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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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II.5.4. Lecture critique de Veritatis Splendor

Les textes pontificaux, dès lors qu'ils touchent au dogme ou à la morale, sont presque inévitablement mal compris et critiqués par les grands médias, les théologiens et même par certains chrétiens. Veritatis splendor n'échappe pas à la règle. L'étendue de la véritable crise dont parle l'encyclique prend toute son ampleur, lorsque l'on constate que le rejet du magistère moral de l'Eglise provient aussi de quelques-uns de ses propres pasteurs.167(*) C'est la raison pour laquelle Veritatis splendor contient dans son troisième chapitre des directives très précises destinées aux évêques et aux théologiens afin qu'ils veillent à la rectitude de l'enseignement catholique délivré sous leur responsabilité - ce que les autres encycliques n'avaient jamais fait aussi clairement.

Partant de ce qui précède, la lettre encyclique de Jean-Paul II, Veritatis splendor, ne laisse pas indifférent par les questions qu'elle pose sur les rapports entre la foi et l'éthique, l'esprit et le corps, la conscience et la vérité. Selon certains auteurs, la pertinence des questions se trouve occultée, d'une part, par leur traitement autoritaire, et d'autre part, par une argumentation fondée sur une théologie obsolète. L'excès de schématisation causée par ces approches déficientes risque d'écarter cette lettre du débat éthique se déroulant dans notre société.168(*)

D'autres auteurs par contre, d'inspiration conséquentialiste ou proportionnaliste critiquent dans une manualistique une conception physiciste de l'objet moral, à laquelle ils proposent de substituer, par souci de cohérence, une considération de l'acte humain comme totalité. Il ne s'agit pas en fait de de refuser l'existence d'actes intrinsèquement mauvais -- ce que tous ces auteurs admettent en principe --, mais de s'interroger sur ce que R. McCormick nomme the key problem: « Quels objets peuvent être caractérisés comme moralement mauvais et sur quel critère? Bien sûr, cette question en cache une autre : qu'est-ce qui doit être pris en compte comme appartenant à l'objet ? » 169(*)

Dans tous les cas, il y a une considération de départ : les normes négatives, qui selon l'enseignement traditionnel proscrivent semper et pro semper certaines actions comme intrinsèquement mauvaises ex objecto, seraient en réalité le fruit d'un processus inductif qui aurait généralisé l'interdiction d'une action physique déterminée -- par exemple le fait de tuer -- en raison du résultat produit par ces actions (fondation téléologique de la norme). Serait a priori exclue la possibilité d'une exception légitime à ce commandement. Mais, bien évidemment, une telle prétention se révélerait rapidement un échec, pour deux raisons: primo, prévoir a priori toutes les situations possibles est une gageure ; secundo, le sens commun reconnaît la légitimité de l'action tuer dans certains cas (légitime défense, guerre juste, etc.).170(*)

D'où un raffinement progressif de la norme, incluant toujours plus de circonstances, de façon à n'admettre aucune exception.

Ainsi, seules sont valables semper et pro semper des normes dites transcendantales (prescrivant des attitudes fondamentales à l' égard des valeurs à respecter dans l'agir concret), tandis que les « normes catégorielles » (prescrivant ou interdisant un comportement concret) valent seulement ut in pluribus, à moins qu'on ne les regarde, comme des tautologies171(*) -- mais elles ne servent alors aucunement à déterminer un mode d'agir concret. C'est dès lors à la raison pratique qu'il revient de déterminer quel comportement convient dans la situation présente, et ce, à chaque fois d'une manière nouvelle, sans qu'elle puisse espérer des normes morales qu'elles lui offrent une solution toute faite.172(*)

Pour ces auteurs, bref, les normes morales jouent un rôle que nous pourrions dire indicatif, en tant qu'elles transmettent l'expérience d'un groupe humain ou de l'humanité, mais sans pouvoir prétendre se substituer à l'individu dans la décision de ce qui doit être fait hic et nunc. L'individu devra prendre en compte ce patrimoine, mais il lui reviendra toujours, en dernière instance, de décider pour telle ou telle option.

A ce propos J. Fuchs affirme : « L'action basique en tant que telle, ses circonstances concrètes et la fin jointe aux circonstances prévisibles, sont considérées ensemble comme l'unique objet de la décision et sont ainsi recherchées dans la décision morale personnelle. C'est en mettant en relation et en évaluant les éléments singuliers (avec leur signification morale respective) de l'unique objet de l'action que l'on parvient à juger laquelle des deux alternatives possibles de comportement est juste ou erronée pour le bien de l'humanité. [...] L'objet de la décision morale qui a lieu en vue d'une action n'est donc pas l'acte basique (par exemple physique) en tant que tel (dans sa signification morale, en tant que fait de tuer , faux témoignage , appropriation, stimulation sexuelle), mais plutôt l'ensemble de l'acte basique, des circonstances particulières et des effets désirés (plus ou moins) prévisibles, donc [la décision morale ne se fait pas] seulement à partir des seules conséquences, comme on le prétend assez souvent. C'est seulement la pondération de ces différents éléments qui permet de juger si l'objet complexif de l'acte (et ainsi l'acte basique en lui) ou son omission est un bien humain. »173(*) 

Partant, on comprend que le pape ait particulièrement insisté sur les principales erreurs de notre temps. Cette analyse, qui est le corps de l'encyclique et qui occupe tout le deuxième chapitre, est d'une puissance et d'une qualité exceptionnelles. Largement d'inspiration thomiste (saint Thomas est cité dix-neuf fois), elle est d'un accès difficile, mais permet de comprendre l'impasse dans laquelle est engagé le monde moderne. Trois points nous semblent particulièrement importants à retenir.

Le premier est la démonstration du lien entre liberté et vérité appuyée sur la parole du Christ : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera » (Jn 8, 32). Il n'y a pas de liberté sans subordination à la vérité : « seule la liberté qui se soumet à la Vérité conduit la personne humaine à son vrai bien », écrit le pape (VS 84). Faute de quoi, l'homme s'émancipe de Dieu et proclame l'autonomie de la raison humaine qui n'a plus aucune norme supérieure pour la guider. C'est l'erreur du rationalisme.

Le second est le subjectivisme qui affirme que la conscience, dès lors qu'elle est sincère - et sans se soucier de savoir si elle a cherché à se former correctement -, décide de façon autonome du bien et du mal. Seule ici compte la bonne intention du sujet. C'est contre cette morale intentionnaliste - et c'est notre troisième point - que l'encyclique rappelle magistralement la doctrine de l'objet en s'appuyant sur l'enseignement de saint Thomas d'Aquin : La bonne intention ou la fin juste du sujet, pas plus que les circonstances légitimes ou les conséquences bienfaisantes qui peuvent en découler, ne suffisent à rendre bon un acte dont l'objet est mauvais. C'est l'objet qui donne principalement la connotation morale objective à tout acte humain. Les intentions et les circonstances -qui doivent également être légitimes pour que l'acte ait sa plénitude de bonté - peuvent atténuer ou augmenter la bonté ou la malice d'un acte, non « transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte «subjectivement» honnête ou défendable comme choix » (VS 81). Seule une doctrine de l'objet rend viable un ordre moral objectif qui permet d'énoncer des normes universelles et permanentes qui obligent sans exception, selon une « détermination rationnelle de la moralité de l'agir humain » (VS 82). Il n'est donc pas suffisant de suivre sa conscience, encore faut-il la former.

* 167 Cfr. Ibid., p. 99.

* 168 A ce propos, lire A. CHAPELLE, « Les enjeux de Veritatis splendor », NRT 115 (1993), p. 801-817;

S. PINCKAERS, « Pour une lecture de Veritatis splendor », dans Cahiers de l ' École Cathédrale, 18, Paris, Mame, 1995; G. COTTIER, « L'encyclique Veritatis splendor», dans Nova et Vetera (1994/1), p.1-13 ; et Y. FLOUCAT, « Les fondements de la morale dans l'encyclique Veritatis splendor », dans RT 96 (1996), p. 269-301.

* 169 R. McCormick « Some Early Reactions to Veritatis splendor », in Theological Studies 55 (1994), p. 481-506.

* 170 Cfr. Ibidem.

* 171 Pour les auteurs qui soutiennent cette thèse, ces normes sont appelées normes de comportement ou normes concrètes. À ce titre, elles ne peuvent valoir semper et pro semper, puisqu' elles n'interdisent qu'un comportement matériel, physique. Le seul moyen de les considérer valables semper et pro semper est de les regarder comme des tautologies, mais elles n'interdisent plus alors un comportement matériel précis : elles sont simplement parénétiques, c'est-à-dire exhortatives, rappelant simplement la nécessité de toujours se situer par rapport à certaines valeurs. Cfr. J. FUCHS, « Storicità e norma morale », dans Ricercando la verità morale... , p. 80-101.

* 172 Cfr. Ibidem.

* 173 Ibidem.

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