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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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III.3. Conscience, fidélité et liberté chez B. Häring

Le thème de la conscience morale a toujours été très cher à Häring. Il s'est d'ailleurs inscrit volontairement dans la tradition de saint Alphonse de Liguori, qu'il a surnommé l'avocat de la conscience.297(*) En fait, saint Alphonse a été le premier théologien catholique à composer un traité spécifique sur la conscience morale, qu'il a significativement placé au seuil de sa Theologia Moralis. Selon Liguori, dans le sens rigoureusement formel, la vie morale se développe dans et avec la conscience de la personne. En soutenant la doctrine du primat de la conscience, à qui revient toujours la promulgation des lois, c'est-à-dire la reconnaissance du caractère contraignant d'un précepte dans des situations concrètes, Alphonse instaure une morale très sensible à l'histoire et aux besoins personnels et, avec cette préoccupation, leur propose la praxis religieuse, la prière par exemple, comme lieu approprié du discernement de la conscience, de l'illumination de la vérité et donc de la rencontre avec Dieu, soit le chemin de salut.298(*)

Le fait que Häring considère la conscience morale selon une perspective religieuse est sans doute redevable à cette influence intellectuelle et spirituelle. D'ailleurs, cette orientation du moraliste allemand s'était déjà manifestée dans La loi du Christ299(*) et a été entérinée par Vatican II qui, dans la constitution Gaudium et spes, a accordé une place centrale à l'aspect religieux dans les paragraphes 16 et 17, dédiés à la conscience morale : la conscience, affirme la Constitution pastorale, « est le centre le plus intime et le plus secret de l'homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS 16).

Préoccupé par l'appauvrissement du concept de conscience dans l'histoire de la théologie, Häring indique comment des courants de la théologie morale ont réduit la conscience morale à la notion de simple faculté, quelques-uns l'identifiant à une faculté de l'intelligence, d'autres à une faculté de la volonté. Fort présent dans le passé, ce réductionnisme se percevrait encore aujourd'hui.

Pour l'auteur, Thomas d'Aquin avait déjà décrit correctement la complexité de cette réalité fondamentale de l'être humain qu'est la conscience, même si son point de départ pour la considérer était son aspect intellectuel et rationnel. Selon Thomas - nous apprend Häring - la conscience est une « conclusion effective de la syndérèse sur ce qui est l'expression correcte de l'amour du prochain, de la justice, etc. »300(*) La syndérèse301(*), quant à elle, « est la qualité innée de l'intelligence pratique comportant les principes moraux dans la mesure où ceux-ci sont immédiatement perçus comme me liant et liant tout être humain. »302(*) Mais cette intelligence ou connaissance du bien ne se réduit pas à son aspect rationnel. Il s'agit tout d'abord d'une connaissance « qui vient du fond du coeur, une connaissance de salut, de plénitude. »303(*) Elle comporte quelque chose d'intuitif qui la pousse vers le bien connu par la raison.

Ce regard sur la conscience morale n'a pourtant pas été entériné par un thomisme postérieur très répandu. Certains théologiens ont tendu à considérer la connaissance du bien sous son seul aspect intellectuel ; on a fait de la conscience morale une instance ou un acte assujetti uniquement au domaine de la raison, une simplification de l'acte de la conscience comme application, sans plus, d'un principe ou d'une loi rationnelle aux circonstances particulières.

Parallèlement à la doctrine thomiste, des penseurs comme Bonaventure, Alexander de Hales et Henri de Gand se sont attachés à démontrer que la conscience est plus liée à la volonté qu'à l'intelligence. Ils démontrent comment la syndérèse qui se concrétise dans les décisions de la conscience est « une disposition innée de la volonté à aimer et désirer ce qui est connu comme le bien », un « amour passionné qui embrase le plus intime de l'homme pour le bien ». La force dynamique de se décider pour ce bien trouve sa source dans la tendance profonde et innée de la volonté à aimer et à se réaliser.

Häring propose une interaction entre les deux modèles moraux, celui de tendance rationnelle et celui de tendance volitive.

III.3.1. Une conscience spécifiquement chrétienne

A plusieurs reprises, Häring s'est refusé à prendre parti dans le débat théologique qui a opposé le projet d'une éthique spécifiquement chrétienne et une conception autonome de la morale.304(*) Selon lui, ce débat est le fruit d'un regard réductionniste de la théologie et de la vie morales; il a lieu d'abord parce que l'on parle de la pratique morale (théologique ou existentielle) généralement circonscrite aux aspects normatifs de l'éthique et ensuite parce qu'il y a un véritable fossé entre la morale et la spiritualité, dans la théologie autant que dans la vie chrétienne.305(*)

L'auteur propose un dépassement de cette problématique à partir d'un élargissement du regard sur la conscience morale en tant que chrétienne. Quand on parle de conscience morale chrétienne, il ne s'agit d'aucune supériorité des chrétiens par rapport aux autres humains. Par-là, on veut indiquer plutôt une configuration propre de la vie de celui dont la conscience « est marquée par sa rencontre avec le Christ, par sa joie d'être une nouvelle créature dans le Christ, et par sa connaissance, à travers le Christ, du Père et de ses frères. »306(*)

La conscience morale chrétienne rencontre son fondement et sa fermeté dans la foi qui est accueil du Christ en tant qu'envoyé du Père. Cette rencontre avec le Christ signifie avant tout l'établissement de nouvelles relations avec Dieu, implique aussi directement de nouvelles relations avec les autres humains et une nouvelle intelligence de soi de celui qui vit la foi. La foi a donc un caractère englobant ; elle influence la vie tout entière du croyant.

Häring signale que saint Paul avait déjà développé cet aspect englobant de la foi surtout en ce qui concerne la vie morale. Pour l'apôtre, « la foi est toute attitude du chrétien, assimilant aussi ses jugements de valeur morale. Le chrétien n'est pas divisé à l'intérieur de lui-même entre une «économie» naturelle, et une autre surnaturelle ; il n'y a qu'un jugement de conscience et il est déterminé par sa foi. »307(*)

Il est certain que la foi ne correspond nullement à un code de lois ou à un catalogue de formulations ni pour Paul ni pour Häring, bien au contraire, comme on le verra par la suite. Elle détermine le jugement de la conscience dans la mesure où celle-ci est une attitude existentielle due à l'adhésion au Christ, une sensibilité face à la vie et à ses composantes, une manière d'articuler celles-ci et de leur donner un sens.

En ce sens, si quelqu'un met la loi et l'obligation en première place dans la vie morale, avant la foi comprise comme grâce librement accueillie, il met en péril l'authenticité de la conscience chrétienne. Alors que le légaliste s'arrête devant une loi abstraite, celui qui a la conscience de la foi, en tournant son attention vers l'amour de Dieu, se libère des lois pour «être libre pour son prochain et devenir fidèle dans le Christ. »308(*)

En effet, la conscience morale connaît un changement de perspective substantiel dans sa manière de juger : les commandements positifs et les commandements de l'Évangile prennent la préséance par rapport aux interdits, la nouvelle Alliance remplace l'ancienne. Les Béatitudes, les commandements but et les fruits de l'Esprit s'imposent dans la morale ; simples parenesis pour une certaine morale, ils deviennent ici des éléments constitutifs d'une éthique normative chrétienne autrement comprise. « Aimer Dieu de tout notre coeur et nous aimer les uns les autres comme le Christ nous a aimés n'est pas pur idéal, mais bien un idéal normatif qui exige que tous nos désirs, actes et efforts soient orientés dans cette direction. Ce haut idéal nous rapproche continuellement du Christ et se montre à la fois plus exigeant et plus gratifiant. »309(*)

* 297 B. HÄRING, « S. Alphonse, l'avocat de la conscience », dans Comunicationes C.Ss.R. 53 (1987).

* 298 Pour Liguori, dont l'oeuvre morale s'organise autour de préoccupations éminemment pastorales, afin d'évaluer la moralité d'un acte, il faut se pencher sur l'ordre de l'intentionnalité et donc sur la conscience morale en action : « le péché formel est dans l'ordre de l'intentionnalité, le péché matériel, quant à lui, est improprement dit péché, car il appartient à l'ordre des faits». Lire T. CRISTINO, La conscience morale et l'encyclique Veritatis Splendor : Présentation et réflexions critiques, Louvain-la-Neuve, 2000, p. 97-101.

* 299 B. HÄRING, La loi du Christ, t. 1. Op. cit., p. 199.

* 300 Ibidem

* 301 La syndérèse est une faculté en l'homme de reconnaître de manière infaillible le bien. Le terme est développé dans la théologie à partir de Jérôme de Stridon, il désigne alors le remords de la conscience présent dans l'homme, et ceci même après le péché originel. Utilisé pour la première fois dans le commentaire de Jérôme de Stridon sur Caïn, premier fils selon la Bible d'Adam et Eve, et auteur du premier crime de l'histoire de l'humanité, Jérôme de Stridon affirme que malgré son crime, Caïn se sait coupable. Cette faculté en lui de reconnaître le bien du mal est alors analysée comme une faculté de l'âme humaine de reconnaître le bien. Lire M. BLAIS, Conscience et syndérèse selon Thomas d'Aquin. Québec, Laval, 2006.

* 302 Ibidem

* 303 Ibidem

* 304 Dans l'après-concile les moralistes ont beaucoup discuté de la question de la spécificité de l'éthique chrétienne. Un des enjeux de ce débat consiste dans la capacité pour l'Eglise de rencontrer les non-chrétiens et même les non-croyants sur un terrain commun, notamment dans un dialogue concernant des questions de société où les chrétiens ont à faire entendre, au nom de leur foi, des convictions à des personnes qui ne partagent pas leurs présupposés. Cfr. B. HÄRING, Le sacré et le bien. Op. Cit., p. 253-258.

* 305 B. HÄRING, Libres dans le Christ. Vol I. Op. cit., p. 295.

* 306 Ibid., p. 299.

* 307 Ibid., p. 290.

* 308 Ibid., p. 293

* 309 Ibid., p. 296

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand