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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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II.6. Humanae Vitae : paradigme de la théorie des actes intrinsèquement mauvais

II.6.1. Présentation historique

Humanae Vitae (HV) est une lettre encyclique sur le mariage et la régulation des naissances promulguée par le pape Paul VI le 25 juillet 1968 et rendue publique quatre jours plus tard. Ce titre correspond aux deux premiers mots de la version latine du texte, qui commence ainsi : Humanae vitae tradendae munus gravissimum, c'est-à-dire le très grave devoir de transmettre la vie humaine.

À l'époque, l'encyclique causa la surprise, car elle déclarait intrinsèquement déshonnête toute méthode artificielle de régulation des naissances, réaffirmant ainsi la position traditionnelle de l'Église à l'encontre d'une opinion publique très largement favorable à un assouplissement de la doctrine catholique. Cette prise de position déclencha une profonde crise d'autorité dans l'Église.174(*) De nombreux épiscopats, parmi lesquels l'épiscopat français, rédigèrent des notes pastorales après la publication de cette encyclique soulignant pour la plupart l'enseignement constant de la morale, quand on est dans une alternative de devoirs, c'est-à-dire aux outils de discernement élaborés par la casuistique dans les dilemmes.

A ce propos J. Desclos écrit : « la malchance d'Humanae vitae s'explique en partie par ce défaut de totale cohérence. Après avoir demandé que la théologie morale soit comprise et enseignée en relation avec le mystère du Christ (Optatam totius 16), après avoir dit que le mystère de l'homme prend tout son sens dans le mystère du Christ (Gaudium et spes 22), on ne s'y réfère plus pour parler d'un problème moral fort complexe qui touche de si près à la vie et au bonheur des hommes. » 175(*) 

II.6.2. Analyse

Dans l'encyclique Humanae vitae, Paul VI prend soin de situer son enseignement dans la continuité de Pie XII et du concile Vatican II lorsqu'il déclare: « Ces actes, par lesquels les époux s'unissent dans une chaste intimité, et par le moyen desquels se transmet la vie humaine, sont, comme l'a rappelé le Concile, «honnêtes et dignes» (GS 49), et ils ne cessent pas d'être légitimes si, pour des causes indépendantes de la volonté des conjoints, on prévoit qu'ils seront inféconds : ils restent en effet ordonnés à exprimer et à consolider leur union. De fait, comme l'expérience l'atteste, chaque rencontre conjugale n'engendre pas une nouvelle vie. Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances. Mais l'Église, rappelant les hommes à l'observation de la loi naturelle, interprétée par sa constante doctrine, enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie. » (HV 11)

Paul VI donne ensuite la raison anthropologique : « Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal : union et procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. C'est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation, que l'acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour, et son ordination à la très haute vocation de l'homme à la paternité. Nous pensons que les hommes de notre temps sont particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe fondamental. » (HV 12)

Enfin, après avoir réaffirmé la condamnation de l'avortement, le Pape explicite l'immoralité intrinsèque de l'intervention volontaire dans le processus naturel de la procréation : « Est exclue également toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation. Et on peut invoquer comme raisons valables pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal ou le fait que ces actes constitueraient un tout avec les actes féconds qui ont précédé ou qui suivront, et dont ils partageraient l'unique et identique bonté morale. En vérité, s'il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d'éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien, c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même avec l'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux. C'est donc une erreur de penser qu'un acte conjugal rendu volontairement infécond et, par conséquent, intrinsèquement déshonnête, puisse être rendu honnête par l'ensemble d'une vie conjugale féconde. » (HV 14)

Ces trois citations tirées de l'encyclique Humanae vitae résument, en effet, la position du magistère sur la question des actes intrinsèquement mauvais. Le refus de la contraception est donc fondé sur une conception très cohérente de la sexualité humaine. Les deux significations de la relation conjugale, union et procréation, sont inscrites dans la différence du corps sexué masculin et du corps sexué féminin, différence ordonnée à la communion des personnes. Ainsi le don réciproque et libre des époux assume toute l'épaisseur corporelle de leur personne amoureuse.

En effet, la question de la contraception porte en germe avec elle la question de l'avortement, de la procréation médicalement assistée, des mères porteuses, des manipulations sur les embryons ou encore de la revendication homosexuelle. Bref, se joue ici tout le rapport de l'homme avec son corps sexué et sa capacité de donner la vie. Soit la vie est un don médiatisé par la nature, soit la vie est un matériau de la volonté de l'homme médiatisé par la technique. Au nom du progrès médical et de la recherche du bonheur, on a assisté depuis quelques décennies à la radicalisation de la maîtrise de la nature par l'homme, maîtrise qui détermine en grande partie le projet moderne depuis Descartes.

L'Église, face à ce projet, a cherché à discerner ce qui relevait du légitime développement de la nature cultivée au service de l'homme et ce qui relevait d'une exploitation de la nature aliénante pour l'homme lui-même. La critique de la doctrine magistérielle est toujours faite au nom de l'exception voire de la transgression, c'est-à-dire au prix de contradictions internes. Ici la raison humaine est récusée au nom d'une rationalité instrumentale déterminée par les objectifs de la liberté ou du sentiment. Or, comme la liberté et le sentiment sont inconstants et changeants, peu importe le respect des principes. Quelle est alors la racine d'une telle critique de la raison par l'irrationalité ? Autrement dit, d'où vient que le projet moderne, pourtant explicitement formulé au nom de la raison humaine, ait pour conséquence la chosification de l'être humain et la domination technicienne sur les corps ?

L'Église, « experte en humanité », a nommé dans Humanæ vitæ la source de cette errance : si la raison humaine n'est plus mesurée par autre chose qu'elle-même, elle finit immanquablement dans le délire nihiliste et relativiste. Or sur tout ce qui touche la morale, c'est-à-dire la conduite de la vie humaine et l'orientation de l'action, la raison tire ultimement sa rectitude de son respect de la nature humaine, de ses inclinations vers son vrai bien. Certes, le terme nature apparaît pour beaucoup de nos contemporains comme incompréhensible. « Loi naturelle » désigne pour eux la loi du plus fort, et non pas la formulation par la raison des finalités inscrites dans la nature même de l'humanité.

Mais derrière les malentendus qu'il faut chercher à repérer et à lever, inlassablement, se situe une alternative irréductible : soit la raison humaine reçoit son contenu du réel qui l'éclaire et lui permet d'orienter l'agir humain en vue du vrai bien de l'homme ; soit la raison construit non seulement son objet mais aussi les normes de l'action, elle est alors sa propre mesure. Dès lors, il est bien difficile pour elle de ne pas de proche en proche, légitimer l'arbitraire. On a beau décider d'encadrer les pratiques pour éviter les dérives, c'est finalement au prix de contradictions et de transgressions au terme desquelles la raison se retrouve exsangue et les êtres humains aussi.

Par ailleurs, l'Encyclique Humanæ Vitæ contient la norme morale et sa motivation ou, tout au moins, un approfondissement de ce qui constitue la motivation de la norme. Du reste, comme la norme qui exprime la valeur morale a un caractère d'obligation, il en résulte que les actes conformes à la norme sont moralement droits, les actes contraires sont, à l'inverse, intrinsèquement illicites. L'auteur de l'encyclique souligne qu'une telle norme appartient à la loi naturelle, c'est-à-dire qu'elle est conforme à la raison comme telle. L'Église enseigne cette norme bien qu'elle ne soit pas exprimée formellement (c'est-à-dire littéralement) dans les Saintes Écritures ; elle le fait dans la conviction que l'interprétation de la loi naturelle est de la compétence du magistère. Même si la norme morale, telle qu'elle est formulée dans l'encyclique Humanæ Vitæ, ne se trouve pas littéralement dans la Sainte Écriture, néanmoins, du fait qu'elle est contenue dans la Tradition et - comme l'a écrit le Pape Paul VI - qu'elle a été « maintes fois exposée aux fidèles par le magistère » (HV 12), il résulte que cette norme correspond à l'ensemble de la doctrine révélée contenue dans les sources bibliques (HV 4).

Mais, comme on le sait, depuis sa parution en 1968, Humanae vitae est devenu un terrain de controverses interminables entre le Magistère et les théologiens.

* 174 Dans une atmosphère de remise en cause de l'autorité établie, en Amérique comme en Europe, l'encyclique apparut comme un refus pur et simple de la contraception. L'encyclique souleva une opposition sans précédent à l'intérieur même de l'Église catholique dès sa parution. Paul VI était allé à l'encontre même de l'avis de la commission pontificale d'experts qu'il avait lui-même nommée et qui avait préconisé l'inverse : en effet, sur les 72 membres de celle-ci, la plupart étaient d'accord sur l'autorisation du recours à des moyens artificiels de contraception à l'exception de six de ses membres. Le cardinal Joseph Ratzinger notait en 1995 : Rarement un texte de l'histoire récente du Magistère est devenu à ce point signe de contradiction comme cette encyclique, que Paul VI a écrit à partir d'une décision qui fut pour lui profondément douloureuse. Dans ses mémoires, le cardinal français Roger Etchegaray a parlé de schisme silencieux qui a fragilisé l'autorité [papale]. Lire, M. SEVEGRAND, L'affaire Humanae vitae, Paris, Karthala, 2008.

* 175 J.DESCLOS, Resplendir de vraie liberté. Lectures de Veritatis Splendor. Paris, médiaspaul, 1994, p. 175.

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