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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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2.Les contrôles de sécurité

De même, la police peut procéder à un contrôle d'identité d'un étranger dont elle a auparavant reçu la photographie, annexée à la copie de la décision préfectorale l'obligeant à quitter le territoire: la personne est alors considérée « connue »851 La reconnaissance visuelle, ici, ne procède pas d'une relation d'interconnaissance, mais du relevé photographique de la personne préalablement effectué. La photographie permet alors d'identifier la personne, identification préalable nécessaire à l'acte d'interpellation. La numérisation des photographies d'identité, qui permet leur conservation et leur transmission rapide, permet ainsi d'étendre les circonstances dans lesquelles le contrôle d'identité est jugé régulier.

Dans le cadre du contrôle de sécurité (art. 78-2 CPP), le contrôle ne vise en principe que l'identification de la personne. Il peut relever soit de la police administrative (il vise alors à « prévenir » une menace à l'ordre public852), soit de la police judiciaire (il vise alors à poursuivre les auteurs d'un trouble ou d'une infraction ou qui se préparaient à commettre une infraction). Un contrôle de police administrative peut toutefois se transformer en contrôle de police judiciaire (si une infraction est relevée lors d'un contrôle institué à titre préventif, la personne sera poursuivie).

L'art. 78-2 distingue quatre types de contrôles: le contrôle faisant suite à un indice ou « une ou plusieurs raisons plausibles » accréditant l'imminence d'une infraction

851 Civ. 2, 25 nov. 1999, pourvoi n° 98-50.045, M. Demingha cl préfet de la Moselle (inédit). Le requérant affirmait non seulement que le contrôle était irrégulier au regard de l'art. 8 de l'ordonnance du 2 nov. 1945, mais aussi que les juges n'avaient pas « répondu à ses conclusions faisant valoir que les informations ayant servi de base au contrôle d'identité provenaient d'un fichier illégal. » La Cour d'appel a considéré qu'en étant « destinataires d'une copie de la décision préfectorale invitant M. Y... à quitter le territoire national, à laquelle était annexée une photographie de celui-ci connaissaient l'intéressé comme étant susceptible d'être en infraction au regard de la législation » sur les étrangers, et que donc la « procédure d'interpellation était régulière sur le fondement tant de l'article 78-2, alinéa ier, du Code de procédure pénale que de l'article 8, alinéa 3, de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ». La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi, sans examiner l'argument du « fichier illégal ».

852 Disposition introduite par la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981.

(al. 1); le contrôle sur réquisition du procureur de la République (al. 2); le contrôle préventif (al. 3); et le contrôle aux frontières (al. 4 et 5).

A. LES CONTRÔLES ADMINISTRATIFS (OU PRÉVENTIFS)

Depuis la loi du 10 août 1993, les contrôles administratifs, introduits par la loi de 1981, visant à « prévenir une atteinte à l'ordre public » (art. 78-2 al.3), peuvent être effectué sur toute personne, « quel que soit son comportement »853, et même si la personne contrôlée n'a aucun lien avec les infractions précédemment relevées dans le secteur854. Mais selon la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, « l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle » (DC n°93323). Le juge judiciaire est de plus appelé à contrôler cette appréciation des circonstances, ainsi que, « s'il y a lieu, le comportement des personnes »855. De manière générale, il considère le contrôle régulier s'il s'effectue dans un périmètre restreint, et que suffisamment d'éléments sérieux et concrets, recensés dans cette zone, sont mentionnés dans le procès-verbal: le métro en général ne constitue pas un tel périmètre restreint, pas plus que la place du Capitole, à Toulouse à 14h30856.

853 « L' identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. » Cf. note de Gérard Blanc, JCP 1995 II 22494 (au sujet de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 19 avril 1994).

854 Cour cass., 2e chambre civile, 26 avril 2001, préfet de police de Paris c. Hamdi.

855 « qu'ainsi il revient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de contrôler en particulier les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de contrôle et de vérification d'identité ; qu'à cette fin il lui appartient d'apprécier, s'il y a lieu, le comportement des personnes concernées » (DC n°93-323)

856 Cf. Cour cass., crim., 4 oct. 1984, et conc. de l'avocat général Dontenwille et note de M. Roujou de Boubée (Dalloz, 1985): l'ensemble du métro n'est pas un « lieu déterminé » où la sûreté des personnes est constamment menacée. Un procès-verbal ne mentionnait que... le plan Vigipirate, ce qui a conduit à la nullité du contrôle (Civ. 2,18 mars 1998, Bull. n° 94, p. 57, M. Zhou c/ préfet de Police de Paris). Cf. aussi Crim., 17 déc. 1996, n°96-82-829, Bull. crim. 1996 N° 470 p. 1366 : la Cour d'appel a justifié sa décision en constatant l'irrégularité du contrôle d'identité d'un prévenu (par la suite déféré pour comparution immédiate pour entrée ou séjour irrégulier), le procès-verbal se bornant à une référence abstraite à de « nombreuses infractions » commises sur le lieu de l'interpellation (place du Capitole, Toulouse, 14h30) sans invoquer aucune circonstance particulière à l'espèce pouvant établir la réalité du risque d'atteinte à l'ordre public.

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B. LES CONTRÔLES SUR RÉQUISITION DU PROCUREUR

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Le contrôle sur réquisition du procureur de la République est autorisé sur « toute personne, dans les lieux et pour une période de temps déterminée » par ce dernier, dispensant ainsi la police de motiver les contrôles (art. 78-2-2). L'autorité judiciaire vérifie alors que le contrôle a bien été opéré dans les lieux définis857.

C. LE CONTRÔLE AUX FRONTIÈRES

Le contrôle aux frontières, limité à une certaine zone frontalière (ainsi que certaines gares ouvertes au trafic international, des aéroports, etc.), peut viser « toute personne (...) en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi ». Le comportement de la personne n'a pas à être, dans ce cas, pris en compte8 8. Cependant, si le contrôle vise autre chose que la possession des titres de séjour (par exemple une infraction à la législation sur les stupéfiants), il doit être motivé conformément aux alinéas 1 à 3 de l'art. 78-2859.

D. LE CONTRÔLE JUDICIAIRE ET LE « SIGNALEMENT » : QU'EST-CE QU'ÊTRE « CONNU » DE LA POLICE.

Un « contrôle judiciaire » (78-2 al. i) peut être effectué s'il y a « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » que la personne se préparait à commettre une infraction, délit ou crime, « ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête » ou qu'elle « fait l'objet de recherches ordonnées

857 Cf. par ex. Civ. 2, 4 fév. 1998, Bull. N°43, p.27: la Cour de cassation considère qu'un contrôle effectué dans le métro alors que la réquisition du procureur ne visait qu'un terrain en surface était effectivement irrégulier.

858 Civ. 1, 25 mars 2009, n°08-11587, Bull. 2009, I, n° 68

859 Cass., crim., 3 mai 2007, req. N°07-81331, Bulletin criminel 2007, N° 117

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par l'autorité judiciaire ». C'est donc sur cette notion de « raisons plausibles » que se concentre les contentieux866

Interprétant la notion d' « indices » (avant qu'elle ne soit remplacée en 2003 par celle de « raisons plausibles »861), une circulaire évoquait alors comme exemples « le comportement anormal de la personne » (en particulier le fait de fuir862); « la présence de la personne sur le lieu de l'infraction au moment où elle a été commise (...) »; « le fait qu'il existe contre une personne des éléments positifs montrant qu'elle a eu la possibilité matérielle de commettre l'infraction (...), alors qu'elle a déjà dans le passé été mise en cause, poursuivie ou condamnée pour des faits similaires »; ou encore « le fait que la personne avait des raisons plausibles de commettre l'infraction (par exemple elle vivait en mauvaise intelligence avec la victime (...)). »863

Nous avons là, déjà, une interférence entre le registre social du face-à-face et de la connaissance de proximité et le registre de l'identification par l'écrit: comment savoir qu'une personne a déjà été « mise en cause » dans le passé, notion s'approchant de l'expression « connue des services de police », sans l'avoir préalablement reconnue et identifiée? L'identification par l'écrit vise ici, de toute évidence, à confirmer l'opération de re-connaissance déjà effectuée sur le fondement de relations sociales. Or, celles-ci viennent parasiter l'ordre juridique du contrôle: si celui-ci vise à identifier une personne susceptible d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, les indices permettant de considérer qu'il y a effectivement des « raisons plausibles » de soupçonner tel individu incluent le fait qu'il soit « déjà connu » et

86° Contentieux nombreux. Le contrôle d'identité du passager d'un véhicule gênant la circulation est, entre mille exemples, régulier (Cass., civ. 1, 15 mai 2008, req. N°07-15361, non publié).

861 C'est la loi n°2003-239 sur la sécurité intérieure (« loi Sarkozy ») qui a remplacé la notion d' « indice » par celle de « raisons plausibles ». Cela avait provoqué de vives débats en raison du caractère large de la notion de « raisons plausibles », le sénateur R. Badinter déclarant par exemple: « C'est parce qu'il y a des indices qu'on a des raisons, mais si on fait disparaître les « indices », il ne reste plus que la subjectivité. Donc, je ne vois vraiment pas pourquoi nous devrions changer un concept connu de notre droit. » (séance au Sénat du 7 fév. 2002 - la modification avait alors été supprimée, avant d'être ré-introduite plus tard), ou Dreyfus-Schmidt (PS) : « Car des « raisons plausibles », cela peut être n'importe quoi, par exemple le délit de sale gueule . » (séance au Sénat du 14 nov. 2002)

862 Cependant, la Cour de Casssation a pu jugé que faire demi-tour, à la vue d'une patrouille anti-criminalité, pour rentrer dans une voiture garée devant la gare de Trappes, ne constituait pas un « indice » suffisant (Civ. 2,18 mars 1998, Bull. n° 93, p. 56, M. Ghouli c/ préfet des Yvelines).

863 Circulaire du 10 janvier 2002, « application des dispositions relatives à la garde à vue résultant de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes », Bulletin officiel du Ministère de la justice (BOMJ), n°85, janvier-mars 2002.

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identifié: la reconnaissance visuelle n'est possible que parce que le sujet a antérieurement été identifié par son état civil. L'opération de contrôle tourne en boucle sur elle-même, les personnes déjà identifiées, c'est-à-dire ayant antérieurement été contrôlées, étant d'autant plus suspectes, parce que reconnaissables, et donc susceptibles d'être contrôlées.

Il ne s'agit toutefois là pas seulement d'un fait sociologique, celui du contrôle des individus « connus des services de police », mais d'un phénomène propre à l'ordre juridique lui-même, qui inclut le registre de l'identification par le face-à-face, l'opération de reconnaissance visuelle, à l'intérieur du champ de l'identification écrite et du cadre du contrôle d'identité. La Cour de cassation a d'ailleurs confirmé un arrêt qui avait rejeté l'invocation de l'irrégularité du contrôle d'identité, au cours duquel les policiers avaient arrêté un étranger qu'ils « connaissaient » pour avoir diligenté à son encontre, antérieurement, une procédure ayant abouti à une reconduite à la frontière864. Elle juge aussi que les contrôles effectués en vertu de l'art. 78-2, lorsque la police avait reçue de la préfecture une photographie d'une personne en infraction à la législation sur les étrangers, étaient réguliers865. De même, elle a pu admettre les contrôles effectués en vertu d'un « signalement » préalable du « suspect », même si ce signalement provient d'une dénonciation anonyme866; des arrêts plus récents exigent toutefois que ces dénonciations soient corroborées867. Elle juge aussi « non

864 Crim., 7 vr. 1996, pourvoi n° 95-84.884, M. Arfaoui (inédit). Cf. aussi Cass., crim., 17 mai 1995 N° de pourvoi: 94-85231, Bulletin criminel 1995 N° 177 p. 492. S. Trassoudaine (2001) rapproche l'arrêt de 1996 précité de l'arrêt Demingha du 25 nov. 1999 (précité), ainsi que de celui où la Cour casse un « un arrêt qui avait prononcé la nullité du procès-verbal d'interpellation et de toute la procédure subséquente, alors que les agents de police judiciaire ayant procédé au contrôle d' identité de l'intéressé -défavorablement connu de leurs services, faisant l'objet d'une fiche de recherches et dont ils avaient constaté, à l'occasion de cette vérification, que, de nationalité italienne, il était recherché en exécution d'un arrêté d' expulsion du ministre de l'Intérieur- connaissaient celui-ci et pouvaient présumer qu'il commettait une infraction à la législation relative aux étrangers. » (Crim., 16 juill. 1996, Bull. crim. n° 298, p. 905, Procureur général près la cour d'appel de Grenoble c/ M. Pagano).

865 Cf. arrêt Demingha du 25 nov. 1999 précité. Cf. aussi Cass., civ. 1, 6 juillet 2005, req. N°04-50094, Bulletin 2005 I N° 310 p. 259

866 Outre les arrêts précités, cf. Cour cass., crim., 3o juin 1993 ,n°: 93-81923 (non publié): le pourvoi, rejeté, de Gambela Cardozo mettait pourtant en avant que le signalement (individu de « race noire » qui « "essayait de pénétrer dans les véhicules en stationnement ») provenait d'une dénonciation anonyme à la police.

867 Cass., civ. 1, 31 mai 2005, req. N°04-50033 , Bulletin 2005 I N° 234 p. 197 : une femme est dénoncée anonymement, par téléphone, pour infraction à la législation sur les étrangers, la dénonciation fournissant son état civil et son adresse; l'OPJ se rend à domicile, et effectue un contrôle d'identité, la personne lui donnant son passeport, sans visa, à la suite de laquelle une vérification au fichier national des étrangers confirme son irrégularité. « Mais attendu qu'une dénonciation anonyme non corroborée par d'autres éléments d'information ni confortée par des vérifications apportant des éléments précis et concordants ne constitue pas une raison plausible de soupçonner qu'une personne a commis ou tenté de commettre une infraction (...) Que c'est, en conséquence à bon droit, que, pour

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déloyale » l'interpellation d'un étranger, sous le coup d'un arrêté d'expulsion, qui se présente « spontanément » (sans être convoqué) dans une préfecture pour obtenir un récépissé de titre de séjour; la Cour d'appel soulignant que l'homme était en l'espèce « parfaitement connu des services préfectoraux qui pouvaient facilement l'identifier » puisqu'il « avait coutume de se présenter spontanément tous les trois mois depuis l'expiration de son titre de séjour le 14 janvier 2004 pour obtenir la remise de récépissés », et que donc « l'agent préfectoral avait reconnu Monsieur X... et a pu le désigner aux services de police comme étant une personne en train de commettre une infraction ; que de ce point de vue, le contrôle d'identité est donc régulier de la part des policiers à qui Monsieur X... avait été présenté par un fonctionnaire de la Préfecture comme étant en infraction à un arrêté d'expulsion »868.

prononcer la nullité du contrôle d'identité de Mlle X..., l'ordonnance retient que sur une dénonciation anonyme de sa présence à l'adresse indiquée, les fonctionnaires de police ont effectué un contrôle d'identité sur la personne qui leur a ouvert la porte, sans procéder à la recherche préalable de renseignements administratifs concernant l'identité de la personne dénoncée et que dans ces conditions, il n'existait pas, en l'état de la seule dénonciation anonyme et les premières vérifications administratives étant seulement postérieures au contrôle d'identité, des raisons plausibles de soupçonner que Mlle X... commettait le délit de séjour irrégulier en France » (nous soulignons). Cf. aussi Cass., crim., 20 juin 2007, req. N°06-89208, non publié; Cass., crim., 8 avril 2008, req. N°0787718 , non publié.

868 Civ. 1, 11 mars 2009, n° de pourvoi 07-21961, Bull. 2009, I, n° 51

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand