

La démocratisation en elle-même comprend une phase de transition qui précède la consolidation. Mais dans ce cas guinéen, avant cette démocratisation proprement dite, le pays a connu une période exceptionnel allant de l'effondrement total du régime mis en place sous la première république à la mise en place des premières institutions démocratiques (en1984 et 1990). C'est durant ces six ans que le comité militaire va prendre d'importantes mesures qui conditionneront à nos yeux la réussite de la future transition démocratique. Après avoir dégagé les décisions à caractère général (I) nous chercherons à toucher celles qui ont visées l'armée dont la nouvelle emprise risque de compromettre la suite des réformes (II).

I. LES DECISIONS A CARACTERE GENERAL 

D'entrée, le Général Lansana Conté va annoncer que : «l'ancien régime est mort !» Ce fut vraiment la mort de ce régime car le premier discours qui annonçait la prise du pouvoir par l'armée va partir de la suppression du grand parti unique, la dissolution de toutes les institutions politiques (assemblée nationale, la jeunesse révolutionnaire, les différents comités et le bureau politique national) et suspension de la Constitution. Seront maintenues, la confédération nationale des travailleurs de Guinée avec un rôle très encadré et la structure de l'administration.

La table rase faite du régime s'en suivra d'autres décisions importantes telles que: la libération de trois cents détenus politiques et relaxe des détenus de droit commun, l'emprisonnement d'une soixantaine d'ex-dirigeants. La création d'une commission ad hoc pour étudier les dossiers des innombrables victimes et martyrs. La libre circulation des personnes et des biens est rétablie.

Sur le plan socioculturel, c'est la suppression systématique de tout enseignement idéologique et le renforcement de l'enseignement du français, l'autorisation des écoles privées, la suppression de l'impôt en nature, le libre exercice de la médecine privée...

Ces mesures urgentes concerneront aussi le domaine économique où la nécessité de défaire le système antérieur jugé improductif se posait. C'est ainsi qu'un programme intérimaire de redressement national est engagé pour 1985-1987 avec le concours de la Banque mondiale et le FMI. Aussi une privatisation géante est lancée pour transférer au secteur privé l'ensemble des entreprises détenues jusque là par l'Etat (sauf quelques unes). On assiste à la dévaluation et à la récréation du secteur bancaire avec le maintient de la Banque centrale au détriment six autres banques insolvables, la libéralisation des échanges et la liberté de prix s'installent rapidement. De même le syli dévalué à 92 % est remplacé par le Franc guinéen.

De côté, la fonction publique ferra objet d'une refonte profonde. Cette moralisation de l'administration est réalisée par la mise en place d'un programme de départs volontaires, des tests d'évaluation-sélection qui viseront les fonctionnaires etc....

L'ensemble de ces mesures consacrait la disparition du régime précédent. Il s'agit toutefois des premières actions vers la libéralisation politique et économique dont nous avancerons la suite des mises en oeuvre dans le chapitre qui leur est consacré.

Par ailleurs à l'image des secteurs que nous venons cités, ces premières mesures toucheront aussi bien le domaine de l'armée. Cette dernière en prenant le devait se tailler la part du lion.

II. LA PHASE TRANSITOIRE ET LE RENFORCEMENT DES BASES MILITAIRE DU POUVOIR

La prise du pouvoir par l'armée dans un contexte de totale illégitimité demandait qu'elle se donne les moyens de son existence c'est-à-dire chercher une certaine légitimité. Pour ce faire, elle allait commencer d'abord par l'armée où elle devait taire toute éventuelle opposition. Cette politique de neutralisation consistait en une promotion automatique aux grades supérieurs. Ainsi tous les sous-officiers (du caporal à l'adjudant-chef) et les sous-lieutenants allaient voir leur grade croitre. Dans le même cadre d'autres grades qui avaient été supprimés sous la première république sont rétablis en 1984. D'autres promotions aux grades supérieurs interviendront en Juin 1989 visant : 214 officiers et 233 sous-officiers. Ces derniers passeront au grade de sous-lieutenant. Mais il faut dire que la première de toutes ces mesures sera celle qui consacra une séparation entre la fonction publique et l'armée car sous la première république l'armée avait été intégrée à la fonction publique en vu qu'elle soit contrôler de peur qu'elle ne fasse un putsch. Cette fois ci elle prendra même la tête de l'administration en remplaçant tous les gouverneurs en place depuis l'ancien régime par des militaires.

Ces privilèges que bénéficient les militaires vont s'étendre à leurs conditions sociales. En ce lieu on peut noter les revalorisations successives de leur de solde : en 1984, 1986, faisant ainsi le double des salaires toujours retardés des civils. Aussi, leur casernes sont en voie de modernisation (le camp Samory rénové par les philippins à hauteur de 30 millions de dollars) et des équipements nouveaux sont attachés surtout en termes d'armements.

Les putschs ne se limiteront pas là car à la suite de la tentative de coup d'Etat avorté, le colonel Diarra et de nombreux officiers de l'ethnie malinké sont arrêtés et ils mourront dans les prisons avec certains dignitaires et proches de l'anciens président Sékou Touré comme : Siaka Touré, Ismaël Touré et tant d'autres, sans jugement ni procès. Cette incidence conduira d'ailleurs à un pillage chez l'ethnie de ces derniers.

Par là, le nouveau gouvernement se donnait la main libre pour gouverner avec moins d'obstacles. Et le comité militaire de redressement national restera dans ce contexte l'exécutif et le législatif : il s'agit en réalité d'un régime d'exception.

Toutefois, si détruire quelque chose est souvent facile, en reconstruire ne l'est pas toujours. C'est pourquoi plusieurs facteurs liés à cette transition laissaient vraiment planer l'incertitude sur ce que serait la future transition démocratique. Ces facteurs tels qu'on peut les déduire sont la question ethnique, la suprématie de plus en plus affirmée des militaires sur tous les autres citoyens, la monopolisation du pouvoir. Et les répressions de certains mouvements sont déjà présentes en 1988.

Par ailleurs, Il faut souligner que l'une caractéristique de cette période de transition est l'absence d'instituions véritable et de constitution. Aussi, elle mettait à l'oubliette toute question liée aux dérives de l'ancien régime sans pourtant organiser une véritable réconciliation. C'est dans ce contexte que la démocratisation allait être lancée par le CMRN.

CHAPITRE 2 : LES ANNEES 90 OU « L'OUVERTURE » DU SYSTEME POLITIQUE GUINEEN : une marche vers l'Etat de droit

« Si la Démocratie est un droit et un art de vivre ensemble pour une société responsable, elle exige de s'enraciner dans les réalités profondes de chaque Peuple pour traduire ses aspirations propres ».

Lansana Conté117(*)

En Guinée, il faut dire que le retour à une ouverture du système à commencer tôt, avant même les années 1990. En effet, conscient des échecs connus dans les politiques socialistes, Sékou Touré avait déjà entrepris d'alléger le radicalisme révolutionnaire dans les années 80. Aussi à son arrivée au pouvoir en 1984, Lansana Conté avait annoncé cette même ouverture. Toutefois la démocratisation en Guinée telle nous la saisissons aujourd'hui est bien sûr le fait de la troisième vague répondant à des exigences à la fois internes qu'externes qui seront à l'origine de la prises de décisions importantes en termes de réformes. Mais, si la mise en place d'institutions démocratique ne constitue qu'une étape de la démocratisation (transition), il va falloir attendre la phase de la consolidation, pour parler d'une démocratisation. Cette phase correspond au lendemain des réformes c'est-à-dire leur évolution et le bilan qui puisse en découler. C'est à partir de ce moment que l'on peut saisir l'étendue des efforts fournis pour relever le défi de la modernité politique en Guinée.

Pour mener à bien cette analyse, il convient de préciser que nous n'allons pas revenir sur les raisons internes (qui sont les échecs et les dérives du premier régime ayant conduit aux demandes d'ouverture du peuple) et les exigences externes (déjà développées plus haut dans cadre de la démocratisation en Afrique noire francophone), mais nous évoquerons d'une part les acteurs de cette démocratisation et les principaux axes des réformes qu'ils ont entreprises pour l'ouverture (section1) ; et d'autre part nous examinerons l'évolution et le bilan du régime d'ouverture (section2).

SECTION 1 : LES ACTEURS DE LA DEMOCRATISATION ET LES PRINCIPAUX AXES DE REFORMES

Tout fait social est une construction des acteurs de la vie sociale. Ceci étant, la démocratisation en Guinée ne pourrait être que le résultat de la combinaison d'un ensemble d'effort d'acteurs à la fois interne et externes (paragraphe 1). Ces derniers, intervenus au lendemain de l'effondrement du régime de Sékou Touré vont prendre des mesures à la fois radicale et révolutionnaire pour mettre le Guinée sur la voie de la libéralisation politique et économique : la transition pour la démocratie. Pour ce faire, d'énormes réformes devaient être envisagées et dont nous essayerons d'évoquer les principales (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : LES ACTEURS DE LA DEMOCRATISATION EN GUINEE

En Guinée, la démocratisation répondait avant tout à une demande interne mais aussi c'était la condition à remplir pour que ce pays puisse bénéficier de l'aide de ces partenaires occidentaux. C'est dans cette perspective qu'il convient de distinguer entre les acteurs internes (I) et les acteurs externes (II) de la transition démocratique guinéenne.

I. LES ACTEURS INTERNES DE LA TRANSITION DEMOCRATIQUE

L'étude des acteurs internes de la démocratisation en Guinée est d'une importance capitale car il s'agit de voir le rôle déterminant de chacun d'eux et surtout comprendre que ce phénomène n'est pas seulement importé comme nous aimons souvent le dire mais sollicité aussi par les africains. Dans ce cas guinéen, il faut dire que l'armée guinéenne (A) fut l'acteur principal. Aussi les partis politiques et la société civile (B) occuperont une place importante.

A. L'ARMEE GUINEENNE ET TRANSITION DEMOCRATIQUE

D'entrée, il faut rappeler que l'armée guinéenne a « été créée le 1er Novembre 1958 sous la première république.

C'est l'armée guinéenne qui fut à la base de l'ouverture politique et économique en Guinée dans les années 90. Car, avant cette date elle prenait le pouvoir et appelait tous les guinéens, dans un discours programme le 22 Décembre 1985, à s'engager pour « assurer une transition pacifique vers une société démocratique digne du grand Peuple » de Guinée. C'est dans ce contexte qu'elle lancera les premières réformes d'ajustement économique, politique et socioculturel. Pour la plupart des auteurs, s'ils n'ignorent pas les règlements de comptes perpétrés par l'armée, ces premiers pas sont pourtant de grands signes de démocratie.

Cependant, dans le même contexte, les nouvelles autorités réunies au sein du conseil militaire de redressement national (CMRN) vont commencer à poser les bases solides de leur pouvoir militaire : en détournant la véritable direction du processus de transition.

Delà, la militarisation de l'administration et la politisation de l'armée commence parallèle aux grandes réformes constitutionnelles en 1990 qui intervient sous l'égide d'un autre conseil mis en place par les militaire. Ce dernier conseil appelé Conseil Transitoire de Redressement National (Février 1991), composé de plusieurs civils restera sous leur contrôle. Ainsi, loin d'être le gardien d'une transition transparente, loin de renoncer au pouvoir comme elle promit à la prise de pouvoir, l'armée se lança sous Conté dans la course politique. Sa main mise sur le processus de démocratisation et l'usage de ce dernier à son profit devrait faire agir d'autres acteurs dont les actions seront déterminantes. Il s'agit du peuple incarné cette fois ci par les partis politiques et la société civile.

B. LES PARTIS POLITIQUES ET LA SOCIETE CIVILE dans la transition

S'ils ne sont pas considérés comme acteurs premiers de la démocratisation en 1990, c'est par ce qu'à la fin du régime de Sékou, ils étaient tous presque absents sur la scène politique unipolarisée. C'est plutard, à partir des années 90 qu'ils vont commencer à se constituer.

En abordant en premier lieu les partis politiques, il faut rappeler que le phénomène multipartiste n'est pas nouveau en Guinée. Il remonte à la période des effervescentes luttes pour l'indépendance où la Guinée connut plusieurs partis politiques mais à base ethnique et régionalistes tels que l'Amical Gilbert Vieillard, le Bloc Africain de Guinée, la Démocratie Socialiste de Guinée). Cependant, la période du premier régime (1958-1984) constitua ce que Ngakoutou appelle : « une glaciation politique» où toute la vie politique ne sera occupée que par un seul et unique parti : le PDG ou le parti-Etat.

A la suppression de ce dernier en 1984, le multipartisme allait réapparaitre d'abord « limité à deux partis » en 1990 conformément à l'article 95 de la nouvelle constitution. Toutefois, cette constitution laissa une ouverture pour la consécration du « multipartisme intégral118(*) ». C'est ce qui sera fait en Décembre 1993 par une loi organique à travers son article 1er.

Partant, il convient de définir le parti politique comme : «un groupement permanent de personnes ayant pour vocation la conquête et l'usage du pouvoir d'État conformément à ses objectifs sociopolitiques, à sa vision du modèle de société prôné et à son programme de développement à réaliser dans le pays »119(*). Il joue un grand rôle à travers l'éducation politique des citoyens, l'organisation des débats et la représentation des citoyens.

En Guinée, la proclamation du multipartisme intégral a conduit à la prolifération des partis politiques. Ainsi une quarantaine fut légalisée en Avril 1992 répartis entre le pouvoir en place (4), vingt huit (28) dans l'opposition et huit n'avaient pas de positons bien déterminés120(*). Toutefois, toutes ces nouvelles formations politiques semblent n'avoir pas abandonné l'ancienne pratique régionaliste. C'est ce qui expliquera leur homogénéité ethnoculturelle tant combattue sous la première république et dont l'abandon justifiait le recours au parti unique. Les principaux partis alors sur la scène politique seront : le PUP (le parti au pouvoir, Parti de l'Unité et du Progrès: Lansana Conté), le RPG (Rassemblement du peuple de Guinée : Alpha Condé), l'UNR (l'Union pour la nouvelle République : Bâ Mamadou), l'UPG (l'Union pour le Progrès de la Guinée : Jean Marie Doré), le PDG- RDA (parti qui revendique l'héritage de l'ancien parti unique de Guinée : Ismaël Ghussein)...

Par ce morcellement, nous sommes en face d'institutions politiques fragiles incapables d'influencer réellement le régime militaire. Loin de jouer un rôle de consolidation du peuple, ces contribueront à creuser davantage le fossé de la division.

A l'instar de ces partis politiques, la société civile guinéenne est aussi une actrice incontournable de la vie politique.

Au prime-abord, il faut dire que l'idée de société civile, selon Hegel, renvoie à «des personnes privées qui ont pour but leur intérêt propre»121(*). Pour aller un peu loin, nous pourrons avancer cette définition de London School of Economics, selon laquelle : « la société civile fait référence à l'ensemble des institutions, organisations et mode de pensée, situés entre l'Etat, le monde des affaires et la famille. Spécifiquement, elle inclut les organisations caritatives, volontaires de toutes sortes, les institutions philanthropiques sociales ou politiques, les autres formes de participation et d'engagements sociaux et toutes les valeurs et particularités culturelles associés à celles-ci ».122(*)

A lumière de cette définition, il faudra rappeler, que le phénomène associatif en Guinée ne date pas d'aujourd'hui car depuis les années 50 le syndicalisme s'était réveillé comme instrument de mobilisation des masses. Cependant sous la première république seules les organisations du pouvoir révolutionnaire étaient permises.

Cette situation changea brusquement après le coup d'Etat militaire du 4 Avril 1984. Suite à ce dernier, les libertés d'association et des libertés individuelles et collectives furent consacrées. En plus de cette consécration de libertés, le nouveau régime mit en place le Service de Coordination et d'Intervention des ONG (Organisation Non Gouvernementale) ayant pour tâche d'accompagner les ONG. Toutes ces facilités permirent la création de 800 ONG en 2001. Ces ONG peuvent être classifiées en trois catégories selon leur but :

Ø la première regroupe celles qui cherchent à répondre à un besoin spécifique de certaines parties de la société guinéenne dans des domaines négligés de l'Etat d'une part et d'autre dans la promotion des Droits de l'Homme. Par exemples : le CENAFOD (Centre Africain pour la Formation et le Développement), l'OVODEC (Organisation des Volontaires pour le Développement Economique de la Guinée) ;

Ø la seconde est cette catégorie d'ONG qui mettent en place des plans et cherchent des partenaires pour leur mise en oeuvre, c'est le cas des Groupements d'Intérêts Economiques ;

Ø et enfin, la dernière catégorie est composée de ce qu'on appelle les entreprises-ONG, elles sont formées soit par des jeunes bien éduqués ou soit par des anciens hauts fonctionnaires en quête d'influence sur le plan national et international.

En outre, rare sont ces organisations dont les actions ne sont pas fortement influencées par la politique. La plupart d'entre elles expriment des réclamations de l'opposition, c'est le cas notamment de l'Organisation guinéenne pour les Droits de l'Homme. Face à ce manque de neutralité, nous voyons que ces acteurs sont parfois instrumentalisés.

Par ailleurs, il faut dire que ces acteurs internes sont grande partie assistés par des personnes morales ou physiques externes dont la contribution au processus de démocratisation ne peut être négligée. Il s'agit donc d'acteurs externes.

II. LES ACTEURS EXTERNES DE LA DEMOCRATISATION

Le recours à la libéralisation des régimes longtemps monopartistes résultent aussi de la pression d'un ensemble d'acteurs non nationaux, c'est-à-dire externes qui avaient conditionné leur aide, tant indispensable à ces régimes, à une ouverture de système : leur démocratisation. Ces acteurs sont le Fond monétaire international (FMI), la Banque Mondiale, la France, les Etats Unis, l'Union européenne etc.....

En 1984, dès sa prise de pouvoir, l'armée guinéenne faisait appelle à leur assistance. C'est dans ce contexte qu'un d'ajustement structurel est proposé par les institutions de Breton Woods (FMI et Banque mondiale). Ce qui s'ensuit par le déblocage d'une somme de 170millions123(*) de dollars qui sera versée au nouveau pouvoir.

Avec la France, les relations, très agitées sous la première république, ont repris avec la visite de François Mitterrand en Guinée les 12 et 13 Novembre 1986. Ce dernier va affirmer la volonté de son pays à accompagner la Guinée dans ses efforts d'ouverture. Il devra lui apporter des aides dans le domaine de l'enseignement (envoie de professeurs, d'ouvrages scolaires 820.000). Dans le même cadre, elle accordera à la Guinée une subvention de 295millions de dollars destinée au secteur de la santé et au programme agricole.

Quant aux Etats Unis, partenaire de la Guinée depuis la première république, ils vont apporter une assistance technique avec une somme de 23 millions dollars. Cette aide devait toucher le secteur des réformes monétaires, l'alimentation et la fonction publique.

A ces efforts il faut ajouter aussi les 40millions de dollars accordés par le Japon avec un taux d'intérêts bas de 1,183% en vu de soutenir le plan d'ajustement structurel. Pour la République Fédérale d'Allemagne, elle appuiera la Guinée dans le domaine de la promotion des petites et moyennes entreprises, le secteur énergétique et hydraulique villageoise, cela se fit par l'octroi successif de 18millions et de 50millions de dollars. Enfin, les Nations Unies (FAO) et la Banque arabe pour le développement économique en Afrique débloqueront respectivement 31000 dollars pour l'agriculture et 4,8 millions de dollars pour l'Elevage.

Au regard de ces chiffres on ne peut en conclure que tout le financement des programmes d'ouverture et de démocratisation on été pris en charge par l'extérieur même si cela à l'inconvénient de conduire à l'endettement et à une prise en otage de l'Etat.

Après cette présentation des acteurs de la démocratisation en Guinée, il convient de se pencher sur leurs premiers actes c'est-à-dire ces réformes qui ont marqués la première phase d'une transition démocratique.

PARAGRAPHE 2 : LES PRINCIPAUX AXES DE REFORME : l'instauration de la démocratie et la libéralisation de l'économie

Comme nous l'avions souligné déjà plus haut, une transition démocratique comprend toujours deux étapes : en premier, la phase de la transition propre dite qui correspond à la mise place des institutions démocratiques et la seconde c'est la phase dans laquelle ces institutions modèlent la conduite des sujets qui les ont créés : c'est la consolidation. Dans cette présente analyse, il est question de la première qui correspond dans ce cas guinéen aux grandes réformes politico-institutionnelles et juridique (I), et, économiques et socioculturelles (II) qui ont marqué les années 90 en Guinée.

I. LES REFORMES POLITICO-INSTITUTIONNELLES ET JURIDIQUES

Dans la démocratisation en Guinée, les réformes politico-institutionnelles n'ont pas été la première préoccupation du comité militaire de redressement national contrairement au domaine économique. Cependant, les donateurs ayant conditionnées leur aide à la libéralisation politique et au regard des pressions interne, les décisions de changement politiques interviendront au fil et à mesure en partant surtout des années 90. Ainsi, il faudra parler des réformes sur le plan politico-institutionnel (A) d'une part et d'autre dans le cadre juridique (B).

A. SUR LE PLAN POLITICO-INSTITUTIONNELLES

Tout d'abord, il faut signaler que c'est dans ce domaine que commence véritablement la démocratisation. Contrairement à la plupart des Etats qui ont choisi la voie de la conférence nationale, la Guinée procède par « la voie de l'évitement de la conférence nationale », sous l'égide d'un Conseil transitoire de redressement national (CTRN) remplaçant le Comité militaire de redressement national (CMTN).

Pour ce faire les nouvelles autorités guinéennes, après un règne de six ans sans aucune règlementation, vont annoncer la rédaction d'une constitution appelée « loi fondamentale » qui sera adoptée par référendum le 23 Décembre 1990.

Cette loi fondamentale allait définir le cadre institutionnel de gestion du processus démocratique et du développement économique et social.

Dans son article 1er elle établit comme principe de la république le principe «du pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple».

Elle met en place un régime présidentiel sur la base du principe de séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif ou le premier pouvoir est détenu par l'Assemblée nationale, représentation de toute la Nation, composée de députés élus au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans. Ensuite vient le pouvoir judiciaire exercé par les institutions juridiques de l'Etat à savoir : les cours et les tribunaux. Et le troisième pouvoir qui est l'exécutif est celui du président qui est élu au suffrage direct universel pour sept ans.

Aussi cette loi fondamentale peut faire objet de révision. Pour cela l'initiative appartient au Président et aux députés. Toutefois la révision ne peut porter sur les dispositions relatives à la forme républicaine de l'Etat, aux principes de laïcité et de séparation de pouvoir.

Comme autres institutions mis en place par cette loi fondamentale, nous avons le conseil économique et social et le conseil national de la communication. Le premier est un organe consultatif qui offre un cadre de concertation à des instituions de la société civile et des institutions et agents économiques (c'est le cas des représentations des syndicats, des opérateurs privés, des professions libérales, associations à caractère social et universitaires).

Très important, la loi fondamentale choisit la voie du « multipartisme intégral» dont la règlementation est assurée par la charte des partis politiques du 23 Décembre 1991.

A l'image de ce domaine politico-institutionnel, celui fit objet aussi de réforme.

B. DANS LE CADRE JURIDIQUE

Dans le cadre judiciaire les réformes ont été aussi de véritable révolution. Alors que le système judiciaire était dominé sous la première république par les tribunaux révolutionnaires au solde du grand parti-Etat, avec le changement pour la démocratie, on décrète d'abord l'indépendance de la justice à travers le principe de la séparation des pouvoirs. Cette politique va se poursuivre par la création de nombreuses instances juridictionnelles formant la pyramide du système judiciaire guinéenne. A la tête de cette pyramide nous avons la cour suprême, ensuite viennent les cours d'appel (Conakry et Kankan), les dix tribunaux de première instance, les vingt-six justices de paix. Cette pyramide, il faut ajouter les juridictions spécialisées (dans les affaires sociales de mineures) qui sont constituées de sections ou chambres des tribunaux de premières instances. Aussi une juridiction arbitrale fut mise en place en 1998.

La présence de ces juridictions est l'une des conditions essentielles pour la construction d'un Etats de droit où les droits de l'Homme font objet d'une sacralisation, un respect. Car dans la constitution de 1990, la plupart de ces droits et libertés fondamentales sont consacrées notamment au Titre II intitulé libertés, devoirs et droits fondamentaux. Ainsi on y trouve des droits individuels (tels que le droit à la vie, l'intégrité physique etc....), des dispositions sur l'égalité des hommes et femmes : «Les hommes et les femmes ont les mêmes droits (article9». Aussi il y est consacré la liberté d'expression, la liberté d'opinion etc.....

En outre nous pouvons citer des libertés collectives telles que la liberté de manifestation, la liberté d'association et de création de partis politique qui furent garantie par l'article 10 de la nouvelle constitution.

Quittant ces deux domaines, il convient de se pencher sur les réformes économiques et socioculturelles

II. LES REFORMES ENOMIQUES ET SOCIOCULTURELLES

La démocratie n'est pas seulement un système politique mais elle structure aussi la vie économique et socioculturelle. C'est pourquoi, il conviendra de dégager les réformes engagées dans ces domaines dans le cadre de la démocratisation. Ainsi nous partirons des réformes économiques (A) pour terminer avec celles socioculturelles. Mais bien avant il faut signaler que ce sont des réformes qui ont commencé avant les années 90.

A. LES REFORMES ECONOMIQUES

Si les réformes politiques ont été retardées, celles économiques au contraire ont rapidement été entamées par le pouvoir militaire afin de s'offrir une certaine légitimité mais aussi de faire face à la situation sociale qu'il héritait. Ces réformes visaient le remplacement pur et simple de l'ancien système par un nouveau axé sur le libéralisme économique. A ce propos le président du conseil militaire de redressement national déclarait dans son discours-programme du 22 Décembre 1985 ceci : « pour démarrer sur des bases saines, il faut d'abord la (l'économie) réviser entièrement (....), la plus grande liberté d'investir et de créer l'Entreprise de son choix (....) ; établir en Guinée l'environnement institutionnel le plus favorable à l'épanouissement de l'initiative privée »124(*). C'est donc au nom de ces termes que la nouvelle vie économique allait se structurer. Ces réformes ont donc été engagées dans le cadre d'un vaste plan d'ajustement structurel avec le concours des Etats du Nord et des institutions de Breton Woods. Bien que nous ayant donné certaines données plus haut dans le cadre des mesures d'urgences qui furent prises, d'autres précisons peuvent être avancées.

Il s'agit notamment des nombreux textes juridiques qui ont été élaborés dans le cadre du programme. Ainsi on peut évoquer : le code des investissements privés pour attirer les capitaux étrangers (3 octobre 1984), la loi bancaire du 6 mars 1985, le code de la Sécurité sociale du 17 mai 19. Au-delà de ces textes, d'autres mesures viseront : l'organisation de la Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture en avril 1985 ainsi que la création d'un comité de coordination économique et financière chargé de négocier avec le FMI et la Banque mondiale...

Ces différentes mesures ont conduit automatiquement à la privatisation des banques nationales et à l'implantation de filiales de Banques françaises comme le BNP (la banque nationale de Paris), la Banque internationale pour l'Afrique de l'Ouest, la Société Générale des banques.

L'une des mesures phares fut aussi la réforme monétaire (le remplacement du Syli par le franc guinéen).

Il faut rappeler que ces réformes ont été quasi-entièrement financées par les institutions financière internationales (chiffres donnés plus haut).

En outre cet ajustement structurel devait aussi être une réforme de l'administration afin de rendre son fonctionnement plus dynamique, rationnel et transparent. Ce qui expliquera donc la réduction de nombre de fonctionnaires et agents de l'administration publique ainsi que de ses dépenses. Dans le même cadre le coût trop élevé de la gestion centralisée allait conduire à la mise en place d'un programme de décentralisation dont les objectifs ne seront pas seulement économiques mais aussi politiques et administratifs (techniques). Ce programme fut donc lancé le 2 Octobre 1986.

Qu'en est-il des réformes socioculturelles ?

B. LES REFORMES SOCIOCULTURELLES

Sur le plan socioculturel les attentes étaient énormes. Le tissu social fragile après une première république très agitée devait conduire à prendre de grandes mesures.

En premier, l'appel qui fut lancé à près de 2mmillions de guinéens se trouvant à l'extérieur (Sénégal, Côte d'Ivoire, France, Etats Unis, Canada etc.....) de rentrer au pays. C'est ainsi qu'un secrétariat fut mi en place et dirigé par M. Diallo Jean-Claude mais qui démissionna plutard.

Des actions seront réalisées pour la réhabilitation des victimes des répressions de l'ancien régime. Ce fut le cas de Diallo Telli qui, le nom sera donné à une rue de la capitale.

Certains bénéficieront de subventions et d'autres retrouveront leurs biens réquisitionnés sous la première république125(*).

Dans le même contexte certains hauts dignitaires de l'ancien régime et membres de la famille de Sékou Touré retrouveront la liberté le 15 Mai 1985. Ce fut le cas de « quatorze anciens membres du gouvernement, cinq hauts fonctionnaires, l'ancien chef d'état-major de l'armée de terre, le général Somah Kourouma, la fille aînée de l'ancien président, Aminata Touré, neuf officiers et un homme de troupe»126(*).

Aussi, pour maintenir la stabilité dans la sous-région en vu de l'épanouissement des populations, un pacte de non-agression sera signé avec deux pays frontaliers dont la Sierra Leone et le Liberia le 20 Novembre 1986.

Dans le cadre culturel il faut essentiellement rappeler les changements radicaux évoqués plus haut au niveau de l'enseignement. A cela on peut ajouter le retour de l'école privée qui avait disparue sous le régime socialiste.

C'est donc avec ce tas de mesures que s'engageait la transition démocratique en Guinée. Dans la littérature transitologique, cette première phase d'une transition politique vers la construction d'une démocratie prend fin avec l'organisation de la première élection. Ce fut le cas pour la transition guinéenne avec Les élections locales et municipales de décembre 1991 en premier lieu et en 1993, intervint les élections présidentielles pluralistes. Delà on rentrait dans la phase de la consolidation où il devient important de voir le fonctionnement et les effets des mesures prises et les nouvelles institutions mises en place, aussi les interactions des nouveaux acteurs.

SECTION 2 : DU LENDEMAIN DES REFORMES DEMOCRATIQUES ou le bilan du système d'ouverture : une consolidation ?

Réaliser la démocratisation ne se limite pas seulement à la mise en place d'institutions, à la prise de décisions, mais faut-il aussi que ces normes et ces acteurs forment un corps commun qui symbolise la vie politique. C'est-à-dire qu'il est indispensable que ces acteurs reconnaissance ces normes comme règle de conduite de leur action sur la scène politique et dans la gestion des biens de l'Etat. Dans cette présente réflexion il s'agira donc de voir ce qu'a été faite de la démocratie sous la deuxième république tant par le pouvoir militaire que du côté de tous les autres acteurs : la phase de la consolidation. Ainsi avant de passer aux échecs et dérives du régime (ayant conduit à sa décadence totale) (paragraphe1), nous traiterons d'abord les apports ou les réalisations de ce régime (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : DES LUEURS D'OUVERTURE COMME SIGNES DE RUPTURE : des réalisations

En proclamant la démocratie, les acteurs politiques guinéens ouvraient la porte à une nouvelle existence politique dont le caractère démocratique ne pouvait être mesuré que par le degré de conformité des comportements, des actions ou des actes de ces acteurs aux principes démocratiques. Ce qui semble se révéler lorsque nous touchons certains actes et actions réalisés par ces acteurs sous la deuxième république. Ils concernent dans un premier temps le domaine politique, juridique et administratif (I) et en second lieu les sphères économique, sociale et culturelle (II).

I. LES REALISATIONS SUR LES PLANS POLITIQUE ET JURIDIQUE

A en croire à la plupart des lectures faites, on pourrait dire que cette présente analyse n'a pas lieu d'être, c'est-à-dire qu'on ne pourrait pas parler de réalisation sous la seconde république. Cependant, une telle position est aussi radicale qu'elle n'est pas scientifique car en plus des progrès connus dans le domaine politique, des efforts furent déployés dans le domaine de la justice et des droits de l'Homme.

v Les progrès dans le domaine politique

Les progrès réalisés par le deuxième régime dans ce domaine, bien que souvent mitigés, ne peuvent être ignorés. En premier lieu, il faut parler de l'organisation des premières élections pluralistes depuis la fin de l'administration coloniale en Guinée. Ce sont les élections de 1991 et de 1993. Ces évènements sont d'une importance capitale dans la construction d'une démocratie. Car c'est en ces lieux que le peuple s'exprime et les dirigeants acquièrent aussi leur légitimité. Dans cette dernière élection le parti de l'unité et du progrès (PUP) de l'armée au pouvoir va l'emporter avec 51% des suffrages. Et les partis d'opposition qui sont le RPG d'Alpha Condé (Rassemblement du Peuple de Guinée), le PRP du Siradiou Diallo (Parti du Renouveau et du Progrès) et l'UFDG de Bâ Mamadou (Union des Forces Démocratiques de Guinée) auront respectivement 19,55%, 13,37% et 11,68% des voix.

En Juin 1995, des élections législatives sont aussi organisées et donneront vainqueur le même parti (PUP) avec 71sièges sur les 144. Plutard interviennent les élections présidentielles de 1998 avec les troubles qui l'ont suivi. Toutefois, la démocratie dans ce sens était entrain d'être vécue en Guinée, consacrant toujours la victoire d'un seul Parti. Mais les élections de 2005 seront organisées par le pouvoir en vu de redorer l'image du régime. C'est ainsi qu'il engagera un dialogue avec l'opposition dès le départ. Dans le même cadre le pouvoir va s'engager à garantir la libre circulation de tous les opposants. Aussi un accès plus ou moins équitable aux médias est observé. C'est ce qui ferra approuvé cette élection par l'Union européenne, les nations Unies et d'autres partenaires. C'est dans cette perspective que les élections législatives de 2007 étaient entrain d'être prévues. Mais bien avant, l'opposition et le parti au pouvoir s'entendaient sur la modification de la loi électorale, la création d'une commission électorale indépendante, le financement des partis et la mise en place d'une charte consacrant leur statut. Tout ceci ne pouvait que laisser voir l'évolution de la démocratie en Guinée. Aussi, les réactions de l'opposition contre l'exécutif à travers les boycotts et le rappel du respect des principes de la démocratie, soulignait les pas vers une certaine maturité.

Dans le cadre de la relation entre les trois grands pouvoirs, les insuffisances furent les plus importantes (à traiter dans les échecs), mais en dépit de cette grande insuffisance démocratique, on peut signaler la médiatisation des débats parlementaires surtout en 2007 sur le vote du budget. Cela était bien sûr un signe de transparence. Et à cette occasion, les parlementaires se prononçaient sur la politique générale du gouvernement, chaque ministre venant défendre son budget devant les élus du peuple.

Toujours dans cet aspect politique, il faut dire que le corollaire des démocratisations des années 90 est la décentralisation qui vise, dans un contexte politique, à faire participer le peuple de façon directe à la gestion de la chose publique. La Guinée faisant donc le choix de la démocratie devait renoncer au centralisme politique tel annoncé dans les réformes. C'est ce qui semble être suivi par la mis en place de la Direction nationale de la décentralisation (DND) sous l'autorité du ministère de l'intérieur et de la décentralisation. Cette direction a élaboré un programme pluriannuel de mise en place des nouvelles administrations communale. Ce programme fut adopté en 1986 et sa mise en oeuvre s'acheva en 1992, dotant ainsi la Guinée de collectivités locales. Cette décentralisation permit de consacrer deux formes de légitimité : « celle des représentants de la population élus au suffrage universel direct et celle des représentants des groupements à caractère économique et social, désignés par l'autorité de tutelle »127(*). Ces actes concrets seront suivis d'un Programme national de développement municipal (1996-2001). Dans le cadre d'un autre programme sur la stratégie de réduction de la pauvreté, la Banque Africaine de Développement fait trait dans un rapport128(*) aux efforts fournis en Guinée pour la participation des citoyens à la mise en oeuvre de ce programme. Au niveau central, ce rapport souligne aussi la place que le pouvoir à accorder à la participation de la société civile dans la lutte contre la pauvreté.

Au regard de toutes ces données très limitées, on peut dire sans aucun risque de se tromper que des efforts ont été fournis en Guinée en faveur de la démocratie. Toutefois l'importance des critiques apportées par les auteurs peut faire oublier toute question de progrès. Mais de bondir sur cet aspect, il convient de voir les autres secteurs de réalisations.

v Les efforts déployés dans le domaine juridique et des droits de l'homme

La démocratie ne se limite pas seulement au cadre politique, car celui-ci se devra d'être soutenu par une justice efficace qui tient compte des droits de l'Homme. Dans ce sens de nombreuses actions furent entreprises sous la seconde république.

Dans le domaine de la justice ces efforts se sont inscrits dans le cadre de la gouvernance judiciaire et juridique et se sont manifestés à travers l'adoption de textes règlementaires relatifs au statut des magistrats et au statut des greffiers. Il s'agit de mesures déontologiques et statutaires qui permettaient une véritable lutte contre la corruption dans cette profession, garantissant en cela une justice juste pour les guinéens.

Aussi, le pays est membres de l'OHADA (l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires), en vu d'une amélioration de la règlementation du monde des affaires en Guinée. Ce qui pourrait aussi être un gage pour la transparence dans la passation des marchés de L'Etat.

En outre, cette démocratisation du système judiciaire devait se matérialiser aussi par la formation des agents et fonctionnaires de l'administration judiciaire. C'est ce qui a commencé depuis 1986 avec la France puis en 1991 où cette dernière avait beaucoup aidé pour la publication de différents codes comme le code foncier et domanial, code minier, code pétrolier, code des investissements, code des activités économiques, code de procédure civile, code pénal, code de procédure pénale. Entre 1994-1999 un autre projet visera des formations dans des domaines spécifiques (infractions commerciales, police, notaires, greffiers) ainsi qu'un appui au système pénitentiaire et à la réinsertion des détenus. Un dernier projet était même en cours d'exécution avant le départ du régime. Ce projet initié en 2005 avait pour objectif d'appuyer l'Inspection Générale des Services Judiciaires dans sa fonction de suivi-évaluation des performances du système judiciaire guinéen, au travers notamment de la réalisation d'une étude-diagnostic sur le fonctionnement de la justice, mais également du renforcement de certaines fonctions (parquets, instruction...) et aussi des instances disciplinaires et paritaires (Conseil Supérieur de la Magistrature, commissions paritaires...), avec un souci d'amélioration de la gestion du personnel judiciaire.129(*)

Pour les droits de l'Homme, la Guinée de la seconde république n'était plus la première. Car si dans cette dernière les droits du peuple étaient au dessus des droits de l'individu, cette fois ci c'est le libéralisme individualiste qui prévaut. Et pour ce faire le régime va se déployer pour le respect de ces droits et libertés fondamentaux.

C'est ainsi, bien que les considérant parfois comme des adversaires, le pouvoir permit l'existence de certaines organisations non gouvernementales de défense des droits de l'Homme. Parmi celles-ci, nous pouvons citer l'Association Guinéenne des Droits de l'Homme qui intervient dans la protection des prisonniers, dans la sensibilisation des citoyens sur les droits de l'Homme et leur éducation sur les techniques électorales. Aussi, nous avons la Commission Africaine des Promoteurs de la Santé et des Droits de l'Homme-Guinée
(CAPSDH), l'Organisation Guinéenne de Défense des Droits de l'Homme et du Citoyen (OGDDH). Cette dernière organisation est très dynamique, en ce sens qu'elle organise des séminaires et des carrefours pour le grand public et les agents de la sécurité (policiers et armée), commémore des journées internationales des droits de l'Homme (telles que la journée de la charte de la Charte Africaine des droits de l'Homme : le10 Octobre). Plus important, cette organisation dénonce les violations de Droits de l'Homme commises par les agents de l'Etat.

En outre, une autre liberté qui semble avoir été en évolution sous la seconde république, c'est la liberté d'expression en ce sens que dans ces dernières années de nombreux médias privés on été autorisés dans le pays : c'est le cas de Familial FM, de Nostalgie FM, d'Espace FM , Liberté FM, Radio la Voix de l'Afrique etc.... les sites guinéens d'informations sur l'internet se sont aussi multipliés par exemples : www.guineenews.org ; www.aminata.com, www.radio-kakan.com, etc ; www.africaguinee.com etc. Au niveau de la presse écrite l'ouverture est aussi notable. On peut y trouver : la République, le groupe de presse l'Indépendant- le Démocrate, l'Observateur, le groupe de presse le Lynx- la Lance, le Standard, le Regard, le Défi etc... Ce boum dans le milieu de l'information a permis de donner naissance à ce qui est appelé aujourd'hui le « quatrième pouvoir : la presse ». A ces medias privés, nous pouvons ajouter ceux public et généralement à la solde du pouvoir, ce sont : les radios télévisions nationales (boulbinet et koloma), la radio nationale, le journal Horoya et les nombreuses radios rurales qui diffusent généralement les informations dans les langues nationales. Toutefois, il faut dire qu'en dehors de la presse électronique et des quelques organes de presse étrangère (Radio France internationale, BBC, la voix de l'Amérique etc....), tous les autres medias en Guinée utilisent en plus du français les langues nationales.

C'est au regard de cette évolution qu'un rapport du PNUD130(*) note «la république de Guinée connait un pluralisme médiatique réel».

Sur la question des droits des femmes, il faut dire que la Guinée sous Sékou Touré131(*) avait déjà connu un certain progrès par rapport à beaucoup de pays d'Afrique. Car c'est elles qui permirent l'accession de ce dernier au pouvoir et occupèrent de nombreux hauts postes tant dans le parti unique que dans le gouvernement. Le symbole de la lutte anticolonial féminine fut M'balia. Avec la seconde république, un ministère chargé des affaires sociales et de la promotion féminine est toujours présent dans les différents gouvernements. Aussi de nombreux programmes et projets sont intervenus pour la mise en oeuvre des textes internationaux signés par la Guinée sur le respect et l'amélioration de la condition femme. A ce titre il faut par exemple entre 1996 et 2003 : le projet d'appui aux activités économiques des femmes, dans le cadre du renforcement des capacités économiques des femmes en milieu urbain et rural, à travers la formation et l'octroi de crédits, le projet PPSG (projet population et santé génésique) dans le cadre de mise en place de mutuelle de santé et de crédit en faveur des femmes, le programme triennal d'alphabétisation des femmes qui visait l'alphabétisation 300.000 femmes pendant trois ans sur toute l'étendue du territoire national. Dans le même cadre on peut aussi compter plus d'une quarantaine d'ONG féminines ou mixtes qui interviennent dans la promotion des droits des femmes (c'est le cas de l'association des femmes enseignantes de l'Elémentaire : AGFEE). Des comités d'équités ont été mis en place dans les institutions de l'enseignement. Ainsi l'action gouvernementale en faveur la promotion féminine pu mobiliser plus de 5,4 milliard de francs guinéens entre 1998 et 2002132(*), à l'assemblée nationale on pouvait compter 22 femmes sur les 144 en 2002 contre 10 auparavant. En dernier lieu vient la question de l'excision qui est considérée comme une violation de droits des femmes. De nos jours elle est très combattue par plusieurs organismes de femme et le gouvernement en collaboration avec les institutions des Nations Unies.

L'exposé de ces quelques axes nous permet ainsi de comprendre que des efforts ont été fournis en faveur des droits de l'Homme, de la mise en oeuvre d'une justice équitable dans un espace politique libéralisé. Cela dit, il convient de se pencher sur les réalisations sur les plans économique et socioculturel.

II. LES REALISATION SUR LES PLANS ECONOMIQUE, SOCIAL ET CULTUTELLE

A en croire à cette fin très troublée que connut la seconde république, on se demanderait encore que citer comme réalisations sur les plans économiques et socioculturel de ce régime ? Et pourtant, il est important de reconnaitre que la Guinée de 1984 n'était plus la même que la Guinée de 2000 et 2008, des changements positifs même minimes s'étaient réalisés. C'est donc ces résultats non négligeables qu'il conviendra de mettre en exergue en partant du cadre économique pour terminer par le domaine socioculturel.

v Les résultats sur le plan économique

La démocratie comme condition du développement économique et social est une thèse fortement défendue par les acteurs de la démocratisation. Ainsi on ne saurait parler d'un progrès dans la voie de la démocratie sans mentionner les retombées économiques qui en découlent. Dans le cas guinéen, les premiers résultats positifs de la gestion économiques, sont ceux du premier plan d'ajustement structurel. En ce lieu il faut parler de la forte croissance économique que le pays connut avec un PIB (produit intérieur brut) qui a augmenté de 6,1% en 1987 et de 5,2% en 1988133(*). Il s'ensuit des impacts positifs de la réforme monétaire qui permit une maitrise considérable de l'inflation passant de 78% en 1986 à 32% en 1987 et à 23,5% en 1988134(*). Pour les secteurs de l'agriculture et des infrastructures, le président Conté donnera des chiffres en 1989 lors de l'anniversaire de l'avènement des militaires au pouvoir. A ce titre il avançait  que : « la production agricole a connu un véritable essor au cours des deux dernières années pour l'ananas et les produits vivriers, mais surtout pour le café dont les exportations ont dépassé 9000 tonnes en 1988... En matière d'infrastructures, d'importantes réalisations ont été enregistrées au niveau national et à l'échelle des collectivités décentralisées grâce aux investissements publics de l'ordre de 800 millions de dollar et à la participation volontaire des populations. Ainsi, à Conakry comme à l`intérieur du pays, des édifices publics et des centaines de kilomètres de routes ont été réhabilités. À l'image de tout le pays, Conakry aura changé de visage, devenant un vaste chantier...»135(*). Cette ouverture devrait permettre aussi un afflux important des capitaux étrangers surtout ceux de la France. C'est ainsi que naitra la Société guinéenne de pétrole dont le capital appartiendra à 51% de à un consortium de compagnies pétrolières. Dans le domaine minier, le régime annonçait la diversification des exploitations pour l'étendre au domaine du diamant et de l'or au-delà du secteur de la bauxite. En 1988 le prix du riz devint libre c'est-à-dire chaque commerçant importateur pouvait se fixer son prix. Dans le même contexte économique, un plan de développement d'investissement est élaboré pour un montant de 644milliards de Francs guinéens devant toucher 379 projets d'infrastructures (routes, bâtiments publics), de développement rural et social. Entre 1984 et 1993 on a assisté à une augmentation du revenu par habitant et par an qui est passé de 300 dollars à 556 dollars.

Après cette euphorie économique, le ralentissement commença. Mais le gouvernement prendra de nombreuses mesures en matière de finance publique pour attirer encore les investisseurs. Ces mesures concernaient le renforcement de l'administration fiscale, le recouvrement des arriérés d'impôts, un contrôle des exonérations, la réduction services publics au strict minimum, le respect rigoureux des procédures budgétaires d'engagement des dépenses, le gel de certains crédits.

A l'image du secteur économique, le domaine socioculturel connut aussi ces résultat bien que mitigé.

v Des avancées sur le plan socioculturel

En ce lieu, nous commençons par le domaine éducatif. En effet le régime militaire de Lansana Conté s'est dès le départ inscrit à l'antipode des politiques entreprises sous la première république. Pour sa politique éducative, elle est signalée par l'article 1 alinéas4 de la constitution du 23 Décembre 1990 qui reconnait la langue française comme langue officielle du pays sans renoncer à la promotion des langues et des cultures nationales. C'est ainsi que la première réforme visera la suppression de l'enseignement des nationales jugées comme politique déjà en échec. Cela faisait donc du français la langue de toute communication officielle. Toutefois certaines langues nationales dites principales (Soussou, Peulh, Malinké, Kissi, Guerzés, toma et Manon) sont aussi employées surtout dans les medias et au sein des administrations publiques. Mais seul français est utilisé à l'écrit. Cependant il ne faut pas oublier que certaine langues nationales sont de nos jours écrites soit dans avec des lettres d'inspiration latine (poular) ou arabe (le Nko). Aussi il faut dire que la langue arabe fait objet d'enseignement en Guinée dans le cadre des écoles franco-arabe essentiellement tournées vers les études islamiques. Dans le même ordre d'idée, la libéralisation a permis la création de nombreux établissements d'enseignements supérieurs, secondaires et du primaire qui complètent les efforts de l'Etat. A ce titre les chiffres montrent que 20% des effectifs totaux des élèves était pris en charge par le secteur éducatif privé. Parmi ces établissements privés on peut citer la célèbre université Koffi Annan de Conakry.

En outre il peut être avancé en termes de chiffres que la scolarisation a vraiment évoluée dans le pays. Ainsi dans le cadre du programme d'éducation pour tous, tel inclu dans les objectifs pour le millénaire, le taux de scolarisation est passée de 61% en 2001 à 77% en 2004 et le taux d'achèvement de 34,7% en 2001 à 46,7% en 2004, soit une augmentation de 12 points. Dans le même cadre, le ratio filles/garçons pour l'accès au primaire s'est amélioré, passant de 38% en 1999, à 43% en 20040.136(*) A ces résultats il faut ajouter les changements radicaux intervenus sous le régime d'exception dans cadre de l'éducation.

Dans le cadre social, les fonctionnaires ont parfois connu des augmentations de salaire comme ce fut le cas en 1987 où les salaires connaitront une augmentation de 80%. Des décisions sont prises aussi contre les hausses de prix causées par les commerçants. Cela eut lieu en 1987 par décision du président de la république. En outre, il faut dire les conditions de travail sont d'une grande importance. En ce lieu la Guinée est d'abord membre de l'organisation mondiale du travail (OIT). Elle a signé et ratifié 56 conventions dont 52 mises en vigueur. Ces conventions sont relatives à la protection : des droits de l'homme, les droits des travailleurs, des populations vulnérables, en particulier les droits des enfants, utilisés avant l'âge minimum au travail. Grâce à une inspection de travail qui se déploie il eut moins de cinq grèves en cinq ans dans les années 2005, ce qui révèle une réduction de 80%.

Concernant le secteur de la santé, le pays a inscrit sa politique dans le cadre de sa stratégie de réduction de la pauvreté. Cette dernière avait donc pour objectifs : la prévention et la lutte contre les maladies prioritaires (les maladies infectieuses, le paludisme, les infections sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA,) promouvoir la santé maternelle et de la reproduction, et améliorer l'accès des pauvres aux services essentiels. Des efforts ont été fournis dans ce sens là en 2002137(*).

A la lumière de ces quelques axes ont peut dire sans doute que des réalisations ont été effectuées dans le domaine socioculturel.

Toutefois, au-delà de toutes données annonciatrices d'un bilan positif, une autre facette du parcours de la première république peut être révélée : un bilan marqué aussi d'échecs et de dérives. C'est cette dernière face du passage du régime militaire qu'il convient de présenter.

PARAGRAPHE 2 : DES ECHECS ET DES DERIVES : une ouverture de façade

Cette partie de notre réflexion est celle qui domine dans les écrits et les analyses : l'aspect négatif de la démocratisation en Guinée. Ce regard farouchement critique sur ce régime découle du fait que d'un point de vue institutionnel on se croirait dans l'une de ces grandes démocratie authentique. Cependant la réalité laisse voir parfois une véritable antinomie de ce système. Il s'agit essentiellement des échecs et des dérives qui ont caractérisés ce régime guinéen ainsi que les facteurs qui les ont engendrés. Ils sont identifiés d'une part dans le domaine politique, juridique et celui des droits de l'Homme (I) d'une part, et, d'autre part dans les cadres économique et socioculturel (II).

I. EN MATIERE POLITIQUE, DE JUSTICE ET DE DROITS DE L'HOMME

Sous la seconde république, la démocratie était au coeur des discours sur l'ouverture, De même la justice pour tous et le respect des droits de l'Homme servaient à attirer les bailleurs et les partenaires. Cependant entre discours et pratiques le fossé était énorme. C'est ce fossé qu'il faudra découvrir dans les lignes qui vont suivre.

v Les échecs et dérives politiques

L'ouverture en Guinée a été marquée dès le départ par le constat qu'elle n'était pas le fait des dirigeants militaires. Car ces derniers en prenant le pouvoir dans la violation des textes constitutionnels (bien que désavoués) cherchaient d'abord à se faire reconnaitre. Cette prise en otage du changement est déduite du retard pris pendant six ans (1984-1990) par la junte militaire (le comité militaire de redressement national) pour mettre en place un cadre juridique devant régir la transition. Ce qui leur permit de se donner les moyens nécessaire à la consolidation de leur pouvoir138(*). Par là s'annonçait la fermeture progressive du système.

Cette fermeture s'explique en premier lieu par le fonctionnement antidémocratique des institutions de l'Etat. En ce lieu, il faut dire que la seconde république a été marquée par la toute puissance et omniprésence d'un seul des trois pouvoirs à savoir l'exécutif. Cette dernière institution avait une main mise totale sur les organes constitutionnels de l'Etat. A ce titre, le président de la cour suprême Monsieur Lamine Sidimé ne disait-il pas en Novembre 2003 qu'«être derrière le général Lansana Conté, c'est être derrière Dieu»139(*). C'est au nom d'une telle idée qu'il annula les votes des villes de Kankan et Siguiri en 1998 au profit du parti du général. Du côté de l'Assemblée nationale, nous nous retrouvons face à une autre institution fantôme marqué par une majorité à la solde du pouvoir politique. Le fonctionnement de cette institution n'a été connu des guinéens qu'à la suite des évènements du 27 Février 2007140(*).

Cette confiscation des pouvoirs constitutionnels de l'Etat devait se répercuter sur la vie politique. En ce lieu, le pouvoir guinéen a très tôt commencé à exclure les oppositions depuis les années 1990. D'abord dans le cadre de l'élaboration de la loi constitutionnelle. Cette loi fut sévèrement critiquée par une coalition de partis politiques surtout au niveau de ses articles qui instauraient le bipartisme et la période de transition. Bien que cette constitution fût adoptée, le bras de faire entre les deux parties était amorcé. Les différentes élections, théoriquement démocratiques, de 1993 à 2005 seront fermement contestées tant par l'opposition que parfois par les observateurs internationaux. Par exemple les élections présidentielles de 1998 seront très tourmentées car juste au lendemain des scrutins, le principal opposant Alpha Condé sera emprisonné et il s'ensuivra de nombreux morts dans des violences interethniques. En 2003, les élections seront aussi boycottées par l'essentiel de l'opposition. Cette détérioration de la scène politique guinéenne fut affirmée deux ans auparavant lorsque le pouvoir révisait la constitution dans ses dispositions relatives à la limitation du mandat présidentiel. Ainsi le président pouvait se présenter de façon continue et illimitée aux élections présidentielles et la durée du mandat présidentiel passait de cinq ans à sept.

Pour les partis politiques leur véritable faiblesse découlera de leur division : la primauté de l'ethnie ou les assises politique essentiellement régionalistes. C'est pour cette raison d'ailleurs que B. Lootvoet titre en 1996 que : « l'opposition a contribué à sa propre défaite,... en n'ayant pas cru que l'union faisait la force»141(*). Il s'agit de sa défaite en 1993 et de même que sa perte de l'organisation d'une conférence nationale. Cela dénotait tout simplement d'un manque de maturité de cette élite politique.

L'autre aspect négatif marquant de cette démocratisation est le clanisme apparent qui assaille l'appareil politique. Ce dernier étant une sorte de propriété de l'ethnie du président et de sa famille. D'où la patrimonialisation du pouvoir politique. A cela, on peut ajouter le culte du chef dont fit objet le président de la république. Persistance du passé, le général n'excluait pas de soutenir que son pouvoir était d'essence divine. C'est ce qui découle de cette déclaration lorsqu'il dit : « je ne suis pas en train de chercher à être chef, Dieu, et vous avez voulu que je le sois (...)142(*)».

Cette pseudo-démocratie politique que certains ont appelé « ethno-démocratie » n'était pas sans répercussion sur la justice et les droits de l'Homme.

v Les défaillances du système juridique et la méprise des droits de l'Homme

Logiquement il n'est pas difficile de se faire une idée de ce que peut être la justice et les droits de l'homme dans un régime politiquement antidémocratique.

En effet, la justice guinéenne est fortement subordonnée au pouvoir exécutif. Cela s'explique par le fait que malgré l'inamovibilité des juges143(*), il n'est pas souvent impossible que les fonctionnaires de justice fassent objet de révocation par simple décret ou une simple note verbale. En tout cas c'est ce qui sortait d'un rapport de la FIDH144(*). Dans ce contexte, les normes régissant le fonctionnement de cette institution ne sont pas respectées par les agents de l'administration et les hauts fonctionnaires voire le chef de l'Etat lui-même. Pour ce dernier, l'exemple de la libération de Mamadou Sylla accusé de détournement de fonds publics est éloquent. Aussi les arrestations arbitraires étaient très fréquentes. A titre d'exemple nous pouvons citer l'arrestation des députés Bâ Mamadou et Ousmane Baldé à l'occasion de la démolition du quartier de Caporo-Rails à Conakry-Ratoma145(*) ; Dans le même ordre d'idée, il faut signaler les dérives policières, principalement celles de la brigade anti-criminalité qui était reconnue coupable de deux homicides à Conakry en 2003. Mais ces crimes sont restés impunis. C'est face à ce désordre qu'un agent de la justice confiait au membre de l'ONG146(*) que « l'armée et la police baignent dans une véritable culture de l'impunité ».

Encore il faut dire que l'une des maladies de l'administration judiciaire guinéenne est la corruption à cause des salaires miséreux des fonctionnaires du domaine et l'état vétuste des locaux. Ainsi dans son traité de Mémoire, l'étudiant guinéen Abdourahmane Diallo citait le cas des greffiers qui sont conduits à hausser les frais de justice, accentuant par là cette pratique (corruption).

En outre, les infractions financières ne sont pas prises en compte par la justice guinéenne car les cours de comptes restent inactifs, les normes signées dans le cadre de l'OHADA pour la règlementation du milieu des affaires ne sont pas appliquées.

Quant aux droits de l'Homme, ils peuvent être placés dans la même atmosphère que la justice. Déjà nous pouvons avancer au primo qu'à travers les données plus hautes, les droits et libertés politiques et ceux relatifs à la justice sont méconnus dans ce pays.

Mais pour aller plus loin, il faut parler des violations des libertés de manifestations qui sont pourtant autorisées par la constitution et les lois. C'est ainsi que les manifestations contre l'arrestation d'Alpha Condé furent durement réprimées en 1998 avec plus de 500 arrestations dans la ville de Conakry (rapport du FIDH). De même une demi-douzaine de militants de l'UFR (Union des forces républicaines) avaient été arrêtés en 2003 au cours d'un meeting de leur parti puis condamnés à de la prison avec sursis. Leur leader Sydia Touré ferra objet de plusieurs interpellations par la police. Dans le même sillage il peut être évoqué, la situation des syndicalistes et des étudiants dont les demandes pacifiques sont parfois réprimées dans le sang ou par des arrestations ou intimidations. A cet égard il faut rappeler les interpellations que furent objet quatre membres du syndicat des enseignants qui avaient lancés une grève en 2003147(*). Concernant les étudiants, ils ont fait objet de plusieurs interpellations dans le courant des années 2002. Ces restrictions sont allées jusqu'au refus de l'usage de leur droit d'association au sein de l'Université de Kankan.

Ces même oppressions s'étendent à la liberté d'expression qui en dépit de la mulplication des organismes fait objet de strict contrôle par le pouvoir. Et comme nous l'avions souligné, c'est réellement en 2005 que les partis politiques ont pu faire usage des médias d'Etat qui ne les accordaient que 5minutes pour la télévision et 7 pour la radio. Aussi de nombreux journaliste font objet d'intimidations surtout ceux de la presse écrite. Ce fut le cas d'Alassane Abraham Keïta, directeur de publication, et Souleymane Diallo, administrateur de l'hebdomadaire satirique Le Lynx en Janvier 2004. Plus important sera la destruction des locaux de certaines radios privées comme FM liberté à Conakry en 2007.

Sur la question des droits des femmes et surtout de la parité entre homme et femme, il faut reconnaitre que la première république connaissait assez d'avancées par rapport à la seconde. Car avec cette dernière, les mêmes textes ont été maintenus mais sans application. L'exemple le plus marquant est le statut de polygame du président lui-même. Aussi un autre recul est observable sur la participation des femmes à la vie politique car si on peut bien sûr compter quelques unes parmi les ministres et députés, elles ne sont pas présentes dans les postes de gouverneurs et de préfet. Au niveau scolaire elles restent les moins alphabétisées. Quelques chiffres de 2004 montrent que le taux net de scolarisation des filles dans le primaire est de 37%, soit 69% seulement de celui des garçons. Dans le secondaire, il est de 7%, soit 38% de celui des garçons.

Toutes ces données montrent à plus d'un titre que ce régime eut d'énormes problèmes. Mais s'il ne s'agit que de trois secteurs, qu'en est -il des autres c'est-à dire les domaines économique et socioculturel.

II. DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE ET SOCIOCULTUREL

Plus important, c'est surtout dans le domaine économique et socioculturel que l'échec de l'ouverture s'affirme. En effet, la théorie critique de la modernité politique soutient que le développement économique et socioculturel ne peut avoir lieu que lorsque les règles du jeu démocratique sont respectées. Mais au regard de ce qui vient d'être développés dans les précédentes on peut sans doute dire que les résultats du parcours économique et socioculturel du régime devrait être mitigés. Pour le démontrer nous toucherons successivement le domaine économique et celui socioculturel.

v Dans le cadre économique

Les difficultés n'ont pas tardées à se manifester dès les premières années du régime. En effet après une euphorie de croissance économique148(*) engendrée par le plan d'ajustement structurel issu du boum d'aides économiques des pays occidentaux et les institutions de Breton Woods, le conflit entre les deux parties (la Guinée et ses partenaires) naitra du désir du gouvernement guinéen de rehausser le salaire des fonctionnaires qui souffraient des effets néfastes de cet ajustement économique. Cependant, jugeant lourdes les charges de l'administration149(*), les institutions financières (Banque mondiale et FMI) ont suspendu leur aide en 1990 avant de la rétablir en 1991. Plutôt, le pays faisait face à un déficit budgétaire de 91 millions de francs guinéens en 1989. Ce déficit était supérieur à celui prévu par ces institutions qui était 69,6 millions de francs guinéens.

Par là, le départ était déjà pris pour révéler l'état de la mauvaise gouvernance économique. En ce lieu, en même temps que le revenu national atteignait les 556 dollars (US) en 1993, et que l'inflation passait à son plus bas niveau (8,5 en 1994) depuis 1984, le taux de croissance faisait face à une baisse en passant de +6% en 1988 à +3,8% en 1992. Mais aussi c'est l'Etat qui affirmait son incapacité à recouvrir les ressources fiscales dont les résultats seront inférieurs aux prévisions. Quant à la dette extérieure, elle se doublait en se chiffrant dans l'ordre des 2,6milliards de dollars en 1992. C'est dans ce contexte de régression continue que l'économie guinéenne atteint les années 95 animées par une nouvelle discorde avec les institutions de Breton woods. Car le pays n'avait pas tenu sa promesse en ce qui concerne le nombre de fonctionnaires de l'Etat qui venait de dépasser le barème des 53.000 pour se hisser à 55.000. Aussi ces institutions dénoncent avec le patronat guinéen, une corruption galopante qui assaille tout l'appareil d'Etat. A cela il faut ajouter l'importance des fraudes et contrebandes qui envahissent non seulement le domaine fiscal mais aussi les différents marchés de l'or, du diamant, de la cigarette et de l'hydrocarbure. Les règlementations juridiques des affaires et du commerce restent archaïques. Cette situation décrédibilise le milieu des affaires guinéennes en cette année où les investisseurs ralentissent leur voyage en Guinée.

Ce qui conduit le président en 1996 a nommé un premier ministre technocrate, ancien directeur de cabinet d'Alhassane Wattara alors premier ministre de la Côte d'Ivoire. Il s'agissait de Monsieur Sydia Touré. Cet économiste était donc mandaté de redorer l'image de l'économie guinéenne. C'est ce qui sera entamé dans le cadre d'un nouveau plan d'austérité.

A partir des années 2003, la situation économique s'est dégradée. La Guinée, mauvaise élève en matière de démocratie150(*) n'avait plus la confiance de ses partenaires du Nord. Cette crise se manifesta par une baisse du PIB qui passait désormais à 2,5% (2004) et devant dépasser les 2,9% en 2005 ; cela allait correspondre aussi à la baisse du PIB par tête de 0,6% à 0,2%. A ces chiffres se greffent celui d'un budget déficitaire à 4,4% du PIB dans le cadre d'une inflation touchant les 27,6% en fin 2004. Cette inflation, il faut le rappeler, est le fait d'une forte émission bancaire151(*) sans précédent pour couvrir le déficit. Ce qui va entrainer une grande dépréciation des taux de change et creuser un écart de 20% entre le marché de change officiel et les marchés parallèles. Dans le même contexte, le ratio de la dette guinéenne va atteindre les 99,7 % du PIB.

Il faut dire que cette évolution désastreuse de l'économie guinéenne n'est que la conséquence d'une sorte de corruption généralisée. A ce titre les chiffres publiés dans le cadre des audits organisés sont effrayants : pour l'ancien patron de la Banque centrale Monsieur Bah Ibrahima Chérif, on parle d'une somme de 10million de dollars, pour Idrissa Thiam, ancien ministre des affaires étrangères, il est question de 40millions de dollars152(*). Aussi la théorie de la politique de ventre semble se confirmée avec un président de la république vastement riche et monopolisant le système économique au profit de ses proches comme le cas de Mamadou Syllah qui devient maitre du patronat guinéen. De même des sommes énormes sont gaspillées dans les campagnes politiques. Dans le domaine du commerce privé autorisé dès les débuts du régime, le libertinage économique est considérable. Sans aucun contrôle de prix, les commerçants font vaciller la population de toute part dans une hausse de prix sans précédent.

De tel marasme économique ne peut rester sans effets sur les conditions de vie des populations.

v Sur le plan socioculturel

C'est dans ce domaine que les défaillances du régime militaire sont le plus observables.

En effet, la mauvaise gouvernance politique et économique qu'a connu la Guinée à entrainer sans doute une mise en mal des conditions de vie de la population.

Cette dégradation de la situation sociale est résultat des fameux plans d'ajustement structurel qui soumettait les populations à une sorte d'austérités sans précédent. D'après des données des années 1988, un fonctionnaire, avec un salaire moyen, ne couvre que le cinquième de ses dépenses pour neuf personnes à charge. Cela ne faisait que révéler l'état dans lequel les citoyens devaient vivre sous le poids des interminables mesures de rigueur des institutions de Breton Woods. C'est pourquoi très tôt les tensions sociales vont germer de toute part. Des grèves incessantes sont entamées. En 1986 c'est le secteur du transport publics qui touché, puis en 1988 et 1991 les enseignants réclament une amélioration de leur conditions de vie et de travail. Mais avant, ils étaient précédés par les étudiants en 1988 et 1990 qui dénonçaient l'emprise du pouvoir militaire sur l'administration où l'essentiel des postes se trouvent désormais détenus par les hommes de l'armée. Ces réclamations estudiantines pouvaient être considérées comme celles de toute la jeunesse qui est frappée par le chômage et la délinquance. Ces protestations populaires sont souvent réprimées dans le sang par les forces de l'ordre et ne débouchent sur aucune mesure concrète répondant aux demandes faites.

C'est ce qui va conduire à une intensification des protestations dans les années 2002 et 2003. En cette période, la santé du président s'est dégradée et le pays semble existé sans chef d'Etat. La gabegie dans la gestion financière s'est accentuée. A Conakry la population fait face à des pénuries d'eau et à des coupures répétées d'électricités. Pour les autres parties de la Guinée les deux précieuses denrées ne sont presque plus là depuis plusieurs années Car les chiffres montrent que seul 7,7%153(*) de la population ont vraiment accès à l'eau potable.

Dans les mêmes périodes, les produits de premières nécessités connaissaient une flambée importante de prix : le prix du sac de riz est ainsi passé de 24.000 Francs Guinéens (FG) à plus de 34.000 FG en 2003, la bouteille de gaz est passée dans le même temps de 37.000 à 51.000 FG, le prix du pain de 350 FG à 450 FG. Ces prix ont continué à grimper jusqu'à déboucher sur les grèves de faim de 2007.

En matière de santé, on compte en moyenne 1centre de pour 10000 154(*)habitants. Aussi l'état de vétusté de ces rares infrastructures et des équipements rend encore difficile leur fonctionnement. Aussi, la Guinée a connu de nombreuses épidémies choléra notamment en 1988 et en 2007. Des maladies comme le paludisme et le sida font objet de nombreux programmes dont la plupart restent des sources d'enrichissement des agents de l'Etat.

Concernant la pauvreté, il faut dire que la Guinée fait parti les PPTE (pays pauvres très endettés155(*)). Cette pauvreté illustrée par ces chiffres selon lesquels 49% de la population serait pauvre en 2002 contre 40,3% en 1994-1995, et 27, 2% seraient très pauvres en 2002 contre 13% en 1994-1995. Ainsi, il ressort que cette pauvreté est un phénomène en croissance depuis plusieurs années.

Lorsqu'on aborde la question des ethnies sous le régime Conté, d'énormes faillites peuvent être évoquées. Car là, les dérapages commencent pendant les dix premières années quand le régime engage des règlements de compte contre l'ethnie de l'ancien président, supprimant officiers supérieurs et des proches de ce dernier ainsi que les commerçants qui verront leur commerce et leurs biens pillés. C'est le moment du célèbre « Wonfatara156(*)». Aussi en 1991, on assiste à un affrontement entre des koniankés157(*) et les guerzés. Et en 1993 ce sera le tour des peulhs et des soussous à Conakry. Tout ceci montre que la question ethnique n'est pas encore résolue malgré les efforts fournis.

En outre, nous pouvons souligner dans le cadre de l'éducation que le système éducatif guinéen fut l'une véritable victime de la faillite du régime. Cela s'explique tout d'abord par des infrastructures très délabrées des établissements d'enseignement supérieurs (université Gamal Abdel Nasser) aux établissements du primaire en passant par ceux du secondaire (les grands lycées de Conakry). En plus de leur état délabré, les salles de classes sont insuffisantes car en 2004 on parlait d'un besoin de 4767 .Pire, les conditions de travail et de vie des enseignants ont été si précaires que le secteur s'est vu mouillé dans la corruption158(*). Ainsi en 2008, l'examen d'entrée au lycée (BEPC) était annulé parce que les sujets étaient vendus dans tous les coins et marchés de la capitale. Cet échec touche aussi à la qualité des enseignements qui selon un ministre de l'Education159(*) n'a rien a voir avec les besoins du pays.

Enfin, il faut rappeler que la guinéen abrite une sous région en proie à de nombreuses guerres civile et politiques160(*). Ce qui n'est pas n'est pas sans conséquences sur sa situation interne. Ainsi le pays accueillera des milliers de refugiés venant de ces pays. De même, en 2001 la Guinée sera la cible d'une attaque de rebelles libériens et sierra léonais. Ces conflits ont beaucoup contribué à la dégradation de la situation socioéconomique du pays.

C'est donc dans ce contexte d'une fragilité avancée, que la Guinée connaitra de grandes grèves (ou de véritables révolutions) en Janvier et Février 2007161(*) en vu du départ de son président incapable de gérer le pays parce que gravement malade. Mais ce n'est pas ce soulèvement qui ferra partir le général Lansana Conté. Ce fut plutôt une mort naturelle du Lundi 23 Décembre 2008.

Et delà, une nouvelle page du parcours politique devait s'ouvrir par une nouvelle transition conduite encore par les militaires qui ont anticonstitutionnellement pris le pouvoir le 24 Décembre 2008.

En somme, il faut dire que si la seconde république a eu le mérite d'engager la Guinée sur la voie de la démocratie (libérale), il n'en reste pas moins que ce fut un périple difficile à surmonter. D'un début marqué par l'espoir nous sommes passés à un autre régime de parti unique qui ne dira pas son nom. Car le parti du pouvoir militaire, le PUP (parti de l'unité et du progrès) restera le seul de ce système dit ouvert. A l'image du système mis en place sous la première république, le système politique de la seconde république fut aussi répressif, fermé (car ce n'était qu'une démocratie de façade), centralisateur. Mais plus important, la seconde république, contrairement à la première, est marquée par l'absence d'un cadre d'idées qui est pourtant nécessaire à toute conduite d'un peuple autodéterminant et qui dont la construction fut amorcée sous la première république. La corruption généralisée et le tohu bohu162(*) économique qui marqua ce régime le différencient du premier où le chef d'Etat (Sékou Touré) mourrait en tant qu'un des rares chefs d'Etat africains qui n'auront laissé aucune fortune dans des banques à l'extérieur. Ce fut le même pour les fonctionnaires de ce régime.

Mais après tout ce parcours, la vraie question qui se pose est celle de savoir : quelles leçons peuvent-elles être tirées de cette expérience guinéenne dans le cadre d'une évaluation et analyse critique ? Une tentative de réponse à cette question devra nous conduire au chapitre suivant.

CHAPITRE 3 : EVALUATION ET ANALYSE CRITIQUE DE L'EXPERIENCE GUINEENNE DE DEMOCRATISATION

Réaliser tout ce travail comme celui que nous venons de faire sans cette analyse critique, correspondrait à la construction d'une maison sans faire le toit. C'est dans ce sens qu'il convient de comprendre que ce chapitre occupe une place importante dans ce travail. C'est le lieu pour nous de dégager notre compréhension du chemin parcouru par la Guinée dans la voie de la modernisation politique en général et particulièrement de la démocratisation. Ainsi dans cette analyse, il ne s'agira pas de revenir sur un bilan généralement négatif mais révéler dans une réflexion plus approfondie les causes profondes de ce bilan. C'est ce que nous appelleront les grandes leçons de l'expérience guinéenne de démocratisation (Section 1). C'est à la suite que nous essayerons de faire une lecture de la nouvelle constitution guinéenne (section 2) afin de comprendre si le nouveau départ pris par la Guinée tient compte de ces leçons du passé que nous considérons comme lois au sens sociologique du terme.

SECTION1 : LES GRANDES LEÇONS DE L'EXPERIENCE GUINEENNE : les raisons fondamentales d'un échec

Après ce profond exposé, bien sûr non exhaustif, de l'expérience guinéenne de démocratisation, nous sommes arrivés sans doute à dénicher les raisons fondamentales de l'échec de la démocratisation en Guinée. Nous les distinguerons en premier lieu dans le cadre de la philosophie politique où nous parlerons de conflits de systèmes d'idées (Paragraphe1), et, dans les domaines de sociologie politique (la question de la nation et de l'ethnie) et de la transitologie (paragramme2).

PARAGRAPHE1 : DES RAISONS SELON LA PHILOSOPHIE POLITIQUE : le choc des idées politiques

Pour commencer, il faut rappeler que cette même question a été déjà abordée plus haut mais dans une réflexion plus large sur la démocratisation en Afrique francophone ou en Afrique. C'est pourquoi, sans ignorer l'existence de caractéristiques communes aux réalités noires africaines, nous essayerons de mettre l'accent sur le contexte guinéen de démocratisation.

A cet effet, soulignons tout d'abord qu'ici nous considérons comme idées politiques, les différentes conceptions que les peuples ont du fait politique ou de l'organisation de la société et des rapports sociaux ayant trait au pouvoir. Ainsi le choc des idées politiques devient une sorte de conflit entre les systèmes d'idées traduisant leur antinomie c'est-à-dire leur contradiction ou opposition.

Dans ce contexte guinéen, nous pensons que l'une des raisons profondes de l'échec de la démocratisation est liée à ce conflit qui existe toujours entre la philosophie politique démocratique libérale et les idées politiques locales.

En effet, sous la première république nous avons assisté à une tentative de construction d'un système idéologique inspiré des authenticités africaines et particulièrement des réalités nationales. Sékou Touré en tant que chef de fil de cette entreprise réfutait toujours l'idée du marxisme et du communisme comme idéologie de son régime, arguant que le caractère athée de cette doctrine était compatible à la situation guinéenne et la lutte des classes n'était pas africaine ; sans pour autant rejeter l'usage du mode d'organisation marxiste qu'il considérait comme un moyen de réalisations des objectifs. Comme Senghor et Nkrumah, il soutiendra l'idée d'un socialisme africain et d'une démocratie africaine qui puise ses racines dans le consensualisme et le communautarisme africain (« l'Afrique est essentiellement communaucratique »)163(*). Ce qui eut pour conséquence le parti unique qui était selon lui l'incarnation de la Nation et du peuple guinéen. Ce parti a la pensée du peuple et il est la pensée du peuple. Quoi que cette expérience ne puisse atteindre ses buts, il y ressort quand même l'idée de la construction d'une identité politique guinéenne en relation avec le terroir.

En revanche, la démocratisation à laquelle nous avons assisté dans les années 90, s'est déployée sans aucune considération anthropologique ni philosophique de la société guinéenne.

Pourtant cette société en tant qu'une partie de l'Afrique, a une conception à la base de la nature qui se distingue de celle européenne, et qui a toute son influence sur la mentalité du peuple guinéen. Ainsi selon CAMILLE KUYU MWISSA de l'académie Africaine de théorie du droit, la vision occidentale du monde est dualiste par contre celle africaine est unitaire. La vision dualiste sépare le monde visible du monde invisible. Ces deux mondes sont nettement coupés l'un de l'autre ou entretenant d'ailleurs une relation conflictuelle. Le monde visible qui est celui de l'individu occidental tend à affirmer sa suprématie sur le monde indivisible, sur le reste de l'univers, la nature. D'où il est souvent courant d'entendre dans ce système de penser que l'Homme doit conquérir la nature.

Par contre la vision unitaire du monde, qui est celle africaine, ne fait pas de séparation entre le monde visible et le monde invisible. Il s'agit d'un même monde dont le prolongement du second est le premier. Le monde visible est soumis au monde invisible, et l'individu à la société.

De la première vision (celle occidentale), il ressort une conception individualiste et cartésienne de l'Homme et de la deuxième une conception mystifiante de la nature et de la société sur l'Homme.

Cela se répercute sur les conceptions des rapports sociaux. C'est pourquoi dans la démocratie occidentale tout est mis en oeuvre pour plus d'épanouissement de l'individu, qui ne doit pas être opprimé par une société qu'il a forgé lui-même, une société dans laquelle il est souverain (selon la théorie du contrat social : Jean Jacques Rousseau). Par contre dans la société africaine, si l'on ne rejette pas l'idée d'un contrat social qui puisse être à l'origine de la société, force est de reconnaitre que ce contrat ne signifie pas que l'Homme est sacré au dessus de la société. Donc ici l'épanouissement de l'Homme passe par celui de la société.

De là nous voyons que les fondements philosophiques des deux mondes politique sont opposés. En occident la modernité politique a signifié « arracher à Dieu son pouvoir et le ramener à l'Homme ». C'est ce qui découlera de la philosophie politique développée dans le Machiavélisme et par les Lumières du XVIIIème siècle. Et cette vision sera le contenu principal de la démocratie diffusée dans le tiers monde en général et particulièrement en Guinée, bien que, chaque interprétation du monde évoquée plus haute correspond à une interprétation des principes fondamentaux de la démocratie à savoir : le principe de l'égalité, de la justice et de la liberté.

Pour la justice par exemple, notre auteur africain CAMILLE KUYU explique que le droit occidental est un droit imposé, c'est-à-dire qu'à l'image de la règle imposée par Dieu dans les autres sociétés non occidentales, l'Etat en occident fait obéir les personnes au droit. La justice est due à celui qui doit l'avoir, le souci étant de rendre à l'individu ce qui lui a été enlevé à tort. Par contre dans la pensée africaine la finalité de la justice dépasse le simple fait de rendre justice, elle vise surtout la réconciliation des deux parties sociale et le maintient de la cohésion ; et, pour ce faire chacune des parties au litige doit avoir un minimum de satisfaction. On tranche sans toutefois blesser. Une telle vision des choses serait synonyme d'impunité dans la vision occidentale.

Mais est ce que cette critique signifie que la Guinée comme toute l'Afrique ne peut pas connaitre la démocratie ? Nous répondrons d'emblée par la négative ! Car il ne s'agit pas d'une incompatibilité entre démocratie et société africaine ou guinéenne mais plutôt entre une conception de la démocratie et la culture politique africaine. Cette affirmation est soutenue par Mamadou Oury Diallo  qui avance qu': « il n'y a pas d'incompatibilité entre démocratie et sociétés plurales, mais plutôt entre sociétés plurales et démocratie majoritaire »164(*). Aussi il ne faut-il pas dire que le communautarisme africain ne rejette pas l'individualité mais plutôt l'individualisme. Car comme toute société, les sociétés africaines et particulièrement celle de la Guinée permet aux individus de faire valoir leur talent, d'être récompenser pour s'être distinguer mais ne signifie d'établir le culte de l'individu face à la société. Cette société considère que l'individu peut bien être épanoui sans que cet épanouissement ne conduise à une exagération (individualisme) qui donne libre cours à la passion individuelle.

Toutefois, l'analyse de l'expérience guinéenne nous a permis de savoir qu'une telle perception des choses semble avoir été absente dans le processus de démocratisation en Guinée. On a oublié qu'une idéologie propre à la Nation constitue le socle de son éducation et le déterminant premier de son identité. Il s'agit d'un état d'esprit dans lequel le peuple baigne mais qui n'est pas institutionnalisé. Et pourtant sa maitrise est indispensable pour le développement.

Cette dernière thèse est bien soutenue par le plus grand égyptologue africain Cheick Anta Diop en ces termes : « tout peuple qui maîtrise son identité culturelle arrivera au seuil de l'industrialisation ».

A en croire à cette affirmation du savant africain, nous pourrons sans doute dire que la démocratisation en Guinée en tant qu'une forme de modernisation politique de ce pays ne pouvait que rater son chemin.

Par ailleurs, il faut avancer que la question idéologique bien qu'elle soit fondamentale n'est pas la seule qui constitue la cause du bilan négatif de la démocratisation en Guinée. D'où la nécessité de voir encore plus loin.

PARAGRAPHE 2 : DES RAISONS SELON LA SOCIOLOGIE POLITIQUE ET LA TRANSITOLOGIE

Notre analyse de l'expérience guinéenne de la démocratisation nous a révélé que la question de crise de Nation exprimée dans l'instrumentalisation de l'ethnie était l'une des raisons fondamentales du blocage de la modernisation politique en Guinée et particulièrement de la démocratisation. Il s'agit d'un facteur dégagé dans le cadre de la sociologie politique de ce parcours. Mais au-delà de la question nationale, les instruments d'analyse transitologiques évoqués dans la première partie nous permettent de détecter des failles directement liées au processus lui-même. C'est tous ces éléments qu'il conviendra de mettre en lumière dans cette analyse.

v Du point de vue de la sociologie politique : la question de la nation et de l'ethnie

Face à cette question, l'auteur et politicien guinéen Mamadou Oury Diallo écrivait que : « la problématique de l'édification de la nation guinéenne s'inscrit dans ce cadre : définir un État démocratiquement opérationnelle, incarnant des valeurs supra-ethniques, et permettant à chaque communauté ethnique de maintenir, enrichir et partager son patrimoine culturel ». Cette affirmation révèle toute l'importance de la question de la Nation et de l'ethnie dans la modernisation politique de la Guinée.

Mais avant de continuer, il convient de souligner que la notion de Nation connait deux principales conceptions : la première est allemande et objective, elle définit la Nation, en termes de facteurs objectifs tels que la langue, la religion, la culture qui matérialisent l'appartenance à une communauté ou une ethnie (Fichte); par contre celle dite française et volontariste, soutient que la nation nait d'une volonté des personnes de vivre ensemble sur la base d'un passé partagé. Cette conception assimilationniste française résulte du jacobinisme par lequel une majorité phagocyte les autres groupes en leur imposant culture et langue. Dans toutes ces conceptions la finalité est de faire correspondre la Nation à la population de l'Etat. Et c'est d'ailleurs ce qui a découlé des définitions de ce dernier. Bien que parfois composés de plusieurs nations ou ethnies les Etats multinationaux ainsi appelés à parler d'une seule Nation pour désigner l'unité de la collectivité Etatique.

Dans le contexte guinéen, nous faisons face à de nombreuses nations ou ethnies qui depuis le passé ont connu des relations plus ou moins stables, elles distinguent chacune par une culture particulière et une langue propre. Malgré que la majorité de ces ethnies appartiennent à la même religion qui est l'Islam, il faut reconnaitre que les luttes de pouvoir ont toujours fait apparaitre leur opposition. Ainsi dans les années 50 la division entre les groupements politiques et régionalistes était fortement exploitée par le colonisateur.

Cependant, des tentatives de création d'une nation unique se feront connaitre sous la première république dans le cadre du parti unique. Cette première épreuve est qualifiée par de nombreux auteurs de positive en terme résultat car contrairement à la plupart des Etats de la sous région (Côte d'Ivoire, Libéria), en Guinée aucun groupe ethnique ne conteste l'appartenance de l'autre à la Nation guinéenne. En revanche, comme le soulignera Mamadou Oury Diallo, la politique guinéenne de construction de la Nation sous la première république a connu d'énormes obstacles dus à sa conception même qui tantôt cherche à dissoudre les particularités régionales et ethniques dans un corps unique165(*), tantôt elle tentait de les promouvoir166(*)afin d'éviter les la suprématie d'une d'entre elles. Cette tentative guinéenne s'inscrit dans la logique occidentale de mise en place d'un Etat-Nation.

Dans son ouvrage consacré au développement politique (1988 : p.139), Bertrand Badie, considère la construction de ce dernier comme l'une des étapes importantes dans la création des démocraties occidentales actuelles. Et en Afrique la principale justification qui fut donnée au parti unique était cela : l'Etat-Nation. Ce qui nous amène à en déduire que la démocratisation ne peut avoir lieu que par la mise en place de cette entité purement occidentale. Toutefois, si nous ne partageons pas cette croyance qui fait de la construction de l'Etat-Nation occidentale une condition sine qua none de la démocratisation, nous pensons cependant, comme notre auteur guinéen, que l'existence de valeurs supra-ethniques au-delà de la reconnaissance des particularités est la meilleure voie dans ce contexte guinéen. Il s'agit de faire dos à la politique assimilationniste français pour assurer la promotion des valeurs propres à chaque entité en même temps qu'on encourage l'attachement à la grande Nation.

Et c'est ce qui n'a pas été entrepris dans la démocratisation en Guinée. On a omis l'idée selon laquelle il ya une forte relation entre Nation et démocratie. Car c'est cette Nation qui est détentrice de la souveraineté (Ngakoutou). Son existence est nécessaire pour que le multipartisme ne soit pas synonyme de guerre entre les groupes ethniques et par conséquent qu'on n'assiste non pas à une souveraineté national mais à une souveraineté tribale. C'est pourquoi l'absence de la Nation dans la transition guinéenne a permis une appropriation ethnique du pouvoir et des richesses. Cette prise en otage du processus démocratique facilite le recours à la personnalisation du pouvoir et finalement à la dictature car la rationalité tant chère à une démocratie disparait dans le mode de gestion de l'Etat.

C'est ce constat qui découle de notre analyse de l'expérience guinéenne où l'absence d'une véritable Nation et l'instrumentalisation de l'ethnie qui en a résulté à conduit à un bilan négatif de la modernisation politique. Cela dit, nous nous tournons vers le processus de démocratisation lui-même pour se demander qu'en est-il de ses problèmes ?

v Du point de vue de la transitologie

Dans cette présente analyse, il s'agit d'une critique de l'expérience guinéenne à la lumière de données transitologiques. Pour ce faire trois axes causalement liés sont à dégager : une phase transitoire mal négociée, une élite immature et non déterminée, une transition sans consolidation.

En premier lieu nous dirons que la transition démocratique en Guinée fut une transition mal négociée surtout dans sa phase transitoire. Il faut rappeler que cette phase désigne la période dans laquelle l'ancien système est remis en cause et les nouvelles institutions sont établies. Ainsi donc elle précède la phase de la consolidation où les institutions et les acteurs commencent à interagir en conformité avec les principes démocratiques établis. En effet, ce constat est déduit des expériences espagnole, chilien et même africaine que nous avons eu à étudier. Nous avons découvert comme une loi la réussite des modèles de transition négociée. Ce fut le cas en Espagne, en Chili, au Benin (pays modèle d'Afrique francophone). Dans ces différents pays, la transition s'est réalisée dans le cadre d'une négociation plus ou moins apaisée entre les élites sortantes de l'ancien système et les nouvelles fortement démocrates. Ce qui a permis d'emprunter à ces anciens systèmes leurs aspects positifs. Aussi les élites qui revendiquaient la démocratie ont en grande partie observée une certaine modération à l'encontre des ténors de l'ancien système qui ont en retour reconnu les erreurs qu'ils ont commis dans le passé. Ainsi pour l'Espagne les anciens franquistes bénéficieront d'une amnistie et en retour ils se déploieront pour assurer la réussite de la transition. La conséquence fut non pas la recherche d'une justice seulement pour les victimes du franquisme, mais aussi la réconciliation des espagnoles qui tournant la page réaliseront à la fois un succès politique et un miracle économique.

Par contre dans le cas guinéen, l'arrivée au pouvoir de la junte militaire s'est suivi d'une purge contre les dignitaires de l'ancien régime et l'ethnie de l'ancien président. Ainsi les officiers supérieurs (Siaka Touré, Ismaël Touré etc...) appartenant à l'ethnie malinké et certains hauts fonctionnaires de la même ethnie seront arrêtés, de même que la famille de l'ancien président. Les uns vont mourir sans procès et les autres libérés. Des discours ethnocentriques sont aussi prononcés à l'encontre de cette ethnie entrainant des conflits civils (Ceux de Conakry en 1991 et de N'zérékoré 1993). Dans la même atmosphère, l'ancien système est totalement raclé comme s'il n'avait rien de récupérable. Ainsi l'ouverture était lancée en Guinée. Une ouverture qui s'annonçait de cette façon n'était qu'une entreprise à laquelle toute la Nation encore fragile ne se sentait pas liée. De haine en haine, le multipartisme naitra pour faire apparaitre à nouveaux les divisions réveillées. Dans cette logique, lorsque les uns s'activeront de construire à leur profit, les autres se battront pour le démolir. Et c'est ce qui fut le cas en Guinée. C'est pourquoi nous dirons que cette étape a été cruciale et son échec pouvait permettre de prédire ce que devait être la fin de ce processus.

De cette première remarque critique, se dégage l'immaturité de l'élite guinéenne ou des acteurs internes de la démocratisation ainsi que leur manque de volonté.

En effet, dans les expériences précitées, on s'est souvent trouvé en face d'élites responsables, plus soucieuses de l'avenir de leur pays que des intérêts égoïstes. Ce constat s'explique par leur capacité à surmonter leur différends, à faire preuve de modération et de transparence. Ce fut le cas par exemple au Benin avec Mathieu Kérékou. De même l'armée chilienne prendra elle-même des décisions reconnaissant les erreurs commises sous le régime militaire et en même temps elle bénéficiait des certaines protections malgré qu'elle acceptera certains jugements d'officiers.

Dans tous ces cas, la capacité des acteurs à maitriser leur différend et se concentrer sur la transition dénotait de leur volonté de réussir. Pour les Espagnoles, ils se disaient être en retard par rapport à leurs confrères du Nord et donc il fallait miser sur développement.

Par contre en Guinée, l'armée semble d'ailleurs avoir été obligée de recourir à la démocratisation. Car si à la prise de pouvoir en 1984, ils avaient donné des signes d'ouverture, cependant ils mettront six ans pour élaborer une constitution que l'opposition contestera d'ailleurs. De même, ils refuseront toute organisation de conférence nationale souveraine telle proposée par une bonne partie des citoyens. A tout ceci, il faut ajouter le fait que les militaires n'avaient pas d'expérience en matière politique ni économique. Ce qui aura d'important effet sur le processus. A chaque étape, les conflits étaient nombreux et à connotation ethnique. Le désir de rendre le coup par le coup manifestait cette immaturité des acteurs de la transition en Guinée. A partir de ce moment, nous assistions à une transition sans consolidation.

Une transition mal négociée par une élite immature pouvait-elle déboucher sur la consolidation ? A cette interrogation la réponse ne peut être que négative. En ce sens que contrairement aux autres expériences qui grandissaient en se renforçant, l'expérience guinéenne nous a fait apprendre qu'au fur et à mesure que le temps passait, le régime se durcissait, et la situation se dégradait. La communication entre le pouvoir et l'opposition se raréfiait. Ce qui conduisait à de nombreuses dérives comme nous l'avons décrit dans le bilan. Ainsi nous étions dans une transition qui ne prévoyait pas de fin ou d'ailleurs subissait un retournement. Car, que dire de la révision constitutionnelle qui rendait le nombre mandat présidentiel illimité. C'était donc là le signe d'un retournement du processus.

A la lumière de cette analyse critique, nous nous disons avoir mis en exergue les grandes problématiques pouvant être déduites de cette expérience guinéenne. Par là, nous précisons que notre objectif dans ce travail n'étant pas de proposer des solutions, nous passerons à la section suivante pour savoir si la nouvelle transition de2008, qui est bien la suite de la même transition entamée depuis 1984, a pris compte des différentes raisons de l'échec précédent.

SECTION 2 : LA LECTURE DE LA NOUVELLE CONSTITUTION

En prenant le pouvoir le 24 décembre 2008, la nouvelle junte militaire présidée par le capitaine Moussa Dadis Camara, engageait une nouvelle page de la démocratisation en Guinée. Cette transition conduira à l'élaboration d'une nouvelle constitution en Avril 2010 sous l'égide du général Sékouba Konaté. Sans prétendre exposer tout le nouveau processus de transition, nous nous focaliserons sur cette constitution qui en est issue afin de comprendre si elle tient vraiment compte des leçons du passé c'est-à-dire les grandes problématiques ou lois qui président à la réussite d'une démocratisation dans ce pays. Pour ce faire, nous tenterons, dans un premier temps, de montrer que cette constitution a été bien élaborée à la lumière du passé (paragraphe1) et en second lieu nous prouverons en quoi la prise en compte de certains problèmes du passé n'a pas exclu que d'autres soient ignorés (paragraphe2).

PARAGRAPHE1 : UNE CONSTITUTION A LA LUMIERE DU PASSE

Dire que la nouvelle constitution guinéenne tient compte du passé n'est pas fausse à en croire surtout à son préambule qui annonce que la république de Guinée : « ...tirant les leçons de son passé et des changements politiques intervenus depuis lors...»167(*). Cette annonce est la manifestation que ce texte s'inscrit dans une logique de rupture avec un passé considéré en général comme infructueux en matière démocratique. Pour le démontrer plusieurs axes méritent d'être rappeler. Il s'agit essentiellement du domaine des institutions démocratiques et de celui de la consécration des droits et libertés fondamentaux. De même il faudra montrer que cette constitution s'attache à renforcer cette Nation et lutter contre l'instrumentalisation ethnique.

v Des innovations institutionnelles démocratiques

Commençant par ce premier domaine c'est-à-dire celui des institutions démocratiques, il faut dire que la nouvelle constitution a été véritablement innovante. Ainsi, après avoir consacré un régime présidentiel avec les trois pouvoirs traditionnels, la constitution guinéenne du 19 Avril 2010 mis en place quatre principales institutions à savoir : une cour des comptes, une cour constitutionnelle, une institution nationale indépendante des droits de la personne, une commission électorale nationale indépendante. Dans le même cadre le poste de ministre est prévu par la constitution.

Chacun de ces organes a un rapport avec la passé. Pour la cour des comptes visée à l'article 77 de la constitution, c'est un organe chargé du contrôle à posteriori l'exécution de la loi de finance. Cette institution de justice économique devra permettre de contrôler la gestion des deniers publics, ceci pour éviter la corruption et les crimes économiques connus dans le passé.

De son côté, la cour constitutionnelle s'affirme comme la gardienne de cette démocratie. Car elle devra assurer la protection de la constitution en veillant au respect de la hiérarchie des normes tel dégagé dans les articles 93,94, 95 du titre VI du nouveau texte. Dans le même temps ses 9 membres doivent être d'une grande moralité. La présence de cet organe a été saluée par de nombreux guinéen comme le grand juriste Ibrahima Sory Touré. Il s'agit de réaction contre un passé où la justice et les normes sont restées à la solde du pouvoir exécutif. L'ancienne cour suprême disait la parole du président Conté au lieu de celle de la loi. C'est d'ailleurs ce qui est sorti d'un propos devenu célèbre du président du président de la dite Cour Maitre Lamine Sidimé. Quant à la nouvelle institution relative aux droits de la personne, elle est le fruit d'une histoire politique nationale marquée par la violation des normes « universelles » innées en la personne humaine. C'est pourquoi, conformément aux dispositions (Titre XVI, articles 146, 147 et 1948) qui l'institutionnalisent, cet organe sera à son tour la gardienne de la dignité humaine en sol guinéen. Et pour ce faire aucune entrave ne doit être portée à son action. La dernière institution qui est la commission électorale nationale indépendante (CENI), devra jouer un rôle surtout lorsqu'on sait que les élections ont toujours été le centre des conflits parce que fraudées au profit du parti au pouvoir. Ainsi cette nouvelle institution permettra de rendre aux citoyens leur vote. C'est une condition première de la construction d'une démocratie. Pour cela, cette commission sera chargée de la mise en place du fichier électoral, de l'organisation des élections, leur administration et la proclamation de leurs résultats provisoires (Titre XII, article 132).

v Les droits et les libertés fondamentales de l'Homme

Ils sont évoqués par le Titre II de la constitution. Il s'agit du titre le plus long. En ce lieu il faut avancer que le constitutionnaliste du 19 Avril n'a pas vraiment introduit quelque chose de nouvelle. Les privilèges sont repris en partant de la protection de la dignité humaine conçue comme sacrée. L'intégrité de la personne humaine devant être protégée contre tout acte de torture. Aussi les droits politiques et économiques y prennent une place importante. C'est ainsi que le droit d'association y est consacré pour tous les citoyens. Les libertés d'opinion et de pensée ne peuvent être entravées selon cette constitution. Cependant pour marquer la transition un changement cette constitution accorde une importance particulière à la jeunesse et à la famille (respectivement les articles 19 et 18) comme pour reconnaitre le sacrifice des mères et de la jeunesse toujours victimes des systèmes passés. Cette jeunesse devra être véritablement protégée par l'Etat et ses instituions contre les tares de la société et les abus politiques.

v De la question ethnique dans la constitution

Il s'agit d'une question importante dont la non-maitrise et l'instrumentalisation a entrainé la faillite des systèmes passés. Donc un changement qualitatif ne peut se produire en Guinée qu'en prenant en compte ce problème crucial. Ce qui semble avoir été compris par le constituant de 2010. En effet la nouvelle constitution s'emploie fermement contre toute forme de discrimination et à ce propos l'Article 4 stipule que « la loi punit quiconque par un acte de discrimination raciale, ethnique, religieuse, par un acte de propagande régionaliste, ou par tout autre acte, porte atteinte à l'unité nationale, à la sécurité de l'Etat, à l'intégrité du territoire de la République ou au fonctionnement démocratique des Institutions». Par cette disposition, la constitution guinéenne pose le principe de l'unité de la Nation qui est encore plus renforcé dans l'article1 où elle annonce que la souveraineté ne peut être exercée que par le peuple et non par un individu et par une fraction du peuple. Dans la même logique l'interdiction est faite aux partis politiques de disposer d'une base raciale, ethnique ou régionaliste ou de s'identifier à une ethnie. Par ce fait la nouvelle constitution se place en barrière contre toute tentative allant vers une appropriation clanique et égoïste du pouvoir d'Etat.

A ces innovations importantes, il faut ajouter la mise en place d'un poste de premier ministre qui partage certains pouvoirs avec le président de la république longtemps omnipotent. C'est le cas du pouvoir règlementaire.

Au-delà de tous ces efforts d'autres problèmes cruciaux sembles n'être pas pris en compte par cette constitution. Nous tenterons de révéler certains dans le paragraphe qui va suivre.

PARAGRAPHE 2 : LA PERSISTANCE DES PROBLEMES FONDAMENTAUX

Comme tout acte humain la constitution du 19 Avril 2010 ne peut pas être qualifiée de parfaite. Aussi cette critique devient importante si elle concerne certains facteurs dont l'observation est indispensable dans la construction d'une « démocratie durable et nationale ». Il s'agit primordialement de la question culturelle ou la question des idées politiques. La seconde critique s'attaquera à d'autres questions liées à la forme du nouveau régime mais aussi aux droits et libertés fondamentaux.

v Une constitution sans base idéologique locale

La crise d'idéologie qui assaille toute l'Afrique n'épargne nulle part. La Guinée, une partie intégrante de cette Afrique en souffre cruellement. C'est ce qui ressort de cette nouvelle constitution dont la mise en oeuvre ne répond à aucune préoccupation de ce type. Une bonne lecture de la nouvelle constitution peut révéler rapidement que la bataille de démocratisation dans laquelle la Guinée s'est lancée depuis 1990 n'est autre qu'une occidentalisation qui ne dit pas son nom. En effet les droits de l'Homme ainsi que l'agencement des pouvoirs et leur relations, la vision du citoyen tels développés dans cette constitution renvoie sans doute à une conception libérale de la société et de l'Homme. Cela peut s'expliquer rapidement en partant du préambule de la dite constitution qui annonce l'adhésion de la Guinée aux idéaux et principes « universels » tels conçus dans des textes internationaux comme : la déclaration « universelle » des droits de l'Homme, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme. Et pourtant, il est connu de tous que ces textes plus ou moins imposés au reste du monde restent une émanation du libéralisme universaliste occidental. Cette philosophie libérale dont les incompatibilités avec les valeurs africaines ont été déjà prouvées dans plusieurs analyses comme nous l'avions souligné plus haut, constitue le dernier refuge des constituants guinéens du 10 Avril 2010. Les mêmes erreurs de 1990 sont ainsi reprises.

Il découle d'un tel travail qu'aucune conception de la démocratie ne peut permettre le développement et le bien être des peuples d'Afrique et particulièrement de celui de la Guinée que la seule conception occidentale. Sont-ils entrain de démentir Cheick Anta Diop pour qui le développement d'un peuple ne pouvait se faire que par la prise en compte de sa culture? Dans cette logique de pensée s'inscrivait un autre auteur lorsqu'il écrivait que la démocratie ne peut s'importer ni s'imposer mais elle doit être le fruit d'une production locale. Car même les systèmes imités, ces derniers ne sont que des productions propres à ces nations. C'est ainsi qu'il ya une démocratie américaine distincte de la démocratie française. Pour ce qui concerne l'agencement des instituions, de nombreux travaux historiques et anthropologiques réalisés par des africains et non africains ont démontré que l'Afrique précoloniale a connu de brillantes civilisations (comme celle de l'Egypte antique, du Mandéen, du Fouta théocratique) dans lesquelles l'organisation du pouvoir obéissait à une philosophie politique qui marque encore l'imaginaire africain jusqu'à nos jours. Les travaux du juriste et politologue congolais Mwayila Tshiyembe sont éloquents à ce sujet. Dans l'un de ses ouvrages il souligne que : «la renaissance politique de l'Afrique noire au XXIe siècle est possible. A condition, bien entendu, que la mobilisation identitaire national-ethnique et sa représentation soient le socle d'une modernité politique épousant l'histoire, la culture et les aspirations des peuples africains. Il s'agit de coupler la reconnaissance politique du pluralisme ethnique avec la construction d'une société politique fondée sur un double contrat : un pacte pour une république multinationale (néorépublicanisme) et un pacte pour une démocratie de proximité (néolibéralisme), s'imposant à l'ensemble de la société globale»168(*).

A l'instar de la philosophie politique du texte, la forme du nouveau régime qu'il consacre peut être critiquée ainsi que sa consécration des droits et libertés.

v De la forme du nouveau régime et des droits et libertés limités

La nouvelle constitution guinéenne a reconnu encore le régime présidentiel comme forme du nouveau régime. En tout cas c'est ce qui peut découler de cette constitution. Même si quelque part il n'est pas exclu que l'on pense qu'il s'agit d'un régime hybride. Pourtant, l'expérience nous montre qu'un régime avec un exécutif fort comme l'actuel régime, conduit rapidement à une monopolisation des pouvoirs par le seul président. C'est qui nous fait penser que le constituant guinéen ne semble pas s'inspirer du passé en reprenant le même régime. On pourrait penser que la mise en place d'un poste de premier ministre vise à atténuer le pouvoir exorbitant du président. Cependant avec cette constitution (article 52), le premier reste presque totalement subordonné au président qui le nomme et qui dispose du pouvoir de le révoquer. Ce qui fait que les deux sont si intimement liés que le pouvoir exécutif se trouve dans la même situation que sous le régime Conté où le poste n'était pas encore institutionnalisé et où le président nommait et révoquer comme il le veut. Pour le moment nous dirons le ministre n'est qu'une institution fantôme.

Au niveau des libertés et droits fondamentaux, une analyse critique à la fois politique et juridique est réalisée par le juriste guinéen Ibrahima Sory Touré. Selon cet auteur la nouvelle constitution a consacré une limitation aux droits politiques de certains citoyens. Cela par le fait qu'elle mentionne dans les critères d'éligibilité l'obligation d'appartenir à un parti politique (article 3). Ce qui devra inéluctablement empêché des candidats indépendants de se présenter. De même plusieurs parties de la constitution ne reconnaissent certains droits et libertés fondamentaux qu'aux citoyens excluant ainsi ceux qui ne le sont pas et qui, pourtant devraient en bénéficier conformément aux conventions internationales signées par la Guinée : c'est le cas du droit d'accès à l'information publique qui est réservée, d'après la constitution (article7 alinéa 5), aux seuls citoyens. Ainsi les autres individus non citoyens sont-ils exclus de l'exercice de ce droit pourtant non politique pour être qualifié de citoyens.

Par ailleurs, il est important de savoir que si les données ci-dessus sont essentiellement d'ordre théorique, sur le terrain la réalité peut être encore beaucoup critiquable à en croire aux violences qui ont marqué l'élection de l'actuel président Alpha Condé ainsi que sa conduite actuel des affaires d'Etat où déjà de nombreuses violations de la toute nouvelle constitution sont dénoncées. A titre d'exemple nous pouvons citer la dissolution de certains conseils communaux par décret etc....

Cela dit, nous pourrons donc conclure ce chapitre sur l'évaluation critique de l'expérience guinéenne en affirmant sans risque de se tromper que la démocratisation en Guinée quelle que soit ses acquis, reste prisonnière du contexte sociopolitique et historique dans lequel elle s'emploie.

CONCLUSION de la deuxième partie

Cette partie de notre travail nous a permis d'analyser dans ses grandes lignes la première république en premier lieu avant de bondir sur le processus de démocratisation en Guinée, sous la seconde république, qui sera suivi d'une réflexion critique sur l'expérience guinéenne de démocratisation. De cette analyse, il ressort une étroite corrélation entre ces deux régimes que connu la Guinée. En effet, la démocratisation en Guinée est fille directe d'une indépendance marquée par un régime « fermé ». Cependant, il faut reconnaitre que ce régime n'était aussi que le résultant d'un système colonial qui avait quitté le pays en laissant ses séquelles manifestées dans l'administration directe et autocratique, la sévérité des normes pénales, le clientélisme et la corruption. Héritière de ce mode d'administration, la première république va en faire usage en dépit de sa forte détermination d'en finir avec. Cette première république s'engagera dans la construction d'une nouvelle Guinée imprégnée d'une modernité africanisée. L'échec de se projet mettra ainsi face à la double crise de légitimité et économique. Posant la nécessité d'un alignement sur le système du sauveur : l'Occident libéral. A ce stade de notre travail deux idées majeures pouvaient être dégagées : d'une part il y a l'idée que l'ouverture politique a bien commencé sous la première république sans avoir forcément une prétention d'établir une démocratie libérale, et d'autre part, la démocratisation sous la seconde république s'apparente plus à une contrainte en provenance du Nord qu'à un choix politique locale. C'est à partir de là que déduction fut faite de l'échec annoncé de cette démocratisation. Il faut retenir aussi que ce processus fut marqué par une pratique quotidienne de démocratie de façade afin de satisfaire les bailleurs de fonds et non par un véritable désir de construire une démocratie. Toutefois des causes fondamentales étaient là. Elles furent révélées dans une profonde analyse critique où il est dégagé que la démocratisation était de dépourvue d'abord de base idéologique et en sus, le processus en lui-même faussait les normes de base d'une véritable marche vers la démocratie. C'est enfin dans ce contexte que la nouvelle constitution fut objet de critique et la conclusion, à la lumière de la pensée de Mwayila Tshiyembe, fut que la modernisation politique a besoin de tenir compte des réalités locales comme le disait plus haut Jean Pierre le Bouder : « la démocratie doit avoir des racines nationales, elle ne saurait être importée, vendue ou achetée....imposée....Le peuple de chaque nation doit prendre en main son destin et façonner le type de gouvernement adapté à ses aspirations nationales». Si la reprise de cette affirmation n'est pas synonyme d'un pessimisme face à l'avenir politique de ce pays, elle est cependant l'annonce de la nécessité de recourir aux principes de base d'une véritable modernisation politique.

Au-delà de tout ce travail quelle conclusion générale peut-elle être faite ?

CONCLUSION GENERALE

Pour commencer, il faut dire qu'une conclusion sur la transition démocratique en Guinée ne peut être d'aujourd'hui, comme dit plus précédemment, il ne s'agit que d'un processus en phase préliminaire. Nonobstant, le besoin de répondre aux exigences du travail académique devra nous conduire à en envisager pour ce présent mémoire.

Ainsi dans cette analyse non moins étendue, nous avons été amenés à évoluer autour de deux axes :

Dans un premier temps, il était question de replacer notre thème dans son cadre historique, théorique et scientifique. Partant nous avons essayé au prime abord de s'attacher à l'environnement conceptuel et aux instruments d'analyse qui ont été développés pour rendre intelligible le phénomène de la transition vers la démocratie. C'est dans cette fouille que découverte fut faite de l'origine profonde de l'usage du concept de transition en matière de sciences sociales. En effet, les analyses nous ont permis de comprendre, comme le notera Nicolas Guilhot, que le concept de transition tel employé dans la science politique occidentale n'était qu'un renversement théorique des conceptions et usages marxistes de ce terme. Karl Marx l'a d'abord développé en matière économique avant d'en faire l'instrument de transformation des sociétés capitalistes en sociétés socialistes ou communistes dans le cadre de la soviétologie (Science mère de la transitologie). Dans la même logique, nous avons abordé le concept de démocratie. En ce lieu, le célèbre ouvrage de Giovanni Sartori nous a permis de partir d'une conception étymologique de la démocratie pour aboutir à la conception libérale en passant bien sûr par celle marxiste. Si la première conception montrait que toute société pourrait avoir connu la démocratie, les deux dernières proposait une vision qui se voulait universalisable. C'est dans cette perspective qu'il convient de retenir que la démocratie telle véhiculée aujourd'hui dans le tiers monde et particulièrement en Guinée n'est qu'un « schéma tout fait » comme le disait Mitterrand (Président français) à la Baule. Elle signifie en somme la démocratie selon libéralisme, représentation, souveraineté du peuple, élection et alternance. C'est au regard de ces différentes conception que nous sommes arrivés à saisir que la transition n'était autre que le passage au système libéral. Ce caractère plus idéologique que scientifique de ces concepts leur a valu la critique de nombreux politologues comme Guilhot.

De ce cadre conceptuel nous passions au domaine des instruments d'analyse où la transitologie et la consolidologie firent objet d'analyse. Si les concepts de transition et de démocratie sont la cible de véritable contestation, les sous disciplines nées pour les utiliser ne pouvaient échapper elles aussi à cette règle. C'est ainsi que transitologie et consolidologie sont considérée d'ailleurs pour certains comme n'être employables que sur le terrain libéral car les modèles d'explication sur lesquels ils sont fondés sont construits selon cette philosophie et aussi, les expériences de démocratisation d'un Etat ne pouvait être appliquées à un autre vu les différences de contextes. Si avec ces auteurs nous avions partagés le souci d'objectivité que devraient faire preuve ces sciences ainsi que les controverses épistémologiques que ces critiques nous permettaient de découvrir, force est de reconnaitre, cependant, que malgré leur particularité contextuelle, tous les cas de transition concerne le passage d'une dictature à une démocratie selon une vision libérale des choses, et de ce point de vu là, ces sous disciplines pouvaient sans doute effectuer des généralisation c'est-à-dire poser des lois et être considérées comme des sciences. Ainsi des auteurs comme Morlino sont parvenus à développer des modèles de transition. Cette réflexion nous envoyait encore plus loin dans la philosophie des sciences où nous avons été conduits à nous interroger : si les sciences sont vraiment objectives où elles ne le sont que par rapport à une certaine conception des choses ? Cette dernière partie de la question fut notre réponse : « l'objectivité en soi semble n'être qu'une autre subjectivité par laquelle on se croit avoir été libre dans une réflexion ». Ainsi, dans une telle logique de pensée, il s'annonce que la mise en application des données de la transitologie occidentale en Afrique devait être à l'origine de nombreuses critiques comme le fit le professeur Mamadou Gazibo. Toutefois, ne nous empêchaient pas de les employer dans notre étude sur la Guinée.

Mais avant nous avions traité dans l'encrage historico-scientifique de la notion de transition démocratique des expériences de transitions qui ont été érigées en modèles par la science transitologique. Il s'agissait des cas espagnol et chilien de transition démocratique. En ce lieu, il pouvait être retenu que ces deux transitions avaient en commun d'être négociées entre les élites pro démocraties et les ex-détenteurs du pouvoir. Elles étaient marqué par la détermination des acteurs, leur maturité et leur gestion prudente de la question de la justice et de la réconciliation pour les purges qu'une partie du peuple avaient connu sous le régime précédent. Aussi les frontières culturelles entre ces peuples et la cadre sociopolitique de naissance de la démocratie libérale étaient minimes pour ne pas dire qu'il s'agissait d'une partie du même monde qui n'avait pas encore vu la lumière sensée l'éclairer.

C'est par la suite que fut analysé le passage de la troisième vague en Afrique noire francophone. Effet incontestable de la conférence de la Baule en 1990, cette invitation française de sa « pré carrée » à l'inévitable conversion que tous les systèmes devaient faire à la démocratie libérale, sonna comme un coup fatal dans l'évolution du monopartisme africain. Dans une atmosphère de pleurer-rire, les chefs d'Etats africains longtemps jaloux de leur pouvoir unique étaient obligés de recomposer avec des oppositions qu'ils avaient toujours écartées. Ce caractère brusque du recours à la pluricratie sera décrié par les dirigeants africains. De là il n'était pas exclu de voir le futur échec de cette entreprise en Afrique. Pour ces chefs les expériences passées de multipartisme en Afrique n'ont fait qu'accroitre la division de Nations fabriquées par la colonisation. Si nous ne rejetons pas cette idées nous y rajoutons qu'ils n'étaient eux-mêmes prêts. Aussi le contexte socioculturel africain sera un autre facteur de blocage. Grâce à cette analyse découverte était faite du socle de toute modernisation politique en Afrique : la prise en compte du contexte où se déploie la démocratie. La Guinée fait elle exception à la règle ? C'est ce qu'on allait vérifier dans l'expérience guinéenne. Cependant un coup d'oeil sur l'histoire politique de ce pays était nécessaire.

C'est pourquoi nous avions tenté de revenir à la Guinée sous l'administration coloniale. Cette période sera marquée par une politique d'assimilation française, un mode d'administration directe, un clientélisme accrus entre agents coloniaux et chefferies traditionnelles et même avec la population. De même un multipartisme naissant sur la base du régionaliste ethnocentrique sera à l'origine d'une certaine division que la lutte pour l'indépendance tentera taire. Par là nous découvrions les origines lointaines des maux qui assaillent la vie politique guinéenne. Et c'est sur ses bases qu'apparaissait le jeune Etat guinéen.

Dans le cadre de la première république, il était question de voir les raisons profondes internes du recours à l'ouverture. Ce premier régime sera conçu sous l'angle d'un régime fermé où le désir de la construction d'une nouvelle entité se confrontait à une fragilité interne marquée par l'état vulnérable de la Nation en édification, les faiblesses économiques et intellectuelles. Ces obstacles seront renforcés par les adversités externes perpétrer tant par la France ainsi que par certains Etats Africains voisins dont la Côte d'Ivoire et le Sénégal. C'est dans ce contexte qu'un système totalitaire, révolutionnaire et socialiste prit place. Un projet révolutionnaire dans une division idéologique des élites, chaque camp tirant vers lui le drap du nationalisme, allait conduire à un échec. Ainsi, bien que ce régime ait le mérite d'avoir tenter l'édification d'une société politique, économique et socioculturelle répondant à la réalité guinéenne, l'ignorance qui fut faite du contexte interne et international devait saper tous les efforts. C'est pourquoi sa fin sera marquée par une tentative de modération des ambitions révolutionnaires. Toutefois, le bilan qu'il laissait voir la continuation des mêmes pratiques héritées de la colonisation : la sévérité de la norme pénale et la multiplicité des arbitraire : les différents camps de détentions resteront les symboles de ces violations de doits humains, la corruption bien que sévèrement punie ne prit fin, la construction d'une Nation restait inachevée, les domaines économique et socioculturelle restaient aussi en dessous des attentes. Cependant il s'agissait, d'après Aly Badara Sylla, du bilan positif d'un échec.

Pourtant ce bilan sera à la base de l'ouverture guinéenne et plutard de la transition démocratique dont elle prit la forme. Ce qui découla de notre analyse lorsque nous devions aborder la démocratisation en Guinée, le noyau de notre travail.

En ce lieu, il conviendra de retenir, que contrairement aux expériences-modèles que nous avions étudiées, la démocratisation en Guinée est parti d'un désir de rupture totale avec un passé jugé dans sa totalité négative. Cet état d'esprit ne fut sans répercussions sur le projet d'ouverture. Ce dernier commence par la suppression de tous les symboles humains et matériels de ce passé. Ce départ trop moins réfléchi par son caractère militarisé nous a permis de comprendre comment le nouveau régime allait s'approprier des erreurs du passé et abandonner tout ce qu'il pouvait avoir de positif. A cela il faut ajouter le fait que la situation socioéconomique qui prévalait à cette période de sortie du système de parti unique, allait exposer le pays aux sévères conditionnalités démocratiques dont les premiers seront dures pour la population. Ainsi la démocratisation en Guinée était mal partie. Car tout en réanimant les tensions sociales, ce départ donnait à la junte militaire une certaine légitimité qui lui conduira à faire dos à sa promesse de remettre le pouvoir aux civils.

Ainsi cette transition sera marquée par la perpétuelle quête de suprématie du pouvoir militaire, les contestations toujours présentes d'une opposition morcelée et surtout régionaliste et ethnique. Une population absente dans le processus. Tout cela se traduisait par un bilan économique et social mitigé.

Mais malgré cette situation antidémocratique, le pouvoir milita ire ne cessait d'être renforcé par l'assistance des partenaires du Nord. Une assistance axée surtout sur le domaine économique que sur l'encouragement d'un processus de démocratisation dont ils s'étaient faits les défenseurs.

Cette prise au piège de la société guinéenne permettait ainsi de dire que cette interminable transition démocratique n'avait pas atteint ces objectifs au delà de toutes ces traces qu'elle laissait. Car, si la Guinée ne devenait pas une démocratie authentique à l'occidentale, elle avait posé quelques jalons dans le cadre de ce que l'on peut appeler : « une démocratie de façade» c'est-à-dire une démocratie plus institutionnelle que culturelle.

Face à ce résultat une évaluation et analyse critique de l'expérience guinéenne s'imposait. Ce fut le lieu de chercher à répondre à la question du pourquoi ce bilan (ci-dessus) de la transition démocratique en Guinée. Il s'agissait des raisons fondamentales de l'échec c'est-à-dire des questions dites premières auxquelles cette transition politique guinéenne se devrait d'abord de répondre, car leur impacts marquent toute l'évolution du processus : c'est la question du choc des idées politiques et celle de la Nation. C'est avec ces grandes leçons tirées de la première expérience guinéenne qu'une lecture de la nouvelle constitution fut réalisée. Mais là encore l'une des questions fondamentales semblait être toujours ignorée : celle des idées politiques ou de l'idéologie du texte. C'est-à-dire au nom de quelle culture politique les concepts sont-ils formés dans cette constitution ? Les futurs impacts seront certainement les difficultés de leur application sur une population marquées par une autre vision des choses.

A la lumière de toutes ces données il peut être dit sans doute que si la démocratie en soi est universelle et universalisable, force est de reconnaitre que les différentes interprétations qu'on lui donne ne sont autres que le reflet de réalités propres à ceux qui les conçoivent. Ceci étant la démocratie libérale ne peut être en soi la réponse à la question de la modernisation politique et socioéconomique de la Guinée sans une prise en compte véritable du contexte sociétal guinéen. C'est-à-dire une démocratie à la guinéenne. A ce titre l'ex-président iranien Mohammad Khatami affirmait : « la démocratie est un processus qui ne peut être créé par décret ni être imposé de l'extérieure. Elle doit se développer d'une façon endogène à l'intérieur de la société et se transformer en culture..... »169(*)

Ainsi, la recherche d'une voie nouvelle inspirée des sources culturelles africaines et de l'histoire politique guinéenne n'est-elle pas, en réalité, le chemin à suivre pour la construction d'une démocratie guinéenne durable et socle d'un développement socioéconomique harmonieux ? Aussi il ne faudrait-il pas se demander, qu'en est-il des chances d'aboutissement du nouveau processus ?

BIBLIOGRAPHIE-WEBOGRAPHIE

Pour atteindre nos objectifs dans ce travail, nous avons utilisées des ouvrages généraux sur la démocratie et la notion de transition ainsi que des ouvrages spécifiques sur la démocratisation en Afrique. Mais c'est surtout des articles tirés de célèbres revues qui nous ont aidés à réaliser ce mémoire. De même, certains sites internet nous auront facilités la tâche en permettant d'avoir accès à des informations actuelles. Ainsi cette bibliographie-webographie distinguera entre les ouvrages, les articles et les sites internet.

v Les ouvrages généraux et spécifiques

· ALAIN, le citoyen contre les pouvoirs, Paris, Ed. Du Sagittaire, 1926, p.148,

· AMEILLON, La Guinée : Bilan d'une Indépendance, Paris, 1964, Maspero, Coll. Cahiers libres, p. 205

· ALPHA CONDE, Guinée : Albanie d'Afrique ou néo-colonie américaine ? Paris, 1972, Editions Git le Coeur, p.270

· ACEPHIE VENISE DUBIQUE, les élections dans la transition démocratique en Haïti, 2001-2002 Mémoire de recherche, Université Lumière Lyon2, Ecole doctorale. p18

· BERNARD CHARLES, la république de Guinée, Paris, 1972, Berger Levrault, p.23

· BERNARD LOOTVOET, l'Afrique politique, 1996, Paris, éd. Karthala, p. 94, 89

· BERTRAND BADIE, le développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.190, 186

· FRANÇOIS CHATELET, OLIVIER DUHAMEL ET EVELINE PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p73, 74

· FRANCIS AKINDES, les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, Paris, éd. Karthala, p43, 123

· GIOVANNI SARTORI, Théorie de la démocratie, éd. Librairie Armand Colin, Paris

· IBRAHIMA BABA KAKE, Sékou Touré : Le Héros et le Tyran, Paris, 1987, JA Presses. Collection Jeune, Afrique Livres, Vol. 3. 254 pages

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· MAURICE JEANJEAN, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Paris, 2005, éd. Harmatan, p.232

· MADELEINE GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, éd. Dalloz, 1996, p377

· MAMADOU N'DIAYE, e-gouvernance et démocratie en Afrique : le Sénégal dans la mondialisation des pratiques, 2006, thèse de doctorat, p37.

· MALICK NDIAYE, L'éthique Ceddo et la société d'accaparement ou les conduites culturelles des Sénégalais d'aujourd'hui, tome 1, Le gorgui, type moyen de la société sénégalaise urbaine post-indépendante, Dakar, 1996, Presses Universitaires de Dakar, p. 148

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· www.laguineenne.com

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· www.diplomatie.gouv.fr

· www.afriquepluriel.ruwenzori.net

· www.dinemcb.e-monsite.com

TABLE DES MATIERES

Dédicace 2

Remerciements3

Plan général du mémoire..............................................................................4

Sigles et abréviations6

Introduction général8

PREMIERE PARTIE : DE L'ENCRAGE THEORICO-SCIENTIFIQUE ET HISTORIQUE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES A L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE........................................................... ..........15

Chapitre1 : Du cadre théorique et scientifique de la réflexion.............17

Section 1 : De l'encrage sémantico-historique du concept de transition....................................................................................18

Paragraphe1 : Du concept de transition : une construction marxiste....................................................................................19

I. De la Transition économique chez Marx...............................19

II. Du concept de transition politique chez Marx.......................20

Paragraphe2 : Du concept de transition démocratique comme renversement de la théorie marxiste..........................................22

I. De la notion de démocratie ................................................22

A. Essais de définition et origine de la démocratie..............22

1. Essais de définition...................................................22

2. De l'origine de la démocratie.....................................24

B. Les conceptions de la démocratie...................................27

1. Les conceptions antiques de la démocratie ...............27

2. La conception marxiste-léniniste..............................28

3. La conception libérale..............................................30

II. Du concept de transition démocratique .........................32

A. Les traits fondamentaux qui lient les deux concepts : transition démocratique et transition communiste.....33

1. La transition comme un stade historique de passage ressorti d'une nécessité historique........................33

2. Le caractère téléologique des concepts..................34

3. La généralisation d'un mode de production...........34

B. Les composantes sémantiques du concept de transition démocratique............................................................34

1. La démocratie et le Développement.......................35

2. La démocratie et les Droits de l'Homme.................38

Section 2 : Les Instruments théorique d'Analyse des mutations politiques et la problématique liée à leur importation (en Afrique)...........................................................39

Paragraphe1 : Les grands instruments théoriques d'analyse des transitions démocratiques..............................40

I. La Transitologie démocratique..................................40

A. Définition et méthode de la Transitologie...............40

B. Les conceptions et les modèles de la Transitologie...40

1. Les conceptions de la Transitologie.................42

2. Les modèles d'analyse des transitions.............44

II. La Consolidologie démocratique................................45

A. La Consolidologie selon Guilhot Nicolas et Philippes..............................................................46

B. La conception de la Consolidologie chez Leonardo Morlino................................................................46

C. La thèse O'Dolienne de la Consolidologie..............49

Paragraphe 2 : Les Schémas d'analyse à l'épreuve des controverses épistémologiques.............................49

I. De la critique des concepts transitologiques et consolidologiques.....................................................49

A. De la scientificité de la formulation des concepts..............................................................50

B. De l'exportabilité de ces concepts.........................51

II. De la question de la comparabilité des cas : la méthode en question......... ..........................................................52

Chapitre 2 : Des expériences sud européenne et latino américaine de démocratisation au contexte africain des pays francophones subsahariens: l'itinéraire d'une vague.53

Section 1 : Des pays sud européen et latino-américain dans la transition démocratique...........................................................54

Paragraphe 1 : L'expérience Sud européenne de démocratisation : le modèle espagnol...................................54

I. Une transition exemplaire érigée en modèle de Transition.................................................................55

II. Les critiques de l'expérience espagnole..................56

Paragraphe 2 : L'Amérique latine dans la transition démocratique : l'exemple chilien...........................................57

I. Les étapes de la transition démocratique chilienne.58

A. Le dépassement du passé dictatorial.................58

B. Le revirement de l'Armée et des partis de Droite.59

II. La consolidation de la transition chilienne..............60

Section 2 : L'Afrique noire francophone en transition pour la démocratie..............................................................61

Paragraphe 1 : Les causes et les enjeux de ce renouveau politique ................................................................62

I. Les causes de ces transitions démocratiques........62

A. Le nouvel ordre international et ses conséquences sur les relations Nord-Sud................................63

1. L'arrivée au pouvoir de Gorbatchev en Union soviétique....................................................63

2. Discours de la Baule de François Mitterrand...................................................64

3. Les conditionnalités démocratiques..............66

B. Les causes internes des transitions démocratiques en Afrique.................................68

1. La faillite des économies et des plans d'ajustement structurel................................68

2. La crise de légitimité de l'Etat .....................68

II. Les enjeux de ces transitions démocratiques .....71

A. Le défi de la culture démocratique ...............71

B. La question de la gouvernance comme enjeux de la démocratisation................................... 72

Paragraphe 2 : Les formes et les limites de cette démocratisation. ..........................................73

I. Les formes de ces transitions démocratiques......74

A. La transition par voie de conférence nationale........................................................74

B. La voie de l'évitement de conférence nationale........................................................75

C. La forme des transitions retardées..................75

D. La voie de la transition par coup d'Etat...........76

II. Les limites à l'acclimation démocratique en Afrique noire francophone...............................................77

A. La question de l'incompatibilité de certaines réalités socioculturelles africaines avec la démocratique libérale.....................................77

B. L'absence de culture politique africaine : les idées politiques................................80

Chapitre 3 : L'histoire politique de la Guinée (Conakry) : héritage colonial et émergence de l'état guinéen..........................................83

Section 1 : De la pénétration coloniale à la création de la Guinée française.....................................................................................84

Paragraphe 1 : Les impérialistes à la conquête de la Guinée.........................................................................85

Paragraphe2 : La proclamation de la colonie : Organisation et fonctionnement ..........................................................85

I. La proclamation de la colonie indépendante de Guinée : la Guinée française....................................87

II. Organisation et fonctionnement de la colonie française de Guinée.................................................................88

A. L'Organisation administrative de la colonie de Guinée.................................................................88

B. Le fonctionnement de l'administration coloniale..............................................................89

Section 2 : Du transfert du pouvoir colonial à l'Etat hérité.........90

Paragraphe 1 : Le transfert du pouvoir à l'élite locale : causes et acteurs.............................................................91

I. Les revendications sociales en Guinée ou le rôle des acteurs sociaux........................................................91

II. De la politisation de la contestation à la déclaration de l'indépendance : le rôle des partis politiques.............93

A. L'émergence des premières formations politiques guinéennes : la libération dans la division............93

B. De la recherche d'une dimension nationale à la proclamation de l'indépendance : la création de l'Etat guinéen ......................................................94

Paragraphe 2 : De l'Etat hérité : les caractéristiques de l'Etat postcolonial en Guinée ........................................97

I. Un Etat importé : ou la question de l'Etat-nation......98

II. Un Etat néo-patrimonial..........................................99

III. Etat autoritaire...................................................101

Conclusion partielle de la première partie......................102

DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE SILLAGE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES..........................................................105

Chapitre1 : Du système politique «fermé» en Guinée (1958-1989).106

Section 1 : La première république : des acteurs et un bilan.....107

Paragraphe1 : Des acteurs dans la nouvelle république : le parti-Etat guinéen et son idéologie (le PDG)...............108

I. Présentation du parti .............................................108

A. Les transformations du PDG après le 02 Octobre 1958................................................109

B. La structure, le fonctionnement et les fonctions......................................................109

II. L'idéologie et la nature du parti..............................113

A. L'idéologie du parti......................................113

B. La nature du Parti.......................................115

Paragraphe 2 : Le Bilan d'un « passage agité »................117

I. Le bilan sur le plan interne.....................................117

A. Dans le domaine politico-institutionnel..........117

1. Les réalisations sur le plan politico-institutionnel.............................................118

2. Les échecs et les dérives politico-institutionnels du régime.............................121

B. Dans les domaines économique et socioculturel..................................................125

1. Les réalisations sur les plans économique et socioculturel.............................................125

2. Les échecs et les dérives économiques et socioculturels............................................130

II. Le Bilan sur le plan international...........................133

A. Les rapports de la Guinée avec l'Afrique et la France.........................................................133

1. Les relations africaines de la Guinée : une championne du panafricanisme..............134

2. Les relations guinéo-françaises sous la première république................................135

B. Le reste du monde : l'Est, l'Ouest et le monde arabe ..........................................................136

1. Les relations de la Guinée avec les deux blocs : communiste et capitaliste.............136

2. Les relations avec le monde arabo-musulman..............................................138

Section 2 : La fin du premier régime et les débuts du règne militaire : une transition ?..........................................139

Paragraphe 1 : La mort de Sékou Touré et l'avènement du pouvoir militaire.........................................................140

I. La mort d'Ahmed Sékou Touré : un contexte politique important ..............................................................141

II. La prise du pouvoir par l'armée : pour quelle raison ?..................................................................141

Paragraphe 2 : De la période transitoire à la démocratisation : quel départ ? .........................................................142

I. Les décisions à caractère général............................142

II. La phase transitoire et le renforcement des militaires du pouvoir..............................................................143

Chapitre2 : Les années 90 ou « l'ouverture » du système politique guinéen : une marche vers l'Etat de droit............................................145

Section 1 : Les acteurs de la démocratisation et les principaux axes de réformes................................................................146

Paragraphe1 : Les acteurs de la démocratisation en Guinée....................................................................146

I. Les acteurs internes................................................146

A. L'armée guinéenne et la transition démocratique.....................................................146

B. Les partis politiques et la société civile dans la transition démocratique guinéenne....................147

II. Les acteurs externes de la démocratisation............149

Paragraphe 2 : Les principaux axes de réformes : l'instauration de la démocratie libérale et la libéralisation de l'économie..............................................................151

I. Les réformes politico-institutionnelles et juridiques.151

A. Sur le plan politico-institutionnel.......................151

B. Dans le cadre juridique......................................152

II. Les réformes économiques et socioculturelles.........153

A. Les réformes économiques..................................153

B. Les réformes socioculturelles..............................154

Section 2 : Du lendemain des réformes démocratiques ou le bilan du système d'ouverture : la consolidation ?........................155

Paragraphe 1 : Des lueurs d'ouverture comme signes de rupture : les réalisations.............................................156

I. Les réalisations sur les plans politique et juridique.................................................................156

II. Les réalisations sur les plans économique, social et culturel...................................................................161

Paragraphe 2 : Des échecs et les dérives : une ouverture de façade.........................................................................164

I. En matière politique, de justice et de Droits de l'Homme.................................................................164

II. Dans les domaines économique et socioculturel......168

Chapitre 3 : Evaluation et analyse critique de l'expérience guinéenne de démocratisation ...............................................172

Section 1 : Les grandes leçons de l'expérience guinéenne : les raisons fondamentales d'un échec.............................................174

Paragraphe 1 : Des raisons selon la philosophie politique : le choc des idées politiques................................................174

Paragraphe 2 : Des raisons selon Sociologie politique et la transitologie...................................................................177

Section 2 : La lecture de la nouvelle constitution......................181

Paragraphe 1 : Une constitution à la lumière du passé......182

Paragraphe 2 : La persistance des problèmes fondamentaux................................................................184

Conclusion partielle de la deuxième partie.....................187

Conclusion générale...............................................................................189

Bibliographie Webographie.....................................................................194

Table des matières.................................................................................198

Gloire à Allah !

* 1 http://www.dd-rd.ca/site/_PDF/publications/afrique/Conf-Maroc-fr.pdf

* 2 Les grands axes du discours-programme du 22 Décembre 1985. Son application et les nouvelles orientations (http://www.webguinee.net/lansana_conte/discprog.html)

* 3 http://exchoresis.refer.ga/article.php3?id_article=47

* 4 La fin de l'histoire est une philosophie largement développée par Hegel l'empruntant aux lumières. Cette philosophie vise cherche à rendre compte de l'évolution de la raison. Et le point culminant de cette évolution serait selon Hegel cet avènement de la démocratie comme seule forme de gouvernement pour l'humanité. La démocratie étant conçue dans ce sens comme le mode gouvernement qui privilégie la raison. Il s'agit du régime de la raison en action. C'est cette philosophie qui sera reprise par Fukuyama pour affirmer que la démocratie libérale était donc cette démocratie longtemps évoquée par Hegel et les Lumières. Ce la intervient dans un contexte où le communisme est en effondrement et l'occident ne voit plus d'autres idéologies essentiellement concurrente. Mais Huntington la réfutera fortement en annonçant le conflit des civilisations ou the clash of civilisation.

* 5 La nature de ce thème nous oblige de consacrer un travail important aux différents instruments d'analyse d'ordre conceptuel et théorique.

* 6 Samuel HUNTINGTON, Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, p1

* 7 Cela suppose évidemment qu'il ya eu une première et deuxième vague de démocratisation. Cela est développé par HUNTINGTON dans son célèbre ouvrage évoqué dans la référence 1. Dans cet ouvrage, il rappel que la première vague fut celle déclenchée par la révolution française et américaine au XVIIIe siècle. Quant à la seconde, elle naitra à la fin de la seconde mondiale avec la victoire allié qui établira la démocratie en Allemagne de l'ouest, en Italie, au japon et Corée du sud.....

* 8 Ainsi qualifié par le journalisme occidental, il s'agit des Soulèvements populaires dans le monde arabe depuis le 25 Janvier 2011, partis de la Tunisie avec le renversement du président Ben Ali, passant par l'Egypte pour se propager dans le reste des pays du Maghreb et de la péninsule arabique.

* 9 Mamadou NDIAYE, E-GOUVERNANCE ET DÉMOCRATIE EN AFRIQUE : LE SÉNÉGAL DANS LA MONDIALISATION DES PRATIQUES, Thèse pour le Doctorat en Sciences de l'Information et de la Communication, Université de Bordeaux, 2006, p17

* 10 Alain, le citoyen contre les pouvoirs, Paris, Ed. Du Sagittaire, 1926, p.148.

* 11 M. Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, éd. Dalloz, 1996, p22

* 12 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, éd. Dalloz, 1996, p377

* 13 Le Larousse 2009

* 14

http://multitudes.samizdat.net/La science politique et la transition démocratique à l'Est.

* 15 Timothée NGAKOUTOU, Les limites de la démocratie subsaharienne, éd. Etudes Africaines

* 16 François Châtelet, Olivier Duhamel, Evelyne Pisier-Kouchner, Histoire des idées politiques, 1982, éd. presse universitaire de France, p142.

* 17 Ana Saldanha, « Révolution des OEillets : transition sociopolitique et démocratisation au Portugal », ILCEA, 13 | 2010 , [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL : http://ilcea.revues.org/index872.html. Consulté le 12 mai 2011.

* 18 Ce système peut se comprendre mieux en faisant recours au marxisme-léninisme

* 19 Giovanni SARTORI, Théorie de la démocratie, éd. Librairie Armand Colin, Paris

* 20 Ibid.

* 21 L'évolution des relations politiques depuis 1750, Paris, presse universitaire de France, 1950, p138.

* 22En effet, par crainte de la confiscation de la souveraineté du peuple, Rousseau proposait le système de mandat où il n'y aurait pas de représentants du peuple mais des mandataires. Cependant, précisera que de tel système ne peut être concevable que dans les petits Etats.

* 23 L'empire mandéen de Soundjata Kéita fondé sur l'Historique charte de kurukan fouga au 13ème siècle.

* 24Www. wikipedia.fr : l'histoire de la démocratie.

* 25 Ostwald Martin. La Démocratie athénienne. In: Métis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 7, n°1-2,1992.pp.7-24.Doi:10.3406/métis.1992.975 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1992_num_7_1_975

* 26 Pratique qui visait le bannissement d'un citoyen.

* 27 Ibid.20

* 28 Les femmes et les esclaves et étrangers n'étaient-ils pas exclus ou quasi absents de la société.

* 29 L'exemple du bannissement en est un cas concret ou la mort injuste de Socrate tant déplorée par Platon (La politique)

* 30 Giovanni SARTORRI, p199.

* 31 Ibid. p208

* 32 François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p8.

* 33 Giovanni SARTORRI/ Théorie de la démocratie : Expression prise dans le manifeste du parti communiste par Lénine (l'Etat et la révolution, chapitre II, 1, (Moscou, éd. langues étrangères)

* 34Ibid. p326.

* 35 Colas Dominique. La dictature démocratique et la démocratie populaire. Oxymore et pléonasme dans les usages de démocratie, chez quelques marxistes. In: Mots, juin 1999, N°59. pp. 27-46. doi : 10.3406/mots.1999.2546 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_59_1_2546

* 36 Thèse fortement défendue par Benjamin Constans (François CHATELET, Olivier DUHAMEL et Eveline PISIER-KOUCHNER, Histoire des idées politiques, Paris, 1982, éd. presse universitaire de France, p73, 74.

* 37 Dans ces travaux SHUMPETER critiquait la vision que les anciens avaient de la démocratie en la définissant par la source (volonté du peuple), et par le but (le bien commun)

* 38 Samuel HUNTINGTON, Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, p6,

* 39 Ibid. p7

* 40 Acéphie Venise DUBIQUE, LES ELECTIONS DANS LA TRANSITION DEMOCRATIQUE EN HAITI, 2001-2002 Mémoire de recherche, Université Lumière Lyon2, Ecole doctorale. p18

* 41 http://multitudes.samizdat.net/La science politique et la transition démocratique à l'Est

 

* 42 Marchesin Philippe. Démocratie et développement. In: Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°179. pp.487-513.doi :10.3406/tiers.2004.5507 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_12938882_2004_num_45_179_5507

* 43 Ibid. p 488

* 44 World Bank Research Paper Series, n° 2196, September 1999, http://www.worldbank

* 45 19 Morton Halperin, Joseph Siegle et Michael Weinstein, The Democracy Advantage: How Democracies Prom

* 46 Article publié dans son cite en Janvier 1998.

* 47 Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture rétrospective des democratization studies. In: Revue française de science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi : 10.3406/rfsp.2000.395500. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500

* 48 Mamadou GAZIBO, la démarche comparative binaire : éléments Méthodologiques a partir d'une analyse De trajectoires contrastées de démocratisation, revue internationale de politique comparée, vol. 9, n 3, 2002 427

* 49 La comparaison des régimes politiques a été fortement pratiquée par Aristote.

* 50 Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture rétrospective des democratization studies. In: Revue française de science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi : 10.3406/rfsp.2000.395500

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500

* 51 Ibid. p619

* 52 Ibid. p620

* 53 Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, n 2, 2001, p248

* 54 Léonardo MORLINO, Consolidation démocratique : La théorie de l'ancrage, Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, n2, 2001, p265

* 55 Comparative Perspectives from Southern Europe, Latin America and Eastern Europe, Brookfield, VT, Dartmouth Publishing Co., 1995. . O'DONNELL G., op. Cit. 1996.

* 56

La science politique et la transition démocratique à l'Est mercredi, 7 janvier 2004 Guilhot, Nicolas

http://multitudes.samizdat. net/, p1

 
 

* 57 Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 9, n° 3, 2002, p431

* 58 Samuel HUNTINGTON, Troisième vague (les démocratisations de la fin du XXe siècle), 1996, éd. Nouveaux horizons, préface.

* 59 wikipédia.fr : la transition démocratique espagnole.

* 60 Christian Demange, « La Transition espagnole : grands récits et état de la question historiographique », ILCEA, 13 | 2010, [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL : http://ilcea.revues.org/index874.html. Consulté le 14 avril 2011

* 61 Selon son indice de développement humain qui est de 0,895

* 62 Nicolas Prognon, « Le Chili, une transition vers la démocratie aboutie ? », ILCEA, 13 | 2010, [En ligne], mis en ligne le 30 novembre 2010. URL : http://ilcea.revues.org/index907.html. Consulté le 11 juin 2011. (p7)

* 63 Ibid. p9

* 64 Francis Akindés, les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, 1996, Paris, éd. Karthala, p14

* 65 www.rfi.fr, discours de François Mitterrand à la Baule en 1990.

* 66 Mamadou N'DIAYE, thèse de doctorat, e-gouvernance et démocratie en Afrique : le Sénégal dans la mondialisation des pratiques, p36 (M. Fau-Nougaret, La conditionnalité démocratique..., op. cit, p. 7).

* 67 Discours de François Mitterrand à La Baule, 20 juin 1990, in Politique étrangère de la France, Mai-Juin 1990, p. 130.

* 68 Mamadou N'DIAYE, thèse de doctorat, e-gouvernance et démocratie en Afrique : le Sénégal dans la mondialisation des pratiques, p37.

* 69 Francis Akindés, les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, 1996, Paris, éd. Karthala, p123.

* 70 Conférence mondiale de l'Unesco à Mexico en 1982.

* 71 Francis Akindés, les mirages de la démocratie en Afrique subsaharienne francophone, 1996, Paris, éd. Karthala, p43.

* 72 Malick Ndiaye, L'éthique Ceddo et la société d'accaparement ou les conduites culturelles des Sénégalais d'aujourd'hui, tome 1, Le gorgui, type moyen de la société sénégalaise urbaine post-indépendante, Presses

Universitaires de Dakar, 1996, p. 148.

* 73 Maurice Houis, Ancien Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) en Guinée, La Guinée Française, éd. Maritimes et Coloniales. 1953. p.95 (depuis le site-bibliothèque guinéenne www.webguinee.net).

* 74 En 1946, pour le salarier qui pouvait obtenir 46 francs par jour, il ne pouvait se doter que de huit kilogramme de riz. Cinq plutard il ne pouvait acheter que cinq kilogramme de riz. (Alpha Condé
Guinée : Albanie d'Afrique ou néo-colonie américaine ?
Paris. Editions Git le Coeur. 1972. p.270)

* 75 Ibid.

* 76 R. Schachter Morgenthau, le multipartisme en Afrique de l'Ouest francophone, paris, années 60, éd. Harmattan, p.239-276.

* 77 Cette pratique continua de façon variante. Comme ce fut le cas en 1946 où les jeunes de la basse Guinée soutinrent le candidat peulh, et en 1953 l'Union mandé fit autant. En 1951, l'AGV, en abandonnant Yacine Diallo va soutenir Mamba Sano de la forêt.

* 78 Le multipartisme en Afrique de l'Ouest francophone, paris, années 60, éd. Harmattan, p.246

* 79 Ibid. p.247

* 80 Colloque sur «L'Histoire du Mouvement syndical africain» tenu le 6 décembre 1982 à Conakry.

* 81 Roger-Gérard Schwartzenberg, sociologie politique, 1991, paris, éd. Montchrestien, p. 235.

* 82 René Dumont

* 83 Bertrand Badie, le développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.186

* 84 Bertrand Badie, le développement politique, 1988, Paris, éd. Economica, p.190

* 85 Jean Suret-Canale, Notes sur l'économie guinéenne, Recherches africaines. Conakry. Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68

* 86 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 87 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

* 88 Ibid. P.328

* 89 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 90 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

91 Ibid. P.322

* 92 Ibid. p.323

* 93 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 94 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

95 Ibid. P.315 (le journal La Liberté, 4 mars 1959).

* 96 B. Charles, la république de Guinée, Paris, 1972, Berger Levrault, p.23

* 97 Principe de la démocratie américaine (Lincoln)

* 98 1. Horoya (journal guinéen de l'indépendance), 1-7 mai 1977

* 99 Ibrahima Baba Kaké, Sékou Touré : Le Héros et le Tyran, Paris, 1987, JA Presses.

Collection Jeune Afrique Livres. Vol. 3. 254 pages

* 100 Les deux autres piliers étant le parti-Etat et le fier peuple (www.oumar-toure.com)

* 101 Maurice Jeanjean Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmatan. Paris. 2005. 232 pages

* 102 Dossier No. 1. Les détenus politiques 1970-1971

* 103 Lieutenant-colonel Camara Kaba 41, Dans la Guinée de Sékou Touré : cela a bien eu lieu. Paris, L'Harmattan. 1998. Mémoires Africaines. 253 pages

* 104 Jean Suret-Canale, Notes sur l'économie guinéenne, Recherches africaines. Conakry. Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68.

* 105 www.oumartoure.com

* 106 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmatan. Paris. 2005. 232 pages

* 107 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmatan. Paris. 2005. 232 pages

* 108 Sylla Ali Badara. La politique linguistique de la Guinée de 1966 à 1984. In: Mots, septembre 1997, N°52. pp. 144-151. doi : 10.3406/mots.1997.2472 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1997_num_52_1_2472

* 109 Ameillon, La Guinée : Bilan d'une Indépendance, Paris, Maspero, Coll. Cahiers libres, 1964. 205 pages

* 110 Ibid.

* 111 http://www.omar-toure.com/tou_2-3-3_independance.php

* 112 Fischer Georges. L'indépendance de la Guinée et les accords franco-guinéens. In: Annuaire français de droit international, volume 4, 1958. pp. 711-722. doi : 10.3406/afdi.1958.1410

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_0066-3085_1958_num_4_1_1410

* 113 http://www.omar-toure.com/tou_2-6-2_puissances-socialistes.php

* 114 http://www.omar-toure.com/tou_2-6-1_puissances-occidentales.php

* 115 Selon cette loi en sociologie politique, tout système à une naissance, un état de maturité après quoi il devra tomber.

* 116«  Nous avons toujours respecté les Droits de l'Homme. Et je crois que la démocratie guinéenne est en avance sur la plupart des démocraties en Europe » Ahmed Sékou Touré à un journaliste d'Atenne2, Août 1982 (Maurice Jeanjean Sékou Touré: un totalitarisme africain, éd. l'Harmatan, Paris, 2005, p.232)

* 117 Discours-programme du 22 Décembre 1985.

* 118 La possibilité de créer les partis politiques sans limiter leur nombre.

* 119 MAMADI N'SAMARY CONDÉ, http://democratie.francophonie.org/IMG/bamako.378.pdf

* 120 B.Lootvoet, l'Afrique politique : démocratisation : arrêt sur image, 1996, Paris, éd. Karthala p. 89

* 121 http://www.idh-benin.org/communications/Alioune-TINE-Societe-civile-alternance.pdf, p.5

* 122 Ibid. p.5

* 123 http://afriquepluriel.ruwenzori.net/guinresume.htm

* 124 http://dinemcb.e-monsite.com/rubrique,lansana-conte-1984-2008,1180967.html

* 125 Mais ces actions seront insuffisantes au regard des attentes.

* 126 http://afriquepluriel.ruwenzori.net/guinresume.htm

* 127 http://www.cgt.fr/IMG/pdf_doc_guinee07.pdf

* 128 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF

* 129 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/article_imprim.php3?id_article=50153

* 130 Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

* 131 A ce propos Sékou Touré rendait hommage à la femme guinéenne dans un discours où il déclarait : « Tour à tour farouches militantes, propagandistes ferventes, soutiens matériels et moraux de leur frères et de leurs maris plus directement exposés à la répression coloniale, les femmes de Guinée ont pris une part importante à la lutte de libération nationale ». Thèse de Doctorat : « changement culturel et développement social : la nouvelle place de la femme en Guinée»

* 132 Ibid.

* 133 Mamadou Oury Diallo, la Guinée, le retour des grands empire, Publication électronique du : 28 septembre 2010, sur « http://www.guinee-plurielle.com/pages/16_Guinee_le_retour_des_grands_empires_-3764850.html », p.49

* 134 Ibid. p.49

* 135 Ibid. p.49

* 136 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF

* 137 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/ADF-BD-WP-2005-75-FR-GUINEE-DSPAR-2005-20091.PDF

* 138 Et par ce fait, les militaires bafouaient la promesse faite au peuple d'assurer juste la transition, donner le pouvoir au civil et retourner dans les cavernes.

* 139 http://fr.allafrica.com/stories/200311190200.html

* 140 Les grèves générales de 2007.

* 141 Bernard Lootvoet, l'Afrique politique, 1996, Paris, éd. Karthala, p. 94

* 142 Ibid. p98

* 143 L'article 81 de la constitution de 1990, et la loi L/91/011 du 23 décembre 1991 qui déclare en son article 9 que les magistrats du siège sont inamovibles, même par voie d'avancement.

* 144 La Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme. N°386, Avril 2004

* 145 http://www.guinea-dyama.com/analyse_blocage.html

* 146 Le FIDH (cité plus haut)

* 147 Aussi il faut révéler qu'à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), des menaces ont été proférées contre des syndicalistes de l'USTG, suite à la grève menée début mars 2003 par 600 des 1400 ouvriers de la CBG.

* 148 5% en moyenne entre 1986 et 1988

* 149 A ce sujet, un audit de la Banque mondiale révélait en 1991 l'existence de plus de 5000 fonctionnaires fictifs.

* 150 Car en 2001, le président Lansana Conté faisait réviser la constitution pour s'offrir la faculté de briguer de façon illimitée d'autres mandats.

* 151 Selon le rapport de la Banque Africaine de développement en 2004, la moyenne de cette émission était de 37%

* 152 Dans le cadre du fond koweitien, un fond que ce pays aurait offert à la Guinée à cause des attaques rebelles qu'elle aurait subi en Septembre 2001

* 153 Rapport du fonds Africain de développement, République de Guinée, Juin2005

* 154 Ibid.

* 155 Une dette estimée en 2003 entre 2,2milliards de dollars US ou 3milliards si l'on ajoute la part de la Russie.

* 156 De la langue soussou du président Conté et qui signifie : «on s'en fou »

* 157 Sous-groupe malinké basé en guinée forestière.

* 158 Ainsi dans le secteur éducatif guinéen il n'est pas difficile de se faire une note ou un diplôme à travers le paiement de sommes modiques.

* 159 Ministre de l'Education du premier gouvernement d'Alpha Condé.

* 160 Ce sont les guerres civiles du Libéria et de la Sierra Leone (déjà) et les récents conflits en Côte d'Ivoire.

* 161

* 162 Du désordre total.

* 163, Touré Sékou, L'action politique du Parti démocratique de Guinée pour l'émancipation africaine, tome 3, Conakry, Imprimerie du gouvernement, 1959, p. 262.

* 164 Mamadou Oury Diallo, la Guinée, le retour des grands empire, Publication électronique du : 28 septembre 2010, sur « http://www.guinee-plurielle.com/pages/16_Guinee_le_retour_des_grands_empires

* 165 L'abolition des chefferies traditionnelles s'inscrivait dans cette politique.

* 166 La promotion de toutes les langues nationales

* 167La constitution du 19 Avril 2010 (http://www.laguineenne.com/index.php?option=com_content&view=article&id=195:la-nouvelle-constitution-guineenne&catid=39:politique&Itemid=59)

* 168 Mwayila Tshiyembe, Etat multinational et démocratie africaine, Sociologie de la renaissance politique, 2002, éd. Harmattan.

* 169 Président Khatami à prince Charles, Téhéran, le 2/2/2004 (http://khayyami.free.fr/francais/citations.html).






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery