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Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )

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par Oumar KOUROUMA
Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010
  

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DEUXIEME PARTIE : LA GUINEE (CONAKRY) DANS LE SILLAGE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUES.

....La liberté est une ascèse......

Edgard Pisani

En Guinée, c'est après l'historique « Non » du 28 Septembre 1958 que naquit première république. Par cet acte courageux, les guinéens donnaient naissance au premier Etat indépendant d'Afrique noire francophone. Mais au-delà de tout cela, c'était un appelle à la liberté et à la restauration de la dignité humaine. Ces deux principes qui fondent toute entité démocratique s'affichaient désormais à l'horizon du nouvel itinéraire de ce peuple comme lumière devant le conduire. Ainsi, il s'annonçait que la démocratisation en tant que quête de liberté, de justice et de bien être n'est pas un fait nouveau dans ce pays. Toutefois il faut reconnaitre que dans les années 90, cette démocratie ne concernait plus toute démocratie mais un modèle bien défini tel déclaré par Mitterrand à la Baule. Mais réaliser cet idéal est un parcours jalonné d'épines comme nous le fait comprendre l'affirmation d'Edgard Pisani. Cela est d'autant vrai que sous la première république, le peuple de Guinée paiera cher le coût de son choix de l'autodétermination. Cette république transformée en une dictature populaire révolutionnaire dura plus de deux décennies, avant de disparaitre en 1984 avec celui qui l'incarna le plus : le président Ahmed Sékou Touré. C'est face aux conséquences de ce régime et le contexte international obligeant que la Guinée emprunta le nouveau chemin de la démocratie libérale dans les années 90.

Ceci étant, il convient de souligner que cette présente analyse vise à décrire avant toute évaluation critique (chapitre3) le parcours guinéen vers la réalisation de cette nouvelle démocratie (chapitre2). Mais avant il sera important de se pencher d'abord sur la première république guinéen (chapitre1) afin de rendre compte de la logique qui fonde toute transition démocratique : le passage d'un régime fermé vers un régime ouvert.

CHAPITRE1 : DU SYSTEME POLITIQUE «FERME» EN GUINEE (1958-1989)

« Le courage coûte cher : mais à terme, seul le courage paie »85(*)

Jean Suret-Canale.

En accédant à l'indépendance le 2 Octobre 1958, la Guinée prenait en main son destin. Cette dernière expression n'est pas vide de contenu, en ce sens qu'elle signifiait « faire face aux grands défis ». Ces grands défis auxquels le jeune Etat devait faire face étaient à la fois internes et externes. Sur le plan interne, se dressait la question de l'autogouvernement qui se traduit en défi de gouvernement politique, de gestion administrative, de développement socioéconomique et culturel mais surtout de révolution des mentalités (au sens d'un changement des mentalités). Et, sur le plan externe, le jeune Etat se donnait le devoir d'entreprendre la décolonisation de toute l'Afrique. C'est en ce sens, qu'Ahmed Sékou Touré déclarait que l'indépendance de la Guinée ne pouvait être effective que si toute l'Afrique l'était aussi. Ainsi, relever ces défis demandaient l'intervention d'acteurs multiples et la réalisation diverses actions. Ces dernières devaient être évaluées à la disparition du régime à partir de 1984 : le bilan. (Section1).

Cette dernière date qui est précisément le 26 Mars 1984 marquait le décès du premier président de la première république, Sékou Touré; et ouvrait une longue page de transition (Section2) dirigée par l'armée qui vint au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat en Avril 1984.

Tout comme les vingt-six ans de la première république, la période de la transition ne sera pas encore une véritable ouverture. C'est pourquoi dans ce premier chapitre, nous serons conduits à exposer ces deux périodes importantes qui semblent avoir conditionnée la démocratisation en Guinée.

Mais avant d'entamer cette analyse, il conviendra de préciser que l'usage du terme « fermé » entre guillemet répond à la nécessité d'objectivité qui doit encadrer la conduite de ce travail. Car, dans la littérature courante des auteurs occidentaux, de nombreux termes sont utilisés dans les études et mais dans une logique très subjectiviste comme cela est dénoncé par Akindés. Ainsi ces termes « fermé » « dictature » ou autre visent tout simplement à opposer les systèmes occidentaux, meilleur, aux autres systèmes dits médiocres. Cependant, si l'on change de camp, c'est-à dire du côté des démocraties populaires, ces régimes sont aussi des démocraties et les systèmes occidentaux y sont perçus comme des systèmes d'exploitation.

Nonobstant, ces derniers systèmes restent les modèles de références dans cette présente étude.

SECTION1 : LA PREMIERE REPUBLIQUE : DES ACTEURS ET UN BILAN

La vie politique de la Guinée sous la première république a été l'une des plus agitées du continent. Cela était d'autant prévisible au regard du contexte national et international qui prévalaient. Parler de cette vie politique ne peut se faire que par la mise en exergue des principaux acteurs qui l'ont marquée par leurs actions (paragraphe1). Une telle analyse ne peut être complète que par une mise en lumière du bilan de ces actions (paragraphe2).

PARAGRAPHE 1 : DES ACTEURS DANS LA NOUVELLE REPUBLIQUE : le parti- Etat guinéen et son idéologie  (le PDG)

Les acteurs d'une vie politique peuvent être conçus comme ces institutions politiques ou non qui interagissent dans cette sphère. La présence de ces acteurs, il faut le dire, résulte de leur capacité à influencer sur la conduite de cet espace. En s'inscrivant dans cette logique, nous pouvons avancer d'embler que le seul et principal acteur de la vie politique guinéenne sous la première république ne pouvait être que le parti unique ou le parti-Etat. Si de telle considération se révèle restrictive, elle a pourtant le mérite de caractériser ce régime qui fusionna toutes les institutions de l'Etat (gouvernement, administration, peuple....) dans un seul corps : le parti.

En affirmant que le parti était « la pensée collective du peuple» et ceci à « son niveau le plus élevé et dans sa forme la plus complète », aussi qu'il était le« dépositaire et le gardien de la volonté du peuple », Sékou Touré définissait en quelques mots ce qui devait être le parti-Etat guinéen, le PDG ou parti démocratique guinéen. Mais pour mieux connaitre ce parti, il convient de le présenter en premier lieu (I) avant de toucher l'idéologie qui le guide (II).

I. PRESENTATION DU PARTI

Bien que nous ayons donné déjà quelques idées sur le parti dans le cadre des luttes de libération, il convient de souligner cette première ne concernait qu'un parti politique parmi tant d'autres, par contre la présente réflexion vise à parler d'une autre étape de sa vie c'est-à dire entant qu'instrument de gouvernement dans le nouvel Etat. C'est pourquoi nous n'allons plus revenir à son histoire et à son évolution d'avant l'indépendance mais il s'agira d'évoquer ses transformations après le 2 Octobre 1958 (A), et, sa structure, ses fonctions et son fonctionnement (B).

A. LES TRANSFORMATIONS DU PDG APRES LE 2 OCTOBRE 1958 :

A la proclamation de l'indépendance, le PDG, se présentait comme la seule force politique légitimement représentative de tout le peuple de Guinée. Cette idée sera à la base de tous les changements qui interviendront dans son statut.

En revenant un peu en arrière, à la veille du 28 Septembre 1958, se tenait du 7 au 8 Juin 1958 le 4ème congrès du parti qui devait poser les jalons de ces réformes qu'il allait connaitre. Comme décision retenue dans ce congrès, nous pouvons citer la proclamation de la prééminence du parti sur tout l'Etat colonial encore présent et sur toute sa structure administrative. Ce congrès sera suivi d'un 5ème en 1959 à Conakry. Ce dernier congrès se fixera comme objectif de renforcer le pouvoir et l'autorité du parti afin de consacrer sa suprématie. Cet objectif sera en partie atteint lors du 8ème congrès qui se tiendra aussi à Conakry le 2 Octobre 1967. C'est au cours de ce rassemblement que le parti mettra en place le pouvoir révolutionnaire local et le centre d'éducation révolutionnaire. Il est aussi créé un comité central du parti coiffé par le Bureau du Parti. Dans le même contexte, tous les mouvements périphériques sont intégrés au parti. Ce sont la JRDA (la jeunesse révolutionnaire démocratique africaine, la CNTG (la Confédération nationale des travailleurs de Guinée) et le Mouvement des Femmes. Enfin le secrétaire général est en même tant président de la république (malgré les oppositions face à ce cumul de fonction), désigné Responsable suprême de la révolution. Le dernier de ces congrès s'est tenu en 1983 à Conakry. Il consacra à un degré véritable le statut de Parti-Etat. Et c'est lors de ce congrès, le dernier bien sûr, que le président, secrétaire général du parti, critiqua les cadres du parti avant de souligner que le rôle du Parti était de « de socialiser véritablement les moyens de production et non de les étatiser»86(*).

Cela dit, il convient d'exposer la structure et les fonctions du parti.

B. LA STRUCTURE, LE FONCTIONNEMENT ET LES FONCTIONS

D'après R. Schachter Morgenthau, la bonne organisation du PDG en Guinée, lui a permis de brader toutes les barrières que posaient l'administration coloniale et les chefs traditionnels. Ainsi décrite, cette structure connaitra une forte évolution au fil à mesure que le parti devenait important. Cependant, certaines lignes de base resteront toujours maintenues. Ainsi selon Maurice Jeanjean l'organisation du parti était effectuée de la manière suivante :

· 3 organismes de base :

o au niveau du quartier, du village, de l'unité de production, se trouve le Comité de base du Parti.

o au niveau de l'arrondissement, on parle de la Section

o au niveau de la région, la Fédération

· 8 instances de décision

o au niveau du Comité de base :

§ l'assemblée générale hebdomadaire

o au niveau de la section :

§ la Conférence de la Section

§ le Congrès de la Section

o au niveau de la Fédération :

§ la Conférence fédérale

§ le Congrès fédéral

o au niveau de la Nation :

§ le Conseil National de la Révolution

§ le Congrès national

§ le Comité central

· 4 organismes dirigeants :

o le Bureau du Comité de base 10 membres, élu pour 1 an

o le Comité directeur de la Section 13 membres dont le commandant d'arrondissement, élu pour 2 ans

o le Bureau fédéral de 10 membres dont le Gouverneur de Région, élu pour 3 ans

o le BPN de 7 membres, élu pour 4 ans

La structure ainsi connue, on se demande comment elle fonctionne ?

Pour répondre à cette question, il convient de se référer à l'article publié par Bernard Charles dans la revue française de science politique en 196287(*).

En effet, la logique de fonctionnement du PDG, est que les organismes de décisions produisent des décisions sur la base du principe de l'Unanimité et à défaut sur celui de la majorité. Ces décisions sont mises en oeuvres par les instances dirigeantes ou les organes exécutifs. Ces organes s'identifient par leur caractère collégial.

Dans la pensée révolutionnaire du parti, les organes de base constituent le sommet du pouvoir en matière d'initiative, de décision et de contrôle. C'est pour cette raison d'ailleurs que Sékou Touré déclarait à la mairie de Paris, à l'occasion du rétablissement des relations franco-guinéennes, que la « Guinée était une démocratie plus avancée que certaine démocratie en Europe». Dans la même pensée de fonctionnement la direction nationale du parti constitue l'échelon de base sur lequel s'exerce le contrôle de tous les autres échelons. Ainsi les structures du parti ont le double caractère : « horizontal, incarné par les organismes de base ; vertical, incarné par les organismes de direction.

Ainsi, le Bureau politique national (BPN) se trouve investi de la fonction de mise en application des politiques arrêtées par la conférence et contrôle leur exécution par les organes d'exécution d'hiérarchie inférieure qui l'adressent un rapport de leurs activités. Ces instances inférieures reçoivent des délégations du BPN. Ces délégations sont souvent composées d'inspecteurs, de députés, d'ambassadeurs etc....C'est à la suite de ces missions qu'une liste est établit par le BPN pour récompenser les organismes ayant réalisé de bon résultat.

En outre il faut souligner que deux principes importants guident le fonctionnement du parti. Ce sont : le centralisme démocratique et la dictature et la discipline. Pour ce premier, il est conçu par Sékou Touré comme «l'acceptation obligatoire des décisions prises par les organismes supérieurs»88(*). Il s'agit d'un principe intangible de fonctionnement du PDG car ce parti qui s'identifie au peuple se doit d'être organisé et proche du peuple. Et pour cela, de tel principe est d'une très grande importance car il permet de maintenir le contact avec la masse militante et de diriger son action. Il est démocratique pour deux raisons : d'une part par le fait que toutes les décisions émanent des instances de décision qui regroupes tous les militants à tous les niveaux et d'autre part par ce que les dirigeants sont élus directement par les militants.

Pour le second principe, la dictature et la discipline, corolaires du premier principe, un parti aussi structuré que PDG demande une grande discipline de ces membres du sommet à la base. Et pour ce faire des sanctions y sont mises en place allant du blâme (simple ou public) à la suspension temporaire, la destitution de fonction ou l'exclusion. L'incapacité provisoire peut être parfois prononcée contre une personne pour détournement, vol, trahison, déviationnisme. Parfois les sanctions peuvent très sévères touchant la peine capitale comme en Septembre 1959 dans la ville de Kindia.

Si tel est le fonctionnement de la structure, il faut dire que cela résulte de l'attribution d'un ensemble de compétence qu'il convient d'évoquer.

A cet effet, notre auteur Bernard Charles écrivait «  le parti était le moteur et le cerveau du nouvel Etat» et à Sékou Touré de l'enrichir en affirmant qu'il concentre en ses mains tous les « pouvoirs politique, judiciaire, administratif, économique et technique ». De ces propos on peut rapidement mesurer l'étendue et l'importance des compétences de cette institution. Elle semble être le socle du système. Mais pour mieux saisir ce qui peut être sa fonction, il faut voir cet extrait de discours de Sékou  dans lequel il avance que « donner un sens juridique à l'action du PDG aboutirait, en la subordonnant à la loi, non seulement à priver notre Parti de la prééminence qu'il exerce sur l'ensemble des activités de la nation, mais également à lui retirer la vocation populaire et son efficacité pratique. Il n'appartient pas à l'Etat d'assumer la responsabilité du Parti, mais bien au contraire c'est au Parti que revient la fonction de diriger l'Etat selon les intérêts et la volonté du Peuple »89(*)

De là, il se dégage l'idée selon laquelle le parti n'est autre qu'une organisation de la nation et au-delà e toute autre force politique. Toutes les impulsions part du peuple à travers les organismes de base pour arriver plutard au BPN. Ce dernier est chargé de traduire ces impulsions en décisions qui sont exécutées par la structure administrative de l'Etat. Ainsi, aucune distinction n'est établie entre le parti et l'administration de l'Etat ou l'Etat tout court. C'est pourquoi plus loin il soulignera qu'aucune distinction ne peut être tolérée entre l'Etat et le Parti car si le premier a la pleine compétence d'édicter les valeurs, l'organisation, la direction et le contrôle de ces valeurs sont du ressort du second. Cette norme sera réellement consacrée par la constitution de 1982

Ainsi établi dans ses fonctions, nous devons dégager aussitôt la nature et l'idéologie du PDG.

II. L'IDEOLOGIE ET LA NATURE DU PARTI

Nous exposerons ici, en premier lieu, l'idéologie (A) qui devra nous conduire à mieux cerner la nature du parti (B).

A. L'IDEOLOGIE DU PARTI

Selon le Larousse 2009, l'idéologie est un : «ensemble plus ou moins systématisé de croyances, d'idées, de doctrines influant sur le comportement individuel ou collectif.» Et pour les marxistes c'est la «représentation de la réalité propre à une classe sociale, estimée véridique par celle-ci, mais en réalité dépendante de la place que cette classe occupe dans le mode de production et de son rôle dans la lutte des classe ».

Cela dit, nous nous posons la question de savoir quelle était l'idéologie du Parti Démocratique Guinéen ?

D'apparence beaucoup pourront dire que le PDG était idéologiquement d'obédience marxiste. Cependant, lorsqu'on creuse les analyses plus au fond, il s'annoncera que même si l'usage de vocabulaires marxistes était fréquent dans les discours des dirigeant de ce parti, son idéologie était spéciale en ce sens que les divergences et les différences étaient de conceptions étaient nombreuses. Mais aussi par le fait que Sékou a toujours prétendu construire quelque de purement africain.

En effet, il n'était pas souvent exclu d'entendre dans les discours tenus par Sékou Touré des termes comme : éduquer les masses, inspirations progressistes, l'opportunisme, force motrice, le parti révolutionnaire, les masses laborieuses, la mobilisation des camarades etc.....

Cependant en dépit de ce champ sémantique essentiellement marxiste, Sékou Touré avait toujours insisté sur leur différence avec le marxisme authentique.

Ainsi, il partira d'abord de la négation du matérialisme dialectique qui, selon lui aboutit à l'athéisme, or le peuple guinéen est fortement croyant, étroitement ancré dans les valeurs islamiques depuis plusieurs siècles. Au Fouta par exemple nous avons assisté au royaume théocratique peulh, dans le pays mandingue, l'Almamy Samory Touré fut un djihadiste. Les villes de Tombouctou et de Kankan seront des villes saintes. Donc ce marxiste ne pouvait avoir sa place en Guinée. Partant, il redéfinira, la question des rapports de production. Chez les marxistes, l'exploitation est celle d'une catégorie productive par rapport à une autre; par contre chez Sékou, « l'exploitation n'est conçu que dans le rapport entre la production et la répartition ». Dans cette lancée, il soulignera que la collectivisation des moyens de production ne peut se poser dans une Afrique où la terre a toujours été un bien commun. C'est dans ce cadre qu'il rejette tout aboutissement de la société guinéenne à une société communiste. A ce propos il précise : «nous sommes beaucoup plus soucieux de parvenir rapidement à notre totale émancipation.... que soucieux d'adapter nos conditions et nos réalités à tel ou tel système politique»90(*).

En outre, la question de la lutte des classe n'est différemment traitée que les précédentes. En ce lieu, Sékou déclare : « II n'existe qu'une seule et même classe, celle des dépossédés »92(*). C'est-à-dire que si l'on devait de lutte en Afrique, elle ne serait pas entre différentes couches de la société africaine, mais entre colonisateurs et colonisés. Et par conséquent, on ne saurait concevoir une paysannerie comme moteur de la révolution comme cela est le cas dans les pays industrialisés. En même temps, le dépérissement de l'Etat ne rentre pas dans sa philosophie des choses car pour lui ce dernier assure de grandes fonctions sociales en ce moment assuré par son appareil de terrain qui est le parti. Cet Etat devra évoluer et se perfectionner en s'adaptant au progrès de la société.

Nonobstant, il ne faut jamais écarter l'idée selon laquelle Sékou avait été fortement influencé par le marxisme surtout pendant sa lutte syndicale. Aussi il sera membre du GEC (groupe d'études communistes) de Guinée et affilié au parti communiste français pendant ses fonctions de député. Toutefois, il ressort de cette analyse que s'il a trouvé dans le marxiste les moyens d'organisation et de déploiement pragmatique et réaliste d'une lutte, il s'écarte beaucoup plus de son cadre philosophique et doctrinaire. C'est ce qui lui ferra dire que si dans le marxisme : « les principes d'organisation, de démocratie et de contrôle etc... trouvent parfaitement les moyens de s'adapter aux conditions présentes de l'Afrique », il ne saurait être question de « s'enfermer dans une philosophie abstraites».

En somme, nous pouvons affirmer sans aucun doute que l'idéologie du PDG ne pouvait être autre qu'une « africanisation du marxisme ». C'est aussi le point de vue Bernard Charles pour qui le parti s'inspire de Karl Marx pour enfin plonger dans les authenticités africaines, « le souci de rendre à l'homme d'Afrique sa véritable personnalité ». D'où il affirmera : « Ce retour à des sources proprement africaines prend alors la forme d'un appel à « l'esprit communaucratique » de l'Afrique traditionnelle, à la solidarité qui en était la marque». Cette connaissance du Parti par son idéologie ne peut que faciliter la détermination de nature.

B. LA NATURE DU PARTI

Dès ses débuts, le Parti Démocratique de Guinée s'est refusé d'être un parti ethnique ou régionaliste, il s'est donné la tache de regrouper tous les guinéens dans un même corps politique enfin de pouvoir mieux réaliser l'indépendance. C'est qui ferra de lui un parti de masse regroupant tout le peuple, ce fut le parti unique par le quel la révolution devrait se réaliser : un parti révolutionnaire. Ce sont ces traits qui constituent sa nature et dont il convient d'analyser. Mais avant de commencer, il faut rappeler que le caractère de parti-Etat ne sera plus traité ici car nous l'avions déjà évoqué dans le fonctionnement.

v Un parti de masse : parti du peuple,

Contrairement au parti de masse en URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) ou en Allemagne de l'Est, qui ne regroupait qu'une minorité de la population, le PDG en Guinéen reconnaissait comme membre du parti tous les guinéens. C'est dans ce sens que Sékou avançait que : «tout guinéen est obligatoirement membre du Parti ». « Notre idéologie, nous l'apprenons à nos enfants dès le plus jeune âge. Un guinéen de 8 ans est capable de vous l'expliquer»93(*). C'est dans ce contexte qu'en 1959 le parti compta plus de 800.00094(*) membres, soit 30% de la population guinéenne. Il ne s'agissait donc pas de parti d'élite, mais un parti qui unit toutes les couches d'une nation pour un but bien défini.

De même le système fonctionnement qui connait des rassemblements de foule géante dénote de cette nature de parti de masse que fut le PDG. Mais érigé en parti-Etat, on ne pouvait être que membre ou contre le peuple. C'est ce qui faisait de lui le parti le parti unique.

v Le parti unique

Ce caractère du parti n'est pas difficile à comprendre à partir du moment où le peuple s'y retrouve. Aussi, indiquera son secrétaire général à un journaliste Danois en 1960, le parti unique en Guinée n'est pas comme ceux d'Europe car l'unité dont il est question n'est pas imposée de la tête mais une unité construite d'en bas par la volonté des guinéens d'unifier leur combat contre le colonialisme et leur désir de construire une Nation. Pour cela ils se sont tous retrouvée au sein de la même structure. Et avec l'absence de classe dans la société, il n'y a aucun intérêt de créer une opposition. Sinon la constitution en vigueur (article 40, 1960) consacre la liberté d'association. Mais personne ne se sent dans cette nécessité de se situer en dehors du peuple en action.

En outre, ce caractère fait objet de multiples justifications parmi lesquelles la nécessité d'une unité nationale, le sous-développement qui ne serait pas favorable au multipartisme (cette thèse a été défendue par des auteurs comme Huntington), le dynamisme révolutionnaire. Cette dernière raison, fait du parti, appareil pour la révolution.

v Un parti révolutionnaire

A cet égard, le secrétaire général du parti avait pris soin de souligner, au sujet de certains militants, que la révolution ne signifie pas « révolte ou violence verbale ou violence pratique » mais « un changement qualitatif d'une situation donnée. C'est le passage d'un état inférieur à un supérieure »96(*). C'est donc en ce sens qu'il convient de comprendre de caractère du parti unique guinéen. Cependant cela ne veut pas que la violence est exclue de son champ de bataille. Il est l'incarnation du peuple en révolution permanente pour arracher le pays du carcan de la colonisation. Une révolution qui commencé lorsque la nation fit partir le pouvoir colonial en 1958. Cela plaçait la Guinée dans une situation de supériorité par rapport aux Etats coloniaux. Mais cette révolution n'est pas seulement guinéenne mais africaine aussi : le but du parti étant la décolonisation totale du continent.

Personne ne saurait l'incarner d'après le parti, même si on sait qu'en réalité c'est son secrétaire général qui l'incarne. En tant que parti révolutionnaire, son action touche tous les domaines et ne parle qu'en terme de TOUT d'où son caractère totalitaire.

A la lumière de cette description qui a tenté de mettre en exergue à la fois l'ossature du parti et les idées qui le guide, il peut être retenu que ce parti est bien le fruit de l'histoire de ce pays. Il s'inscrit dans une conception propre du politique qui essaie de joindre africanité et idée moderne. Cela lui a permis d'asseoir une forte légitimité, le conduisant d'ailleurs à se considérer en démocratie authentique. Bien que cette originalité théorique soit un succès pour l'autodétermination politique, beaucoup d'autres faiblesses peuvent être relevé : telle que l'omniprésence du premier leader du parti dont la pensée semble être la plus dominante. Toutefois, pour mieux approfondir notre analyse critique, il conviendra de se pencher sur le Bilan des vingt six ans de la première république.

* 85 Jean Suret-Canale, Notes sur l'économie guinéenne, Recherches africaines. Conakry. Nos. 1-2-3-4, 1964. p. 43-68

* 86 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 87 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

* 88 Ibid. P.328

* 89 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 90 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

91 Ibid. P.322

* 92 Ibid. p.323

* 93 Maurice Jeanjean, Sékou Touré: un totalitarisme africain, Editions L'Harmattan. Paris. 2005. 232 pages

* 94 Charles Bernard. Un parti politique africain : le Parti Démocratique de Guinée. In: Revue française de science politique, 12e année, n°2, 1962. pp. 312-359. doi : 10.3406/rfsp.1962.403373

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_2_403373

95 Ibid. P.315 (le journal La Liberté, 4 mars 1959).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway